Arrêt UsedSoft GmbH : la question de la vente de logiciels d’occasion ou reconditionnés.

Par Marie-Avril Roux Steinkühler, Avocat.

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Explorer : # vente de logiciels d'occasion # droit de distribution # Épuisement des droits # protection des droits d'auteur

En Allemagne, la revente de logiciels d’occasion est une pratique répandue et le marché est important. De nombreux fournisseurs proposent aujourd’hui de racheter des licences de logiciels comme on achèterait une voiture d’occasion à son précédent propriétaire. Cela parait curieux pour un objet immatériel ? Cela ne l’est plus aujourd’hui à l’ère du tout digital.

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La Cour de Justice de l’Union Européenne était venue clarifier la situation dans un arrêt du 3 juillet 2012 (Arrêt UsedSoft GmbH, aff. C-128/11) suite à un renvoi préjudiciel de la Cour Fédérale de Justice allemande (Bundesgerichtshof).

La question concernait l’épuisement du droit de distribution de l’auteur du logiciel et la protection de son droit exclusif. Au sein de l’Union européenne, la théorie de l’épuisement des droits de propriété intellectuelle développée par la Cour de justice de l’UE se traduit par la perte d’une partie des droits d’auteur après leur première utilisation. Cela permet la conciliation entre l’intérêt économique de la circulation des biens et services dans le marché intérieur et les prérogatives reconnues aux titulaires de ces droits dont le droit exclusif de reproduction fait également partie.

Lorsque une œuvre est distribuée sur un support physique, ce dernier permet facilement, dans le cadre d’une revente, de priver le précédent propriétaire de l’usage de l’œuvre pour la transmettre à son nouveau propriétaire, le droit de reproduction du titulaire de droit est ainsi protégé, il n’y a pas de nouvelle reproduction.

Dans le cas des logiciels et d’une large partie des nouvelles créations dans le domaine des nouvelles technologies, le support disparait, se substituant à un simple téléchargement, généralement proposé gratuitement par le titulaire des droits dans le cadre d’un contrat de licence. La question de la violation du droit de reproduction se pose donc si l’acquéreur initial et les acquéreurs successifs disposent respectivement d’une copie de l’œuvre au même moment.

Désormais la Cour considère que le droit de distribution de la copie d’un programme d’ordinateur est épuisé si le titulaire du droit d’auteur, qui a autorisé le téléchargement de cette copie sur un support informatique au moyen d’internet a également conféré, moyennant le paiement d’un prix destiné à lui permettre d’obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de la copie de l’œuvre dont il est propriétaire, un droit d’usage de ladite copie, sans limitation de durée.

La Cour ajoute également qu’afin d’éviter la violation du droit exclusif du titulaire des droits d’auteur à la reproduction de son logiciel, l’acquéreur initial doit rendre inutilisable la copie téléchargée sur son ordinateur eu moment de la revente de celle-ci.

La Cour précise enfin que l’acquéreur d’un groupe de licence n’utilisant qu’une partie de ses droits n’est pas autorisé à revendre à un second acquéreur, le reste de ses droits non-utilisés. Dans une telle hypothèse, l’acquéreur initial n’aurait en effet pas rendu inutilisable la copie téléchargée auprès du titulaire des droits d’auteur.

Ainsi sont fixées les quatre conditions à respecter dans le cadre de la revente des logiciels d’occasion. La Cour Européenne va même plus loin et affirme que sous réserve du respect de ces conditions et en dépit de dispositions contractuelles contraires, le titulaire du droit d’auteur ne peut plus s’opposer à la revente d’une copie, matérielle ou immatérielle du logiciel tout en incitant ce dernier à recourir à des mesures techniques de protection contre la revente illégale.

Cet arrêt de la CJUE a ouvert clairement un nouveau marché du logiciel d’occasion sur le territoire de l’Union européenne et avec lui, de nombreuses problématiques émergentes en termes de preuve de la suppression de la copie du logiciel par l’acquéreur initial (audit, clés de produit etc.) ou de garantie de l’acquéreur initial auprès des acquéreurs successifs en cas de de blocage des droits d’utilisation par le titulaire du droit d’auteur ou d’action en responsabilité pour violation de son droit exclusif de distribution.

Un cabinet spécialisé peut accompagner des clients européens sur ce marché afin de garantir la sécurité de la chaîne de droits attachés au logiciel de l’acquéreur initial jusqu’à l’utilisateur final.

Marie-Avril Roux Steinkühler LL.M.
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