Sur l’application de la jurisprudence Czabaj au contentieux contractuel.

Par Valérie de Sigoyer, Avocate.

6753 lectures 1re Parution: Modifié: 5  /5

Explorer : # sécurité juridique # contentieux contractuel # délai raisonnable

S’interroger sur l’application de la jurisprudence Czabaj au contentieux contractuel induit de cerner au préalable les contours de cet arrêt d’Assemblée rendu par le Conseil d’Etat [1]. A la suite de quoi il sera analysé comment cette décision - intervenue dans le cadre d’un contentieux relativement circonscrit - n’a cessé de trouver des hypothèses diversifiées d’application, y compris en matière contractuelle. Toutefois, en matière contractuelle, si la passation entre dans le champ d’application de la jurisprudence Czabaj, il en va différemment de l’exécution.

-

1. Les contours de la jurisprudence Czabaj.

Quelle était la nature de la problématique dont le Conseil d’Etat s’est trouvé saisi ?

Un requérant avait demandé au Tribunal administratif de Lille d’annuler l’arrêté du 24 juin 1991 du ministre de l’Economie et des finances lui concédant une pension de retraite, en tant que cet arrêté ne prenait pas en compte la bonification pour enfants prévue par certaines dispositions du Code des pensions civiles et militaires de retraite.

Sans doute la notification était-elle incomplète au regard des dispositions de l’article R421-5 du Code de justice administrative, faute de préciser si le recours pouvait être porté devant la juridiction administrative ou une juridiction spécialisée. Aussi, la question se posait-elle de savoir si le délai de deux mois fixé par l’article R421-1 du même code lui était opposable - ou pas, pour un recours introduit vingt-deux ans après la notification de l’arrêté contesté.

Mais le Conseil d’Etat, dans un considérant de principe, a jugé que :

« Considérant toutefois que le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ; qu’en une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le Code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable ; qu’en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance ».

Autrement dit, le Conseil d’Etat a considéré que la sécurité juridique devait - en quelque sorte - prévaloir sur la légalité, passé le délai « raisonnable » d’un an à l’expiration duquel une décision a été expressément notifiée ou à l’expiration duquel il est établi que le requérant en a eu connaissance. Sur ce point, il sera observé que la notion de délai raisonnable a antérieurement été mise en œuvre par les juridictions communautaires. Ainsi, la Cour de justice de l’Union européenne a-t-elle jugé qu’en l’absence de délai de recours prévu pour les recours de certains agents, leurs recours devaient être exercés dans un délai raisonnable ; passé ce délai, leurs recours sont irrecevables [2].

Qu’en est-il du délai de un an ? Pourquoi cette durée a-t-elle été retenue par le Conseil d’Etat ?

Ainsi que l’a relevé la doctrine, le « délai de 1 an a été fixé de manière prétorienne (…). Ce délai ne figure dans aucun texte et ne relève d’aucun principe général. Dans l’affaire Czabaj, il avait été expliqué par la référence à la durée la plus élevée pratiquée par les pays européens (en tout état de cause, c’est le délai qui était retenu en Allemagne (…) » [3].

2. L’application de la jurisprudence Czabaj aux actes administratifs individuels, à l’exclusion des actes règlementaires.

A titre liminaire, il sera observé que la contestation d’un acte règlementaire et d’un acte individuel ne pose pas la même problématique, tant il est vrai que la publication d’un acte règlementaire régit son entrée en vigueur et le point de départ du délai de recours contentieux ; à cette circonstance, il doit être ajouté que l’exception d’illégalité peut être invoquée contre un acte règlementaire et l’abrogation pour l’avenir peut être sollicitée par un recours qui serait dirigé contre un refus d’abroger.

Aussi, l’obligation d’introduire un recours dans un délai « raisonnable » ne se pose-t-il pas dans les mêmes termes, selon qu’il s’agit d’un acte individuel ou d’un acte règlementaire - faute pour les actes règlementaires de faire l’objet d’une notification.

Pour le reste, tous les actes administratifs individuels ont vocation à entrer dans le périmètre de la jurisprudence Czabaj. Ainsi, en est-il allé à titre d’exemple des titres exécutoires : « S’agissant des titres exécutoires, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait son destinataire, le délai raisonnable ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre, ou à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance » [4] ou de décisions expresses à objet purement pécuniaire [5].

Toutefois, le Conseil d’Etat a refusé d’étendre la jurisprudence Czabaj aux recours tendant à l’engagement de la responsabilité des collectivités publiques, motif pris de ce que la sécurité juridique était assurée 6 dans cette hypothèse 6 par les règles de prescription prévues par la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics, lesquelles posent le principe de la prescription quadriennale prévu par l’article 1er de la loi précitée :

« Sont prescrites, au profit de l’Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis.

Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d’un comptable public ».

Ainsi, en a décidé le Conseil d’Etat [6] en jugeant que la jurisprudence Czabaj ne pouvait trouver à s’appliquer :

« (…) cette règle ne trouve pas à s’appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d’une personne publique qui, s’ils doivent être précédés d’une réclamation auprès de l’administration, ne tendent pas à l’annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l’effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics ou, en ce qui concerne la réparation des dommages corporels, par l’article L1142-28 du Code de la santé publique ».

Pour rappel, le délai de prescription quadriennale court pour les sommes dues en vertu d’un contrat, à compter de l’exercice où la prestation a été réalisée [7].

C’est dans ce contexte que la question s’est posée de savoir si cette jurisprudence dite Czabaj s’appliquait au contentieux contractuel ; autrement dit, un délai « raisonnable » de un an s’applique-t-il dans le cadre des contentieux contractuels ?

3. L’application de la jurisprudence Czabaj au contentieux contractuel.

A cette question, il peut être répondu oui et non ! Oui, pour la passation et non, pour l’exécution.

3.1. L’application de la jurisprudence Czabaj au contentieux contractuel de la passation.

A titre liminaire, il sera rappelé qu’au stade de la passation, divers contentieux peuvent être introduits :
- des référés, précontractuel avant la signature du contrat et contractuel après la signature du contrat ;
- le recours en contestation de la validité du contrat ;
- et des recours pour excès de pouvoir, dans des hypothèses circonscrites comme la déclaration sans suite du fait de l’abandon d’une procédure de passation ou la contestation des clauses règlementaires d’un contrat.

Sans doute les décisions de justice sont-elles encore éparses et sans doute est-il acquis que le Conseil d’Etat n’a pas tranché cette question. Néanmoins, la solution issue de l’arrêt d’Assemblée du Conseil d’Etat a été appliquée au domaine contractuel par les premiers juges ainsi que par les juges d’appel, ainsi qu’il sera exposé ci-après.

Ainsi, le Tribunal administratif de la Réunion [8] a jugé - en citant expressément l’arrêt Czabaj - à propos d’une procédure d’urgence que :

« Considérant que le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance ; qu’en une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le Code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable ; qu’en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance (…) ;

Considérant que le principe énoncé ci-dessus, applicable au contentieux général, ne saurait être regardé comme incompatible avec les procédures de référé ; qu’à leur égard, la notion de délai raisonnable doit cependant donner lieu à une définition particulière, de nature à répondre aux considérations d’urgence inhérentes à l’office du juge des référés ; qu’en ce qui concerne le référé précontractuel (…), il y a lieu de constater qu’en règle générale et sous réserve de circonstances particulières dont se prévaudrait le concurrent évincé, le délai raisonnable de saisine du juge ne saurait excéder trois mois à compter de la date à laquelle il a eu pleinement connaissance de la décision d’éviction (…) ».

Le Tribunal administratif de Lyon [9] en a jugé de même, après avoir rappelé le considérant de principe de l’arrêt Czabaj : « Selon l’article 37 du CCAG applicable aux marchés publics de prestations intellectuelles (…). Ces stipulations n’imposent aucun délai, à peine de forclusion, entre le rejet d’un mémoire en réclamation et la saisine du juge du contrat.

Néanmoins, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance ; qu’en une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le Code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable.

Il résulte de l’instruction que les Pompes funèbres intercommunales de l’agglomération lyonnaise, maître d’ouvrage des travaux, ont résilié le contrat de maîtrise d’œuvre par une décision du 13 février 2015. La société A a, le 15 mai suivant, réceptionné le décompte de résiliation du marché daté du 13 mai 2015. Elle a, par un courrier du 15 juillet 2015, soit dans le délai de deux mois qui lui était imparti à compter de la naissance du différend intervenu à la date de la notification du décompte de résiliation, formé un mémoire de réclamation. Ce dernier a été reçu, par télécopie, le jour-même par les Pompes funèbres intercommunales de l’agglomération lyonnaise. Une décision implicite de rejet de cette demande est donc née le 15 septembre 2015, et la société A n’était recevable à saisir le juge du contrat que dans le délai raisonnable d’un an ayant commencé à courir à cette date (…) ».

