Le défaut de la mention d’intimé dans la déclaration d’appel.

Par Ali Chellat, Avocat.

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La déclaration d’appel constitue l’acte de saisine de l’instance d’appel. Elle est régie par les articles 58 et 901 et suivants du Code de Procédure Civile. Elle doit indiquer certaines mentions obligatoires prévues par le Code de Procédure Civile. Quelles sont les conséquences d’une déclaration d’appel dans laquelle l’intimé n’est pas mentionné ? La déclaration d’appel est-elle nulle et non avenue ? Est-elle irrecevable ? 

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I. La déclaration d’appel : la lettre du droit.

L’article 538 du Code de Procédure Civile dispose que le délai de recours par une voie ordinaire est d’un mois en matière contentieuse.

La déclaration d’appel est un acte de procédure et sa régularité obéit aux dispositions de l’article 112 et suivants du Code de Procédure Civile.

L’article 901 du Code de Procédure Civile énonce que :

« La déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l’article 58, et à peine de nullité :
1. La constitution de l’avocat de l’appelant ;
2. L’indication de la décision attaquée ;
3. L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
4. Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. 
Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle
 ».

En vertu des dispositions de l’article 58 du Code de Procédure Civile :

« La requête ou la déclaration est l’acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.
Elle contient à peine de nullité :
1. Pour les personnes physiques : l’indication des noms, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur ;
2. Pour les personnes morales : l’indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l’organe qui les représente légalement ;
L’indication des noms, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée, ou, s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
3. L’objet de la demande.
Sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public, la requête ou la déclaration qui saisit la juridiction de première instance précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.
Elle est datée et signée
 ».

Aux termes de l’article 114 du Code de Procédure Civile :

« Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public
 ».

L’Article 115 du Code de Procédure Civile considère que :

« La nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l’acte si aucune forclusion n’est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief ».

Aux termes de l’article 117 du Code de Procédure Civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte :

  •  le défaut de capacité d’agir en justice ;
  • le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit une personne atteinte d’une incapacité d’exercice ;
  • le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice.

Cette énumération est limitative.

L’Article 122 du Code de Procédure Civile dispose que :

« Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfixe, la chose jugée ».

L’Article 2241 du Code Civil dispose que :

« la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure
 ».

S’agissant du délai réglementaire pour interjeter appel, l’appelant doit interjeter appel dans le délai réglementaire d’un mois à compter de la signification du jugement.

Le défaut d’indication de l’intimé dans l’acte d’appel est une irrégularité de forme qui entache la validité de l’acte en sorte que le délai d’appel est interrompu. Si la déclaration d’appel qui ne porte pas l’indication de l’intimé, ne répond pas aux exigences de ce texte et encourt la nullité prévue par l’article 901 précité, la nullité prévue est une nullité pour vice de forme à l’aune de l’article 114 du Code de Procédure Civile, qui ne peut être prononcée qu’à charge qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité.

Si la déclaration d’appel qui ne répond pas aux exigences de l’article 901 précité encourt la nullité prévue par ce texte. Cet article ne sanctionne pas une irrégularité de fond.

Dans ce cadre, il ne résulte de ce texte aucune fin de non-recevoir et l’appel ne pouvait être déclaré irrecevable.

II. La déclaration d’appel : du point de vue de la jurisprudence.

Il convient d’analyser, dans un premier temps, si la régularisation est intervenue dans le délai imparti à l’appelant pour conclure, la déclaration d’appel est-elle nulle et non avenue ? Est-elle irrecevable ? (A). Dans un second temps, nous allons se pencher sur l’effet interruptif du délai d’appel à la lumière de la jurisprudence (B).

Cela nous amène à s’interroger sur la compatibilité de la solution avec l’exigence de l’accès à une juridiction, telle qu’elle résulte de la combinaison des articles 55 et 62 de la Constitution et de l’article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ainsi que de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (C).

A) Sur la possibilité de régulariser une déclaration d’appel dans le délai de 3 mois.

Aux termes de trois avis du 20 décembre 2017, la Cour de Cassation a confirmé cette interprétation (avis n°17019, 17020 et 17021).

A travers ces trois avis, elle a apporté une précision importante quant aux possibilités de régularisation d’un acte d’appel incomplet par un second acte d’appel effectué.

