Responsabilité du gynécologue obstétricien pendant un accouchement : notions utiles à la victime.

Par Dimitri Philopoulos, Avocat.

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Explorer : # responsabilité médicale # accouchement # infirmité motrice cérébrale # hypoxie néonatale

Cet article a pour vocation d’aider la famille de la victime atteinte d’une infirmité motrice cérébrale (paralysie cérébrale) à comprendre ses droits après une erreur médicale commise par le gynécologue obstétricien ou la sage-femme lors de l’accouchement et la naissance.

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La famille d’une jeune victime atteinte d’une infirmité motrice cérébrale (paralysie cérébrale) après un manque d’oxygène à la naissance pose souvent des questions à l’avocat en droit de la santé sur l’opportunité d’engager une action en justice.

A cet égard, cet article fournit des concepts de base à la famille de la victime.

D’emblée, il convient de soulever qu’aujourd’hui, fort heureusement, l’enfant né dans le contexte d’une encéphalopathie anoxo-ischémique (souffrance du cerveau par un manque d’apport d’oxygène et de sang) bénéficie d’un traitement par hypothermie contrôlée permettant de protéger le cerveau contre les effets néfastes d’un manque d’oxygène lors de l’accouchement.

En effet, l’hypothermie thérapeutique doit commencer avant la sixième heure de vie pour prévenir l’atteinte cérébrale due à l’anoxie.

Cet effet bénéfique a été solidement démontré par plusieurs essais randomisés de grande qualité ainsi qu’une étude regroupée de ceux-ci.

De ce fait, le niveau de preuve de la neuro-protection de l’hypothermie thérapeutique néonatale est des plus élevés si bien qu’il n’y a pas de doute sur son efficacité.

C’est pourquoi l’hypothermie thérapeutique contrôlée fait partie des données acquises de la science médicale et, quand elle est indiquée, son absence constitue une faute médicale.

Dans le cas où la mise sous hypothermie n’aurait pas évité les séquelles de l’anoxie pendant l’accouchement, les parents de l’enfant handicapé demandent habituellement à l’avocat spécialiste son avis sur l’opportunité d’engager une action en justice.

Pour répondre à cette question, l’avocat dira à la famille de la victime si une faute médicale a été commise par l’équipe de la maternité notamment le gynécologue-obstétricien et/ou la sage-femme mais aussi parfois l’anesthésiste (comme en cas de retard de la mise en place de l’anesthésie pour une césarienne) ou le pédiatre (par exemple en cas de faute commise pendant la réanimation néonatale).

I. En droit.

Ainsi, le fondement juridique de la responsabilité reste celui de la faute en vertu des termes du I de l’article L1142-1 du Code de la santé publique suivant lesquels :

« les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute ».

Cependant, en l’absence de faute, les deux ordres de juridiction ont décidé qu’un accident d’accouchement ouvre droit à la réparation des préjudices par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) dès lors que les conditions du II de l’article L1142-1 du Code de la santé publique sont remplies.

Ces conditions légales sont la pratique d’une manoeuvre obstétricale (un acte de soins), l’imputabilité directe entre le préjudice et la manoeuvre obstétricale, l’anormalité du préjudice et le niveau de gravité du préjudice fixé par décret [1] [2].

D’autres textes régissent la compétence de la sage-femme notamment l’article L4151-3 du Code de la santé publique qui dispose :

« En cas de pathologie maternelle, fœtale ou néonatale pendant la grossesse, l’accouchement ou les suites de couches, et en cas d’accouchement dystocique, la sage-femme doit faire appel à un médecin ».

Il en résulte que la sage-femme doit faire appel au gynécologue-obstétricien dès que l’accouchement devient dystocique ce qui a été également décidé par un arrêt de la Cour de cassation [3].

Suivant le même texte, la sage-femme salariée doit appeler le gynécologue-obstétricien en cas de pathologie fœtale comme celle traduite par des anomalies du rythme cardiaque fœtal de sorte que tout retard engage la responsabilité de l’établissement de santé ce qui ouvre droit à l’indemnisation de la paralysie cérébrale imputable à la faute [4].

Cet appel est important lors de l’expulsion car la sage-femme ne peut légalement pratiquer un forceps en raison des dispositions de l’article 18, 4e alinéa du Décret n° 91-779 du 8 août 1991 portant code de déontologie des sages-femmes :

« Il est interdit à la sage-femme de pratiquer toute intervention instrumentale ».

