I) Un champ d’application précis.
Le règlement précité prévoit qu’une indemnisation est prévue pour les
- passagers au départ d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne ;
- passagers au départ d’un aéroport situé dans un pays tiers et à destination d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre, si le transporteur aérien effectif qui réalise le vol est un transporteur communautaire.
Par exemple, le règlement sera applicable pour un vol Paris - New-York car Paris est situé sur le territoire de la France, membre de l’UE.
De même, le règlement sera applicable pour un vol Ile-Maurice-Marseille avec la compagnie Air France mais pas avec la compagnie Air Mauritius (qui n’est pas un transporteur communautaire).
II) Retard ou annulation ?
Le Règlement précité prévoit que les passagers d’un vol annulé ont droit à une indemnisation lorsqu’ils perdent trois heures ou plus par rapport à la durée initialement prévue. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé qu’un retard de vol devait être assimilé à une annulation [1] :
« Les passagers de vols retardés peuvent invoquer le droit à indemnisation prévu à l’article 7 du règlement nº 261/2004 lorsqu’ils subissent, en raison de tels vols, une perte de temps égale ou supérieure à trois heures, c’est-à-dire lorsqu’ils atteignent leur destination finale trois heures ou plus après l’heure d’arrivée initialement prévue par le transporteur aérien ».
« Les préjudices subis par les passagers aériens en cas d’annulation ou de retard important étant analogues, sauf à ce qu’il soit porté atteinte au principe d’égalité de traitement, les passagers de vols retardés et ceux de vols annulés ne sauraient être traités d’une manière différente. Il en est ainsi a fortiori au regard du but recherché par le règlement nº 261/2004 qui est d’accroître la protection de tous les passagers aériens ».
En 2015, la Cour de cassation a entériné l’interprétation de la CJUE dans ces deux affaires en affirmant que les passagers devaient être indemnisés lorsqu’ils atteignaient leur destination finale avec un retard de plus de trois heures à l’arrivée [2] :
« il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que les passagers d’un vol avec correspondance assuré par un même transporteur effectif ont droit à une indemnisation, sur le fondement de l’article 7 du règlement n° 261/2004, lorsque leur vol arrive à destination finale avec un retard égal ou supérieur à trois heures par rapport à l’heure d’arrivée initialement prévue [3], la juridiction de proximité en a déduit, à bon droit, qu’ayant subi un retard de plus de trois heures à l’arrivée à [Localité 2], leur destination finale, M. et Mme [G] avaient droit à une indemnisation ».
III) Le droit à indemnisation.
En cas de retard de plus de 3 heures, chaque passager a droit à une compensation financière forfaitaire qui dépend de la distance du vol, en application de l’article 7 1 b) du règlement communautaire de 2014 :
- vols de 1 500 km ou moins : 250 euros,
- vols de 1 500 km à 3 000 km : 400 euros,
- vols de plus de 3 500 km : 600 euros.
En outre, l’article 12, paragraphe 1ᵉʳ, du règlement précité précise :
« Le présent règlement s’applique sans préjudice du droit d’un passager à une indemnisation complémentaire ».
Citons, sur ce point, un jugement du Tribunal de Paris rendu en 2017 :
« Il s’en déduit que les règles communautaires d’indemnisation ne font pas obstacle à l’application d’autres dispositions. En conséquence, le demandeur peut utilement se prévaloir de l’article 1147 du Code civil au soutien d’une demande en réparation intégrale de son préjudice distincte de l’indemnisation forfaitaire prévue au règlement » [4].
IV) Qui est responsable : le voyagiste ou la compagnie aérienne ?
Que faire si vous avez subi un retard important de vol mais que vous n’avez pas acheté les billets directement auprès de la compagnie. Qui est responsable ?
En application de l’article L211-16 précité du Code du tourisme, le voyagiste est responsable de plein droit de l’exécution des services touristiques prévus dans votre voyage, que ces services soient exécutés par lui-même ou par la compagnie aérienne (sans préjudice de son droit de recours contre celle-ci).
Pour tenter d’échapper à leur responsabilité, certains voyagistes font valoir qu’ils ne sont pas que de simples « intermédiaires ».
Or, la responsabilité de plein droit a précisément été prévue par le législateur pour éviter que les voyagistes ne cherchent à s’exonérer de leur responsabilité, notamment avec les compagnies aériennes sur ce simple prétexte [5].
C’est donc le voyagiste qui est responsable du retard du vol et doit procéder à l’indemnisation des voyageurs, sachant qu’il peut se retourner contre la compagnie aérienne.
V) Faut-il faire appel à un avocat ?
Le plus souvent, les demandes formées par les passagers, dans le cadre de litiges nés de retards aériens, n’excèdent pas les 10 000 euros. La juridiction compétente est donc la juridiction de proximité ; sa saisine ne nécessite pas de faire appel à un avocat.
Toutefois, il est conseillé de prendre conseil auprès d’un avocat car :
- les compagnies aériennes invoquent souvent une « circonstance exonératoire » ; en effet, « un transporteur aérien effectif n’est pas tenu de verser l’indemnisation prévue à l’article 7 s’il est en mesure de prouver que l’annulation est due à des circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises » [6] ;
- les règles de compétence territoriale sont dérogatoires à celles qui s’appliquent à un litige de consommation (le tribunal du lieu de résidence n’est en principe pas forcément celui qui est compétent) ;
- toute demande en justice qui tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros doit être précédée d’une tentative de solution amiable. Or, les avocats formés aux modes amiables disposent de tous les outils pour proposer une issue non contentieuse.
Enfin, les règles sont souvent complexes et mal connues. En effet, contrairement à une idée répandue, une indemnisation pour un retard de moins de 3 heures peut aussi être demandée : conformément à la convention de Montréal du 18 juillet 2001, « le transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises.
Cependant, le transporteur n’est pas responsable du dommage causé par un retard s’il prouve que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre » [7].
Cette disposition ne limite pas donc l’indemnisation aux retards de moins de 3 heures et il faut donc se renseigner sur ce qu’il est possible d’obtenir auprès des compagnies aériennes en fonction de sa situation.