Elle a décidé que :

« L’article 901, 4°, du Code de Procédure Civile dispose que la déclaration d’appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
La déclaration d’appel qui mentionne "appel général" ou "appel total" ne répond pas aux exigences de ce texte et encourt la nullité prévue par l’article 901 précité.
Cette nullité, qui ne sanctionne pas une irrégularité de fond, est une nullité pour vice de forme au sens de l’article 114 du Code de Procédure Civile (Ch. mixte, 7 juillet 2006, pourvoi n° 03-20.026, Bull. 2006, Ch. mixte, n° 6), qui ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité.
Elle peut être couverte par une nouvelle déclaration d’appel.
La régularisation ne peut pas intervenir après l’expiration du délai imparti à l’appelant pour conclure conformément aux articles 910-4, alinéa 1, et 954, alinéa 1, du code de procédure civile.
Par ailleurs, selon l’article 562, alinéa 1, du code de procédure civile modifié, l’appel défère à la cour d’appel la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
Il ne résulte de ce texte aucune fin de non-recevoir
 » [1].

La Cour de cassation a retenu que la régularisation peut intervenir « dans le délai imparti à l’appelant pour conclure ».

En fait, la régularisation de déclaration d’appel incomplète doit donc effectuée dans le délai imparti à l’appelant pour conclure.

S’il y a une seconde déclaration d’appel, cette dernière devait pour objet « d’obtenir la réformation ou l’annulation de la décision déférée en application de l’article 542 du Code de Procédure Civile sur tous les chefs de demande ou sur l’un d’entre eux corriger l’erreur matérielle contenue dans la première déclaration d’appel ».

Autrement dit, cette seconde déclaration a pour effet de régulariser la première déclaration, affectée d’une irrégularité de forme sans pouvoir faire courir le délai de dépôt des conclusions, fixé par l’article 908 du Code de Procédure Civile.

Dans ce sens, il convient de faire constater que l’objet des deux déclarations n’est pas indivisible.

C’est normalement la remise de la première déclaration d’appel qui a fait courir le délai de trois mois dont, en application de l’article 908 du Code de Procédure Civile, l’appelant dispose pour conclure à peine de caducité de la déclaration d’appel.

La remise d’une seconde déclaration d’appel n’est pas de nature à faire reculer ce délai, même s’il y a été procédé pour rectifier une erreur commise dans la première déclaration comme cela a été dit au sujet de de l’identité de l’intimée.

La deuxième déclaration d’appel n’aurait pu reporter à la date de sa remise le point de départ du délai prévu par l’article 908 que si la première avait été nulle pour une irrégularité de fond, les irrégularités de forme étant quant à elles régularisables et ne pouvant entraîner la nullité de l’acte qu’à la condition qu’elles causent un grief que la société intimée serait seule en droit d’invoquer.

La jurisprudence a décidé également à propos d’une déclaration d’appel incomplète faute de mention d’intimé, que le défaut de mention de l’intimé dans la déclaration d’appel non visé par l’article 117 du Code de Procédure Civile constitue bien un vice de forme régularisable dès lors que sa régularisation ne laisse subsister aucun grief [2].

Elle a souligné que :

« pour déclarer l’appel du Procureur de la République irrecevable, l’arrêt, après avoir constaté que figuraient au dossier deux documents intitulés "déclaration d’appel”, mais qu’aucun ne portait l’indication de la personne intimée, retient que s’agissant non seulement de l’omission d’une mention prescrite par l’article 58 du Code de Procédure Civile affectant la déclaration d’appel, mais surtout de la violation de l’obligation d’intimer une partie en première instance, prévue par l’article 547 du Code de procédure civile, cette irrégularité constitue un vice de fond dont la sanction est la nullité de l’acte, sans qu’il soit besoin de prouver l’existence d’un grief ;
Attendu qu’en statuant ainsi, alors que le défaut de mention de l’intimé dans la déclaration d’appel, non visé par l’article 117 du Code de procédure civile, constitue un vice de forme, la cour d’appel a violé les textes susvisés
 » [3].