Sur la charge de la preuve des anomalies du rythme cardiaque fœtal, l’absence de tracé n’est d’aucun secours à la maternité suivant un arrêt de la Cour de cassation qui a décidé :

« Qu’en statuant ainsi, alors que, faute d’enregistrement du rythme fœtal pendant plusieurs minutes, il incombait à la clinique d’apporter la preuve qu’au cours de cette période, n’était survenu aucun événement nécessitant l’intervention du médecin obstétricien, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en violation des textes susvisés ; »

Quant à la question délicate de l’astreinte dite opérationnelle lorsque le gynécologue-obstétricien est de garde à l’extérieure d’une maternité qui pratique moins de 1 500 accouchements par an, l’article D. 6124-44, 2° (a) du Code de la santé publique précise :

« Le gynécologue-obstétricien intervient, sur appel, en de situation à risque pour la mère ou l’enfant dans
délais compatibles avec l’impératif de sécurité
 ».

Cette condition de l’impératif de sécurité relève de l’appréciation du juge mais, en cas de pathologie ou de dystocie, la sage-femme doit faire preuve de prudence et appeler le gynécologue-obstétricien d’astreinte à domicile sans attendre.

En d’autres termes, la sage-femme ne saurait exercer de la même manière lorsque le gynécologue-obstétricien est de garde à domicile (souvent à 20 voire 30 minutes de la maternité) et lorsque celui-ci est présent à proximité de la salle de travail.

Une astreinte à domicile ne laisse aucune place au retard de l’appel de la sage-femme qui doit anticiper des difficultés et faire preuve de prudence.

Au total, l’action en justice des parents d’un enfant handicapé se plaçant le plus souvent sur le terrain de la faute, l’avocat doit les renseigner sur l’existence d’un manquement aux données acquises de la science médicale.

Pour ce faire, l’avocat analyse la prise en charge de l’événement obstétrical à l’origine du manque d’oxygène.

II. Différents types d’événements à l’origine d’une anoxie.

1. Hyperstimulation utérine.

Des contractions excessives de l’utérus pendant le travail obstétrical sont une cause d’encéphalopathie anoxo-ischémique pouvant évoluer vers une infirmité motrice cérébrale (paralysie cérébrale).

L’origine fréquente de l’hyperstimulation de l’utérus est l’abus d’oxytocine (Syntocinon*).

L’avocat doit vérifier le respect des doses d’oxytocine et l’absence d’augmentation de la dose devant une activité utérine satisfaisante (3 à 5 contractions pour 10 minutes).

En cas de contractions trop fréquentes conduisant à des anomalies du rythme cardiaque fœtal, la perfusion de Syntocinon* doit être arrêtée. Parfois, un médicament comme la trinitrine (Nitronal*) doit être administré en intraveineuse pour supprimer rapidement les contractions.

Il en va de même lorsque l’utérus se contracte sans se relâcher car cette situation est particulièrement dangereuse.

2. Hématome rétroplacentaire.

L’hématome rétroplacentaire se produit lorsqu’un placenta normalement inséré se détache de l’utérus avant la naissance de l’enfant. Il en résulte une hémorragie avec souvent des troubles de la coagulation de la mère.

Le diagnostic d’hématome rétroplacentaire est évoqué devant une douleur abdominale aiguë et une hémorragie utérine (qui peut ne pas s’extérioriser) pouvant conduire à un état de choc de la mère notamment après la délivrance du placenta.

Le rythme cardiaque fœtal montre habituellement des ralentissements tardifs pouvant être suivis d’une tachycardie et progressivement une perte de la variabilité (diminution des oscillations).

3. Placenta praevia.

En cas de placenta praevia, le placenta s’insère, totalement ou partiellement, sur la partie inférieure de l’utérus.

La classification habituelle distingue quatre cas : le cas dit latéral où le placenta est à moins de 5 cm de l’orifice interne du col, le cas dit marginal où le placenta le touche de très près et ceux dits partiellement et totalement recouvrant.

Le plus souvent, le placenta praevia est retrouvé par des échographies pratiquées systématiquement lors de la grossesse. La conduite à tenir dépend de la distance entre le placenta et le col. Le placenta à plus de 2 centimètres à l’orifice interne du col autorise un accouchement par les voies naturelles.

