Conformément à la loi n° 60-34 du 14 décembre 1960 relative à l’agrément des conseils fiscaux, les conseils fiscaux agréés sont habilités à assister, conseiller et défendre les intérêts des contribuables devant l’administration et les juridictions fiscales. Aussi, ils sont habilités à accomplir des missions d’audit fiscal, d’arbitrage fiscal et des missions d’expertise fiscale judiciaire.
Il est interdit légalement au conseil fiscal agréé de fournir des services comptables du fait de l’incompatibilité légale existant entre les deux professions. Parallèlement, il est interdit aux professionnels comptables de fournir des services de conseil juridique et fiscal (même à titre accessoire) et de représenter quiconque devant l’administration, les juridictions et les établissements publics.
D’ailleurs, l’administration fiscale a confirmé dans ses notes internes n° 1/2006 et n° 30/2007 qu’il est interdit aux comptables et experts-comptables de fournir des services de conseil fiscal et de représenter quiconque devant les établissements publics (CNSS, RNE et autres), l’Administration (Inspection du travail, Administration fiscale, Douane et autres) et les Tribunaux. L’exercice illégal de la profession est un délit pénal passible des sanctions relatives à l’escroquerie (article 291 du Code pénal et article 84 du décret-loi n° 2011-79 relatif à la profession d’avocat) du fait que le conseil fiscal est un conseil juridique à caractère fiscal.
Les entreprises et les particuliers, qui doivent comprendre que le périmètre d’intervention de chaque profession est défini par la loi, ne demandent pas à leurs fournisseurs de services de conseil fiscal de leur prouver qu’ils sont agréés par le ministère des Finances (fourniture de leurs agréments) et que leurs cartes d’identification fiscale ne portent que la mention « conseil fiscal » sous le titre « Activité ». Il suffit de procéder ainsi ou de contacter l’Institut Tunisien des Conseils Fiscaux pour découvrir que leurs fournisseurs de services de conseil fiscal sont des escrocs. Les mêmes escrocs se présentent comme conseils juridiques notamment en matière de droit de l’entreprise et des affaires (droit social, droit des sociétés commerciales, droit boursier, droit commercial, droit bancaire…), et ce en violation de la loi régissant la profession d’avocat.
Actuellement, le conseil juridique est le monopole de l’avocat exception faite pour le Conseil fiscal agréé dont la profession est régie par un texte particulier à savoir la loi n° 60-34 du 14 décembre 1960 relative à l’agrément des Conseils Fiscaux (Avis consultatif du Tribunal Administratif n° 2012/495). Pire encore, plusieurs entreprises étrangères tiennent leur comptabilité où sont assistées en matière comptable par des escrocs non-inscrits à l’Ordre des Experts Comptables ou la Compagnie des Comptables. Généralement, les entreprises étrangères ne s’assurent pas de la qualité de leurs fournisseurs de services
comptables, juridiques et fiscaux.
D’ailleurs plusieurs entreprises étrangères, notamment des multinationales, ont été lourdement sanctionnées et redressées par l’administration fiscale du fait qu’elles ont traité, sans le savoir et de bonne foi, en matière de conseil fiscal avec des charlatans et des escrocs usants illégalement du titre de Conseil fiscal agréé. Ces mêmes escrocs se présentent comme conseils juridiques en usant illégalement du titre d’avocat. Les usurpateurs du titre de conseil fiscal agréé (et d’avocat) conseillent leurs victimes de ne pas s’adresser à un conseil fiscal agréé afin que leur ignorance ne soit pas dévoilée et leur responsabilité civile et pénale ne soit pas engagée.
Généralement, ces escrocs, qui sont principalement parmi les professionnels de la comptabilité et certains commissaires aux comptes, se présentent sous les dénominations suivantes : consulting, expertise fiscale, optimisation fiscale, assistance comptable et fiscale, audit juridique et fiscal, assistance administrative, conseil juridique, études comptables et fiscales, optimisation fiscale, domiciliation d’entreprises, contentieux fiscal, conseil en investissement, conseil à la création d’entreprises, consultant, expert financier, commissaire aux comptes et conseil juridique et fiscal, centre d’affaires,…
Certains commissaires aux comptes fournissent des services de conseil aux entreprises auditées directement ou par personne interposée, sachant que cet agissement n’a pas été incriminé dans le cadre de l’article 265 du Code des sociétés commerciales qui leur interdit de percevoir des honoraires autres que ceux de commissaire aux comptes ainsi que les textes particuliers. Est-il concevable de certifier les comptes des entreprises par des commissaires aux comptes escrocs usurpateurs des titres de conseil fiscal agréé et d’avocat ?