Dans un autre arrêt, la Cour de cassation a décidé que :

« 6) Alors qu’en toute hypothèse, le défaut de mention de l’intimé dans la déclaration d’appel constitue un vice de forme ; qu’en se fondant sur le fait que la déclaration d’appel ne visait pas la société Fonderies Collignon en qualité d’intimée pour en déduire une irrégularité de fond affectant la déclaration d’appel, la cour d’appel a violé les articles 114 et 117 du Code de procédure civile ;
7) Alors qu’en toute hypothèse, un acte de procédure ne peut être annulé pour vice de forme que sur la demande de la partie intéressée et sur justification par elle du préjudice que lui a causé l’irrégularité ; qu’il n’appartient pas ainsi au juge de vérifier d’office la régularité d’un acte de procédure affecté d’un vice de forme ; qu’en jugeant, pour déclarer irrecevable l’appel interjeté de la SCP KD… P…, ès qualités de mandataire judiciaire de la société Fonderies Collignon, que l’intervention volontaire de la société Fonderies Collignon n’était pas de nature à régulariser le vice initial affectant l’acte dans la mesure où elle était intervenue après expiration du délai d’appel, quand la société Fonderies Collignon ne s’était pas prévalue de cette irrégularité de forme, la cour d’appel a violé l’article 114 du Code de procédure civile ;
8) Alors qu’en toute hypothèse, le défaut de mention de l’intimé dans la déclaration d’appel constitue un vice de forme, susceptible d’être couverte en tout état de la procédure dès lors que sa régularisation ne laisse subsister aucun grief...
 » [4].

En effet, l’omission ou l’irrégularité d’une des mentions de la déclaration d’appel est, de manière générale, constitutive d’un vice de forme [5].

Il s’agit d’une irrégularité qui affecte le contenu de l’acte de saisine de la juridiction et non le mode de saisine de celle-ci.

Cette irrégularité ne constitue pas une irrégularité de fond puisque ne sont en cause ni le défaut de capacité d’ester en justice, ni le défaut de pouvoir d’une des parties prévu par l’article 117 du Code de Procédure Civile.

Cependant, cette absence n’entraîne la nullité de la déclaration d’appel que pour autant que la preuve d’un grief est rapportée  [6].

La nullité d’un acte de procédure pour vice de forme ne peut, en application des dispositions de l’article 114 du Code de Procédure Civile, être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public [7].

Il convient de faire constater que l’intimée avait constitué Avocat et avait entendu régulariser la procédure puisqu’elle avait conclu à l’irrecevabilité de l’appel et ce conformément aux dispositions des articles 126 du Code de Procédure Civile, ensemble les articles 4 et 5 du Code de Procédure Civile.

Au regard de ces éléments, des dispositions des articles ci-dessus et des jurisprudences citées, l’irrégularité qui affecte la déclaration d’appel en raison du défaut de qualité de l’intimé peut être régularisée par l’appelant avant que la cour ne statue.

B) Sur l’effet interruptif du délai d’appel.

En vertu des dispositions de l’article 2241 alinéa 1 du Code Civil, l’acte de saisine d’une juridiction, même entaché d’un vice de procédure, interrompt les délais de prescription comme de forclusion.

Il résulte de l’article 2241 alinéa 2 du même Code que l’annulation par l’effet d’un vice de procédure de l’acte de saisine de la juridiction interrompt les délais de prescription et de forclusion.

L’article 2242 du Code Civil précise que l’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance.

En application de l’article 2241 alinéa 1 du Code Civil, le délai de forclusion de l’action est interrompu par la déclaration d’appel, l’interruption produisant ses effets jusqu’au la date de l’ordonnance du du Conseiller de la mise en état.

La jurisprudence s’est prononcée en ce sens que :

« le défaut d’indication de l’intimé dans l’acte d’appel est une irrégularité de forme qui entache la validité de l’acte en sorte que le délai d’appel est interrompu et que l’appelant peut réitérer valablement son appel si son appel précédent a été privé d’effet ; qu’en l’espèce, l’acte d’appel du 29 août 2016 ne comportait pas le nom de l’intimé et le magistrat de la mise en état a déclaré l’appel irrecevable, en sorte que le délai d’appel légal avait été interrompu et que l’appel ultérieur du 17 février 2017 intervenu après l’ordonnance d’irrecevabilité du 20 octobre 2016 était recevable et devait produire ses effets ; qu’en décidant néanmoins que l’appel réitéré le 17 février 2017 devait être tenu pour dépourvu de tout effet compte tenu de la validation ultérieure de la déclaration d’appel du 29 août 2016 par l’arrêt du 23 mars 2017, alors que cette circonstance demeurait sans incidence, la cour d’appel a violé les articles 58, 901 et 908 du Code de procédure civile et l’article 2241 du Code civil » [8].

La Cour de Cassation a confirmé nettement qu’une déclaration d’appel, même entachée d’un vice de fond, interrompt le délai de recours. Ce délai commence à courir à compter du jour du prononcé de la nullité [9].

