Le renouveau de l’avocat postulant.

Par Philippe Leconte, Avocat.

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L'avocat postulant, souvent méconnu, joue un rôle essentiel dans la représentation devant les juridictions, garantissant la régularité des procédures. Sa mission exige une connaissance précise des règles, tant à la première instance qu’en appel, tout en relevant des défis techniques et juridiques en constante évolution.
Description rédigée par l'IA du Village

La mission de l’avocat postulant est bien souvent ignorée du grand public. Moins connue que l’activité d’avocat plaidant ou que d’avocat conseil, la postulation, qui peut être exercée par tout avocat, est pourtant fondamentale pour la régularité des procédures où la loi la rend obligatoire. Elle répond à des règles textuelles précises et n’est pas sans risque tant pour celui qui confie la mission que pour celui qui l’exécute. Alors que certains pariaient sur une disparition de la postulation avec la suppression des avoués, c’est au contraire à une forme de renaissance qu’assistent les praticiens des procédures. Depuis une douzaine d’années, les avocats qui souhaitent revendiquer l’activité de postulant se voient obligés tour à tour de maintenir un haut niveau d’actualisation de leurs connaissances, d’être capables d’en réinventer le rôle et de procéder à une modernisation permanente de leurs outils.

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I) Rôle de l’avocat postulant.

A) Définition de l’avocat postulant.

Les mots « postulant » ou « postulation » ne figurent pas dans le Code de procédure civile. Bien que citée dans la loi du 31 décembre 1971 relative à la profession d’avocat, la postulation est étrangement un terme non défini.

Pourtant, la distinction entre l’avocat plaidant et l’avocat postulant parait simple. Le premier assiste son client au cours de la phase de conseil, maitrise le fond du dossier et n’engage la procédure judiciaire qu’après avoir envisagé les procédures alternatives dont les procédures amiables. Le second intervient une fois le litige né pour assurer une représentation de la partie auprès des juridictions du lieu du litige.

Cette formulation n’est cependant pas juridiquement exacte.

La Cour de cassation dans un arrêt du 28 janvier 2016 a jugé que « la postulation consiste à assurer la représentation obligatoire d’une partie devant une juridiction » et qu’« un avocat ne postule pas lorsque la représentation n’est pas obligatoire » [1].

Ainsi, pour tenter une définition plus précise pourrait-on dire que l’avocat postulant est celui qui assure la représentation d’une ou plusieurs parties devant les juridictions où cette représentation est obligatoire.

B) Les modalités d’intervention de l’avocat postulant.

Le choix de l’avocat postulant est fait le plus souvent par l’avocat « direct » du client (le « dominus litis » ou « le maître de l’affaire »). Sauf cas particulier, celui-ci échangera seul avec le postulant car les échanges sont de nature principalement technique. De même, il sera fréquemment convenu que le postulant ne correspondra pas avec le client. Pourtant, même si le postulant endosse ce rôle discret, sa mission est fondamentale au bon déroulement de la procédure.

Un fois qu’il a reçu le mandat, l’avocat postulant s’identifie auprès de la juridiction et de ses confrères adverses. Il le fait par le biais de la clé électronique du Réseau Privé Virtuel des Avocats (RPVA) en régularisant un acte de constitution. Cette constitution fait de lui le représentant de la partie. Tous les actes de la procédure devront transiter par lui et lui seul. Dans le cadre de l’instance pour laquelle il intervient, le postulant recevra ou établira les actes à régulariser qu’il transmettra à la juridiction et à ses confrères adverses afin de respecter le principe du contradictoire. Une fois constitué, il ne peut plus se déconstituer sauf à ce qu’un confrère se constitue en ses lieu et place.

C) Utilité de la postulation.

L’utilité de la postulation dépend de la conception de la mission qui est confiée et de la manière dont elle est exécutée. Si l’avocat maître de l’affaire n’utilise les services de son confrère postulant qu’en considération du caractère obligatoire de la représentation, celui-ci se prive alors à la fois d’un regard extérieur mais aussi de la connaissance des contraintes, des délais, des contrats de procédure ou encore des habitudes des juridictions locales.

Réciproquement, le postulant doit revendiquer un rôle proactif. Durant le temps de la procédure dont il a été saisi, l’avocat postulant est comptable des actes régularisés mais aussi et des délais. Un délai de procédure dépassé peut se traduire par une caducité, une irrecevabilité, une prescription, une péremption ou toute sanction risquant de faire perdre définitivement son procès au client. La procédure d’appel est le meilleur exemple de cette technicité. En douze ans, cette procédure est devenue la première cause de sinistre des avocats et en la matière le postulant est en première ligne.

