1. Ma piscine est-elle un ouvrage couvert par la garantie décennale des constructeurs ?
Différents types de piscines existent comme la piscine hors sol, la piscine semi-enterrée, la piscine enterrée, la piscine en béton ou encore la piscine monocoque.
La première condition pour espérer bénéficier de la garantie décennale est que les travaux de piscine soient constitutifs d’un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil.
A ce jour, la notion d’ouvrage ne connait pas de définition légale, ce qui conduit à étudier la jurisprudence.
S’agissant d’une piscine enterrée, la notion d’ouvrage est classiquement retenue par les juridictions.
Pour un exemple d’application de la notion d’ouvrage à une piscine enterrée, avec coque en polyester (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 19 janvier 2017, 15-26.770).
La Cour de cassation a également retenu la qualification d’ouvrage pour une piscine hors-sol, installée de manière semi-enterrée, de quinze mètres de long pour trois mètres de large, laquelle reposait sur une maçonnerie plane formant le radier et dont les parois étaient constituées d’une structure en bois (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 1 octobre 2020, 19-16.496).
2. Quels sont les principaux avantages à bénéficier de la garantie décennale en cas de sinistre sur ma piscine ?
- La garantie décennale est une garantie légale, d’ordre public, ce qui signifie qu’on ne peut pas l’écarter, même par contrat.
- Contrairement à la responsabilité contractuelle de droit commun, il n’y a pas à prouver de faute du constructeur en lien avec les désordres. On parle de responsabilité « sans faute » ou « de plein droit ». En d’autres termes, la preuve de désordres de nature décennale apparus dans les dix ans de la réception, est suffisante.
Il faudra tout de même prouver que les désordres sont bien en lien avec les travaux confiés à l’entreprise, on parle ici d’imputabilité.
- Lorsque les critères d’application de la garantie décennale sont réunis, l’assureur en responsabilité civile décennale du constructeur doit en principe financer les travaux de réparation des causes et des conséquences des désordres.
3. De quel type de malfaçons ma piscine doit-elle être affectée pour être couverte par la garantie décennale ?
La piscine doit être affectée de dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent sa solidité ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, la rendent impropre à sa destination.
Sont ainsi susceptibles d’être considérés comme des désordres de nature décennale : des fissures importantes, des défauts d’étanchéité ou encore un affaissement de terrain.
L’étude des décisions de justice révèle que la nature décennale est retenue pour des désordres divers et variés s’agissant des piscines.
Voici quelques illustrations de désordres pour lesquels la nature décennale a été retenue :
- Cas d’une piscine affectée des fissures générant des pertes d’eau et affectant son étanchéité ; sa stabilité structurelle n’était pas assurée [1].
- Cas d’un basculement d’une piscine en raison de l’absence de traitement adéquat des remblais et de la déstabilisation du talus initial [2].
- Cas d’un raccordement électrique de projecteur non étanche (les fils étaient connectés entre eux dans une boîte remplie d’eau) : il a été jugé que cette mise en oeuvre du raccordement électrique était source de risque à la sécurité des utilisateurs, rendant l’ouvrage impropre à sa destination [3].
- Cas de déformations de la plage d’une piscine jugées de nature à provoquer des ruptures de canalisations enterrées et à rendre l’usage de cette plage incommode et dangereux [4].
- Cas d’un décollement des carreaux 20 mm x 20 mm en pâte de verre - mosaïque, servant de revêtement au bassin d’une piscine. Un grand nombre de carreaux se sont décollés de façon isolée, en divers endroits immergés de la piscine (parois et fond) : [5].
- Cas d’une piscine affectée d’un défaut de fabrication, ayant induit un plissement horizontal de la coque polyester [6].
Il est impératif que ces désordres se révèlent postérieurement à la réception dans leur ampleur et leurs conséquences, les désordres visibles à la réception n’étant pas couverts par la garantie décennale des constructeurs.
4. Dans quel délai agir en cas de malfaçon constatée sur ma piscine ?
Vous disposez d’un délai de 10 ans à compter de la réception des travaux pour agir en justice afin d’engager la responsabilité civile décennale du constructeur de la piscine [7] et solliciter la garantie de son assureur.
5. Le constructeur de ma piscine doit-il obligatoirement souscrire une assurance couvrant sa responsabilité civile décennale ?
Oui, une obligation d’assurance pèse sur le constructeur, et ce en application des dispositions suivantes :
Aux termes de l’article L241-1 du Code des assurances :
« Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du Code civil, doit être couverte par une assurance.
A l’ouverture de tout chantier, elle doit justifier qu’elle a souscrit un contrat d’assurance la couvrant pour cette responsabilité ».
6. Le constructeur de ma piscine n’a pas souscrit d’assurance couvrant sa responsabilité civile décennale, que faire ?
En cas de non-respect de cette obligation, le constructeur s’expose au prononcé d’une peine d’emprisonnement de six mois et/ou d’une amende de 75.000 euros. [8].
Sur le plan civil, le gérant d’une société qui a omis de souscrire une assurance décennale obligatoire commet une faute séparable de ses fonctions et engage sa responsabilité civile personnelle.
La Cour de cassation a pu juger que l’absence de souscription d’une assurance obligatoire de responsabilité décennale par l’entrepreneur était constitutive d’un préjudice certain pour le maître de l’ouvrage, qui se trouvait privé, dès l’ouverture du chantier, de la sécurité procurée par l’assurance en prévision des sinistres [9].
L’indemnisation peut ainsi être sollicitée même en l’absence de désordres qui affecteraient l’ouvrage.