La question qui s’est déjà posée de savoir si, pour admettre la validité de la seconde déclaration d’appel, la première a interrompu le délai d’appel.

La Cour de cassation a répondu que « en statuant ainsi, alors que la déclaration d’appel est l’acte de saisine de la cour d’appel et que le délai d’appel est un délai de forclusion, la cour d’appel qui, après avoir prononcé la nullité de la première déclaration d’appel pour vice de procédure sur le fondement des articles 117, alinéa 3, et 120 du Code de procédure civile, a ensuite dénié à sa décision tout effet interruptif du nouveau délai d’appel qui avait recommencé à courir, a violé l’article 2241, alinéa 2, du Code civil » [10].

« Attendu qu’il résulte de ce texte que l’annulation par l’effet d’un vice de procédure de l’acte de saisine de la juridiction interrompt les délais de prescription et de forclusion… » [11].

Elle confirme clairement qu’une déclaration d’appel, même entachée d’un vice de fond, interrompt le délai de recours. Elle fixe cependant le nouveau point de départ qui recommence à courir non seulement le lendemain de la demande, mais aussi au jour du prononcé de la nullité [12].

Il ressort de tout ce qui précède que si la cour prononçait que la première déclaration d’appel est nulle. Le délai d’appel, interrompu par l’effet de l’annulation de l’acte de saisine, recommencera à courir à compter du prononcé de l’ordonnance du Conseiller de la Mise en Etat, de sorte qu’il n’était pas expiré à la date à laquelle l’appelant a formé une seconde déclaration d’appel [13].

L’article 115 du Code de Procédure Civile admet cette régularisation, pour autant qu’aucune forclusion ne soit intervenue, et que la régularisation ne laisse subsister aucun grief.

Cette lecture est conforme à la jurisprudence qui s’est prononcé en ce sens.

L’ordonnance du Conseiller de la mise en état en date du 15 mai 2020 indique que :

« Toutefois, il n’est pas contesté que la déclaration d’appel en date du 30 août 2019 a été formée dans le délai d’un mois à compter de la signification qui est intervenue en le 31 juillet 2019. Cette déclaration est entachée d’une irrégularité puisqu’elle ne contient pas la désignation des personnes intimées. Il sera rappelé que l’absence d’indication des personnes contre lesquelles l’appel a été interjeté est un vice de forme au sens de l’article 114 du Code de Procédure Civile peut donner lieu à régularisation avant que le juge ne statue. Dans le cas présent cette régularisation peut être faite par une nouvelle déclaration d’appel laquelle doit intervenir dans le délai imparti à l’appelant pour conclure.
En l’espèce, il est constant que la déclaration du 25 septembre 2019 qui n’avait pour but que de régulariser l’erreur matérielle manifeste affectant la déclaration d’appel du 30 août 2019 en indiquant le nom et le domicile des personnes intimées, est intervenue dans le délai de trois mois à compter de la première déclaration d’appel
 » [14].

L’intimé a a formé un recours contre cette décision. La Cour d’appel de Rennes a décidé que :

« Le défaut de mention de l’intimé dans la déclaration d’appel, non visé par l’article 117 du Code de procédure civile, constitue un vice de forme. Ce vice est régularisable dans le délai imparti à l’appelant pour conclure.
Le jugement a été signifié à M. et Mme.... par actes d’huissier du 31 juillet 2020. Ils ont interjeté appel le 30 août 2019, soit dans le mois suivant la date de cette signification. Leur déclaration d’appel était irrégulière en la forme en ce qu’elle ne visait pas le nom de l’intimé. Cette déclaration a été régularisée par une nouvelle déclaration d’appel en date du 25 septembre 2019, et donc dans le délais qui leur était imparti pour conclure.
La nouvelle déclaration d’appel est une déclaration rectificative et c’est bien à la date de la première déclaration du 30 août 2019 qu’il convient de se placer pour apprécier si l’appel a été interjeté, dans le délai imparti.
La déclaration d’appel du 25 septembre 2019 a été portée à la connaissance de XX et cette dernière a disposé d’un délai suffisant pour pouvoir se constituer et conclure. Elle ne justifie d’aucun grief.
La portée de l’effet dévolutif de l’appel, tel que résultant des termes de la déclaration d’appel, n’est pas une cause d’irrecevabilité de l’appel en lui même, ni une cause de nullité de l’acte d’appel.
L’irrégularité éventuelle de la signification du 31 juillet 2019 est sans effet sur l’issue de la procédure, M. et Mme…. ayant de toute façon valablement interjeté appel dans les délais impartis suivant la date de ces actes de signification contestés.
Il y a lieu de confirmer l’ordonnance
 » [15].