Le placenta praevia peut être une cause d’hémorragie pendant le travai. Le placenta accreta, la rupture utérine et la rupture d’un vaisseau praevia (l’hémorragie de Benckiser) sont d’autres causes de l’hémorragie pendant le travail.

4. Présentation du siège.

La présentation du siège est également un facteur de risque d’hypoxie fœtale due à la compression du cordon au cours de la descente et du dégagement du siège et ensuite de la tête.

L’accouchement d’un enfant en présentation du siège ne doit être tenté que si les conditions strictes des recommandations du Collège national des gynécologues et obstétriciens français sont remplies notamment celles relatives à la taille du bassin, la tête fœtale (qui ne doit pas être défléchie) et le poids estimé du fœtus (ni trop, ni pas assez).

5. Présentation céphalique en variété postérieure.

Dans une étude en population de référence, Badawi et collègues ont montré qu’une variété postérieure persistante augmente le risque d’encéphalopathie néonatale par un facteur de quatre fois [5].

Il en est ainsi en raison des difficultés d’engagement, des erreurs de diagnostic d’engagement en présence d’une bosse sérosanguine, des attentes prolongées de l’accouchement par voie basse devant des anomalies du rythme cardiaque fœtal et des échecs de forceps conduisant à des césariennes d’extrême urgence.

6. Disproportion céphalopelvienne.

La disproportion céphalopelvienne arrive soit parce que la tête fœtale est trop grosse, soit parce que le bassin maternel est trop petit avec pour conséquence une tête fœtale qui ne s’engage pas ou qui ne descend pas dans le bassin de la mère malgré des contractions utérines efficaces.

L’enfant macrosome présente un risque de disproportion céphalopelvienne (outre le risque de dystocie des épaules).

En cas de soupçon de disproportion fœtopelvienne, une épreuve du travail est nécessaire.

Une activité utérine trop fréquente ou trop intense peut résulter d’une lutte de l’utérus contre une disproportion céphalopelvienne avec pour conséquence des ralentissements répétés et éventuellement une souffrance fœtale.

Dans le cas où la tête ne serait pas engagée lorsque la dilatation est à 7 centimètres ou plus, les chances d’un accouchement par les voies naturelles sont réduites et la césarienne devient plus probable.

Bien que pratiquée souvent dans le passé, la radiopelvimétrie n’est plus préconisée pour dépister la disproportion céphalopelvienne. 

7. Dépassement du terme.

Le vieillissement du placenta lors du dépassement du terme compromet le transfert de l’oxygène de la mère vers le fœtus.

Par convention, la grossesse est dite prolongée au-delà de 41 +0 jours semaines d’aménorrhée (SA) et le terme est dit dépassé à partir de 42 +0 jours SA.

En l’absence de pathologie, un déclenchement du travail est proposé aux patientes à partir de 41 SA.

Les ralentissements tardifs permettent de soupçonner une pathologie du placenta comme une insuffisance utéro-placentaire due au vieillissement du placenta.

8. Circulaire du cordon ombilical.

Il s’agit de l’enroulement du cordon ombilical autour du cou du fœtus pendant la grossesse et, s’il persiste, pendant le travail d’accouchement.

Dans une étude de référence, Nelson et Grether ont montré qu’un circulaire serré du cordon a augmenté le risque d’infirmité motrice d’origine cérébrale par un facteur de dix-huit fois [6].

Le circulaire du cordon est habituellement constaté a posteriori à la naissance.

Néanmoins, une intervention obstétricale devient nécessaire en cas de danger d’anoxie pour le fœtus.

Des ralentissements variables sont souvent constatés en présence d’un circulaire du cordon ombilical. Au départ, ceux-ci sont souvent précédés et suivis d’une petite accélération.

L’accélération qui précède le ralentissement variable et celle qui le suit sont des éléments rassurants et la perte de l’une ou des deux accélérations traduit des ralentissements variables atypiques qui sont des anomalies à risque d’acidose.

9. Procidence du cordon.

La chute du cordon ombilical en avant de la présentation fœtale traduit une procidence du cordon qui est un diagnostic clinique.

Elle est plus fréquente en cas de présentation du siège où la compression du cordon pourrait être moins sévère que pour la présentation céphalique.

Afin de la prévenir, la tête fœtale doit être (au moins) bien appliquée ou fixée avant la rupture artificielle de la poche des eaux.

En cas de survenance de procidence du cordon, la présentation est refoulée et, le plus souvent, une césarienne code rouge pratiquée pour extraire l’enfant notamment en cas de bradycardie.