Les escrocs parmi les professionnels comptables ne veulent pas comprendre que leur périmètre d’intervention est défini avec rigueur par les lois régissant leurs professions et qu’ils peuvent être responsables solidairement pénalement et civilement de leurs fautes au sens de l’article 83 du Code des Obligations et des Contrats, l’article 99 du Code des Droits et Procédures Fiscaux et l’article 291 du Code Pénal (5 ans d’emprisonnement pour escroquerie).
Pour ce qui est des entreprises étrangères établies ou ayant des intérêts en Tunisie, nous avons procédé à la sensibilisation, à ce titre, de nos confrères avocats fiscalistes en France notamment nos confrères membres de l’Institut des Avocats Conseils Fiscaux. Aussi, nous avons procédé à la sensibilisation des organisations des conseils fiscaux membres de la Confédération Fiscale Européenne (CFE Tax Advisers Europe), représentant plus de 200 000 conseils fiscaux provenant de plus de 26 pays européens au sein de l’Europe.
Extraits des lois définissant le rôle de chaque profession.
1/ Rôle du Conseiller fiscal (Extrait de la loi n° 60-34 du 14/12/1960 relative à l’agrément des Conseils Fiscaux).
Article premier.
Sont considérés comme conseils fiscaux et soumis aux prescriptions de la présente loi, toutes personnes physiques ou sociétés faisant profession d’accomplir, pour les contribuables, les formalités fiscales, de les assister, de les conseiller ou de les défendre auprès de l’administration fiscale ou devant les juridictions jugeant en matière fiscale, que cette profession soit exercée à titre principal ou à titre accessoire. Toute personne exerçant la profession de conseil fiscal est tenue au secret professionnel pour tous les renseignements de caractère confidentiel qui pourrait parvenir à sa connaissance dans l’exercice de cette profession, sous peine des sanctions prévues par l’article 254 du Code pénal.
Article 9.
L’exercice illégal de la profession de conseil fiscal sera poursuivi devant la juridiction correctionnelle. Le secrétaire d’Etat aux finances et au commerce pourra saisir les tribunaux, par voie de citation directe, dans les termes de l’article 115 (remplacé par l’article 206 du Code de procédure pénale) du Code de procédure pénale.
2/ Rôle de l’avocat.
En application de l’article 2 du décret-loi n° 2011-79 portant organisation de la profession d’avocat, l’avocat est habilité, entre autres, à représenter les personnes physiques et morales, à les assister et à les défendre auprès de toutes les instances judiciaires, administratives et disciplinaires et à donner des consultations juridiques. Le conseil juridique est devenu à partir de 2011 le monopole des avocats exception faite pour les conseillers fiscaux en matière de conseil fiscal.
L’exercice illégal de la profession est considéré comme escroquerie et puni par les sanctions prévues par l’article 291 du Code pénal (5 ans d’emprisonnement).
3/ Rôle du comptable.
Article premier (Loi n° 2002-16 régissant la profession de comptable).
Est comptable, au sens de la présente loi, celui qui, en son propre nom et sous sa responsabilité personnelle, exerce la profession de tenir ou d’assister à la tenue des comptabilités des entreprises avec lesquelles il n’est pas lié par un contrat de travail, et ce, conformément aux dispositions de l’article 12 de la présente loi.
En outre, est autorisé à exercer les fonctions de commissariat aux comptes des sociétés, conformément aux dispositions du code des sociétés commerciales, le comptable qui répond aux conditions fixées par la présente loi.
Article 11 (Loi n° 2002-16 régissant la profession de comptable).
Toute publicité personnelle est interdite aux membres de la compagnie. Ils ne peuvent faire état que des titres ou diplômes délivrés ou reconnus par l’Etat. Toutefois, le conseil de la compagnie peut effectuer ou autoriser toute publicité collective qu’il juge être dans l’intérêt de la profession.
Les modalités d’application du présent article sont fixées par le code des devoirs professionnels et le règlement intérieur de la compagnie.
