Puis-je obtenir l’annulation de la vente de mon véhicule pour vices cachés ?

Par Céline Cabaud, Avocat.

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Explorer : # vices cachés # garantie légale # vente de véhicule # annulation de vente

La Cour de cassation vient de trancher avec quatre arrêts en date du 21 juillet 2023 : la question du double délai d’action, en matière de vice caché, 2 ans depuis la découverte du vice et surtout 20 ans, depuis l’achat du véhicule.

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En effet, lors d’une vente de véhicule, l’acheteur bénéficie de plusieurs moyens de protection et notamment d’une garantie contre un éventuel vice caché.

Le vendeur, tenu à une obligation de délivrance, doit en effet livrer à l’acheteur un bien qui n’est atteint d’aucun défaut majeur susceptible de porter atteinte à l’utilisation que l’acquéreur souhaite légitimement en faire.

En ce sens, « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus » et ce, conformément à l’article 1641 du Code civil.

À cet égard, et lorsqu’un acheteur acquiert un véhicule, il peut légitimement s’attendre à ne pas avoir à subir de lourdes réparations immédiatement après la vente ; et ce d’autant plus lorsqu’une somme importante est investie dès l’achat.

Il est conseillé d’acheter un véhicule si le vendeur est en capacité de fournir l’ensemble des factures d’entretien.

Il n’est malheureusement pas rare qu’un défaut, invisible au moment de l’achat, se révèle par l’usage : usure plus avancée qu’annoncée, défaut de construction, dommage résultant d’un accident de la route et non indiqué au moment de la vente etc.

Il devient alors nécessaire pour l’acheteur lésé de se retourner contre le vendeur afin d’obtenir l’annulation de la vente, ou la revalorisation à la baisse de son prix de vente (et donc remboursement d’une partie du montant versé initialement).

Il incombera à l’acheteur de prouver l’existence du vice caché par la remise d’un rapport d’expertise amiable ou judiciaire, des factures d’entretien, des photographies ou attestations.

Mais alors, quelles sont les conditions à remplir afin d’obtenir l’annulation de la vente, ou la diminution du prix d’achat, pour vices cachés ?

1. Première condition : un vice d’une gravité suffisante.

L’article 1641 du Code civil dispose que la garantie des vices cachés trouve notamment à s’appliquer lorsque les défauts de la chose vendue diminuent tellement son usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.

S’il n’est pas nécessaire que le véhicule soit inutilisable pour qu’il y ait vice caché [1], il est cependant indispensable que l’acheteur démontre que le vice présent constitue un défaut grave qui empêche toute utilisation normale du bien.

En ce sens, des troubles insignifiants auxquels il serait simple de remédier, ou qui n’affecteraient que l’agrément ou le confort d’un véhicule, ne sauraient conduire à la mise en œuvre de la garantie des vices cachés [2].

À l’inverse, dès lors que le défaut de la chose vendue rend celle-ci impropre à sa destination, il n’y a pas lieu de rechercher si un tel vice a été déterminant dans le consentement de l’acheteur pour que le vendeur soit tenu à garantie [3].

Pour apprécier l’importance de la gêne, les Juges se réfèrent à l’usage normal du bien [4].

Il convient également de noter que les tribunaux apprécient différemment ce critère selon l’état du véhicule au moment de l’achat, mais aussi selon le prix de vente.

La jurisprudence fait ainsi peser un devoir de prudence plus important sur l’acheteur en matière de vente de véhicules d’occasion.

Il est donc préférable que l’acheteur procède à des investigations ou à des essais plus poussés afin de se rendre compte des éventuels défauts dans de telles circonstances.

Pour exemple, la Cour d’appel de Versailles a d’ores et déjà pu retenir qu’en raison du kilométrage déjà parcouru, l’acheteur devait avoir conscience du risque d’éventuelles réparations à effectuer au cours des mois suivant la vente [5].

En tout état de cause, le véhicule doit être dans un état fonctionnel (doit donc pouvoir rouler), et ce même s’il était déjà en mauvais état et vendu à un prix très faible [6].

2. Seconde condition : un vice non apparent au moment de la vente.

Si l’acquéreur décèle un défaut sur le véhicule en amont ou au moment de la vente, il ne pourra évidemment pas invoquer la garantie des vices cachés.

Il convient en effet que le vice soit caché de sorte que l’acheteur ne pouvait en avoir connaissance.

Le régime varie cependant selon la capacité de l’acquéreur à déceler le vice ; c’est à dire qu’il soit, ou non, un professionnel de l’automobile.

Les tribunaux accordent, en toute logique, une protection plus importante aux acheteurs profanes.

Le vice est considéré comme caché à l’égard d’un acquéreur qui est un simple particulier, si le vice n’est pas de ceux que l’on peut qualifier d’apparent.

