La peine de mort.

Par Ali Chellat, Avocat.

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Explorer : # peine de mort # droits de l'homme # criminalité # abolition

La peine de mort est considérée comme la peine capitale au niveau de la hiérarchie des sanctions pénales.

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Elle a été établie par la loi pour réprimer toute personne ayant été reconnue coupable de certains faits qualifiés de crime. En revanche, tout crime n’est pas passible de la peine de mort.

La décision est prononcée par une juridiction à l’issue d’un procès. En l’absence d’un procès, il s’agit bel et bien d’un acte de vengeance ou d’exécution sommaire.

Cette peine est admise, selon la religion judaïque, pour le meurtre, le sacrilège, l’idolâtrie, la débauche ou encore la rébellion.
Pour le christianisme, en 1969, l’État du Vatican l’a supprimé pour tous les crimes. Mais il continue à reconnaitre aux États le droit de la prononcer.
Dans l’islam, la peine de mort est admise pour trois crimes : l’adultère, l’apostasie et l’homicide volontaire. Mais la religion musulmane laisse une chance au condamné s’il arrive à obtenir le pardon de la famille du défunt. L’islam insiste sur cette valeur du pardon.
Il convient de souligner que les religions du livre ont encouragé les personnes à prendre conscience du caractère sacré de la vie.
Les bouddhistes et les hindous sont totalement contre la peine de mort. L’Organisation des Nations Unies (ONU) n’interdit pas cette peine, mais elle est à l’origine d’un moratoire contre celle-ci. Elle impose certaines conditions pour son application notamment l’interdiction d’exécuter une femme enceinte ou un enfant mineur.

En France, elle a été abolie par la loi du 9 octobre 1981. Depuis 2007, l’abolition a été inscrite dans la Constitution française.
Au niveau international, la France s’est engagée en faveur de son abolition universelle dans toutes les enceintes internationales pertinentes, notamment aux Nations Unies. Elle la considère comme un combat en matière de droits de l’Homme en concertation avec l’Union européenne.
Dans d’autres pays, cette peine existe toujours, notamment aux États-Unis, en Chine, en Algérie, en Tunisie, en Arabie Saoudite, en Iran, en Irak, en Inde, au Japon, au Liban, en Jordanie, au Maroc…, malgré les associations et les organisations qui plaident toujours en faveur de son abolition le plus tôt possible.

Plusieurs pays ont déclaré un moratoire officiel, c’est-à-dire qu’ils n’ont procédé à aucune exécution à partir d’une date déterminée. Parmi ces pays se trouve le Maroc où cette peine n’est plus exécutée depuis 1993, mais qui continue, pourtant, d’être prononcée. Avant de présenter le cas du Maroc (II), nous essayerons de savoir quel impact cette peine avait-t-elle sur la criminalité ? (I).

I. L’impact de la peine de mort sur la criminalité

Dans la réalité, le recours à cette peine a-t-il vraiment un effet dissuasif contre la criminalité ? Appliquer cette peine permet-il de contribuer à une baisse de la criminalité ?

La réponse à chacune de ces questions est négative. Certains États non abolitionnistes affirment que la peine de mort doit être maintenue car le grand public y est favorable. Pourtant, ces pays n’enregistrent aucune baisse du taux de criminalité.
Le caractère dissuasif et cruel est l’un des arguments avancés par les partisans de cette peine afin de sanctionner le coupable. En outre, ils considèrent que c’est un acte de légitime défense de la société contre un délinquant dangereux.
Combattre la criminalité par des actes encore plus dégradants, à savoir l’assassinat d’un être humain, n’est pas un remède contre la commission de l’infraction. La solution est de mettre en place une politique pénale adaptée et efficace contre la criminalité quelle que soit la nature du crime commis.
Or, il n’a jamais été prouvé que la menace de l’exécution ait un effet principalement dissuasif contre le crime.

La question qui se pose est de savoir si la peine de mort n’est pas une violation des droits humains et si les États doivent éclairer leurs populations sur l’intérêt de son abolition ?
Tuer physiquement une personne ayant commis un acte ou des actes criminels ne résoudra pas la problématique du crime. Lorsqu’une personne dangereuse est arrêtée, il n’y a aucune menace de mort immédiate contre la société. L’exécution préméditée d’un prisonnier peut être considérée comme un assassinat étatique puisqu’il y a d’autres mesures pour lutter contre ce crime.

Le problème réel de la peine de mort tient dans le but pour lequel elle est appliquée. Il semble parfois que les droits des citoyens et le principe de la légalité aient des chances d’être bien respectés dans les infractions simples et ordinaires. Mais, il est permis de se poser des questions sur ce qu’il arrive dans certains cas compliqués.

Aujourd’hui, il est aisé de constater que la montée de la délinquance va de pair avec la multiplication des lois et le renforcement du droit. Mais, il semble que le principe de l’égalité des citoyens devant la justice ne soit pas respecté. Et l’on peut s’interroger pourquoi les peines frappent plus les mouches et ne touchent jamais au tigre.

