La procédure prud’homale a cette particularité d’être orale mais néanmoins soumise à des dates de communication de pièces et conclusions, fixées par le bureau de conciliation et d’orientation ou le bureau de jugement.
Les délais de communication ne sont pas impératifs mais les parties sont grandement incitées à la respecter.
A Paris, le Conseil de Prud’hommes a d’ailleurs établi une charte « Zen Prud’hommes » qui a pour objet d’encadrer les règles en matière de communication de pièces et conclusions.
Cette charte distingue ainsi trois situations :
1.1) Le demandeur « bonus » : le demandeur a saisi le Conseil de prud’hommes par requête avec exposé des moyens et prétentions accompagnée de ses pièces et/ou a conclu et communiqué ses pièces dans les délais du calendrier fixé par le Conseil de prud’hommes. Le défendeur doit communiquer ses pièces et conclusions en réponse au moins 2 mois avant la date de l’audience, à défaut le demandeur peut en demander le rejet.
1.2) Le demandeur « vigilant » : le demandeur a communiqué ses pièces et conclusions postérieurement au calendrier fixé par le Conseil de prud’hommes mais plus de 3 mois avant la date de l’audience. Si le défendeur conclut et communique ses pièces moins de 8 jours avant l’audience, le demandeur peut en demander le rejet.
1.3) Le demandeur « malus » : le demandeur a communiqué ses pièces moins de 2 mois avant l’audience. Le demandeur doit s’associer à une éventuelle demande de renvoi du défendeur et ne peut demander le rejet des conclusions et pièces communiquées par le défendeur avant l’audience.
Ces délais ne sont, a priori, opposables qu’aux avocats inscrits au Barreau de Paris.
De nombreux Conseils de Prud’hommes ont également mis en place de audiences de mise en état avant de fixer une date définitive de plaidoirie, c’est le cas du Conseil de Prud’hommes de Rennes à titre d’exemple, ou encore des dates de clôture, comme à Paris ou à Nanterre, censées empêcher toute communication de pièces et conclusions après la clôture.
Dans la réalité, les parties sont encore trop souvent confrontées à des communications de pièces et conclusions tardives, ne respectant pas le principe du contradictoire, et générant de nombreux renvois de l’affaire, régulièrement au préjudice du salarié.
Certaines parties n’hésitent pas à communiquer leurs pièces et conclusions à quelques jours de l’audience de jugement, générant presque systématiquement le renvoi de l’affaire.
C’est ainsi que la Cour d’Appel de Paris, par un arrêt du 9 janvier 2019 (CA Paris, 9 janvier 2019, n°17/09705) a souhaité sanctionner certains comportements : « Attendu que le non-respect par la société du calendrier de procédure pourtant accepté lors d’une audience de mise en état du 28 janvier 2016 et le dépôt de conclusions la veille de l’audience de plaidoirie du 7 décembre 2016 qui a ainsi entraîné la radiation de l’affaire du rôle de la cour démontrent son attitude dilatoire, qui a eu pour conséquence le retard préjudiciable dans l’indemnisation de Mme Y, si bien qu’il lui sera alloué des dommages-intérêts pour résistance abusive à hauteur de 2.000 euros ».
Il ressort de cet arrêt que le non-respect par la société employeur du calendrier de procédure pourtant accepté lors d’une audience de mise en état et le non-respect du principe du contradictoire, en déposant des conclusions la veille de l’audience de plaidoirie qui a ainsi entraîné la radiation de l’affaire du rôle, générant un préjudice pour le salarié sont des attitudes qui peuvent être sanctionnées par le versement de dommages et intérêts.
L’objectif de cet arrêt est certainement de sanctionner une attitude dilatoire de l’employeur ayant pour effet de faire trainer en longueur une procédure contentieuse.
Cet arrêt est par ailleurs intéressant puisqu’il vient sanctionner le non-respect de dates de communication de pièces et conclusions dans le cadre d’une procédure orale.
Encore faut-il que le salarié soit en mesure de démontrer le préjudice subi par l’attitude de l’employeur et, notamment, que le retard dans l’indemnisation à laquelle il avait droit lui a causé un préjudice.
La lecture stricte de l’arrêt suppose également que le salarié ait droit à une indemnisation de la part de l’employeur.