De façon plus typique encore, le Tribunal administratif de Lille [10] a considéré qu’un tiers pouvait contester la validité d’un contrat, dans un délai d’un an après avoir eu connaissance du contrat en cause :

« A l’issue d’une procédure d’appel à projets, un protocole d’accord portant sur la réalisation d’un programme immobilier de commerces et de logements sur le site des écoles du Parc de la marine et du bâtiment des Affaires maritimes a été signé le 14 mars 2016 par la communauté urbaine de Dunkerque, la commune de Dunkerque et la société Vinci Immobilier. La société Berobe, membre d’un groupement d’opérateurs dont l’offre n’a pas été retenue, conteste la validité de ce contrat, qui comporte une clause, concernant le choix du maître d’œuvre et du projet architectural, impliquant qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs. (…)

Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment un contrat administratif dans le cas où l’administration a omis de mettre en œuvre des mesures de publicité appropriées. En cette hypothèse, les tiers ne peuvent exercer de recours juridictionnel contre le contrat au-delà d’un délai raisonnable, qui ne saurait, sous réserve de circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, excéder un an à compter de la date à laquelle celui-ci en a eu connaissance.

Il n’est pas contesté qu’une copie du protocole d’accord signé par les parties a été communiquée le 7 mars 2016 à la société Berobe, sur sa demande de documents en date du 28 janvier 2016. Le présent recours contre ce contrat a été enregistré au greffe du tribunal le 27 juillet 2017, soit plus d’un an après que la société Berobe en a eu connaissance certaine (…) ».

Dans le prolongement de ce jugement, la Cour administrative d’appel de Marseille [11] vient de juger que :

« Il résulte de l’instruction que l’avis d’attribution du contrat a été publié au Bulletin officiel des annonces de marchés publics le 9 octobre 2010. La SAS Seateam Aviation, alors même que cet avis ne mentionnait par les modalités de consultation du contrat, disposait d’un délai d’un an, soit jusqu’au 10 octobre 2011, pour exercer un recours juridictionnel contestant la validité du contrat. Si elle fait valoir qu’elle a introduit un premier recours en contestation devant le Tribunal administratif de Toulon le 4 juin 2012, qui a été rejeté par jugement n° 1201487 du 17 octobre 2014 au motif qu’elle n’avait ni produit l’acte d’engagement signé par le ministre de la défense et l’attributaire du marché, ni justifié d’une impossibilité d’obtenir ce document, cette circonstance est en l’espèce sans incidence sur l’application du délai raisonnable d’un an mentionné au point précédent. Par suite, les conclusions contestant la validité du contrat présentées par la SAS Seateam Aviation devant le Tribunal administratif de Toulon le 15 octobre 2015, plus d’un an après la publication de l’avis d’attribution du contrat, sont tardives et par suite irrecevables ».

Et elle a ajouté, à propos des conclusions indemnitaires, que :

« En vue d’obtenir réparation de ses droits lésés, le concurrent évincé a la possibilité de présenter devant le juge du contrat des conclusions indemnitaires, à titre accessoire ou complémentaire à ses conclusions à fin de résiliation ou d’annulation du contrat. La présentation de conclusions indemnitaires par le concurrent évincé n’est pas soumise au délai de deux mois suivant l’accomplissement des mesures de publicité du contrat, applicable aux seules conclusions tendant à sa résiliation ou à son annulation.

La règle mentionnée précédemment au point 5 ne trouve pas à s’appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d’une personne publique. De tels recours, s’ils doivent être précédés d’une réclamation auprès de l’administration, ne tendent pas à l’annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l’effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics ».

Aussi, de l’analyse de ces jurisprudences, il résulte que la solution issue de l’arrêt Czabaj a été étendue aux contentieux contractuels, y compris à un recours en contestation de la validité du contrat. Autrement dit, un tiers peut contester la validité d’un contrat dans un délai d’un an à compter de la date à laquelle il a eu connaissance certaine dudit contrat.

Mais lorsque le recours en contestation de la validité du contrat est assorti de conclusions indemnitaires tendant à la réparation du préjudice né de l’éviction irrégulière d’une procédure de passation, il y a alors lieu de distinguer entre le délai du recours en contestation de la validité du contrat et le délai de présentation à titre accessoire de conclusions indemnitaires. Autrement posé, (i) le délai raisonnable de un an s’applique au recours en contestation de la validité du contrat, faute pour le délai de recours contentieux d’être opposable [12] et (ii) les conclusions indemnitaires accessoires d’un candidat évincé sont soumises à la prescription quadriennale prévue par la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics [13] et non pas au délai raisonnable, tel qu’il est issu de l’arrêt Czabaj.

Une question s’impose : cette jurisprudence, qui s’applique aux contrats, s’applique-t-elle également aux avenants, lesquels constituent des modifications contractuelles en cours d’exécution ?