II. Le cas du Maroc

Au Maroc, une première évolution inhabituelle consiste en l’émergence d’un courant ouvertement abolitionniste. Aujourd’hui, la question de la peine de mort donne lieu à un débat parmi les organisations qui s’interrogent dorénavant sur son abolition pure et simple.

La Constitution marocaine du 29 juillet 2011 consacre dans son article 20 le droit à la vie de tout être humain. Elle ajoute que la loi protège ce droit.
De même, l’article 22 de cette Constitution dispose qu’« il ne peut être porté atteinte à l’intégrité physique ou morale de quiconque, en quelque circonstance que ce soit et par quelque personne que ce soit, privée ou publique ». Ce qui veut dire que la législation pénale ne doit pas être en contradiction avec la Constitution. Tel n’est pas le cas en l’espèce.

Le législateur marocain prévoit 49 articles relatifs à la peine de mort, entre le Code pénal et le Code de la Justice militaire. Elle est prévue pour l’attentat à la vie du Roi, l’homicide aggravé, la torture, le vol à main armée, l’incendie criminel, la trahison et la désertion…
Dans ce cas, la personne condamnée à mort peut s’opposer à la décision judiciaire sur la base de la Constitution. Dès lors, elle a le droit de soulever l’exception d’inconstitutionnalité puisque cette décision judiciaire contrevient à l’esprit de la Constitution (article 133 de la Constitution).
Au regard de ces éléments, il apparaît que le pouvoir judiciaire est dans l’obligation de mettre ses décisions en conformité avec sa Constitution qui garantit le droit à la vie.
Malgré de nombreuses avancées en la matière et la suspension des exécutions depuis 1993, les condamnations à mort se poursuivent, essentiellement pour des crimes relatifs au terrorisme.

En l’espèce, suite à l’attentat du 28 avril 2011 à Marrakech, connu aussi sous le nom d’attentat d’Argana, la juridiction marocaine a prononcé une condamnation à la peine capitale à l’encontre du coupable en octobre 2011.
Cette situation suscite régulièrement des critiques de la part des juristes et des organisations non gouvernementales qui en appellent à l’éthique, aux droits de l’Homme et à l’inefficacité de cette solution. Le législateur marocain ne s’est pas inspiré de son homologue français en la matière.

Que faut-il en conclure ?

Les criminels sont-ils des victimes de la société ? Cette question entraîne également une autre : la société doit-elle assumer la responsabilité de porter atteinte au droit de la vie ?

Il s’est avéré cependant que des innocents soient condamnés à mort et que de sérieux doutes pèsent sur l’équité des procédures judiciaires. Le justiciable n’est pas à l’abri d’erreurs judiciaires. Mais le seul fait de prévoir l’existence d’erreurs judiciaires aura pour conséquence de créer un doute sur la légitimité de la peine de mort.

Dans ces conditions, il est clair que cette peine viole un droit fondamental qui est le droit à la vie. Le fait de retirer la vie à une personne ne trouve aucun fondement moral, social ou politique permettant le maintien d’une telle peine dans la loi. Réclamer la mort pour faire justice se heurte à l’injustice et aux droits de vie.

Le problème se pose d’une manière différente selon les États. Certains États tentent de faire de ce châtiment une monnaie courante et un instrument de répression et d’exemplarité. D’autres poursuivent les exécutions en se fondant sur des arguments qui ne résistent pas à un examen approfondi : le juriste peut examiner à l’intérieur d’un État donné comment le droit provenant de son système est appliqué. Parfois, nous pouvons constater, par exemple, des règles de procédures qui ne sont pas suivies, les huis clos ne servant qu’à s’opposer au principe de publicité des audiences et une défense empêchée de s’exprimer. Dans d’autres cas, une critique autorisée par la loi mais gênante pour le système politique sera bel et bien un chef d’accusation déguisé et changé en crime.

C’est pourquoi, il est donc temps de proposer d’autres mesures alternatives à cette peine et de l’abolir. Ces mesures ne manquent pas en la matière. Toutes n’aboutissent pas à des résultats concrets. Mais toutes apportent quelque chose d’utile contre la criminalité.

De nombreux changements sont intervenus dans les sociétés, il est important, dans notre monde actuel, de s’interroger dans le cadre d’une conception plus dynamique du rôle de cette peine sur l’évolution d’une société démocratique. Il faut laisser donc une chance au condamné pour sa réinsertion au lieu de le priver de sa vie. Le maintien de ce châtiment n’efface pas le traumatisme subi par les victimes et les parties civiles ni la crainte engendrée du fait du crime dans la société.

Faut-il satisfaire la société ou faut-il accorder la priorité au droit de la vie et au respect des droits de l’Homme ? Mesurons bien les conséquences d’une telle position avant d’en apprécier sur le plan juridique que le commencement de la vie (procréation médicalement assistée, la personnalité juridique…) et la fin d’une vie (la peine de mort, euthanasie…) sont des sujets de droit.

Maître Ali Chellat
Avocat au Barreau de Rennes
Docteur en Droit
E-mail : chellat-avocat chez laposte.net

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