Sécurité des immeubles menaçant ruine et péril imminent : les pouvoirs de l’expert judiciaire et du Maire face aux droits des occupants et des propriétaires.

Par Valentin Bergue, Avocat.

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Explorer : # sécurité publique # expert judiciaire # droits des occupants # procédure administrative

Ce que vous allez lire ici :

La procédure « immeuble menaçant ruine » vise à protéger la sécurité publique tout en respectant les droits des occupants. Elle permet des mesures d'urgence, comme l'évacuation, encadrées par l'expertise contradictoire. Les arrêtés, de mise en sécurité ou de péril, doivent concilier réactivité administrative et garanties procédurales.
Description rédigée par l'IA du Village

Après l’identification et le signalement d’un immeuble menaçant ruine, les autorités compétentes doivent mettre en œuvre des mesures pour assurer la sécurité publique.

Cet article se concentre sur les phases qui suivent immédiatement la nomination de l’expert judiciaire et notamment le déroulement des opérations d’expertise contradictoire avant la mise en œuvre des pouvoirs de police administrative par le moyen d’un arrêté de péril ou un arrêté de mise en sécurité. Cette phase se caractérise par la recherche constante de l’équilibre entre l’urgence de l’action administrative et le respect des droits des propriétaires et des occupants.

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Les opérations d’expertises contradictoires sous l’égide de la procédure de référé « immeuble menaçant ruine ».

Le cadre juridique de la procédure « immeuble menaçant ruine » s’articule autour d’un ensemble de dispositions du Code de justice administrative (CJA). L’article R556-1 du CJA, spécifique à cette procédure, renvoie aux articles R531-1 et suivants, qui eux, régissent le référé-constat. Ces derniers font à leur tour référence partiellement aux articles R621-3 et suivants, lesquels organisent les mesures d’expertise au sein du contentieux administratif.

A leurs aunes, les opérations d’expertise doivent garantir le caractère contradictoire, avec une notification préalable aux parties des dates et heures des opérations. L’expert devra consigner les observations des parties, qui ont l’obligation de fournir les documents jugés nécessaires par l’expert.

Dans le contexte de ces opérations et en vertu de l’article R621-7 du CJA, l’expert devra rendre utile le principe du contradictoire en communicant tous les éléments nécessaires aux parties afin qu’elles puissent produire leurs observations. Dans ce sens, la communication aux parties d’un pré-rapport d’expertise aux fins de production de dires, à l’instar des pratiques observées durant les procédures d’expertise judiciaire, doit être encouragée par les juridictions administratives.

Cette procédure de référé « immeuble menaçant ruine » a la particularité d’être astreint à des délais contraints en raison des intérêts graves qu’elle tend à conserver et protéger. La balance de la garantie de ces intérêts au détriment des garanties procédurales ne doit pourtant pas conduire à l’extinction du principe du contradictoire.

Les pouvoirs exceptionnels de l’expert au titre de l’urgence : l’injonction au Maire d’ordonner l’évacuation de l’immeuble sans contradictoire.

Lors des opérations d’expertise et avant la restitution de son rapport, l’expert nommé par le tribunal administratif est en mesure d’enjoindre à l’autorité administrative de prendre des mesures particulièrement coercitives pour les occupants.

L’expert peut ainsi enjoindre la Mairie à ordonner l’évacuation sans délai de l’immeuble.

Cette évacuation immédiate est particulièrement attentatoire aux droits des occupants et est ordonnée sans procédure contradictoire préalable.

Au terme de sa mission, l’expert dépose son rapport définitif auprès du tribunal administratif et le notifie aux parties. Ce rapport contient toutes les constatations utiles et ses prescriptions pour la sauvegarde de l’immeuble.

La procédure de référé « immeuble menaçant ruine » confère à l’expert judiciaire des prérogatives exceptionnelles, notamment le pouvoir d’enjoindre à l’autorité administrative l’évacuation immédiate de l’immeuble.

Cette faculté, exercée sans procédure contradictoire préalable, illustre la primauté accordée à la sécurité publique dans ces situations d’urgence.

Arrêtés de mise en sécurité ou de péril : des interventions graduées face aux immeubles menaçant ruine.

La mise en œuvre de la police administrative des immeubles menaçant ruine se décline en deux procédures distinctes : l’arrêté de mise en sécurité et l’arrêté de péril.

Sur la base du rapport d’évaluation, du rapport d’expertise ordonné par le tribunal administratif ou, cas plus rare, du rapport du directeur de l’Agence régionale de santé, ainsi que des prescriptions que ces rapports contiennent, l’autorité compétente, le Maire, décidera de prendre un arrêté de mise en sécurité ou de prendre, en cas d’urgence, un arrêté de péril.

L’arrêté de mise en sécurité s’applique lorsque la situation permet une intervention planifiée non-urgente. Il détaille les travaux de réparation, d’aménagement et de renforcement structurel nécessaires. Cette procédure, encadrée par l’article R511-3 du Code de la construction et de l’habitation (CCH), inclut une phase contradictoire. Les propriétaires peuvent ainsi présenter leurs observations et proposer des solutions alternatives avant la prise de l’arrêté.

En revanche, l’arrêté de péril, prévu par l’article L511-19 du CCH, s’impose en cas de danger imminent et manifeste. Cette procédure d’urgence, plus radicale, impose une intervention immédiate pour sécuriser l’immeuble et ses occupants.

L’urgence à intervenir est donc le critère qui distingue les situations où le danger imminent et manifeste impose une intervention immédiate par un arrêté de péril, des autres situations où un simple arrêté de mise en sécurité suffira pour garantir la sauvegarde de l’immeuble.

