Des faits récents mettent en exergue une augmentation de la délinquance juvénile :
Le 27 avril 2024 en fin d’après-midi un mineur de 15 ans prénommé Matisse est mort à Châteauroux (Indre) après une bagarre. Le principal suspect, âgé de 15 ans, porteur d’un couteau, a été arrêté et placé en garde à vue, tout comme sa mère, soupçonnée d’être impliquée dans les violences.
Le 18 juin 2024, trois mineurs ont été mis en cause dans le viol accompagné de violences à caractère antisémite sur une adolescente de 12 ans, à Courbevoie.
Le 19 juin 2024 vers 18h30, à Meyzieu, dans la métropole de Lyon, deux mineurs ont été interpellés après l’incendie d’un groupe scolaire occasionnant des dégâts considérables et rendant une école inutilisable pour la fin d’année scolaire. Les deux suspects de cet incendie criminel ont filmé leur méfait et publié la vidéo sur les réseaux sociaux.
S’agissant de jeunes mineurs, on peut s’interroger quant à la responsabilité des parents.
Le père et la mère sont responsables de leur enfant mineur lorsqu’ils sont titulaires de l’autorité parentale. Il s’agit d’un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. Elle s’exerce sans violences physiques ou psychologiques.
On s’interroge sur l’accessibilité et le quantum de la peine à appliquer au mineur délinquant, mais est-ce que l’on ne devrait pas davantage se poser la question de l’origine du terreau qui a favorisé le passage à l’acte ?
La responsabilité pénale des parents est indéniablement engagée dès lors qu’ils ont manqué à leurs obligations parentales ayant favorisé pour leur enfant un passage à l’acte. La soustraction à ces obligations doit être caractérisée tant dans ses éléments matériels qu’intentionnels.
I. La caractérisation matérielle de l’infraction.
Les parents portent, en premier chef, la responsabilité du comportement de leur enfant, jeune mineur. Dès lors, ce défaut à leurs obligations parentales doit être sanctionné. L’article 227-17 du Code pénal prévoit que le père ou la mère ne peuvent se soustraire à leurs obligations légales envers leur enfant mineur. Ils doivent notamment mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour ne pas compromettre leur santé, leur sécurité, leur moralité ou leur éducation. Parmi ces mesures, il y a une obligation de surveillance de son enfant mineur.
Dans le cas d’espèces, il ressort de l’article 227-17 du Code pénal, que les parents se sont soustraits à leurs obligations, lorsqu’ils n’ont pas assuré cumulativement :
1. La mise en œuvre des mesures nécessaires à assurer leur moralité et leur éducation.
2. La compromission de la moralité ou de l’éducation des enfants.
1.1. La mise en œuvre des mesures nécessaires.
Un jeune mineur, sauf lorsqu’il est abandonné à sa naissance, se développe dans un milieu familial qui pourvoit à son éducation et à sa moralité. L’environnement familial du mineur est très souvent complété par une vie scolaire et associative qu’elle soit sportive, culturelle ou cultuelle. Un mineur ne nait pas délinquant, il le devient.
À l’égard de leur enfant, les parents ont des droits et des devoirs :
1. De surveillance et de protection, veiller sur la sécurité de l’enfant, surveiller ses relations, ses déplacements, ses communications, son utilisation des réseaux sociaux... ;
2. D’éducation, veiller à l’éducation scolaire, intellectuelle, morale et éventuellement religieuse de l’enfant ;
3. D’assurer sa santé ;
4. D’entretien, chacun des parents doit contribuer à l’entretien matériel de l’enfant, c’est-à-dire le nourrir, l’héberger, pourvoir à ses besoins (loisir, culture) ;
5. De protection de sa vie privée et de son image.
Ces obligations découlent de l’article 371-1 du Code civil qui précise que :
« L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ».
Les parents séparés exerçant conjointement l’autorité parentale sont tous les deux responsables des dommages causés par leur enfant mineur, même si celui-ci ne réside que chez l’un de ses parents. Il n’en va autrement que si le mineur a été confié à un tiers par une décision administrative ou judiciaire.
Selon Mesdames Barbara Schneider, Vanessa Keesler et Larissa Morlok « La socialisation reçue à la maison a une influence critique sur le développement de l’ambition et du sentiment d’efficacité personnelle ».
Il est indéniable que le mineur est le produit de ses parents. Selon une étude canadienne, les familles jouent un rôle essentiel dans le développement des enfants et des jeunes. Des études sur la délinquance juvénile ont montré que le milieu familial pouvait constituer un facteur de risque ou un facteur de protection.
1.2. La compromission de la moralité ou de l’éducation des enfants.
La morale est caractérisée par la conscience et l’honnêteté. La conscience consiste pour les parents à organiser le psychisme de son enfant pour lui permettre d’avoir connaissance de ses actes et de la valeur morale. L’honnêteté est la droiture d’esprit et d’intégrité dans ses actions. Lorsque la moralité d’un mineur non émancipé est en danger, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par la justice.
L’éducation de l’enfant est un devoir des parents, elle permet d’apprendre à l’enfant à vivre en société et à grandir parmi celle-ci, dans le respect des règles universelles, le respect des autres et familiales, inhérentes à la vie de famille.
Une explication est souvent avancée, celle de l’accès, par les mineurs, aux réseaux sociaux. Cette remarque appelle une observation, celle de l’acquisition des moyens d’accès, téléphone mobile, tablette, ordinateur. Dès lors, cette mise à disposition, par les parents, induit une obligation de contrôle. D’ailleurs, tous les dispositifs informatiques de diffusion intègrent un contrôle parental. Le contrôle parental est une fonctionnalité ou un logiciel qui permet notamment de restreindre l’accès à certains contenus en ligne. Son activation doit permettre de protéger l’enfant d’une exposition à des contenus choquants, violents ou pornographiques.
