La restitution du dépôt de garantie.

Par Victoire de Bary, Avocat.

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Explorer : # dépôt de garantie # obligations locatives # État des lieux # charges locatives

La restitution du dépôt de garantie se trouve à l’origine de multiples contentieux entre bailleurs et locataires.

Pour pallier ces contentieux, un rappel des règles applicables aux baux d’habitation soumis à la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 parait utile.

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En effet, au terme de l’article 22 de cette loi, l’existence du dépôt de garantie doit être prévue par le bail mais est exclue lorsque le loyer est payable d’avance pour une période supérieure à 2 mois.

Son montant ne peut être supérieur à un mois de loyer en principal (c’est-à-dire hors charges), et il ne peut faire l’objet d’aucune révision durant l’exécution du contrat de location, même en cas de renouvellement.

Enfin, et surtout, « il est restitué dans un délai maximal de deux mois à compter de la restitution des clés par le locataire, déduction faite, le cas échéant, des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, aux lieu et place du locataire, sous réserve qu’elles soient dûment justifiées ».

A défaut, le solde du dépôt de garantie restant dû au locataire produit intérêt au taux légal au profit du locataire.

L’objet du dépôt de garantie est donc de garantir l’exécution de ses obligations locatives par le locataire.

Dans ces conditions, le locataire ne peut pas arguer des sommes détenues par le bailleur au titre du dépôt de garantie pour se dispenser de payer les loyers dus pendant la période de préavis.

Les obligations du locataire, susceptibles d’être garanties par le dépôt de garantie, résultent principalement de l’article 7 de la loi précitée. Le locataire doit ainsi :

- Répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d’un tiers qu’il n’a pas introduit dans le logement.
- Prendre à sa charge l’entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l’ensemble des réparations locatives, sauf si elles sont occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure. La liste des réparations incombant au locataire est fixée, de façon indicative, par le décret n° 87-712 du 26 août 1987.
- Ne pas transformer les locaux et équipements loués sans l’accord écrit du propriétaire ; à défaut de cet accord, ce dernier peut exiger du locataire, à son départ des lieux, leur remise en l’état ou conserver à son bénéfice les transformations effectuées sans que le locataire puisse réclamer une indemnisation des frais engagés.

Le dépôt de garantie peut être conservé par le bailleur dans l’attente de l’arrêté des comptes qui doit intervenir dans les deux mois de la restitution des clés.

Le contentieux provient – essentiellement – des difficultés de calcul des sommes que le bailleur peut conserver.

Ainsi, outre l’éventuelle imputation des frais d’établissement de l’état des lieux de sortie, les questions s’articulent autour des travaux et réparations que le bailleur a dû faire réaliser et de la régularisation des charges.

- Les éventuels frais d’état des lieux de sortie

L’article 3 de la loi de 1989 précitée prévoit que l’état des lieux est établi par les parties, « ou par un tiers mandaté par elles, contradictoirement et amiablement. En cas d’intervention d’un tiers, les honoraires négociés ne sont laissés ni directement, ni indirectement à la charge du locataire.
Si l’état des lieux ne peut être établi dans les conditions prévues au neuvième alinéa, il l’est, sur l’initiative de la partie la plus diligente, par un huissier de justice à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire et à un coût fixé par décret en Conseil d’Etat. Dans ce cas, les parties en sont avisées par lui au moins sept jours à l’avance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception
 ».

Ainsi, si l’intervention de l’huissier n’est pas prévue par le bail et qu’elle n’a pas été motivée par l’impossibilité pour les parties de réaliser l’état des lieux amiablement et contradictoirement, mais que le bailleur a décidé – de façon unilatérale – de recourir à un huissier sans en informer préalablement le locataire, il ne peut demander le remboursement du coût de cette intervention, même à hauteur de la moitié.

En effet, dans cette hypothèse, l’huissier doit être considéré comme un tiers dont les honoraires négociés ne peuvent être laissés à la charge du locataire.

- Les travaux de remise en état, réparations…

Si la comparaison de l’état des lieux d’entrée et de l’état des lieux de sortie fait apparaître des dégradations dont le locataire est responsable, le propriétaire peut conserver une partie du dépôt de garantie.