La mission de l’expert face à un immeuble menaçant ruine : la difficile conciliation entre efficacité administrative et protection des droits.

La procédure relative aux immeubles menaçant ruine relève donc d’un équilibre délicat entre les principes directeurs du droit de l’urbanisme, du droit de la construction et les impératifs de sécurité publique.

L’éventail des arrêtés - mise en sécurité et péril - permet à l’expert nommé par le tribunal administratif de proposer aux autorités administratives un arsenal juridique nuancé, permettant d’adapter leur réponse à la gravité de chaque situation.

Cette procédure concilie l’urgence de l’action administrative avec le respect des droits des propriétaires et occupants, notamment à travers l’introduction du contradictoire lors de la procédure d’expertise.

Cependant, sa mise en œuvre pratique par les collectivités interroge quant à la juste pondération entre la célérité nécessaire pour assurer la sécurité publique et les garanties procédurales accordées aux parties concernées, notamment quand celles-ci subissent une interdiction d’occupation de l’immeuble.

A ce titre, des immeubles qui pourraient faire l’objet d’un arrêté de mise en sécurité, seront ainsi soumis à un arrêté de péril avec interdiction d’occupation. L’expert a la lourde charge d’apprécier la gravité de la situation.

L’enjeu majeur de cette procédure réside donc dans la mise en œuvre pratique de ce cadre juridique, qui doit permettre une intervention efficace des autorités et de l’expert tout en préservant un équilibre entre les impératifs de sécurité et les droits individuels des occupants.

Valentin Bergue
Urbanisme et environnement - Avocat au barreau de Bayonne
Droit administratif - Droit de l’environnement
vb chez bergue-avocat.com
www.bergue-avocat.com

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  • Bonjour,
    Exerçant dans ce domaine, je me permets une petite précision sur les deux procédures abordées dans cet article et sur la dénomination des arrêtés :

    > En cas d’absence de danger imminent, l’autorité compétente ouvre en effet une phase contradictoire préalable à la prise d’un arrêté de mise en sécurité ordinaire, sans recours à un expert (sauf en cas de doute).

    > En cas de danger imminent, l’autorité compétente peut demander au TA la désignation d’un expert aux fins d’évaluer l’imminence du danger et les mesures conservatoires à prendre, mais le recours à l’expert n’est pas obligatoire (bien que recommandé pour sécuriser la procédure). L’arrêté pris est un arrêté de mise en sécurité d’urgence.
    Le terme "arrêté de péril" n’est plus utilisé juridiquement (sauf procédures antérieures à l’ordonnance du 16 septembre 2020 entrée en vigueur le 1er janvier 2021.

    Il s’agit dans tous les cas d’arrêtés de mise en sécurité, soit d’urgence, soit ordinaires.

    • par Me Valentin BERGUE , Le 29 novembre 2024 à 09:45

      Madame,
      Je vous remercie pour vos remarques pertinentes qui viennent utilement compléter mon précédent article.
      Mon article précédent sur le sujet s’était focalisé sur l’engagement de la procédure d’expertise afin d’identifier les immeubles menaçant ruine. Le présent article se place dans la continuité en traitant des opérations d’expertise et des suites pouvant y être données.
      Vous avez raison de rappeler que l’expert n’est pas obligatoire dans cette procédure, mais, ainsi que vous avez pu le constater, qu’il reste fortement recommandé afin de sécuriser la procédure. L’expert aura en effet un rôle déterminant pour apprécier l’imminence du danger et prescrire les mesures conservatoires à mettre en œuvre. Son intervention permettra de fonder l’arrêté de mise en sécurité d’urgence.
      Dans ce sens, je tiens à souligner l’importance du recours à une ordonnance du Tribunal administratif afin de pouvoir faire constater les désordres dans les parties privatives et en cas d’opposition des occupants, d’obtenir une ordonnance devant le juge judiciaire pour pénétrer dans les locaux.
      Concernant la terminologie, bien que l’ordonnance du 16 septembre 2020 ait effectivement remplacé les termes "arrêté de péril ordinaire" et "arrêté de péril imminent" par "arrêté de mise en sécurité", force est de constater que les praticiens continuent d’utiliser l’ancienne terminologie. En outre, le Code de la construction et de l’habitation lui-même y fait encore référence, notamment aux articles L511-6 et L543-1. La jurisprudence récente emploie également toujours ces termes, comme en atteste un arrêt publié au bulletin de la Cour de cassation ( CCASS, 3ème civ., 21 septembre 2022 n°21-21.102).
      Il n’en demeure pas moins que votre précision permet de garder à l’esprit la nouvelle terminologie issue de l’ordonnance de 2020, quand bien même l’ancienne resterait d’usage dans la pratique.
      Au plaisir de pouvoir échanger avec vous sur ces sujets,
      Cordialement,
      Me V. BERGUE

    • par Sophie Quinquet , Le 5 décembre 2024 à 13:08

      Bonjour,
      Merci pour votre réponse.
      C’est simplement que si on veut garder l’ancienne terminologie, il convient alors de parler de procédure de péril imminent et de procédure de péril ordinaire (il existait aussi la procédure de mise en sécurité des équipements communs, d’urgence ou ordinaire).
      Et avec l’actuelle terminologie : procédure de mise en sécurité d’urgence ou ordinaire (qui inclut également les équipements communs).
      La distinction entre péril imminent et mise en sécurité pour parler de l’urgence et de l’ordinaire n’est pas adaptée.
      Merci encore
      Bien cordialement

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