Les équipements terminaux destinés à l’utilisation de services de communication au public en ligne donnant accès à des services et des contenus susceptibles de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs sont équipés d’un dispositif aisément accessible et compréhensible permettant à leurs utilisateurs de restreindre ou de contrôler l’accès de telles personnes à ces services et contenus.
La Loi impose donc que les appareils connectés à Internet vendus en France (smartphones, ordinateurs, consoles de jeux vidéo, etc.) comportent obligatoirement un dispositif de contrôle parental facilement accessible et compréhensible. L’article L34-9-3 du Code des postes et télécommunications étant cette obligation à l’utilisation par un mineur peu importe son âge.
La CNIL s’est prononcée, le 9 mars 2023 sur le blocage du téléchargement des applications et de l’accès aux contenus installés sur les terminaux, notamment sur l’accès interdit aux mineurs ou restreint à une certaine catégorie d’âge, par exemple, pour certaines applications de réseaux sociaux qui peuvent être installées sur les smartphones.
Selon Jean-Pierre Pourtois, l’éducation parentale est une activité volontaire d’apprentissage de la part des parents qui souhaitent améliorer les interactions nouées avec leur enfant, pour encourager l’émergence de comportements jugés positifs et réduire celle de comportements jugés négatifs.
Il est donc indispensable que les parents surveillent et contrôlent le comportement quotidien de leur enfant, surtout lorsqu’ils mettent à sa disposition des moyens d’accès à des sites violents ou prônant des idéologies.
II. L’élément intentionnel de l’infraction.
La responsabilité pénale étant une infraction intentionnelle, il est indispensable d’établir l’élément moral. Cependant, il est nécessaire d’éviter l’écueil relatif à l’imputabilité des responsabilités pénales des parents et du mineur.
2.1. La confusion entre les responsabilités pénales.
L’écueil à éviter est celui de la confusion des responsabilités pénales. En effet, l’article 227-17 du Code pénal vise exclusivement le comportement des parents en ce qu’ils se sont soustraits à leurs obligations légales d’assurer la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de leur enfant mineur. Il ne sanctionne pas les actes commis personnellement par le mineur. Dans ce dernier cas, les parents pourraient être poursuivis pour l’implication dans les infractions perpétrées par l’enfant ou pour avoir profité du produit de l’infraction.
Les parents sont pénalement responsables des actes commis par leur enfant mineur.
Ils peuvent être condamnés indépendamment pour celle prononcée à l’encontre du mineur. En effet, la poursuite judiciaire des parents n’est pas conditionnée par la condamnation, lorsque celle-ci est possible, du mineur. Les parents ne peuvent s’exonérer de leurs obligations qu’en cas de motif légitime, c’est notamment le cas de l’émancipation du mineur ayant atteint l’âge de seize ans révolus.
La question qui pourrait se poser est celle de savoir si cette responsabilité court jusqu’à la majorité de l’enfant. Une réponse est apportée par l’article 414 du Code civil qui fixe la majorité à dix-huit ans accomplis en précisant pour « son enfant mineur ». L’article 227-17 ne distingue pas un niveau d’âge, les obligations des parents sont donc applicables jusqu’à l’âge de 18 ans.
2.2. La caractérisation de l’élément intentionnel.
La poursuite pénale des parents, sur le fondement de l’article 227-17 du Code pénal, pour la soustraction, sans motif légitime, aux obligations légales, compromission de la santé, la sécurité, la moralité et l’éducation de son enfant est conditionnée à l’existence de l’élément intentionnel : « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ».
La Cour de cassation a jugé que ce délit impliquait chez l’auteur la conscience de s’être soustrait à ses obligations légales au point de compromettre gravement la moralité de son enfant mineur.
L’infraction est intentionnelle lorsque l’auteur a pleinement voulu son acte et le résultat de celui-ci, il a non seulement conscience du caractère illicite de son acte, mais a aussi la volonté de l’accomplir et de produire un résultat dommageable.
La réelle difficulté est celle de rapporter la preuve de l’intention de se soustraire aux obligations. Celle-ci, la soustraction, peut être reprochée aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant. Pour rappel, la majorité est fixée à 18 ans, un mineur peut être émancipé dès l’âge de 16 ans.
Cependant, de jurisprudence constante, la Cour de cassation a jugé que l’élément intentionnel pouvait se déduire des faits. Il convient dès lors de préciser les faits qui peuvent induire cette intentionnalité. Nous dénombrons principalement trois axes de vérification :
1. La situation du mineur, notamment s’il est placé sous l’autorité parentale de ses père et mère (vie commune, absence d’émancipation) ;
2. La possibilité pour les parents de surveiller et de contrôler les actes de leur enfant mineur, ce qui n’est pas le cas lorsque l’enfant est livré à lui-même de jour comme de nuit ;
3. Les conditions d’évolution de vie du mineur au sein de la cellule familiale, notamment son éducation, sa santé, sa moralité et les mesures de protection induites.
Dès lors, il peut être déduit à l’examen de ces conditions que les parents se sont soustraits à leurs obligations parentales.
Il est indéniable que le rôle des parents contribue grandement au développement psychique de leurs enfants. Par ailleurs, il est indispensable d’enrayer la montée inquiétante de la délinquance juvénile.
L’une des solutions serait de rappeler, aux parents, leurs obligations parentales afin de prévenir cette délinquance, si nécessaire par la pénalisation.
Il convient de préciser que la soustraction à leur devoir est passible de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.