La comparution immédiate (CI) : Procédure rapide et spéciale de traitement de certaines infractions.

Par Ali Chellat, Avocat.

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Explorer : # comparution immédiate # procédure pénale # délits # tribunal correctionnel

Le Procureur de la République, s’il estime que la ou les infractions commises par la personne mise en cause justifient une comparution immédiate, peut la traduire sur-le-champ devant le tribunal. Cette procédure est réservée uniquement aux délits. Il résulte de l’article 397 du Code de Procédure Pénale qu’en cas de comparution immédiate, le Président du tribunal doit recueillir le consentement du prévenu, en présence de son avocat, à être jugé séance tenante et que mention en est faite dans les notes d’audience. L’objectif de cette procédure permet au tribunal de juger immédiatement l’affaire.
Article actualisé par son auteur en septembre 2023.

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‌L’article 397-1-1 du Code de procédure pénale prévoit une autre procédure dite de comparution à délai différé. Elle se distingue de la comparution immédiate puisqu’elle accorde au Procureur de la République de différer la comparution du prévenu devant le tribunal correctionnel tout en prévoyant que ce dernier soit placé éventuellement en détention provisoire. Le ministère public se réserve la possibilité dans le cas où la comparution immédiate n’est pas possible de saisir le Juge de la Liberté et de la détention.

Dans le cadre de ce sujet, il est judicieux de se pencher dans un premier temps sur le principe et le champ d’application de la procédure de comparution immédiate (I). Dans un second temps, il convient d’examiner les règles de déroulement de cette procédure (II).

I. Le principe et le champ d’application de la comparution immédiate.

En droit, aux termes des articles 393 et suivants du Code de Procédure Pénale, la comparution immédiate permet de juger des personnes mises en cause pour un délit passible d’au moins deux ans d’emprisonnement (six mois en cas de flagrant délit), à l’exception des infractions commises par des mineurs, des délits politiques, de presse ou prévus par une loi spéciale.

L’article 395 du Code de Procédure Pénale dispose que

« Si le maximum de l’emprisonnement prévu par la loi est au moins égal à deux ans, le procureur de la République, lorsqu’il lui apparaît que les charges réunies sont suffisantes et que l’affaire est en l’état d’être jugée, peut, s’il estime que les éléments de l’espèce justifient une comparution immédiate, traduire le prévenu sur-le-champ devant le tribunal.
En cas de délit flagrant, si le maximum de l’emprisonnement prévu par la loi est au moins égal à six mois, le procureur de la République, s’il estime que les éléments de l’espèce justifient une comparution immédiate, peut traduire le prévenu sur-le-champ devant le tribunal.
Le prévenu est retenu jusqu’à sa comparution qui doit avoir lieu le jour même ; il est conduit sous escorte devant le tribunal
 ».

La procédure de comparution immédiate a été instituée en 1983 et a été réformée à plusieurs reprises.

L’utilisation de cette procédure dépend dans la majorité des cas de la taille des tribunaux.

Elle est très souvent réservée aux infractions d’une gravité certaine, entraînant un trouble grave à l’ordre public, car sa mise en œuvre en désorganise le fonctionnement.

Le critère principal de recours à cette procédure est la nécessité de remédier rapidement à des faits simples mais graves ayant troublé l’ordre public, commis par une personne ayant des antécédents judiciaires ou sous contrôle judiciaire par exemple.

Les principales infractions concernées sont les vols avec violence, certains vols avec effraction, les conduites sous l’emprise d’un état alcoolique en récidive et les violences contre les personnes (y compris les violences conjugales).

La comparution immédiate concerne les délits de port d’arme sans permis, des cessions de stupéfiants en flagrant délit, des blessures involontaires avec circonstance aggravante de conduite sous l’empire d’un état alcoolique, des mises en danger d’autrui et des destructions de véhicules par incendie.

Cette procédure n’est possible que pour les affaires dont les faits sont simples et clairement établis et lorsque la peine maximum encourue s’avère au moins égale à deux ans d’emprisonnement et qu’il apparaît au Procurateur de la République que les charges réunies se trouvent suffisantes et que l’affaire s’avère en état de se voir jugée.

Le Procureur de la République peut saisir le tribunal correctionnel selon la procédure de comparution immédiate, dès lors que la peine encourue est au moins égale a six mois d’emprisonnement, s’il estime que les éléments de l’espèce justifient une telle procédure.