10. Embolie amniotique.

C’est le passage accidentel (et rare) de liquide amniotique dans la circulation de la mère. La physiopathologie est encore mal connue mais ce serait probablement de nature immunologique.

Le diagnostic définitif intervient a posteriori après une analyse des prélèvements.

Chez la mère, il y a souvent une détresse respiratoire, une hypotension, des troubles de la conscience et une hémorragie avec troubles de la coagulation. Il peut en résulter un arrêt cardiorespiratoire. La réanimation maternelle suivra les recommandations de la société française d’anesthésie et de réanimation.

Chez le fœtus, des anomalies (souvent majeures) du rythme cardiaque fœtal nécessitent une extraction urgente par césarienne ou forceps en fonction de l’avancement du travail.

11. Rupture utérine.

Elle survient habituellement dans le contexte d’un accouchement sur utérus cicatriciel en raison d’une césarienne antérieure.

Selon les recommandations du collège national des gynécologues et obstétriciens français, en cas d’une seule césarienne antérieure, l’accouchement par voie basse est possible et devrait même être la règle en l’absence des facteurs de risque défavorables.

Cependant la tentative de voie basse après césarienne nécessite impérativement le consentement libre et éclairé de la mère et l’avocat devrait rester attentif sur ce point.

Dans le contexte de deux cicatrices de l’utérus, la voie basse reste possible alors qu’en cas de trois cicatrices la césarienne est fortement recommandée.

En cas de rupture de la cicatrice utérine, les complications néonatales sont étroitement liées au délai d’extraction étant précisé que l’extériorisation fœtale dans la cavité abdominale augmente davantage le risque néonatal.

12. Dystocie des épaules.

Un poids de naissance important est un facteur de risque de dystocie des épaules pouvant conduire à une asphyxie ou à paralysie du plexus brachial.

Cependant, l’échographie est médiocre pour l’évaluation du poids fœtal avec une marge d’erreur de 15 % en plus ou en moins. Elle n’est donc guère mieux que l’examen clinique.

En tout cas, il est recommandé de pratiquer une césarienne avant le travail en cas d’estimation du poids fœtal supérieure à 4,5 kg en cas de diabète (surtout lorsqu’il est mal contrôlé) et supérieure à 5 kg en l’absence de diabète.

13. Echec de forceps ou de ventouse.

Celui-ci peut être à l’origine d’une bradycardie nécessitant une césarienne code rouge.

Les causes d’un échec d’extraction instrumentale sont souvent une disproportion céphalo-pelvienne, une déflexion de la tête, une erreur de diagnostic d’engagement ou une variété postérieure.

En cas de difficultés d’extraction prévisibles, il est prudent de pratiquer le forceps au bloc opératoire.

14. Prééclampsie.

Il s’agit de l’hypertension induite par la grossesse avec des signes fonctionnels d’œdèmes importants et de perte de protéines dans les urines.

La prééclampsie peut être à l’origine d’une souffrance fœtale consécutive à un retard de croissance fœtale, un hématome rétroplacentaire ou une crise d’éclampsie.

La naissance de l’enfant permet de mettre fin aux troubles induits par la prééclampsie.

15. Arrêt cardiaque maternel.

L’arrêt cardiaque maternel qui peut survenir notamment après une hémorragie importante, une embolie amniotique, un événement thrombo-embolique, un état septique ou une anaphylaxie.

En conséquence, une anoxie du fœtus en résulte.

Les recommandations de la société française d’anesthésie et de réanimation rappellent qu’il faut débuter sans délai la réanimation cardio-pulmonaire de la mère par massage cardiaque externe étant bien précisé que le poids du bébé comprime la veine cave ce qui nécessite une déviation latérale de l’utérus par les mains d’un assistant.

L’intubation orotrachéale est à pratiquer dès que possible ou, en cas de difficulté, la ventilation peut se faire par masque laryngé.

En cas d’un rythme cardiaque maternel non choquable (cas le plus fréquent), 1 mg de l’adrénaline intraveineuse sera administré afin d’obtenir un rythme choquable.

En revanche, en cas de rythme choquable, des chocs électriques externes tentent d’obtenir un rythme spontané efficace.

16. Retard de croissance.

Par rapport au fœtus de poids normal, le fœtus porteur d’un retard de croissance intra-utérin est un fœtus fragile si bien que l’accouchement représente un risque d’acidose métabolique ou d’asphyxie.