L’on peut donc s’interroger sur la position qu’aurait eu la Cour sur l’attitude dilatoire de l’employeur dans l’hypothèse où la salariée n’aurait pas obtenu gain de cause… Affaire à suivre.
Discussions en cours :
Bonjour
Mon avocat n a strictement pas respecté les délais.
À 1 mois du jugement il n a rien envoyé pour apprécier les réponses de mon ancien employeur.
Selon vous est ce stratégique pour laisser peu de temps à l employeur de se préparer ou…. Une erreure..?
Merci
L’évolution des procédures au sein des Conseils a donné au BCO un rôle visant à favoriser la conciliation et, par là même, à diminuer les affaires plaidées en Bureau de Jugement. Comme évoqué, le respect du contradictoire conduit souvent à des comportements dilatoires en défense. L’acceptation "confraternelle" d’un report sollicité par la défense et accepté par la demande y contribue aussi, malheureusement. Pour en revenir au BCO et, dans l’hypothèse où il n’a pu aboutir à une conciliation, celui-ci fournit aux parties la date du Bureau de Jugements et les dates de communication de pièces et de conclusions. Certains Conseils sont, à ce jour, en déficit de greffiers. Ceci interdit à ces conseils d’organiser des audiences de mise en état avec un calendrier contraignant pour les parties comme évoqué dans votre article. Alors pourquoi ne pas aller jusqu’à rendre contraignant et opposable le calendrier fourni en BCO ?
Bonjour,
J’ai reçu la convocation devant le bureau de conciliation qui se déroulera dans 5 jours le 31/08/2022.
De mon côté j’ai transmis toutes les pièces au greffe et à mon ancien employeur mais lui de son côté ne m’a rien envoyé, j’ai demandé à son avocat ( je me défend seul)de me fournir les pièces qu’elle entend produire , elle m’a répondu qu’elle le ferait suivant le Calendrier fixé par le bureau de conciliation , alors que la convocation mentionne qu’elle est invité à communiquer avant l’audience au greffe et moi- même les pièces qu’elle entend fournir.
Je voulais savoir si c’était normal ou si il y’a manquement de leur part ?
Puis-je refuser les pièces ( in limine litis) le jour de la conciliation ?
Merci d’avance pour les précisions que vous pourrez m’apporter.
Merci pour cette très intéressante communication
il était temps de sanctionner cette attitude trop fréquente devant les CPH
Bonjour
J’ai attaqué mon employeur et transmis en temps et heure mes pièces et conclusions. Je viens de recevoir ses propres conclusions et j’aimerais y répondre pour laisser mes commentaires par écrit au CPH et ajouter des nouvelles pièces. Est ce possible et combien de temps ai je pour le faire.
Merci
Jb
Bonjour,
Mon ancien employeur a lancé une procédure à mon encontre au prud’hommes.
Le calendrier remis par le conseil du prud’hommes demandait à mon employeur de communiquer ses conclusions le 03.01.2020.Or celui-ci les a communiqué le 12.06.2020 !!
Nous devions répliquer au plus tard le 03.06.2020 mais comme nous avons eu leur conclusions le 12.06, notre délai est aussi dépassé. Peut-on demander le rejet de leur conclusions ainsi que les pièces transmises ?
Merci pour votre aide
Je suis Défenseur Syndicale, et je suis concernée, car la majorité de mes Contradicteurs utilisent cette méthode, et malgré mon insistance à demander des sanctions, ils bénéficient de l’indulgence des Magistrats, et c’est moi qui en fait les frais par un renvoi, que je ne souhaite pas. Un jour un Magistrat, m’a répondu, alors que je sollicitais l’écartement des pièces reçus la veille du jugement, qu’avocat etait un métier. L’affaire a été renvoyé. Et cela 8 fois sur 10. Cordialement.
Bonjour,
Pour ma part je suis dans la situation inverse. Je suis un chef d’entreprise attaqué par un sous-traitant qui demande la requalification de sa prestation en salariat. Comme le dossier parait perdu pour lui (le procureur ayant reconnu après enquête qu’il n’y avait pas travail dissimulé), il ne communique aucune pièce, de sorte que je ne peux répondre. Et le temps court, avec le stress que cela sous-entend pour moi... Le demandeur peut-il être condamné à des dommages-intérêts pour ses méthodes dilatoires (en plus des DI pour attaque abusive) ? Merci de m’avoir lu.