Pour déduire le montant d’une réparation, il faut donc que la dégradation soit constatée dans l’état des lieux de sortie signé par le locataire et le propriétaire (ou établi par huissier).

A défaut d’état des lieux de sortie contradictoire, aucune retenue sur le dépôt de garantie n’est possible.

La rédaction de l’état des lieux, tant à l’entrée qu’à la sortie, est donc essentielle.

Si la comparaison des deux états des lieux établit les dégradations, le bailleur doit fournir les éléments justifiant les sommes retenues sur le dépôt de garantie. Ces justificatifs peuvent être des devis, ou des factures (Civ. 3ème, 8 décembre 2009, n°08-20340) mais il est recommandé de fournir des factures, les juges n’étant, en tout état de cause, pas tenus par les montants s’ils sont considérés comme excessifs.

Le bailleur pourra également prouver qu’il a reloué le bien, mais à des conditions moins favorables en raison des désordres.

Cependant, la question du montant à déduire demeure. Le bailleur peut-il, ou non, déduire l’intégralité de la facture ?

S’il s’agit d’une réparation ou de l’entretien d’un équipement que le locataire aurait dû réaliser, la totalité de la facture peut être déduite.

En revanche, s’il faut remplacer l’élément dégradé (moquettes, papiers peints, robinet, par exemple) le propriétaire ne peut déduire l’intégralité de la facture car le locataire n’a pas à indemniser une valeur à neuf.

Il conviendra alors d’appliquer un abattement pour tenir compte de la vétusté. En effet, les dégradations dues à l’usure normale du temps sont à la charge du bailleur.

Certes, il n’existe pas de « grille de vétusté » légale, mais il reste possible de se référer aux usages en la matière ou, dès l’origine, intégrer une grille de vétusté au bail.

Cela peut s’avérer particulièrement utile lorsque les lieux sont loués après avoir été remis à neuf puisque cela permet de prendre en compte les différentes dégradations habituelles (tâches sur les murs, trous de fixation…) sans qu’une contestation puisse s’élever sur l’application de la grille.

Enfin, si le logement est restitué et qu’il est très sale, il faut que cet état de saleté apparaisse dans l’état des lieux de sortie.

Pour retenir des sommes à ce titre, le bailleur devra alors faire appel à un professionnel pour faire le ménage, et devra produire une facture.

- Les charges locatives

A la fin du bail, il convient de procéder à la régularisation des charges.

En effet, le locataire verse une provision de charges chaque mois et ce montant doit être régularisé, en principe, une fois par an et, en tout état de cause, dans un délai de 5 ans.

S’agissant d’un montant fixe estimé par le bailleur, il convient de procéder à la régularisation pour déterminer si le locataire a trop ou trop peu versé à ce titre.

Compte tenu de l’établissement annuel des décomptes de charges par les syndics de copropriété, il n’est pas rare que le délai de deux mois donné au bailleur pour restituer le dépôt de garantie soit trop court.

Il en est de même pour la taxe sur les ordures ménagères dont le montant n’est pas nécessairement connu lorsque le locataire restitue les lieux.

Dans cette hypothèse, le bailleur peut donc retenir une partie du dépôt de garantie en attendant de pouvoir procéder à la régularisation.

La partie que le bailleur peut ainsi retenir une somme qu’il évalue, mais qui ne saurait excéder 20 à 25% du montant du dépôt de garantie (Rép. Min n° 40363 : JO AN du 20 mars 2000, p. 1878 et Rép. Min, JO AN du 16 mars 2004, p. 2063).

Les tribunaux sont en effet assez souples dans cette hypothèse, mais le bailleur doit réfléchir au montant qu’il conserve en fonction du nombre de mois pour lequel la régularisation interviendra (conserver 25% du dépôt de garantie alors que la régularisation porte sur un mois est exagéré).

De plus, le bailleur devra se garder de conserver le reliquat alors que la régularisation des charges aboutit à une obligation de restitution.

Compte tenu des enjeux généralement limités des litiges relatifs à la restitution du dépôt de garantie, le bailleur fera attention de ne retenir les sommes qu’avec précaution et le locataire fera son possible pour restituer des lieux en bon état d’entretien et de réparation.