C’est pourquoi le retard de croissance est un motif de déclenchement artificiel du travail.

En effet, les recommandations du collège national des gynécologues et obstétriciens français précisent qu’un déclenchement, même sur col défavorable, est envisageable sous surveillance continue du rythme cardiaque fœtal dans les situations obstétricales favorables et en l’absence de perturbations hémodynamiques fœtales sévères.

17. Evénement postnatal.

L’anoxie cérébrale peut être aggravée par une erreur médicale commise pendant la réanimation du nouveau-né.

A la naissance, la respiration, le cri, la couleur, le tonus sont évalués avec séchage et stimulation du nouveau-né.

En l’absence de respiration efficace avant la fin de la première minute, le pédiatre pratique une ventilation en pression positive par un insufflateur manuel à pression contrôlée (Néopuff*).

Après une minute, si la fréquence cardiaque est inférieur à 100 battements par minute chez un enfant qui reste en apnée, une intubation (orotrachéale ou nasotrachéale) est pratiquée et une ventilation initiée avec une fraction inspirée en oxygène de 100%. Dans le cas où la fréquence cardiaque serait inférieure à 60 battements par minute, un massage cardiaque externe est commencé avec l’administration d’adrénaline par voie veineuse.

L’hypovolémie, l’anémie et l’hypoglycémie éventuelles sont traitées.

Des détails se trouvent dans des protocoles en vigueur comme l’algorithme de la société française de néonatologie.

III. Rythme cardiaque fœtal.

La tolérance fœtale à l’hypoxie est traduite par le rythme cardiaque fœtal qui doit être analysé selon la classification du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, laquelle distingue les tracés selon le risque d’acidose fœtale.

Suivant cette classification, si le rythme de base est normal et s’il n’y a pas de ralentissements, il s’agit d’un tracé à faible risque d’acidose.

Des anomalies à risque d’acidose nécessite une action correctrice. Si ces anomalies persistent, il est conseillé de mettre en œuvre un moyen de surveillance de deuxième ligne (comme la mesure du pH sur prélèvement sanguin fœtal au scalp). Des anomalies à risque d’acidose sont, par exemple, des ralentissements tardifs non répétés ou des ralentissements variables moins de 60 secondes et plus de 60 battements par minute d’amplitude.

Un tracé à risque important d’acidose se voit souvent avec des ralentissements tardifs répétés ou des ralentissements variables supérieurs à 60 secondes ou sévères associés à une réduction de la variabilité (entre 3 et 5 battements par minute). Une technique de deuxième ligne peut être entreprise si elle ne retarde pas l’extraction.

Un tracé à risque majeur d’acidose se voit avec une absence totale de variabilité (< 3 battements par minute) avec ou sans ralentissements ou une bradycardie. Dans ces cas, une décision d’extraction immédiate devrait être prise sans recours à une technique de deuxième ligne.

Le liquide amniotique devenu méconial épais à la suite des anomalies du rythme cardiaque fœtal est un signe de mauvais pronostic néonatal.

Le risque d’acidose fœtale permet ainsi de définir la conduite à tenir suivant les recommandations du Collège national des gynécologues et obstétriciens français mais aussi de connaître le degré d’urgence d’une éventuelle décision d’extraction instrumentale ou de césarienne selon les codes couleur actuellement utilisés dans de nombreuses maternités en France.

Ces recommandations sont particulièrement importantes car la Cour de cassation a décidé que le gynécologue-obstétricien peut invoquer les recommandations de bonne pratique même celles émises postérieurement aux faits litigieux [7].

IV. Travail obstétrical.

Lors d’un rendez-vous avec la famille de l’enfant atteint d’une infirmité motrice cérébrale, l’avocat analyse les données de la grossesse, les facteurs de risque éventuels, le rythme cardiaque fœtal et l’avancement du travail afin de lui dire s’il est vraisemblable qu’un expert constate l’absence de conformité des soins aux données acquises de la science médicale.

La recherche des anomalies du travail obstétrical est critique pour déterminer si une naissance par voie basse pourrait être obtenue dans des délais compatibles avec l’importance des anomalies du rythme cardiaque fœtal.

Le diagnostic du début du travail est posé en présence des contractions régulières, rythmées et douloureuses qui s’accompagnent de modifications du col. Ce diagnostic est important car la surveillance électronique commence à ce moment.

