Le retour de la domanialité publique virtuelle. Par Julien Viertel, Juriste.

Le retour de la domanialité publique virtuelle.

Par Julien Viertel, Juriste.

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Explorer : # domanialité publique virtuelle # service public # aménagement

Par un arrêt commune de Baillargues du 13 avril 2016 n°391431, le Conseil d’État opère un revirement de jurisprudence en (re)consacrant la théorie de la domanialité publique virtuelle.

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Historiquement, la théorie de la domanialité publique virtuelle fut consacrée par un arrêt CE 6 mai 1985, Association EUROLAT, n°41589.

Cet arrêt ne crée pas une nouvelle catégorie de domaine public : les biens en question vont bénéficier du régime de la domanialité publique sans pour autant y être affectés, c’est le cas par exemple d’une parcelle affectée à un service public non encore aménagée mais qui est destinée à l’être.

En réalité cette jurisprudence n’a pas été énormément appliquée (en ce sens, CE 1er février 1995 Préfet de la Meuse, n°127969).

Cette théorie fut très critiquée, et ce à juste titre, car elle étendait d’autant plus le régime de la domanialité publique virtuelle sans que cela ne soit nécessaire. C’est pour cette raison qu’elle disparut avec l’adoption du Code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) qui dispose en son article L.2111-1 que :

« sous réserve des dispositions législatives spéciales, le domaine public d’une personne publique (...) est constitué des biens lui appartenant qui sont affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public ».

Il aura fallu attendre un arrêt du Conseil d’État du 8 avril 2013 Association ATLALR, n°363738, pour que les juges du Palais Royal affirment le sort des biens qui sont entrés dans le domaine public grâce à cette théorie. Le Conseil d’État opère une distinction selon que l’on se situe avant ou après l’entrée en vigueur du CG3P :
- pour les litiges nés avant l’entrée en vigueur du texte, le CG3P ne rétroagit pas et on leur applique la théorie de la domanialité publique virtuelle ;
- pour les litiges nés postérieurement à l’entrée en vigueur du texte, on ne leur applique plus cette théorie.

Pour reprendre le considérant principe : « Considérant qu’avant l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du Code général de la propriété des personnes publiques, l’appartenance d’un bien au domaine public était, sauf si ce bien était directement affecté à l’usage du public, subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné ; que le fait de prévoir de façon certaine un tel aménagement du bien concerné impliquait que celui-ci était soumis, dès ce moment, aux principes de la domanialité publique ; qu’en l’absence de toute disposition en ce sens, l’entrée en vigueur de ce code n’a pu, par elle-même, avoir pour effet d’entraîner le déclassement de dépendances qui, n’ayant encore fait l’objet d’aucun aménagement, appartenaient antérieurement au domaine public en application de la règle énoncée ci-dessus, alors même qu’en l’absence de réalisation de l’aménagement prévu, elles ne rempliraient pas l’une des conditions fixées depuis le 1er juillet 2006 par l’article L. 2111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques qui exige, pour qu’un bien affecté au service public constitue une dépendance du domaine public, que ce bien fasse déjà l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public ».

La théorie de la domanialité publique virtuelle était donc bel et bien enterrée. Du moins, c’est ce que l’on pensait tous, jusqu’à ce que le Conseil d’État ne retourne sa veste dans une décision du 13 avril 2016 commune de Baillargues, n°391431, aux termes de laquelle :

« Considérant que, quand une personne publique a pris la décision d’affecter un bien qui lui appartient à un service public et que l’aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public peut être regardé comme entrepris de façon certaine, eu égard à l’ensemble des circonstances de droit et de fait, telles que, notamment, les actes administratifs intervenus, les contrats conclus, les travaux engagés, ce bien doit être regardé comme une dépendance du domaine public ».

On retrouve donc deux conditions cumulatives :
- la personne publique doit affecter le bien à un service public ;
- l’aménagement indispensable à l’exécution de ce service public doit être regardé comme entrepris de façon certaine.

Les jurisprudences futures nous démontreront si cette théorie trouvera à s’installer durablement (ou pas).

Julien VIERTEL
Juriste droit de l’urbanisme et de la construction

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