Tel est assurément le cas dans l’hypothèse où un avenant, irrégulièrement conclu, doit être en réalité analysé comme un nouveau contrat - notamment parce qu’il ne respecte pas les hypothèses de modifications en cours d’exécution contractuelle visées aux articles R2194-1 et suivants du Code de la commande publique.

Autrement dit, tant les contrats que les avenants peuvent être attaqués par le biais d’un recours en contestation de la validité du contrat à compter de la date à laquelle ces documents sont communiqués aux candidats évincés et qu’une connaissance acquise en résulte - le délai de un an s’appliquant alors. Et ce postulat permet un équilibre entre le principe de sécurité juridique et la légalité, dès lors qu’il peut s’écouler un temps - parfois significatif - entre la date de signature de l’avenant et la date à laquelle le candidat évincé en obtient communication, le cas échéant après saisine de la Commission d’accès aux documents administratifs et du Tribunal administratif compétent pour statuer sur le refus de communication.

3.2. L’inapplication de la jurisprudence Czabaj au contentieux contractuel de l’exécution.

A la différence du contentieux de la passation, la jurisprudence Czabaj ne s’applique pas au contentieux contractuel de l’exécution.

Ainsi, la Cour administrative d’appel de Marseille a-t-elle jugé que la jurisprudence Czabaj ne s’appliquait pas à l’hypothèse selon laquelle un cocontractant engage la responsabilité contractuelle de l’administration en vue d’obtenir la réparation d’un préjudice résultant du refus d’appliquer l’une des stipulations de la convention de délégation de service public [14].

Dans le même sens, la Cour administrative de Lyon a jugé que la règle issue de la jurisprudence Czabaj « ne trouve pas à s’appliquer aux litiges relatifs au règlement financier d’un marché », lesquels sont régis par des règles spécifiques de prescription [15].

Conclusion.

En guise de résumé, si la jurisprudence Czabaj s’applique dans certains cas, elle ne s’applique pas dans d’autres. Ainsi, la règle qui est issue de cette jurisprudence s’applique aux recours en contestation de la validité du contrat. Mais elle ne s’applique ni à une action en responsabilité introduite par un candidat évincé et tendant à la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière ni à une action en responsabilité contractuelle dirigée contre l’administration, et qui tendrait à l’indemnisation du préjudice trouvant sa source dans une faute contractuelle ou au paiement d’une somme d’argent.

Pour le dire autrement, si des règles de prescription spécifiques existent, la jurisprudence Czabaj ne s’applique pas.

Sans doute le principe de sécurité juridique tend-il ainsi à prévaloir sur le principe de légalité - de façon assez subtile toutefois. Or, comme le disait Billy Wilder, « Bien sûr, il faut de la subtilité ; mais veillez à ce qu’elle soit évidente » !

Valérie de Sigoyer, Avocate à la Cour,
Barreau de Paris
VDS Avocats
https://www.linkedin.com/in/val%C3%A9rie-de-sigoyer-00b72361/

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

4 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

[1CE, Ass., 13 juillet 2016, n°387763, Czabaj.

[2CJUE, 28 février 2003, aff. C-334/12, Arango Jaramillo c/BEI.

[3Hélène Pauliat, Czabaj, cinq ans déjà ! JCP A et C n°29, 19 juillet 2021, 2240.

[4CE, 16 avril 2019, n°422004, Communauté d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines.

[5CE, 9 mars 2018, n°405355, Communauté de communes du pays roussillonnais.

[6CE, 17 juin 2019, n°413097, Centre hospitalier de Vichy.

[7CE, 26 octobre 1939, Rec. 544, Urbain.

[8TA de la Saint-Denis de la Réunion, Ordonnance du 19 octobre 2016, n°1601022, Société réunionnaise de Bureautique.

[9TA de Lyon, 12 juillet 2018, n°1609526, Société A.

[10TA de Lille, 15 octobre 2019, n°1706673, Sté Berobe.

[11CAA de Marseille, 25 avril 2022, n°19MA05387, SAS Seateam Aviation.

[12CE, Ass., 13 juillet 2016, Req. n°387763, Czabaj.

[13CE, 17 juin 2019, Req. n°413097, Centre hospitalier de Vichy.

[14CAA de Marseille, 17 mai 2021, n°19MA03353, Société d’équipement et d’entretien des réseaux communaux.

[15CAA de Lyon, 7 octobre 2021, n°21LY00022, Société Majolane de Construction.

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 320 membres, 27838 articles, 127 254 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Voici le Palmarès Choiseul "Futur du droit" : Les 40 qui font le futur du droit.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs