Dans cette affaire, plusieurs syndicats des copropriétaires avaient assigné une société en remboursement de sommes qu’ils estimaient avoir indûment payées pour assurer la réparation d’une fuite sur une canalisation d’adduction d’eau potable.
La juridiction de proximité saisie avait rejeté le moyen d’irrecevabilité présenté par la société relatif au défaut d’autorisation du syndic d’agir en justice et condamné celle-ci à rembourser aux syndicats le montant des réparations, ainsi qu’à leur payer des dommages-intérêts au motif que l’action des syndicats dirigée contre la société visait à faire reconnaître qu’ils avaient payé sans devoir y être tenus.
La juridiction de proximité estimait ainsi que l’action diligentée par le syndic pour le compte des syndicats des copropriétaires était recevable sans une décision d’assemblée générale de copropriétaires.
La troisième chambre civile de la Cour de cassation censure la décision du juge de proximité et donne ainsi raison à la société, puisqu’elle retient dans son arrêt que « l’action du syndic en remboursement de sommes payées au titre de la réparation de la canalisation, qui supposait au préalable d’apprécier qui devait prendre en charge les travaux, nécessitait une autorisation de l’assemblée générale ».
Cette décision met en lumière la question des actions en justice que peut mettre en œuvre le syndic de sa seule initiative, et celles nécessitant obligatoirement une autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires.
En préambule, il doit être rappelé qu’au titre des missions du syndic énoncées à l’article 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, il est mentionné que « le syndic est chargé de représenter le syndicat en justice ».
Le syndicat des copropriétaires est obligatoirement représenté par le syndic dans les actions judiciaires dans lesquelles il entend intervenir.
Le syndic a en effet un monopole de représentation du syndicat des copropriétaires : une procédure diligentée par le président du conseil syndical ou voire même par le conseil syndical serait irrecevable.
L’article 55 alinéa 1 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pose pour règle de principe que le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l’assemblée générale.
Le syndic ne peut donc agir en principe en justice que s’il est autorisé par l’assemblée générale des copropriétaires.
L’autorisation du syndic requiert une décision de l’assemblée générale donnée à la majorité de l’article 24 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, c’est-à-dire à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés. Il est utile de préciser que c’est la production du procès-verbal par le syndic qui permet d’établir si nécessaire la preuve de l’autorisation donnée par l’assemblée.
Par ailleurs, la décision de l’assemblée générale relative à l’autorisation d’agir en justice doit être formulée dans des termes clairs : habiliter le syndic à engager une procédure judiciaire « pour les parties communes » n’est pas suffisamment précis. L’objet de l’autorisation doit être défini.
En outre, la décision doit être scrupuleusement respectée par le syndic : par exemple, le syndic ne peut pas saisir le juge administratif lorsque le mandat donné concerne l’autorisation d’engager toute procédure judiciaire. De même, l’autorisation d’agir en résiliation d’un bail ne lui permet pas d’agir en nullité de ce bail.
Le syndic autorisé à agir en justice dispose néanmoins d’une certaine autonomie dans la conduite de la procédure, puisque sauf limitation expresse donnée dans la décision de l’assemblée générale des copropriétaires, le syndic peut engager toutes les actions qui vont de concert avec l’objectif de l’habilitation donnée par le syndicat.
Il a été jugé que le syndic pouvait sans autorisation exercer un appel en garantie (Cass. 3 e civ., 30 novembre 2004).
Pendant longtemps, il était de jurisprudence constante que le syndic pouvait interjeter appel sans autorisation de l’assemblée, que le syndic ait été demandeur ou défendeur en première instance (Cass. 3e civ., 8 juillet 1992, Cass. 3e civ., 7 septembre 2010 dans le même sens pour la recevabilité de l’appel formé par le syndic malgré une opposition ultérieure de l’assemblée générale).
Un arrêt récent n° 14-16-106 rendu le 16 septembre 2015 par la Cour de cassation a contredit cette position, puisque dans cette affaire, il avait été constaté que l’appel du syndicat des copropriétaires avait été formé par un syndic dépourvu de mandat et que le délai d’appel était déjà expiré lorsque le mandat du syndic avait été régularisé par la suite par le syndicat des copropriétaires. Par précaution, il est vivement conseillé d’obtenir une autorisation de l’assemblée générale pour effectuer les voies de recours.
La conséquence de l’absence d’autorisation du syndic est que les actions en justice du syndicat des copropriétaires diligentées par le syndic sont irrecevables, étant précisé néanmoins qu’une régularisation a posteriori par l’assemblée générale est possible pour autant que les délais de procédure ne soient pas expirés (délai d’appel par exemple) ou qu’une décision définitive ne soit pas intervenue (en appel par exemple).
Le législateur a prévu des exceptions au principe de la nécessité pour le syndic d’obtenir au préalable une autorisation de l’assemblée générale d’agir en justice.
En effet, pour des motifs tenant notamment à l’urgence ou à la nécessité de préserver les intérêts financiers du syndicat des copropriétaires, l’article 55 alinéa 2 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 habilite le syndic à agir au nom du syndicat des copropriétaires sans autorisation de l’assemblée générale.
Ledit article prévoit ainsi qu’une telle autorisation n’est pas nécessaire pour les actions suivantes :
les actions en recouvrement de créance,
la mise en œuvre des voies d’exécution forcée (saisie-attribution, saisie-vente…) à l’exception de la saisie en vue de la vente d’un lot (saisie immobilière),
les mesures conservatoires (inscription d’hypothèque judiciaire provisoire, requête en désignation d’huissier..),
les demandes qui relèvent des pouvoirs du juge des référés (désignation d’un expert, demande de suppression sous astreinte de travaux irréguliers..), ainsi que pour défendre aux actions intentées contre le syndicat.
Elle n’est pas non plus nécessaire pour les saisines du président du tribunal de grande instance dans des hypothèses particulières (désignation d’un administrateur provisoire ou d’un mandataire ad hoc, procédure de carence).
La loi prévoit enfin que dans tous les cas, le syndic rend compte à la prochaine assemblée générale des actions introduites. Le syndic a donc une obligation d’information à l’égard des copropriétaires concernant les procédures en cours au sein de la copropriété.
L’article 59 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 rappelle cette obligation d’information générale et mentionne ainsi qu’à l’occasion de tous litiges dont est saisie une juridiction et qui concernent le fonctionnement d’un syndicat ou dans lesquels le syndicat est partie, le syndic avise chaque copropriétaire de l’existence et de l’objet de l’instance.
Discussion en cours :
Mon cher confrère,
Le sujet de la transaction éventuelle sur l’objet du litige pour lequel le syndic agit (avec autorisation de l’ag) en cours d’expertise par exemple, n’est pas abordé dans votre article.
Selon vous, l’ag doit elle voter à nouveau pour que le syndic puisse transiger valablement ou bien son mandat d’action judiciaire englobe-t-il cette prérogative ?
Merci de votre temps et de votre réponse.
Votre bien dévoué.