La jurisprudence n’impose pas à l’acheteur de se livrer à des vérifications approfondies, ni de se faire assister par un expert [7].

Plus encore, si des compétences techniques particulières ou l’assistance d’un spécialiste sont nécessaires pour déceler le vice, les tribunaux retiennent généralement qu’il s’agit, pour le profane, d’un vice caché.

Il sera cependant noté que la présence d’un tel spécialiste aux côtés de l’acheteur profane peut être de nature à rendre le vice apparent [8].

En ce qui concerne les acquéreurs qualifiés de « professionnels », ces derniers sont présumés être compétents et donc connaître les défauts qui pourraient affecter le véhicule.

Il s’agit cependant d’une présomption simple qui peut être renversée par la démonstration de l’existence d’un vice qui ne pouvait être révélé qu’à la suite d’examens bien plus approfondis.

Enfin, lorsque l’acquéreur a pu connaître de l’existence d’un vice au moment de l’achat, celui-ci sera qualifié de caché si l’acheteur n’était pas en mesure d’en estimer l’ampleur et les conséquences [9].

3. Un vice antérieur à la vente.

Le critère d’antériorité est quant à lui apprécié souverainement par les juges du fond [10].

La jurisprudence admet alors largement le recours aux présomptions de fait en déduisant notamment l’antériorité de la seule importance du trouble [11].

La Cour de cassation pose également le principe selon lequel l’antériorité ne doit pas s’apprécier au regard de la date d’apparition du trouble, mais au regard du moment où celui-ci a pris naissance ; tout en déduisant qu’il suffit que l’acheteur établisse que le trouble existait en germe lors du transfert des risques, pour que la vente donne lieu à garantie [12].

Dans quel délai est-il possible d’agir pour vice caché ?

Il est nécessaire d’intenter l’action dans un délai de deux années à compter de la découverte du vice par l’acquéreur, sans pouvoir dépasser un délai de vingt ans à compter du jour de la vente (article 1648 du Code civil, [13]) c’est en tout cas ce que vient de trancher la Cour de cassation avec quatre arrêts en date du 21 juillet 2023 [14].

Qu’est-il possible d’obtenir lorsque le vice caché est démontré ?

L’article 1644 du Code civil prévoit que l’action en garantie offre différentes options à l’acheteur lésé, à savoir l’annulation du contrat, une diminution du prix ou encore la remise en état de la chose.

À cet égard, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur (préjudice financier, préjudice moral, préjudice de jouissance etc.).

En outre, il sera rappelé que selon une jurisprudence constante [15], il résulte de l’article 1645 du Code civil qu’une présomption irréfragable de connaissance du vice de la chose vendue pèse sur le vendeur professionnel ce qui l’oblige à réparer l’intégralité de tous les dommages qui en sont la conséquence.

Céline Cabaud
Cabinet MCC Avocat
Barreau de Saint Denis de la Réunion (974)
https://mccavocat.com

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Notes de l'article:

[1Cass., Com., 18 décembre 1973, Bull. civ. IV, n°372, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 12 septembre 2018, 17-20.757, Inédit.

[2Cass. 1ère Civ. 2 décembre 1997, n°96-11.210.

[3Cass. Com., 7 février 1995, Defrénois 1995. 1292, note Dagorne-Labbe.

[4Cass. 1ère civ. 11 avril 1995, pourvoi n°93-11.168, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 1 juillet 2020, 19-11.119, Inédit.

[5CA, Versailles, 3ème ch,, 28 septembre 1990, D. 1991 p. 168.

[6CA Montpellier, 14 janvier 2003, Juris-Data n°2003-210193.

[7Répertoire de droit civil, Vente : effets - Garantie contre les vices cachés - Olivier Barret ; Philippe Brun.

[8Civ. 3, 16 sept. 2014, n° 13-19.911.

[9Cass., 3ème Civ., 14 mars 2012, n°11-10.861 ; Cass., 1ère Civ., 8 mars 2005, n°02-11.594.

[10Cass., 1ère Civ., 15 juillet 1999, n°97-16.783.

[11Cass.,1ère Civ. 21 juillet 1987, Bull. civ. I, n°250.

[12Cass., Com., 10 décembre 1973, D1974. IR 64, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 12 septembre 2018, 17-20.757, Inédit.

[13Cour de cassation, chambre mixte, 21 juillet 2023, Pourvoi n° 21-17.789.

[14Cass. mixte, 21 juill. 2023, nos 20-10.763 B, 21-15.809 B, 21-17.789 B et 21-19.936 B.

[15Notamment Civ. 2ème, 30 mars 2000, n° 98-15.286 ; Com. 19 mai 2021, nº 19-18.230.

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