Article 12 (Loi n° 2002-16 régissant la profession de comptable).
Les fonctions de membre de la compagnie sont incompatibles avec tout acte de nature à porter atteinte à son indépendance, notamment :
- Avec tout emploi rémunéré, toutefois, l’intéressé peut dispenser un enseignement se rapportant à la comptabilité ou d’occuper un emploi chez un autre membre de la compagnie des comptables de Tunisie,
- Avec toute activité commerciale qu’elle soit exercée directement par un membre de la compagnie ou par personne interposée,
- Avec tout mandat commercial à l’exception du mandat d’administrateur, de gérant ou de fondé de pouvoir des sociétés inscrites au tableau de la compagnie,
Il est également interdit aux personnes inscrites au tableau de la compagnie et à leurs salariés :
- D’agir en tant qu’agent d’affaires,
- D’assurer une mission de représentation devant les tribunaux de l’ordre judiciaire ou administratif ou auprès des administrations et organismes publics. Toutefois, ils peuvent assister leurs clients auprès des services administratifs dans le cadre de leurs fonctions.
4/ Rôle de l’expert-comptable.
Article 2 (Loi n° 88-108 régissant la profession d’expert-comptable).
Est expert-comptable, au sens de la présente loi, celui qui, en son propre nom et sous sa responsabilité personnelle fait profession habituelle d’organiser, de vérifier, de redresser et d’apprécier les comptabilités des entreprises et organismes auxquels il n’est pas lié par un contrat de travail. Il est également habilité à attester la sincérité et la régularité des comptabilités et des comptes de toute nature vis-à-vis des entreprises qui l’ont chargé de cette mission à titre contractuel ou au titre des dispositions légales et réglementaires et notamment celles relatives à l’exercice de la fonction de commissaire aux comptes de sociétés.
L’expert-comptable peut aussi analyser, par les procédés de la technique comptable, la situation et le fonctionnement des entreprises sous leurs différents aspects économique, juridique et financier.
Article 10 (Loi n° 88-108 régissant la profession d’expert-comptable).
Toute publicité personnelle est interdite aux membres de l’ordre. Ils ne peuvent faire état que des titres ou diplômes délivrés par l’Etat ou par des organismes étrangers. Toutefois, le conseil de l’ordre peut effectuer ou autoriser toute publicité collective qu’il juge être dans l’intérêt de la profession. Les délais et les modalités d’application de cet article sont fixés dans le code des devoirs professionnels et le règlement intérieur établi par le conseil de l’ordre.
Article 11 (Loi n° 88-108 régissant la profession d’expert-comptable).
Les fonctions de membre de l’ordre sont incompatibles avec toute occupation salariée ou tout acte de nature à porter atteinte à son indépendance, en particulier :
- Avec tout emploi salarié sauf possibilité pour l’intéressé de dispenser un enseignement se rattachant à l’exercice de la profession ou d’occuper un emploi chez un autre membre de l’ordre,
- Avec toute activité commerciale qu’elle soit exercée directement ou par personne interposée,
- Avec tout mandat commercial à l’exception du mandat d’administrateur, de gérant ou de fondé de pouvoir de sociétés inscrites au tableau de l’ordre.
Il est également interdit aux personnes inscrites au tableau de l’ordre et à leurs salariés :
- D’agir en tant qu’agents d’affaires,
- D’assurer une mission de représentation devant les tribunaux de l’ordre judiciaire ou administratif ou auprès des administrations et organismes publics.
5/ Rôle du Commissaire aux comptes.
Article 258 du Code des sociétés commerciales.
Le commissaire aux comptes vérifie, sous sa responsabilité, la régularité des états financiers de la société et leur sincérité conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur. Il veille au respect des dispositions prévues par les articles de 12 à 16 du présent code. Il doit informer par un rapport l’assemblée générale annuelle de toute violation des articles susvisés.
Auteur : Lassâad Dhaouadi
Ex-Membre du Conseil National de la Fiscalité
Membre de l’Association Fiscale Internationale (IFA)
Président Fondateur de l’Institut Tunisien des Conseils Fiscaux
Ex-Membre du Bureau Exécutif de la Fédération Nationale des Services
Membre Correspondant de l’Institut des Avocats Conseils Fiscaux - France
Contact : l.dhaouadi chez gnet.tn