La première étape du travail concerne la période du début du vrai travail jusqu’à la fin de la dilatation du col de l’utérus ce qui dure de 6 à 18 heures chez la primipare (femme qui accouche pour la première fois) et de 2 à 10 heures chez la multipare (femme qui a accouché plus d’une fois). Lors de la première phase (de la première étape du travail) dite de latence, la dilatation est lente mais elle devient plus rapide lors de la phase dite active avant de décélérer peu avant la dilatation complète.

La deuxième étape du travail décrit la période allant de la fin de la dilatation du col de l’utérus jusqu’à la naissance de l’enfant.

Le fœtus doit traverser le bassin obstétrical de la mère surtout l’aire d’entrée de celui-ci ce qui caractérise l’étape importante de l’engagement de la présentation du fœtus.

L’engagement est rendu possible par les mouvements de la tête du bébé comme sa bonne flexion, son orientation oblique et, éventuellement en cas de difficulté, son inclinaison latérale et ses déformations.

Lorsque le fœtus présente la tête la première, l’engagement se fait dans quatre variétés principales (outre deux variétés transverses), lesquelles sont définies par la position de la partie arrière de la tête dite l’occiput.

En raison de la forme de l’aire d’entrée du bassin obstétrical qui est marquée par un relief ou éminence de la première vertèbre sacrée, l’engagement se fait avec la tête du bébé dans une position oblique, donc de manière diagonale, par rapport à ladite aire.

La variété d’engagement la plus fréquente est celle dite occipito iliaque gauche antérieur (OIGA) ce qui décrit une position de l’occiput du bébé du côté antérieur de l’os iliaque gauche de la maman (donc le dos du fœtus est tourné vers le côté gauche du ventre de la mère).

Cependant l’aire des parties moyenne et inférieure du bassin n’est pas marquée par ce relief vertébral si bien qu’une rotation est nécessaire afin de permettre un dégagement du bébé tantôt dans la variété antérieure favorable dite occipito-pubienne (OP), tantôt dans la variété postérieure défavorable dite occipito-sacrée (OS).

Lors du dégagement sous le contrôle de l’accoucheur en variété OP, le sous-occiput est fixé sous la symphyse pubienne et la tête commence un mouvement de déflexion. Une fois la tête dégagée, l’occiput effectue une rotation naturelle de restitution pour s’aligner avec le dos. En outre, lors de l’expulsion de la tête, les épaules s’engagent dans la partie supérieure du bassin. Après leur descente, une traction vers le bas par l’accoucheur permet de dégager l’épaule antérieure. Ensuite, une traction vers le haut dégage l’épaule postérieure après quoi le dégagement du siège intervient sans difficulté.

L’accouchement eutocique aboutit par la seule influence des phénomènes naturels à l’expulsion de l’enfant par voie basse.

En revanche, en cas de dystocie, il y a une difficulté ou une impossibilité d’accouchement par voie basse.

Les différents types de dystocies sont de deux sortes. 

D’une part, il y a des dystocies dynamiques de l’activité utérine et/ou de la dilatation du col. 

Il peut s’agir d’une anomalie dynamique au début du travail comme une dystocie de démarrage ou en cours de travail comme un arrêt ou un ralentissement de la dilatation du col. Par ailleurs, des contractions trop fortes ou trop faibles peuvent gêner la dilatation du col.

La rupture artificielle des membranes (au niveau de la poche des eaux) et l’administration d’ocytocine (Syntocinon*) peuvent corriger des anomalies des contractions et/ou de la dilatation du col. 

D’autre part, il y a des dystocies mécaniques. Celles-ci sont réparties en dystocies osseuses et dystocies des tissus mous, en anomalies du volume fœtal ou en anomalies des deux ensemble.

Par exemple, il peut s’agir d’une dystocie osseuse lorsque le bassin de la mère présente une anomalie de taille ou de forme ce qui ne permet pas le passage du fœtus à travers les différents niveaux du bassin comme le niveau supérieur en cas de dystocie d’engagement. Il peut s’agir d’une macrosomie fœtale ou de présence d’un obstacle tel qu’un fibrome ou un placenta praevia.

On peut citer séparément la dystocie des épaules au cours d’un accouchement par voie basse en présentation céphalique par les difficultés de dégagement des épaules du fœtus après expulsion de la tête.

Dans toutes ces formes de dystocie, la sage-femme aura une obligation légale de faire appel au gynécologue-obstétricien à défaut de quoi elle commet une faute et engage habituellement la responsabilité de l’établissement dans lequel se trouve la maternité où exerce la sage-femme salariée.

