Autorité de la chose jugée, indemnité d’occupation et prescription.

Par Sébastien Lagoutte, Juriste.

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Explorer : # prescription # indemnité d'occupation # autorité de la chose jugée # indivision

L’autorité de la chose jugée s’attachant à une décision ayant déclaré une personne redevable, envers une indivision, d’une indemnité d’occupation peut-elle tenir en échec la prescription quinquennale acquise postérieurement à cette décision ?

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Une femme a occupé un immeuble dont ses parents, décédés, étaient propriétaires.

Intervenu au cours des opérations de liquidation et de partage de leurs successions, un arrêt irrévocable du 26 Février 1997 a « dit qu’il sera dû à l’indivision par la fille une indemnité pour l’occupation de l’appartement (...) sur la base de 1 200 francs (182,94 euros) à réévaluer chaque année en fonction de l’indice INSEE de la construction, à compter du mois de Juillet 1979 jusqu’à la date du partage définitif  » et a renvoyé les parties devant le notaire liquidateur.

Le 18 décembre 2008, le Tribunal a été saisi au vu du procès-verbal de difficultés dressé par le notaire.

La fille soutient en premier lieu qu’au regard du dispositif de l’arrêt du 26 février 1997, elle n’a fait l’objet d’aucune condamnation de ce chef et qu’ainsi le notaire ne pouvait la considérer comme débitrice en indemnités d’occupation et intérêts moratoires à la somme de 136.943, 22 € (comptes arrêtés au 31 décembre 2006).

Mais les juges du fonds ont estimé que, par l’arrêt précité, la cour avait arrêté le principe et le quantum de l’indemnité d’occupation due par la fille à l’indivision remontant à plus de 5 ans.

En effet, en la matière il ne pouvait jamais être prononcé de « condamnation », les décisions rendues avant le partage ayant pour objet de fixer le droit de chacun des indivisaires dans la ou les successions dont s’agit, et de permettre ainsi au notaire commis de procéder aux opérations de comptes-liquidation-partage.

L’arrêt en date du 26 février 1997 a donc autorité de chose jugée sur les sommes dues par la fille au titre de l’indemnité d’occupation pour la période allant du mois de juillet 1979 jusqu’au jour dudit arrêt.

En revanche, pour la période postérieure à cette date, la prescription quinquennale s’applique, en raison de la nature de la créance, au recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de la nouvelle demande en paiement présentée par requête du 18 décembre 2008.

L’hoirie ne peut donc prétendre au paiement de l’arriéré de l’indemnité d’occupation pour la période qui a couru du 27 février 1997 jusqu’au 17 décembre 2003 inclus.

Reprochant à cette décision d’avoir rejeté sa demande tendant à voir prescrites les indemnités d’occupation dues pour toute la période antérieure aux cinq dernières années, la fille a formé un pourvoi en cassation aux termes duquel elle soutient qu’aucune recherche relative à l’indemnité due par un indivisaire pour la jouissance privative d’un bien indivis n’est recevable plus de cinq ans après la date à laquelle cette indemnité aurait pu être perçue.

L’autorité de la chose jugée s’attachant à une précédente décision ayant déclaré l’intéressé redevable, envers l’indivision, d’une indemnité d’occupation pendant toute la période comprise entre la naissance de l’indivision et la date du partage effectif, ne peut tenir en échec la prescription quinquennale acquise postérieurement à cette décision, dont l’effet extinctif est venu modifier la situation antérieurement reconnue en justice.

Selon elle, il s’ensuit qu’à défaut de nouvel acte interruptif de prescription antérieur au 18 décembre 2008 et tendant au recouvrement des indemnités d’occupation dues par elle en exécution du précédent arrêt du 26 février 1997, l’indivision était désormais irrecevable, en raison de la nature de la créance litigieuse, à prétendre au paiement d’une indemnité d’occupation pour toute la période antérieure au 17 décembre 2003, sans qu’il y ait lieu de distinguer entre les sommes déjà échues à la date de l’arrêt du 26 février 1997 et les échéances postérieures, qui étaient les unes comme les autres désormais prescrites.

La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’intéressée : selon la Cour suprême, seuls les arriérés échus postérieurement à une décision judiciaire, ayant force exécutoire, qui a reconnu une créance d’indemnité d’occupation, échappent, en raison de la nature de la créance, à l’interversion de prescription résultant de cette décision.

Ainsi, après avoir relevé que l’arrêt du 26 février 1997 était passé en force de chose jugée sur le principe et le montant de l’indemnité d’occupation due par la fille, la cour d’appel a retenu à bon droit que ce n’était que pour la période postérieure à cet arrêt que s’appliquait la prescription quinquennale, de sorte que l’indivision ne pouvait prétendre au paiement de l’arriéré de l’indemnité d’occupation pour la période qui avait couru du 27 février 1997 au 17 décembre 2003.

Cass. 1ère Civ. 10 Juillet 2013, pourvoi n°12-13.850

Sébastien LAGOUTTE
Président Cabinet SL CONSULTING CONSILIUM
www.cabinet-sl-consulting.com
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