L’article 1641 du Code civil pose le principe que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rende impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.
Les actes de vente contiennent de manière quasi systématique lorsque le vendeur et l’acquéreur sont des profanes et que le bien vendu n’est pas un immeuble neuf, une clause de non garantie qui peut être rédigée comme suit :
« Le vendeur ne sera pas tenu à la garantie des vices cachés pouvant affecter le sol, le sous-sol ou les bâtiments »
ou encore
« Il est expressément convenu que l’acquéreur prendra le bien vendu dans l’état où il se trouvera le jour de l’entrée en jouissance, sans garantie du vendeur et sans pouvoir prétendre à aucune indemnité ni réduction du prix pour mauvais état du sol ou des bâtiments, vices ou défauts de toute nature apparents ou cachés ».
Aux termes de cette clause, l’acquéreur accepte le bien qui lui a été vendu dans son état actuel avec tous ses vices et défauts apparents ou cachés, s’il y en a, sans pouvoir élever de réclamation, ni prétendre à une indemnité ou diminution de prix.
Si la Cour de cassation a déjà admis l’efficacité des clauses par laquelle les parties s’accordent à ce que le bien soit vendu « en l’état », l’efficacité de cette clause reste néanmoins subordonnée à la bonne foi du vendeur.
I. La condition de mise en œuvre de la garantie en présence d’une clause d’exonération.
Pour pouvoir engager la responsabilité du vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés, l’acquéreur doit prouver de manière cumulative que :
- le vice était antérieur à la vente ;
- le vendeur est de mauvaise foi : est de mauvaise foi le vendeur qui connaissait l’existence du vice avant la vente et qui ne l’a pas révélé à l’acquéreur. A titre d’exemple, la jurisprudence a considéré qu’un vendeur qui avait dissimulé l’existence de fissure à l’acquéreur, l’inconstructibilité d’un terrain en raison de la pollution antérieure [1] ou encore un défaut d’étanchéité d’une toiture camouflée par le vendeur [2].
La jurisprudence considère que le vice doit nécessairement être grave pour rendre l’immeuble impropre à sa destination comme la présence d’humidité rendant l’immeuble inhabitable, le défaut de raccordement à l’assainissement collectif, un défaut d’étanchéité ou encore une toiture défaillante.
Ainsi la clause de non garantie des vices cachés est inefficace dès lors que vendeur connaissait le vice avant la vente et ne l’a pas révélé à l’acquéreur [3].
Il faut en outre que ce vice soit indécelable pour un acquéreur normalement diligent.
L’article 1642 du Code civil dispose que :
« Le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ».
En effet, les juges du fond déboutent systématiquement les actions fondées sur l’article 1641 civil en raison par exemple du caractère apparent des fissures sur l’immeuble vendu.
Au visa de l’article 1642 du Code civil, la Cour de cassation a récemment approuvé cette solution [4].
L’article 1648 du Code civil pose le principe que l’action doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
Ce délai biennal est considéré comme un délai de prescription depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 21 juillet 2023 [5].
La troisième chambre civile Cour de cassation a rappelé récemment cette solution aux termes d’un arrêt en date du 15 février 2024 [6].
L’acquéreur pourra demander au choix la résolution de la vente ou une diminution du prix [7].
II. La preuve du vice caché : la nécessité de demander une expertise judiciaire.
L’appréciation du vice et de son antériorité relève le plus souvent d’une appréciation d’un technicien ou d’un expert.
Il appartient ainsi au vendeur de saisir le juge des référés sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile pour demander la désignation d’un expert judiciaire.
Le juge des référés ordonnera une expertise dès lors que le demandeur démontre l’existence d’un motif légitime.
Autrement dit, le requérant doit fournir au juge des éléments démontrant que la demande présentée a un intérêt pour la résolution d’un litige ayant un objet et un fondement précis et non manifestement voué à l’échec.
Il conviendra, par exemple, de produire un constat d’huissier qui permettra de démontrer la matérialité des désordres ou un rapport d’expertise privé.
L’expert judiciaire aura pour mission d’identifier les causes du désordre et la date de survenance du vice.
L’expert aura également pour mission de proposer les travaux et leurs coûts pour remédier aux désordres.
Si l’expertise judiciaire présente l’inconvénient non négligeable d’un coût relativement important, la Cour de cassation pose le principe qu’un rapport d’expert amiable non contradictoire constitue une preuve que le Juge ne peut refuser d’examiner, mais qui ne suffit pas à fonder la condamnation d’une partie en l’absence d’autres éléments [8].
SI le rapport d’expertise ne lie et ne s’impose pas au juge, dans la majorité des cas, les juridictions se fondent sur le rapport d’expertise pour rendre leur décision.
Pendant la mesure d’expertise judiciaire, le délai biennal est suspendu pendant les opérations d’expertises jusqu’à la date du dépôt du rapport par l’expert [9].