Lorsque le maximum de l’emprisonnement encouru est inférieure à six mois, il doit bien évidemment recourir à une autre procédure.

En application de l’article 397-6 ci-dessus, la comparution immédiate est exclue en cas de délits de presse, de délits politiques ou d’infractions dont la procédure de poursuite se trouve prévue par une loi spéciale (ex : délits de chasse, de pêche, de fraude). 

II. Le déroulement de la procédure de la comparution immédiate.

La procédure de comparution immédiate commence par le déferrement devant le Procureur de la République de la personne mise en cause à l’issu de sa garde à vue, qui doit intervenir en principe le jour même de la notification de la fin de cette mesure, et au plus tard le jour suivant, dans un délai de 24 heures, à compter de l’heure à laquelle la garde à vue a été levée [1].

Le déferrement est le transfert de la personne mise en cause du commissariat ou de la gendarmerie vers le Palais de justice, pour un entretien avec le Procureur de la République ou le Juge d’Instruction.

Déferrement devant le Procureur de la République et saisine, dans certains cas, du juge des libertés et de la détention (JLD).

Si l’affaire peut être jugée en comparution immédiate et que le magistrat décide d’utiliser cette procédure, le gardé à vue est informé de ce choix à la fin de sa garde à vue.

Au cours du déferrement, le Procureur de la République informe le prévenu sur la procédure de comparution immédiate et ses droits. La présence d’un avocat est obligatoire.

La comparution immédiate doit avoir lieu devant le tribunal le jour même.

Dans certains cas, si la réunion du tribunal s’avère impossible ledit jour, le Procureur de la République peut saisir le JLD afin que ce dernier ordonne le placement en détention provisoire de la personne mise en cause, jusqu’à sa comparution devant le tribunal correctionnel, qui devra avoir lieu au plus tard le troisième jour ouvrable suivant.

Selon la jurisprudence de la Cour de Cassation, lorsque le procureur de la République décide de déférer un prévenu selon la procédure de comparution immédiate prévue par l’article 395 du code de procédure pénale, le tribunal correctionnel ne peut se déclarer non saisi des faits reprochés, au motif que l’intéressé a été jugé après minuit, alors que la juridiction est, d’une part, irrévocablement saisie par le procès-verbal de notification du ministère public, d’autre part, tenue de statuer au cours de l’audience considérée quelle qu’en soit la durée, dès lors que l’intéressé comparaît devant elle avant l’expiration du délai de 20 heures couru à compter de la levée de sa garde à vue prolongée, en application de la réserve posée par la décision du Conseil constitutionnel du 17 décembre 2010.

(Cons. const., 17 décembre 2010, décision n° 2010-80 QPC)

(Cour de cassation, Chambre Criminelle, 12 Janvier 2021, Pourvoi n° 20-80.259.)

Ainsi, dans cet arrêt, la Cour de Cassation a retenu que :

« Le moyen est pris de la violation de l’article 395 du code de procédure pénale.
7. Il critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a confirmé le jugement du tribunal correctionnel se déclarant non saisi des faits, alors « qu’en exigeant une comparution avant minuit, les juges ont ajouté une condition que le texte ne prévoit pas, l’intéressé ayant été présenté « sur le champ devant le tribunal » et le procès-verbal du parquet constituant l’acte irrévocable de saisine du tribunal dont la validité ne saurait dépendre des contingences matérielles liées à la durée de l’audience ».

Vu l’article 395 du code de procédure pénale :

8. Selon cet article, lorsque les conditions d’une comparution immédiate sont remplies, le procureur de la République peut traduire, sur le champ devant le tribunal, le prévenu qui est retenu jusqu’à sa comparution qui doit avoir lieu le jour même.

9. Pour déclarer le tribunal correctionnel non saisi des faits reprochés à M. Q..., l’arrêt attaqué énonce que ces faits ne pouvaient être jugés suivant la procédure de comparution immédiate, dès lors qu’il résulte des notes d’audience qu’ils n’ont pas été examinés le jour même du déferrement, soit le 1er juin 2018, avant minuit.

10. En se déterminant ainsi, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

11. En effet, en premier lieu, le tribunal correctionnel est irrévocablement saisi par le procès-verbal de notification établi par le procureur de la République.

