I. La construction irrégulière.
La notion de construction irrégulière intègre deux catégories de constructions :
- Les constructions réalisées en l’absence de toute autorisation d’urbanisme ;
- Les constructions régulièrement autorisées mais dont la réalisation n’est pas conforme au permis de construire [1] ;
La première catégorie renvoie essentiellement aux constructions édifiées sans qu’il n’ait jamais été sollicité la moindre autorisation.
Elle comprend également les constructions régulièrement édifiées qui ont, ultérieurement, fait l’objet de modifications sans autorisation [2].
Elle intègre aussi l’hypothèse, plus rare en pratique, dans laquelle la construction a - par manque de prudence du constructeur - été édifiée sur la base d’un permis de construire qui a, par la suite, fait l’objet d’une annulation par le juge administratif [3] ou même d’un retrait par l’administration.
En effet, le recours contre le permis n’a pas d’effet suspensif de sorte que la construction peut parfaitement être réalisée au cours du contentieux… aux risques et périls du pétitionnaire. La prudence commande donc de n’initier ces travaux qu’une fois tous les recours purgés.
II. La nécessité de régulariser la construction.
La nécessité d’envisager une régularisation s’apprécie au regard du risque pris par le propriétaire d’une construction irrégulière. Or, celui-ci justifie amplement de tenter de régulariser la construction.
D’une part, l’intéressé s’expose à des poursuites pénales pouvant conduire à une amende dont le montant sera compris entre 1 200 euros et 6 000 euros par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable dans l’hypothèse d’une surface de plancher, mais ne peut excéder un montant de 300 000 euros dans les autres cas, ainsi qu’à une peine d’emprisonnement de six mois en cas de récidive [4].
Il convient ici de souligner que le risque pénal est partagé par l’ensemble des participants à la construction dont les entrepreneurs et les architectes qui ont donc tout autant intérêt à permettre cette régularisation.
D’autre part, il pèse sur le propriétaire le risque que la commune fasse usage de ses pouvoirs de sanction administrative pour tenter de lui imposer la régularisation qu’il n’initierait pas spontanément [5].
Evidemment, en l’absence de toute possibilité de régularisation de la construction – par exemple dans l’hypothèse d’une construction sur un terrain inconstructible - l’intéressé demeurera sous la menace d’une action en démolition.
Il est donc particulièrement risqué de tenter de s’exonérer de toute tentative de régularisation, d’autant que le délai de prescription de l’action en démolition est de dix années [6].
III. Les modalités de régularisation.
La jurisprudence administrative admet que le dépôt d’un nouveau permis de construire puisse régulariser une construction déjà achevée [7].
La circonstance que la demande vise non pas à permettre, pour l’avenir, une construction mais seulement de permettre à l’existant de disposer d’une existence régulière ne fait, heureusement, pas obstacle, à ce qu’un permis de construire puisse être sollicité.
Le Conseil d’Etat a jugé même dans son célèbre arrêt Thalamy [8] qu’une construction irrégulière devait d’abord être régularisée avant que de nouveaux travaux puissent être autorisés dès lors que ces derniers prenaient appui sur la construction irrégulière. Le Conseil d’Etat admet seulement une tolérance en cas de pluralité de bâtiments considérant qu’en cas de divisibilité, la régularisation ne s’impose que pour les bâtiments liés au nouveau projet [9].
Dans un arrêt du 13 décembre 2013, le Conseil d’Etat a jugé que l’extension d’un bâtiment, même sans prise d’appui sur la construction existante, devait néanmoins être soumise à régularisation [10].
Le pétitionnaire ne peut donc pas faire le choix de ne solliciter une autorisation d’urbanisme que relativement aux derniers travaux réalisés sans chercher à régulariser les travaux déjà réalisés qu’il sait être irréguliers.
L’obligation ne s’impose néanmoins que dans l’hypothèse où la construction devait, à la date de sa réalisation, être précédée de la délivrance d’un permis de construire.
On ne saurait évoquer la régularisation de travaux qui avaient alors été régulièrement réalisés puisqu’aucune autorisation n’était exigée. En ce cas, la demande ne portera que sur les nouveaux travaux sans qu’il soit besoin de valider la régularité des travaux anciens [11].
Enfin, il convient de préciser que dans l’hypothèse où la construction n’est pas achevée, notamment lorsque la DAACT n’a pas été transmise à la commune, le maître d’ouvrage dispose encore de la possibilité de déposer un permis de construire modificatif pour régulariser les modifications intervenues en cours de construction [12].
IV. L’exception à l’obligation de régulariser tous les travaux.
Par exception le Conseil d’Etat avait admis, dans son arrêt daté du 3 mai 2011, que la commune puisse ne pas inviter le pétitionnaire à solliciter la régularisation des travaux non autorisés et réalisés précédemment à la condition, notamment, que les actions pénales et civiles soient éteintes [13].
Le législateur a, depuis lors, consacré cette exception issue d’un pragmatisme judiciaire bienvenu en l’inscrivant au sein des dispositions de l’article L421-9 du Code de l’urbanisme qui pose désormais comme principe :
« Lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou la décision d’opposition à déclaration préalable ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme ».
Bien sûr, le principe souffre de nombreuses exceptions visant à protéger la sécurité publique, le respect du domaine public, de l’environnement. De même, ce principe ne saurait faire obstacle à une action judiciaire en démolition déjà engagée.
Plus encore, le bénéfice de ce mécanisme ne saurait jouer s’agissant d’une construction édifiée sans aucun permis de construire lorsque celui-ci était nécessaire.
La précision reprend ici la jurisprudence du conseil d’Etat opérant une distinction entre les constructions réalisées sans déclaration préalable - régularisables - et celles réalisées sans permis de construire - non régularisables pour leur part [14].
Il s’agit donc de ménager un équilibre entre la nécessité de régulariser des situations dans lesquelles le bâtiment a été érigé en méconnaissance des règles applicables et celle de ne pas admettre que puissent demeurer des constructions créant une situation de danger ou heurtant l’ordre public.
Discussion en cours :
Bonjour,
Dans le cas de la construction d’un batiment agricole de 300m2, établi aux alentours de 1948/1950 sans aucune demande en mairie (pas de permis demandé malgré la loi imposant les demandes de permis de construire en 1943) dont un changement de destination a été autorisé en habitation en 2015 suite à une déclaration préalable de changement de destination (arrêté de non opposition), est-ce que cet arrêté valide officiellement la construction et permettra, en cas de sinistre, d’avoir le droit de reconstruire ? Cette maison est bien raccordé à l’eau et à l’électricité et les impôts sont payés chaque année depuis 2015. En vous remerciant par avance,