Enfin, l’irrecevabilité doit être écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ; qu’il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l’instance.

C) Sur l’exigence de l’accès au juge et au principe du procès équitable.

Aux termes de l’article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial.

Cependant, l’accès au juge doit être concret et effectif et ne saurait être limité d’une manière ou à un point tel que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même.

En l’espèce, deux questions se posent :

  • La première est celle de savoir si l’absence de mention d’intimé dans l’acte d’appel détermine seule immuablement le lien juridique d’instance devant la cour d’appel, de sorte que, a fortiori si elle n’est pas rectifiée dans le délai d’appel, l’appel est irrecevable en tant que dirigé contre une personne qui était partie en première instance, ou si la mention en laquelle l’intimé est attrait dans la procédure d’appel est déterminée par les prétentions émises contre lui, de sorte que si la personne intimée est nominativement la même et si l’objet du litige est identique, l’appel est recevable en tant que dirigé contre une partie présente en première instance.

L’article 547 du nouveau Code de procédure civile dispose

« En matière contentieuse, l’appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance. Tous ceux qui ont été parties peuvent être intimés… ».

Il s’en déduit que ne sont intimées que les parties dont l’indication figure dans la déclaration d’appel sauf dans le cas d’une erreur manifeste de cette désignation.

Pour avoir la position procédurale d’intimé, il faut être intimé sous la même désignation nominative (la même personne) qu’en première instance. Cette condition résulte des dispositions combinées des articles 547 et 901 du Code de procédure civile.

Si la qualité est, en la personne de l’appelant comme en celle de l’intimé, une condition d’existence de l’action et si l’inobservation de l’article 547 du Code de procédure civile fait obstacle au droit d’appel dans son principe même, ce texte ne régit pas les mentions de l’acte d’appel mais régit l’exercice de ce droit. Autrement dit, le droit d’appel ne peut être exercé que contre une personne qui a été partie ou représentée en première instance.

En effet, la question de partie à l’instance d’appel renvoie automatiquement à l’objet du litige dévolu à la cour d’appel, et, en particulier, la mention dans laquelle cette partie figure dans la procédure est intimement liée aux prétentions émises par ou contre elle.

La notion d’une partie en cause d’appel doit être analysé au regard de l’assignation, du jugement, des conclusions et demandes formulées par l’appelant.

A cet égard, la teneur de l’acte d’appel délimite la dévolution qu’opère le recours, selon qu’il est général ou est limité à certains chefs, mais l’objet du litige dévolu à la cour d’appel est aussi déterminé par les prétentions des parties contenues dans leurs conclusions. C’est-à-dire que la déclaration d’appel et les écritures subséquentes des parties se conjuguent pour délimiter l’objet du litige devant la juridiction du second degré et, partant, pour déterminer la qualité de l’intimé.

Au terme de ces développements, une telle orientation fondée sur la confrontation des mentions des actes d’appel relatives à la mention de l’intimé et de la teneur des conclusions prises contre lui en première instance et en appel, l’identité de l’objet du litige se voyant reconnaître la primauté, paraît répondre à l’exigence de l’accès au juge et au principe du procès équitable puisque les appelants ne se voient pas privé de l’exercice de leur droit d’appel par l’effet d’une simple erreur, même exclusivement due à leur fait, alors que l’objet du litige reste le même et que la société BNP Paribas Finance, parfaitement informé de l’objet et du fondement de la demande des appelants, ne subit a priori aucun grief [16].

  • La seconde question est celle de s’interroger sur la compatibilité de la solution avec l’exigence de l’accès à une juridiction, telle qu’elle résulte de la combinaison des articles 55 et 62 de la Constitution et de l’article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ainsi que de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme.