2) La territorialité de la postulation : précisions et cas particuliers.

La loi du 31 décembre 1971 pose un principe de postulation territoriale qui permet à un avocat de postuler devant la cour d’appel à laquelle appartient le barreau auquel il est inscrit. Mais cette règle n’est pas absolue car l’article 5 de la loi dispose que

« les avocats ne peuvent postuler devant un autre tribunal que celui auprès duquel est établie leur résidence professionnelle ni dans le cadre des procédures de saisie immobilière, de partage et de licitation, ni au titre de l’aide juridictionnelle, ni dans des instances dans lesquelles ils ne seraient pas maîtres de l’affaire chargés également d’assurer la plaidoirie » [2].

Les avocats peuvent postuler devant l’ensemble des tribunaux judiciaires du ressort de cour d’appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d’appel sans pouvoir postuler devant un autre tribunal que celui auprès duquel est établie cette résidence professionnelle.

Concernant la représentation obligatoire par avocat devant les tribunaux de commerce, les articles 5 et 5-1 de la loi du 31 décembre 1971 ne s’appliquent pas, les règles de postulation n’étant applicables que devant les tribunaux judiciaires.

Devant le tribunal de commerce, il s’agit donc d’une représentation obligatoire par avocat sans postulation territoriale.

S’il existe donc un principe de territorialité de la postulation devant la cour d’appel à laquelle appartient le barreau auquel l’avocat est inscrit, ce principe souffre plusieurs séries d’exceptions aboutissant à un panorama complexe.

  • La possibilité de postuler dans le ressort de la cour d’appel n’est pas absolue. Les exceptions sont prévues à l’article 5-1 de la loi du 31 décembre 1971 modifié par la loi n°2015-990 du 6 août 2015 "Macron". La postulation en dehors du ressort du tribunal judiciaire du barreau n’est pas possible en matière de saisie immobilière, de partage, liquidation, d’ aide juridictionnelle.
    Surtout, le texte précise que l’avocat ne peut postuler en dehors de son barreau « s’il n’est pas maître de l’affaire chargé de la plaidoirie ». Cette interdiction permet à l’avocat de mener personnellement ses procédures dans le ressort de la cour d’appel auprès de laquelle se trouve son barreau sans avoir à recourir au ministère d’un postulant tout en maintenant pour les procédures dans lesquelles le maître de l’affaire est extérieur au barreau le besoin de recourir à une représentation locale auprès de la juridiction [3].
  • Les règles particulières de la multipostulation. Les avocats inscrits à l’un des tribunaux judiciaires de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre peuvent postuler auprès de la Cour d’appel de Paris quand ils ont postulé devant l’un des tribunaux judiciaires de Paris, Bobigny et Créteil et auprès de la Cour d’appel de Versailles quand ils ont postulé devant le Tribunal judiciaire de Nanterre sauf pour les affaires de saisie immobilière et d’aide juridictionnelle. Réciproquement, un avocat parisien peut postuler aussi à Créteil, Nanterre et Bobigny.
  • Le particularisme de la postulation devant les chambres sociales. Le décret n°2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement du contentieux du travail a instauré à compter du 1er août 2016 une procédure de représentation obligatoire par un avocat ou un défenseur syndical devant la chambre sociale de la cour d’appel [4]. Jusqu’à ce texte, les procédures devant les chambres sociales des cours d’appel étaient sans représentation obligatoire. Un doute subsistant sur la question de la territorialité de la postulation. La circulaire de la Chancellerie du 27 juillet 2016 considérait que la procédure instituée par le décret du 20 mai 2016 ne constituait pas une simple extension du champ de la procédure avec représentation obligatoire mais instaurait une procédure spécifique de représentation obligatoire propre à la matière [5]. Finalement, par un avis du 5 mai 2017, la Cour de cassation s’est prononcée sur la question de la territorialité de la postulation devant les chambres sociales des cours d’appel à la suite du décret du 20 mai 2016 [6].

Ainsi, les règles de la postulation prévues aux articles 5 et 5-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée ne s’appliquent pas devant les cours d’appel statuant en matière prud’homale, consécutivement à la mise en place de la procédure avec représentation obligatoire.

Tout avocat peut dès lors postuler devant les chambres sociales des cours d’appel s’il dispose des moyens techniques et en particulier une clé RPVA. Cette « postulation nationale » présente toutefois la particularité de se faire avec la possible représentation par un défenseur syndical lequel ne dispose pas de cet outil de communication dématérialisée. En effet, l’avocat n’a pas le monopole de cette représentation obligatoire. Elle peut être exercée par un défenseur syndical [7]. L’avocat postulant devant les chambres sociales doit dans ces hypothèses communiquer non seulement par la voie électronique avec les greffes et la cour mais doit doubler cette communication d’une notification au défenseur syndical lorsqu’il est constitué.

