Le salarié associé : à la croisée du droit social et du droit des sociétés.

Par Christ Foua, Etudiant.

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Explorer : # droit social # droit des sociétés # contrat de travail # exclusion

Dans un contexte où accéder à un emploi stable devient un défi, certains individus ont la chance d’être à la fois associés et salariés d’une entreprise. Cette dualité offre une voie prometteuse vers l’autonomie financière. Toutefois, elle n’est pas sans soulever des interrogations juridiques.

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Un associé, dans le contexte d’une société, possède des obligations qui diffèrent nettement de celles d’un salarié. Il a notamment le devoir de s’impliquer de manière proactive dans les décisions et les opérations de l’entreprise. Cette participation peut être illustrée par des votes lors des assemblées générales ou par des apports financiers pour le développement de la société. De plus, en devenant associé, il est souvent requis d’investir financièrement, ce qui signifie mettre en jeu une partie de son propre patrimoine.

En revanche, un salarié est recruté principalement pour ses compétences professionnelles et son savoir-faire. Il n’a pas à investir de fonds propres dans l’entreprise. En échange de ses services et compétences, il perçoit un salaire, généralement sur une base mensuelle.

La manière dont ces deux rôles (associé et salarié) sont définis sur le plan juridique est également distincte. L’associé détient ses droits des statuts de la société, qui sont les documents fondamentaux établissant la structure et le fonctionnement de l’entreprise.

Le salarié, quant à lui, est défini par son contrat de travail, qui détaille ses droits, obligations, fonctions, rémunération et autres conditions d’emploi.

Bien que ces grandes lignes soient claires pour la plupart, des zones d’ombre subsistent, conduisant ainsi à des situations de contrats de travail fictifs (I) ainsi qu’à une confusion entre les effets du licenciement et ceux de l’exclusion d’un associé (II).

I- Les suspicions de contrats de travail fictifs.

La reconnaissance d’un contrat de travail suppose la réunion de trois critères cumulatifs : une prestation de travail, une rémunération et un lien de subordination.

Si le critère de la rémunération ne pose généralement pas de problème, puisqu’il est librement décidé par les parties à condition de respecter le SMIC, la question de la prestation de travail doit faire l’objet d’une attention particulière lors de la rédaction du contrat de travail.

En effet, les missions déterminées par le contrat ne doivent pas renvoyer aux missions légalement confiées à un associé.

Exemple : un associé salarié ne peut pas avoir un contrat de travail dont l’objet serait de participer aux réunions de l’assemblée des associés.

Une autre difficulté apparaît lorsqu’il s’agit de déterminer le lien de subordination.

En effet,

« le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné » [1].

Concrètement, il faut que l’associé salarié ait un supérieur qui lui donne des directives, contrôle l’exécution de celles-ci et qui soit capable de le sanctionner en cas de faute.

Ainsi,

« la qualité de salarié n’est pas incompatible avec celle d’associé, même majoritaire, à condition que l’associé soit, dans l’exercice de ses fonctions salariales, placé sous la subordination du gérant » [2].

En conséquence, l’absence de lien de subordination ou d’une réelle prestation de travail conduira nécessairement à une situation d’emploi fictif.

II- La confusion entre le licenciement et l’exclusion.

L’exclusion d’un associé peut être prévue dans les statuts ou par un acte extra-statutaire à travers une clause d’exclusion qui conduira au rachat des parts détenues par l’associé.

Tandis que le licenciement d’un salarié nécessite le respect d’une procédure stricte, cet état des lieux conduit à plusieurs conséquences :

  • L’exclusion de l’associé ne conduit pas à la perte de sa qualité de salarié,
  • Le licenciement du salarié ne conduit pas à la perte de la qualité d’associé,
  • L’exclusion de l’associé n’exonère pas la société de verser le salaire,
  • Le licenciement n’exonère pas les associés de lui verser des dividendes.

Face à ces difficultés, la pratique a mis en place la clause de "bad leaver". L’objet de cette clause est de s’assurer qu’un salarié licencié ou qu’un dirigeant révoqué ne puisse demeurer présent en qualité d’associé, d’où l’expression "bad leaver". Les titres rachetés subissent généralement une décote par rapport à leur valeur réelle.

En somme, une telle clause, insérée dans le contrat de travail de l’associé salarié, aura pour effet d’enclencher le rachat forcé des parts de l’associé salarié en cas de licenciement.

Christ FOUA, étudiant en Master 1 de droit des affaires, parcours juriste d’entreprise à l’Université Paris-Saclay (site d’Evry)

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Notes de l'article:

[1Cassation sociale 13 novembre 1996, “arrêt société générale”.

[2Cassation sociale 19 octobre 1978, bull. civ. V, n° 695.

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