A cet égard, la jurisprudence a souligné que si la cour admet que « le droit à un tribunal, dont le droit d’accès constitue un aspect particulier, n’est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, notamment quant aux conditions de recevabilité d’un recours, car il appelle de par sa nature même une réglementation par l’Etat, lequel jouit à cet égard d’une certaine marge d’appréciation » [17], elle se réserve « d’examiner si de telles limitations ne restreignent pas l’accès ouvert aux requérants d’une manière ou à un point tels que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même, si celles-ci poursuivent un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé [18], et de déterminer si ces limitations, telles qu’elles sont appliquées au cas d’espèce considéré, s’analysent en une entrave disproportionnée au droit d’accès des requérants à la juridiction supérieure », en rappelant que, si « l’article 6 § 1 de la Convention n’oblige pas les Etats contractants à instituer des cours d’appel ou de cassation », lorsque « de telles juridictions sont instituées, la procédure qui s’y déroule doit présenter les garanties prévues à l’article 6, notamment en ce qu’il assure aux plaideurs un droit effectif d’accès aux tribunaux pour les décisions relatives à « leurs droits et obligations de caractère civil  » [19].

Ali Chellat, Avocat
Avocat à la Cour
Barreau de Rennes
Docteur en droit

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Notes de l'article:

[1Cour de Cassation, 19 décembre 2017, Numéro d’arrêt : 17-70036, Numéro : 21717020.

[2Cour Cass. 24 mars 2009 n°07-21692 ; Cour Cass.17 avril 2008 n°07-12643.

[3Cour de Cassation, 24 mars 2009, N° de pourvoi : 07-21692 ; Cass. Civ. 1re, 8 déc. 1998, n° 96-14.544 ; Cour de Cassation, 22 mars 2011, N° de pourvoi : 09-72345 ; Cass. Civ. 2ème, 19 oct. 2017, N° : 16-11.266 ; Ch. mixte, 7 juill. 2006, n° 03-20.026 P : D. 2006. 1984, obs. E. Pahlawan-Sentilhes ; RTD civ. 2006. 820, obs. R. Perrot.

[4Cour de cassation, Chambre Sociale, 25 septembre 2019, N° de pourvoi : 17-17.606.

[5V. Ch. mixte, 7 juill. 2006, n° 03-20.026.

[6Civ. 1re, 8 déc.1998, n° 96-14.544.

[7Cour de Cassation, Chambre civile 2, 26 juin 2014, 13-17.574. Cour de Cassation, Chambre civile 2, 1 juin 2017, 16-18.212. Cour de Cassation, Chambre civile 2, 2 juillet 2020, 19-16.954. Cour d’Appel de Bordeaux, 11 janvier 2013, N° de RG : 12/06415.

[8Cour de cassation, Chambre Civile 2, 14 novembre 2019, N° de pourvoi : 18-23631.

[9Cour de cassation, Chambre Civile 2, 16 oct. 2014, n° 13-22088, ECLI:FR:CCASS:2014:C201614, M. X c/ Sté Ouizille de Keating, PB (Cassation CA Versailles, 9 avr. 2013), Mme Flise, prés. ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, av. : JCP G, 2014, I, 1171.

[10Cass. Civ., 2ème, 16 octobre 2014, n° 13-22088.

[11Cass. Civ., 2ème, 16 octobre 2014, n° 13-22088.

[12Cass. Civ., 2ème, 16 octobre 2014, n° 13-22088.

[13Cass.Civ., 2ème, 28 septembre 2017, N° de pourvoi : 16-18149.

[14Ordonnance du Conseiller de la mise en état en date du 15 mai 2020, 2ème Chambre, N°58, N° RG 19/06428.

[15Arrêt de la Cour d’Appel de Rennes, 20 Novembre 2020, N° RG 20/02463.

[16Cass. com. 30 juin 2004 : Dalloz 2004, n° 33, p. 2429, note critique de F. Derrida, P. Julien et J-F Renucci. CEDH, 14 novembre 2000 : X... et autres c. France, Req. n°s 31819/96, 33293/96 ; 31 juillet 2001, X... c. France, Req. n° 42195/98.

[17Voir dans ce sens, Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne, arrêt du 19 février 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-I, p. 290, § 34 et X... c. Espagne, no 38695/97, CEDH 2000-II, § 36.

[18Arrêt X... c. Royaume uni, précité, Req. n° 8225/78 pp. 24-25, § 57.

[19Arrêt Levages Prestations Services c. France du 23 octobre 1996, Req. 21920/93, Recueil 1996-V, p. 1544, § 44) » CEDH, 14 novembre 2000 : X... et autres c. France, req. n°s 31819/96, 33293/96 ; 31 juillet 2001 : X... c. France, req. n° 42195/98 ; 25 septembre 2003 : X... c. France, req. n° 50343/99.

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