3) La renaissance de l’activité d’avocat postulant.

A) Les évolutions textuelles et jurisprudentielles.

En théorie, la procédure devrait être suffisamment simple pour permettre à tout avocat d’intervenir sans risque devant toutes les juridictions. La théorie est hélas loin de la pratique en matière civile avec représentation obligatoire par l’effet de textes de procédure éminemment complexes et les sanctions attachés à leur non respect. A titre d’exemple, en quinze ans, la procédure d’appel est devenue la première cause de sinistres de la profession d’avocat.

B) Réinventer un rôle.

La vie du postulant n’est pas un long fleuve tranquille tant sont nombreux les pièges liés à la compétence territoriale et d’attribution des juridictions, aux incidents de procédure, aux jonctions, disjonctions des instances, sursis à statuer, expertises, appels en cause ou encore à la formulation des prétentions dans les conclusions. Progressivement, les risques se sont étendus, passant de la procédure d’appel à la première instance. Il faut donc tordre le cou à une formule facile, voire une idée reçue : l’avocat postulant ne doit pas être une simple boîte à lettres. Il se doit d’assumer et de sécuriser les choix procéduraux qui lui sont dévolus. Il est un avocat de plein exercice investi d’une mission de conseil qui va former, le temps du procès, un duo avec l’avocat maître de l’affaire tant vis-à-vis des confrères adverses que des juridictions.

Au regard des règles liées à la territorialité liée à la postulation il lui est également nécessaire de bien connaître le découpage des différents barreaux et des différentes cours d’appel mais aussi les règles de compétence des juridictions car le défaut de constitution ou la constitution d’un avocat non habilité constitue une irrégularité de fond et un risque de responsabilité.

C) La modernisation des outils.

La mission de l’avocat postulant, héritière directe des missions dévolues aux anciens avoués, qu’ils soient d’instance ou à la cour, est technique et semble avoir, au vu des récents textes parus ou annoncés, vocation à le rester [8]. La procédure civile demeure pleine de chausse-trappes tant en appel qu’en première instance. Ce constat impose aux avocats postulants de se former, de s’adapter et d’investir dans de nouveaux outils.

Actuellement, les méthodes d’identification de confrères pratiquant la postulation sont d’ordres plus ou moins empiriques allant de la présentation spontanée de l’activité sur le site du cabinet, à l’achat de mots clés pour le référencement, en passant par l’appartenance à des associations de praticiens des procédures. Ces méthodes de choix du mandataire ne sont toutefois pas objectives pour le mandant et son client alors que son besoin de sécurité juridique est réel.

Certes il demeure le choix de solliciter un ancien avoué. Les anciens avoués à la cour et les collaborateurs diplômés se sont vu reconnaitre la spécialité en procédure d’appel à l’occasion de la suppression de la profession. Mais la loi de fusion des avoués à la cour dans la profession d’avocat entrée en vigueur le 1ᵉʳ janvier 2012 date de 2011 [9] et le nombre de spécialistes diminue chaque année sans que la spécialité soit ouverte aux confrères formés à la pratique du droit processuel.

Cette absence de visibilité rend difficile le recrutement de collaborateurs qui peuvent légitimement s’interroger sur leur avenir au sein de structures parfois très spécialisées. La question de la création d’une spécialité pérenne en procédure ou d’une identification accrue de l’activité d’avocat postulant mérite donc d’être posée.

Philippe Leconte,
Avocat au barreau de PARIS
spécialiste en procédure d’appel,
Associé de KPDB inter-barreaux (Paris/Bordeaux)
www.kpdb.legal

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Notes de l'article:

[1Cass. civ. 2, 28 janvier 2016, n° 14-29.185, F-P+B+I.

[2Loi n°71-1130 du 31 déc. 1971 (suppression des avoués de 1ʳᵉ instance).

[3Loi n°2015-990 du 6 août 2015 “Macron” (multipostulation dans le ressort des cours d’appel).

[4Décret n°2016-660 du 20 mai 2016.

[5Circulaire de la Chancellerie du 27 juillet 2016 NOR : JUSC1632342C.

[6Avis Cour de cassation 25 avril 2024 pourvoi n°23-70.020.

[7Article R1461-1 du Code du travail.

[8Décret n°2023-1391 portant simplification de la procédure d’appel en matière civile.

[9Loi n°2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d’appel.

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