Victoire de BARY
Avocat Associé
www.sherpa-avocats.com

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Discussions en cours :

  • par Manon , Le 3 juillet 2019 à 15:04

    Article très clair.
    J’ai cependant une question : j’ai retenu 20 pourcent sur la caution et fait une régularisation dans les temps. J’ai envoyé une lettre avec AR avec le chèque et la régularisation et l’ex locataire n’est pas allé chercher le recommandé (comme souvent).
    Puis je lui facturer les frais d’un deuxième envoi. Je peux aussi lui proposer une remise en main propre (nous sommes a 50 km) ?
    Merci d’avance

  • par Thomas G. , Le 3 septembre 2016 à 09:16

    Bonjour,

    J’ai quitté mon logement le 28 juillet, l’EDL s’est très bien passé et le technicien du bailleur n’a mentionné aucune réparation (j’ai remis en état chaque cm2 avant la remise des clés).
    Le 29 août je reçois un courrier du bailleur qui mentionne en déduction des 731€ de DG, une régul.charges sortants de 240€.
    Au téléphone, le service de proximité du bailleur ne m’a pas donné de détail sur ces charges. J’ai transmis ce jour en AR ma requête au bailleur.
    Mes charges étant prévisionnelles, je me doute que c’est en attente du décompte annuel. Mais cette déduction ne doit-elle pas être sous un plafond de 20% du DG ?
    Quel est mon recours pour contester cette manoeuvre du bailleur qui ne m’a en aucun cas prévenu de cette retenue ?
    Cordialement
    GT

  • par MARLOILAULUCANA , Le 12 novembre 2013 à 19:08

    Bonjour, et merci pour la clarté du texte.
    Je n’ignore pas les pratiques douteuses des grandes agences immobilières mais je me pose une question, à savoir si ces dispositions, concernant la restitution du dépôt de garantie selon les règles applicables aux baux d’habitation soumis à la loi n°89-462 sont également applicables aux baux concernant les parkings et garages, y compris quand il n’y a pas eu d’EDL à l’entrée dans les lieux ???
    Merci pour vos éventuelles précisions
    Bien cordialement
    Marloilaulucana

  • par Un locataire agacé , Le 10 octobre 2014 à 13:29

    Bonjour,

    Dans le cas d’un contrat de bail initialement signé par deux locataires, suite au départ prématuré de l’un des deux, sans changement de bail mais uniquement changement de nom sur le bail, le propriétaire peut il s’abstenir de reverser le dépôt de garantie au locataire sortant et le reverser directement au locataire ayant versé le dépôt de garantie à l’entrée dans les lieux mais étant déjà parti, et alors même qu’il n’a plus de lien contractuel avec celui ci ?
    Quel serait le fondement juridique de la réclamation ? Non execution du contrat ?
    merci d’avance de votre éclairage
    cdt

  • par neoligerien , Le 2 février 2013 à 06:13

    Pratique douteuse autour des dépôts de garantie
    Certaines agences immobilières sont probablement experte dans l’immobilier locatif, certaine le sont aussi dans la mise au point de systèmes parfaitement rodés destinés à conserver le dépôt de garantie. J’ai loué via Orpi Sully sur Loire (Delta gestion Sully sur loire) une maison à Saint Père sur Loire. Maison neuve mais dont de nombreux travaux devaient être finis rapidement. (engagements pris lors de l’état des lieuxj). Ces travaux n’ont pas été effectués ou mal effectués ce qui m’a conduit à en effectuer une partie moi-même. J’ai vite découvert que ce logement présentait des éléments dangereux et des nuisances importantes (portes fenètres donnant dans le vide sans protection, puits ouvert dans le jardin, présence de rongeurs et reptiles dans la maison à cause de trous non fermés autour des portes et du vide sanitaire). Je viens de quitter ce logement et l’on déduit de ma caution le montant d’hypothétique travaux de remis en état sur justificatif de devis réalisé par le fils du propriétaire lui même. Un système très au point associant agence gestionnaire, propriétaire et entrepreneur….autour d’une maison dangereuse et non conforme. …Comment lutter contre ce système qui s’apparente à une escroquerie organisée autour d’une maison dangereuse et non conforme ? Cette pratique est elle répandue ?

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