7. Le constructeur refuse de me remettre son attestation d’assurance garantie décennale, que faire ?
Il convient idéalement de demander et vérifier l’attestation d’assurance du constructeur avant les travaux, néanmoins, si tel n’a pas été le cas et que le constructeur n’entend pas vous remettre son attestation d’assurance, vous pouvez :
- Adresser une lettre de mise en demeure en recommandé au constructeur pour lui demander son attestation d’assurance en responsabilité civile décennale (garantie décennale). N’oubliez pas de lui donner un délai dans lequel vous répondre (exemple : sous huit jours).
- Si la mise en demeure est restée infructueuse : vous pouvez saisir en référé le président du tribunal judiciaire du lieu de réalisation des travaux pour demander la remise de l’attestation d’assurance, sous astreinte.
8. La Société qui a construit ma piscine a fait l’objet d’une liquidation judiciaire, elle est en état de cessation des paiements, que faire ? Puis-je agir contre l’assureur responsabilité civile décennale d’une société liquidée ?
L’état de cessation des paiements de l’entreprise qui a réalisé les travaux de piscine et l’ouverture d’une procédure collective n’affectent pas la garantie décennale qui peut toujours être mobilisée dans les dix ans de la réception.
Ainsi, l’article L241-1 alinéa 3 du Code des assurances dispose que :
« Tout contrat d’assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l’obligation d’assurance ».
9. J’ai acheté une maison avec piscine bâtie il y a moins de dix ans, puis-je agir contre le constructeur de la piscine même si son contrat a été conclu avec l’ancien propriétaire de la maison ?
Oui, il est de jurisprudence constante que l’action exercée sur le fondement de la garantie décennale est un accessoire de l’immeuble. Elle est donc transmise aux acquéreurs successifs pour la durée restante (En ce sens notamment : Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 7 septembre 2022, 21-16.746).
10. Comment déterminer la cause des malfaçons, la nature et le coût des travaux de reprise à effectuer ?
D’une manière générale, le recours à une expertise est nécessaire. Pour ce faire, il existe plusieurs possibilités, dont :
- Une expertise amiable/privée (hors intervention d’un juge) : pour obtenir une expertise amiable vous pouvez vous adresser notamment à votre assureur en protection juridique, à l’assureur du constructeur de la piscine ou encore directement à un expert privé.
Le rapport d’expertise privé peut dans certains cas conduire à un accord entre les parties et éviter ainsi une procédure judiciaire.
Attention toutefois, une telle expertise n’a pas vocation à interrompre le délai décennal pour agir en justice, il faut donc rester vigilent sur ce point.
- Une expertise judiciaire : la voie privilégiée est généralement le référé expertise devant le président du tribunal judiciaire du lieu de situation de l’ouvrage. L’assignation en référé permet notamment d’interrompre les délais d’action pour les désordres qu’elle mentionne.
Un constat des désordres par un commissaire de Justice (anciennement huissier) est généralement requis pour établir la réalité de la situation et ainsi justifier du caractère légitime de la demande d’expertise judiciaire (art. 145 cpc).
Pour plus de détails sur l’expertise judiciaire en matière de construction, voir l’article Référé expertise en cas de litige de construction : guide synthétique.
Discussions en cours :
Bonjour,
Dans le cadre ci-dessus, la garantie décennale couvre-t-elle la totalité de la prestation y compris un défaut de conception ayant entrainé une entrée d’eau dans la chambre de la pompe et le court-circuitage de son moteur et différents problèmes conséquents sur le tableau de contrôle !
Problème récurrent sur plusieurs années avec un vendeur que rechigne et pratique le bricolage.
Le marché de la piscine privée se développe et emporte avec lui une petite quantité d’opérations de piscines "intérieures" dont les conditions d’exploitations manquent de précisions à l’endroit du maître d’ouvrage.
Les piscinistes ne maîtrisent pas les conditions d’hygrométrie et la conception de l’ouvrage bâti recouvrant la zone de baignade.
Les architectes, dont la formation sur les ouvrages à TRES forte hygrométrie, est plus d’aléatoire, ne maîtrisent pas (pour le plus grand nombre) non plus les subtilités techniques de ce type de bâtiment.
Fait aggravant, pour de petits projets comme une piscine privée liée à l’habitat (privée ou locatif), ils conservent l’intégralité de la maîtrise d’oeuvre (et surtout les honoraires) et conçoivent l’ouvrage avec des solutions techniques classiques inadaptées... et c’est là le problème.
Ainsi, que la piscine intérieure soit associée à une maison privée, à un bien locatif sinon à un ERP (hôtel)... dans de nombreux cas les solutions employées ne sont pas toujours adaptées sinon validées et donc assurées.
[Exemple : Sinistre Thermes de Chaudes-Aigues (15), bâtiment ERP à Très forte hygrométrie, mal conçu... ayant nécessité la fermeture et la déconstruction avec préjudice de perte d’exploitation]
Une parade pour protéger le maître d’ouvrage ?
Obliger les écoles d’architecture à une information de sensibilisation (à minima, un A4 et 1h00 d’explications alertant les futurs prescripteurs des risques à considérer). Démarche très peu impactante sur un programme scolaire et très haute valeur ajoutée).
Inciter les assureurs à fournir à leur clientèle PRO une short-list de matériaux et solutions à bannir dans tel ou tel cas... (ex : On n’utilise pas de mousse polyuréthane pour isoler une piscine car cet isolant est sensible au chlore (chlore employé dans 95% des cas).
Obliger les entreprises à fournir une note explicative des techniques employées attestant de la prise en compte des contraintes spécifiques. (il leur suffirait de contrôler que les procédés qu’ils préconisent sont réellement compatibles avec la TRES forte hygrométrie).