V. Lien de causalité.

Pour les enfants nés à terme ou près du terme, les critères nécessaires sont les suivants :

  • pH inférieur à 7 ou un déficit de base supérieur à 12 mmol/l ;
  • encéphalopathie précoce modérée à sévère chez un enfant né à plus de 34 semaines d’âge gestationnel ;
  • infirmité motrice cérébrale (paralysie cérébrale) de type quadriplégie spastique ou de type dyskinétique ;
  • exclusion des autres causes telles que traumatisme, troubles de coagulation, pathologie infectieuse, problème génétique.

D’autres critères traduisent la survenue de l’anoxie pendant le travail d’accouchement et non pas pendant la grossesse ou la période néonatale :

  • événement hypoxique / anoxique obstétrical survenant pendant le travail d’accouchement ;
  • anomalies du rythme cardiaque fœtal le plus souvent à risque élevé d’acidose ou à risque majeur d’acidose ;
  • score d’Apgar entre 0 et 6 au-delà de 5 minutes ;
  • altérations de la fonction des organes (rein, foie, cœur, poumons) avant 72 heures de vie ;
  • imagerie néonatale précoce montrant des anomalies non focales sont la topographie des lésions peut varier selon qu’il s’agit d’un manque d’oxygène brutal ou partiel/prolongé.

VI. Préjudices.

Dès lors que la responsabilité du gynécologue-obstétricien (ou de l’établissement dans lequel exerce la sage-femme salariée) est retenue par le juge, des provisions (à valoir sur l’indemnisation définitive) sont allouées jusqu’à la consolidation des séquelles de l’infirmité motrice cérébrale. Lors de la consolidation qui intervient à la fin de la croissance les préjudices sont indemnisés de manière définitive selon les postes définis par la nomenclature Dintilhac.

Outre les dépenses de santé habituellement à la charge de la victime, l’enfant atteint d’une infirmité motrice cérébrale suit parfois différentes méthodes alternatives pour la rééducation et la réadaptation.
De manière non limitative, les méthodes souvent utilisées sont :

  • la « pédagogie conductive », selon le docteur Pëto (Hongrie) : elle est proposée à des jeunes enfants déficients moteurs selon un programme thérapeutique très structuré sur le plan éducatif et médical. La méthode fait appel à des techniques d’émulation de groupe et de rééducation par kinésithérapie, ergothérapie et orthophonie ;
  • la méthode Essentis (Barcelone, Espagne) : il s’agit d’un programme dit de neuro-réhabilitation à travers l’ostéopathie, l’acupuncture, la kinésithérapie neurologique, la technique de myoténofasciotomie ainsi que d’autres techniques ;
  • la méthode Biofeedback du docteur Brucker (Miami, Etats-Unis) : elle repose sur l’utilisation du biofeedback électromyographique afin de détecter et par suite d’améliorer les capacités de mouvement. Une rééducation musculaire et d’autres procédés (stimulations) sont utilisés en complément aux séances de
    biofeedback ;
  • la méthode Doman de structuration psychomotrice (avec pour base « le patterning ») : le but est de reproduire les mouvements naturels dans l’espoir d’enseigner au cerveau lésé sa propre fonction. Un concept clé de la rééducation motrice est « le patterning », qui consiste à reproduire de façon passive les mouvements de la reptation, du déplacement à quatre pattes et de la marche debout.

La Haute autorité de santé a publié des recommandations sur la rééducation et la réadaptation de la fonction motrice de l’appareil locomoteur des personnes diagnostiquées de paralysie cérébrale [8].

Ces recommandations n’écartent pas l’utilité des méthodes de rééducation dites alternatives évoquées ci-dessus.

La famille de la victime doit garder scrupuleusement toutes les factures des dépenses engagées.

Les postes de préjudices de la nomenclature Dintilhac sont les suivants :

  • Pour les préjudices patrimoniaux avant consolidation, la demande comprend l’indemnisation des dépenses de santé actuelles et les frais divers alors que pour les préjudices patrimoniaux après consolidation, il est demandé les dépenses de santé futures, les frais de logement et du véhicule adaptés, l’assistance par tierce personne, la perte de chance professionnelle et le préjudice scolaire et universitaire.
  • Quant au préjudices extra-patrimoniaux avant consolidation, l’avocat formule une demande tendant à l’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées et le préjudice esthétique temporaire alors que pour les préjudices extra-patrimoniaux après consolidation, cette demande tend à la réparation des déficit fonctionnel permanent, préjudice d’agrément, préjudice esthétique permanent ainsi que des préjudices sexuel et d’établissement.

