Lorsque l’usage des pesticides est prohibé.
La situation est claire : l’employeur qui violerait l’interdiction qui lui est faite en exposant un salarié à des pesticides engagerait sa responsabilité civile, et pénale de surcroît. Le travailleur pourrait légitimement, en conséquence, exercer son droit de retrait, envisager une demande de résiliation judiciaire du contrat pour manquement de l’employeur (pour le secteur privé) et réaliser un dépôt de plainte pour mise en danger délibérée d’autrui (voir par analogie le cas de l’amiante [1]).
À ce propos, la Cour de cassation a récemment indiqué que l’emploi par des salariés d’une substance toxique prohibée constituait une atteinte à la dignité de la part de l’employeur, générant un préjudice moral indemnisable et distinct du préjudice d’anxiété [2].
Compte-tenu du fait que le recours aux pesticides est prohibé dans la plupart des secteurs publics, cette situation est davantage susceptible de se présenter que dans le secteur privé – mais espérons qu’elle ne se présente jamais- aussi la suite de cet article vise-t-elle principalement le secteur privé.
Lorsque l’usage des pesticides est permis par exception.
La question se pose de savoir si le travailleur exposé aux pesticides bénéficie bien de l’ensemble des équipements de protection adéquats afin de réduire le risque au minimum, ainsi que le prévoient les articles R. 4412-16 et suivants du Code du travail, et ce en conformité avec la fiche de données sécurité du produit utilisé qui spécifient les modalités d’utilisation, les conditions de transport et de stockage et les premiers secours en cas d’accident, et qui doivent être mis à disposition du personnel, communiquée au médecin du travail et actualisées.
Si l’employeur ne respecte pas les règles qui lui sont imposées, par exemple si les équipements de protection individuelle nécessaires ne sont pas mis à disposition du travailleur qui utilise des pesticides, ce dernier peut exercer son droit de retrait [3]. Il doit alors informer son employeur ou son responsable de l’exercice de son droit, lequel peut durer jusqu’à ce que l’employeur ait mis en place les mesures adaptées. Mais, encore faut-il être en mesure de démontrer que ce matériel n’a pas été mis à disposition, ou qu’il était défectueux.
Ainsi, le fait pour l’agent d’entretien d’un golf « d’avoir traité "en short et en bermuda" » « ne suffit pas à établir l’absence de consignes de sécurité, ni l’absence de mise à sa disposition du matériel nécessaire », ce d’autant que l’entreprise prouve « par la production d’une facture datée du 25 janvier 2005, de ce qu’elle disposait du matériel de protection nécessaire » [4].
Si l’employeur persiste à refuser de fournir les équipements de protection nécessaires, le salarié peut, dans le secteur privé - qui a fortiori est davantage concerné par ces problématiques que le public, ce dernier étendant progressivement l’interdiction totale des pesticides -, demander la résiliation judiciaire pour manquement de l’employeur.
Mais, le travailleur devra être vigilant à la question de la preuve : il lui faudra effectivement être en mesure de démontrer qu’il a réellement été exposé à des pesticides [5], sans équipements de protection individuelle [6], et bien sûr qu’il n’a pas lui-même refusé de les porter [7].
Si l’employeur respecte les règles qui lui sont imposées, faut-il en conclure que le travailleur est en parfaite sécurité ? Difficile de répondre par la positive avec certitude, car en dépit de l’évolution des normes et des équipements de protection utilisés [8], leur efficacité a encore récemment été mise en cause [9] et l’on peut s’interroger, qui plus est, sur le rôle que peuvent jouer les nanoparticules présentes dans certains pesticides : les équipements sont-ils conçus pour empêcher des nanoparticules de les traverser ?