La multiplication des cryptomonnaies, de la plus connues, le Bitcoin, aux devises concurrentes du même type, tels Ripple, Ethereum ou Monero, a été marquée par l’explosion de leurs cours, puis par leur effondrement à la fin de l’année 2017.
L’Autorité des Marchés Financiers avait en effet mis en garde les investisseurs contre les risques d’effondrement de la valeur des cryptomonnaies, et son premier avertissement s’est révélé fondé.
C’est qu’en effet, en droit français, aucun statut juridique n’est envisagé et la législation ne reconnaît pas la monnaie virtuelle au titre d’un moyen de paiement. N’entrant dans aucune catégorie juridique préexistante, les monnaies virtuelles ne sont considérées, en France, ni comme monnaies électroniques, ni comme moyens de paiement, mais alternativement comme une mesure financière, voire, parfois, comme un simple bien meuble incorporel valorisable, pouvant ainsi faire l’objet de transactions.
Cette instabilité est source d’inquiétudes pour les investisseurs, et le manque d’encadrement par les pouvoirs publics ne fait qu’aggraver les risques déjà liés à son instabilité.
A rebours de la position de la France, la Cour de Justice de l’Union européenne s’est justement décidée à qualifier la nature des monnaies virtuelles et considère, depuis une décision du 22 octobre 2015, que le Bitcoin est véritablement un moyen de paiement et qu’à ce titre il peut bénéficier des exonérations de TVA prévues pour les opérations financières, rendant ainsi caduque la position de la France concernant sa nature.
L’Autorité des Marchés Financiers avait lancé une première impulsion le 4 décembre dernier, en publiant un communiqué mettant en garde les utilisateurs de cryptomonnaies et soulignant les risques associés à un investissement sur ces actifs spéculatifs, rappelant notamment l’absence de garantie et de protection du capital.
On attend la position du législateur pour poser le cadre juridique et sécuriser ces actifs.
Mais d’ores et déjà, et dans la suite logique de ses premiers avertissements, l’AMF va plus loin dans la suspicion à l’égard de la cryptomonnaie et affirme plus explicitement sa volonté d’encadrer son utilisation.
Dans sa dernière publication en date du 15 mars 2018, elle met justement en garde le public à l’encontre de certains acteurs proposant d’investir dans des crypto-actifs sans disposer des autorisations nécessaires.
La loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite loi « Sapin II ») avait déjà modifié la législation sur le régime de l’intermédiation en biens divers.
Selon cette loi, « les sociétés qui proposent sur le territoire français d’acquérir des droits sur des biens en mettant en avant la possibilité d’un rendement ou son équivalent économique sont soumises au régime de l’intermédiation en biens divers et à ce titre, leur offre doit disposer d’un numéro d’enregistrement délivré par l’AMF ».
Or, bien qu’alertées par l’AMF des nouvelles obligations qui s’imposent à elles, certaines sociétés continuent à proposer des investissements au public français sans que leur offre ne soit enregistrée auprès de l’AMF, qui décide désormais de placer sur une liste noire 15 sites d’investissement qui « continuent à communiquer et / ou démarcher le public en France sans que leur offre ne soit enregistrée », alors qu’ils ont pourtant été alertés par le régulateur « des nouvelles obligations qui s’imposent à elles », via la loi Sapin II, promulguée fin 2016.
Cette liste, qui n’est d’ailleurs pas exhaustive, ne vise toutefois pas uniquement les cryptomonnaies, mais plusieurs biens pour lesquels l’investissement peut se révéler risqué (vins, diamants, terres rares, etc.)
Une action en justice visant à obtenir la condamnation de ces sites illégaux fait d’ailleurs l’objet de réflexions, et pourrait être la prochaine étape vers le renforcement de l’encadrement des cryptomonnaies.
D’un simple avertissement en 2017, l’AMF donne aujourd’hui un véritable coup d’accélérateur à l’encadrement des monnaies virtuelles.
S’il est trop tôt pour envisager une interdiction pure et simple, il s’agit toutefois d’observer, dans les prochains mois, l’attitude qu’adoptera le législateur à l’égard de ce phénomène.