12. En second lieu, l’exigence d’une comparution « le jour même » de la présentation de l’intéressé au parquet ne saurait être interprétée comme la nécessité de le juger impérativement avant minuit, mais comme celle de le faire comparaître au cours de l’audience considérée, quand bien même celle-ci se terminerait après minuit en raison de contraintes diverses.

13. Enfin, il a été satisfait à la réserve posée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 17 décembre 2010 (n° 2010-80-QPC), dès lors que l’intéressé a été présenté à la formation du siège avant l’expiration du délai de 20 heures couru à compter de la levée de sa garde à vue.

Par ces motifs,

La Cour :

  • Casse et annule, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Versailles, en date du 18 décembre 2019, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
  • Renvoie la cause et les parties devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil... » [2].

Comparution du prévenu devant le tribunal correctionnel.

Les audiences de comparutions immédiates sont prévues à des heures et jours spécifiques au sein des tribunaux. Ces audiences ont généralement lieu l’après-midi.

Le prévenu est assisté d’un avocat qui a pu consulter le dossier. Avant l’audience, l’avocat s’entretient avec son client avant le passage devant le tribunal de façon confidentielle pour lui expliquer le déroulement de l’audience, les faits qui lui sont reprochés et la peine encourue en cas de condamnation. Il prépare la défense de son client. Les informations contenues dans le dossier lui permettront par la suite de conseiller au mieux ce dernier selon la stratégie de défense choisie.

L’affaire est jugée en formation collégiale. Ainsi, le prévenu se retrouve face à trois juges, un magistrat du parquet, et un ou une greffier(e). Autour du prévenu, les forces de l’ordre chargées de le conduire jusqu’au box. Dans la salle d’audience, il peut y avoir du public, des témoins, de la famille, des victimes et des avocats.

Lors de la comparution devant le tribunal, le Président du tribunal constate l’identité du prévenu assisté de son avocat. Le prévenu peut demander un délai pour pour préparer sa défense. Le tribunal statuera sur sa demande.

Si sa demande est acceptée, le tribunal rendra une décision sur la détention provisoire ou la mise en liberté du prévenu.

En cas de rejet de sa demande, il sera jugé.

Pendant l’audience, le Président du tribunal commence par un rappel des faits et des infractions reprochées au prévenu. Ensuite, le tribunal revient en détail sur les faits et sur la situation du prévenu. Le Procureur de la République et les avocats peuvent poser des questions au prévenu et à la victime à tour de rôle.

Le Président du tribunal peut entendre des témoins, des victimes.

Lors de l’audience, le prévenu peut faire des déclarations, répondre aux questions, ou garder le silence. Mais dans la majorité des cas, le prévenu s’exprime et répond aux questions.

En cas d’existence d’une victime, elle peut être assistée d’un avocat. Son conseil plaide en premier.

Le Procureur de la République est entendu ensuite en ses réquisitions (condamnation ou non) et la peine qu’il souhaite que le tribunal applique.

L’avocat de la défense est entendu dans sa plaidoirie. Il plaide sur la régularité de la procédure, sur la culpabilité et sur la peine. Il cherche à mettre en avant les circonstances pouvant expliquer le délit, et surtout les éléments de stabilité dans la vie du prévenu pour éviter la prison ou réduire la peine au maximum, notamment l’existence d’un emploi stable.

Le prévenu a le droit à la parole en dernier.

Enfin, le tribunal se retire pour délibérer. Le prévenu reste dans le box et attend le délibéré.

Après avoir délibéré, le Président du Tribunal convoque le prévenu pour annoncer la décision du tribunal.

Lorsqu’il y a un mandat de dépôt, la personne condamnée ne ressort pas libre du tribunal et va directement en prison.

Après la décision du tribunal, les parties au procès peuvent interjeter appel, dans un délai de dix jours à compter de la décision rendue par le tribunal correctionnel.

Maître Ali Chellat
Avocat au Barreau de Rennes
Docteur en Droit
E-mail : chellat-avocat chez laposte.net

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Notes de l'article:

[1Article 803-3 du Code de procédure pénale.

[2Cour de cassation, Chambre Criminelle, 12 Janvier 2021, Pourvoi n° 20-80.259.

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