Les deux ordres de juridiction ont rendu des décisions importantes sur chacun de ces postes.

Par exemple, la Cour de cassation a ouvert la voie à l’indemnisation de la tierce personne pendant les périodes d’hospitalisation [9].

Les préjudices, par exemple les dépenses de santé futures, doivent être évaluées même sans factures dès lors que leur principe a été reconnu par le juge [10] [11].

On ne saurait critiquer les choix des parents quant au projet de vie adopté pour la victime [12].

L’intégralité du coût d’achat d’une maison adaptée d’une jeune victime hébergée chez ses parents peut être indemnisée (et non seulement le surcoût) [13].

Le juge administratif admet que l’indemnisation sans perte ni profit de la tierce personne nécessite une prise en compte intégrale du tarif horaire selon les pièces versées aux débats [14].

L’Allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) n’est pas déduite de l’indemnisation allouée par le juge judiciaire y compris lorsque le débiteur de l’indemnité est l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) [15].

Même si le juge administratif adopte la solution inverse, cette déduction est rigoureusement encadrée car elle ne peut s’opérer que dans la mesure requise pour éviter une double indemnisation si bien que, lorsque la personne publique responsable n’est tenue de réparer qu’une fraction du dommage corporel (comme une perte de chance) la déduction ne se justifie que dans la mesure nécessaire pour éviter que le montant cumulé de l’indemnisation et des prestations excède le montant total des frais d’assistance par une tierce personne [16].

Les juges font preuve de pragmatisme quant à l’indemnisation des dépenses de santé engagées pour les méthodes alternatives de rééducation (comme les méthodes de Pëto, de la Clinique Essentis et de Biofeedback) puisque les parents se trouve souvent confrontés à un réel manque d’offre de soins de rééducation pour les enfants atteints de paralysie cérébrale notamment en province [17].

VII. Demande du dossier d’accouchement.

L’avocat analyse le dossier médical pour apprécier l’opportunité d’engager une action en justice.

La famille de la victime d’un handicap subi à la naissance doit donc demander une copie intégrale du dossier d’accouchement mais aussi le compte rendu d’hospitalisation du service de réanimation néonatale et celui du service de néonatalogie [18].

Dimitri Philopoulos
Avocat à la Cour de Paris
Docteur en médecine
https://dimitriphilopoulos.com

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Notes de l'article:

[1Cass. Civ. 1, 19 juin 2019, pourvoi n° 18-20.883.

[2Cour administrative d’appel de Lyon, 12 décembre 2019, 18LY01000.

[3Cass. Civ. 1, 13 décembre 2005, pourvoi n° 03-12.364.

[4Cour administrative d’appel de Paris, 7 mars 2019, n° 18PA01672.

[5BMJ 1998 ;317:1554-8.

[6Am J Obstet Gynecol.1998 ;179(2):507-13

[7Cass. Civ. 1, 5 avril 2018, pourvoi n° 17-15.620.

[8Haute autorité de santé, 6 déc. 2021, Rééducation et réadaptation de la fonction motrice de l’appareil locomoteur des personnes diagnostiquées de paralysie cérébrale, https://www.has-sante.fr/

[9Cass. Civ. 1, 08 février 2023, pourvoi n° 21-24.991.

[10Cass. crim., 9 mars 2021, pourvoi n° 20-81107

[11Conseil d’État (5-6 CR), 21 mars 2023, n° 452939.

[12Cass. Civ. 2, 30 mars 2023, pourvoi n° 21-19.314.

[13Cass. Civ. 2, 14 mars 2016, pourvois n° 15-16625 et 15-22147.

[14Conseil d’État, (5-6 CR), 27 mai 2021, n° 433863.

[15Cass. Civ. 1, 2 juin 2021, pourvoi n° 20-10995.

[16Conseil d’État (5-6 CR), 26 juillet 2018, n° 408806.

[17Conseil d’Etat, 5ème ch., 16 févr. 2021, n° 428513.

[18Une lettre type de demande du dossier d’accouchement se trouve sur le site de notre cabinet d’avocat à https://dimitriphilopoulos.com/.

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