I. La Transmission Universelle de Patrimoine (TUP).
Qu’est-ce que la Transmission Universelle de Patrimoine (TUP) ? C’est un mécanisme juridique par lequel l’intégralité du patrimoine d’une société est transféré à une autre société sans qu’il soit nécessaire de procéder à une liquidation.
En effet, l’article 1844-5 du Code civil dispose que :
« La réunion de toutes les parts sociales en une seule main n’entraîne pas la dissolution de plein droit de la société. (…). En cas de dissolution, celle-ci entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l’associé unique, sans qu’il y ait lieu à liquidation. Les créanciers peuvent faire opposition à la dissolution dans le délai de trente jours à compter de la publication de celle-ci »
Jusqu’au 30 septembre dernier, la mise en œuvre d’une TUP nécessitait principalement une simple décision de dissolution prise par l’associé unique et la publication d’un avis de dissolution dans un journal d’annonces légales. Ainsi, le point de départ du délai d’opposition des créanciers, courait à partir de la date du dépôt de la publicité légale pour une période de trente jours.
En effet, la publication de l’opération au BODACC n’était pas exigée dans le cadre d’une TUP.
Or, ce mécanisme de dissolution sans liquidation a pu être détourné à des fins frauduleuses, notamment au profit de sociétés étrangères.
L’origine de ce décret puise sa source dans la volonté de limiter la fraude.
II. Renforcement de la publicité : l’obligation de publication au BODACC.
Publication d’un livre blanc par les greffiers des tribunaux de Commerce :
Ce Livre Blanc mentionnait 15 propositions pour renforcer la lutte contre la criminalité financière
La proposition n°10 s’articulait de la sorte :
« En pratique, l’opération se déroule en premier lieu par la publication d’un avis de dissolution par transmission universelle du patrimoine dans un journal d’annonces légales. La date de publication de l’avis dans le journal d’annonces légales est le point de départ du délai d’opposition qui est légalement fixé à trente jours. Concrètement, le mode opératoire du fraudeur consiste à faire publier l’avis dans le journal d’annonces légales, puis d’attendre 30 jours sans déclarer la dissolution au registre du commerce et des sociétés. A l’issue du délai de 30 jours, les formalités au RCS sont effectuées en une seule fois : dépôt de la formalité de dissolution par TUP, dépôt de l’avis publié dans le journal d’annonces légales, dépôt de la formalité de radiation du RCS. Le fait de ne publier d’abord que dans un journal d’annonces légales l’opération juridique ne permet pas d’informer rapidement les tiers afin qu’ils puissent former opposition (le délai des 30 jours n’étant pas arrivé à son terme). Les tiers ne se manifestent qu’à la suite de la publication par le greffier de la radiation de l’associé unique et de la transmission universelle du patrimoine. Or, le délai d’opposition est déjà écoulé ».
Le décret n° 2024-751 du 7 juillet 2024 est donc venu remplacer une trop fragile procédure :
À compter du 1ᵉʳ octobre 2024, des changements significatifs entreront en vigueur à la suite de la publication du décret n°2024-751 du 7 juillet 2024. Ces modifications visent à renforcer la transparence et à lutter contre les pratiques frauduleuses.
La modification la plus significative concerne la publication de l’avis de dissolution au Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales (BODACC), et non plus dans un simple journal d’annonces légales.
L’article 8 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 est ainsi modifié, version en vigueur à partir du 1ᵉʳ octobre 2024 :
« L’associé entre les mains duquel sont réunies toutes les parts sociales peut, à tout moment, dissoudre la société par déclaration au greffe du tribunal de commerce en vue de la mention de la dissolution au registre du commerce et des sociétés.
Le délai d’opposition prévu au troisième alinéa de l’article 1844-5 du Code civil court à compter de la publication de la dissolution faite au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales ».
La date de publication au BODACC devient obligatoire et déterminante, car elle marquera désormais le point de départ du délai d’opposition de 30 jours ouvert aux créanciers.
Ce nouveau dispositif rend plus difficile l’utilisation abusive de la TUP comme moyen d’échapper aux dettes fiscales et sociales. En centralisant la publication au niveau national via le BODACC, les autorités fiscales et les privilèges bénéficieront d’un accès plus rapide et plus large à l’information, leur ainsi d’exercer plus efficacement leur droit d’opposition.
Pour rappel, le BODACC est un bulletin national qui recense et publie les actes enregistrés au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS), il assure la publicité des informations essentielles concernant la vie des entreprises françaises). Cette publication, en garantissant la transparence des opérations commerciales, vise à protéger les intérêts des tiers, notamment les créanciers, les cocontractants et les partenaires économiques.