La médiation au chevet des entreprises. Par Thierry Charles, Docteur en Droit.

La médiation au chevet des entreprises.

Par Thierry Charles, Docteur en Droit.

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Explorer : # médiation interentreprises # pratiques abusives # responsabilité sociétale des entreprises # soft law

Le Conseil National des Achats et la Médiation des Entreprises, créateurs et Co animateurs de la Charte et du label des Relations Fournisseurs et Achats Responsables (RFAR), ont décidé d’organiser un grand Tour de France en régions pour la promotion du « Parcours National des Achats Responsables » (PNAR) : de la Charte au label RFAR.

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Forte aujourd’hui de près de 2 300 signataires et traduisant une volonté de partage de valeurs entre clients et fournisseurs, la charte RFAR s’est disséminée dans les régions et notamment en Auvergne-Rhône-Alpes.

Associé à la charte, un label RFAR a également été créé en 2012.

La 3ᵉ étape de ce grand Tour de France en régions pour la promotion de ce PNAR se déroulait le 7 novembre 2023 à la Préfecture du Rhône en présence du médiateur des entreprises Pierre Pelouzet et de Polyvia.

Rappelons qu’en novembre 2009, au cours des Etats Généraux de l’Industrie (EGI), de nombreuses fédérations professionnelles, dont la plasturgie, soulignaient le déséquilibre de la relation commerciale entre donneurs d’ordre et fournisseurs qui grève la compétitivité de l’économie française.

Le 22 juin 2010, le président de la République, sur proposition du ministre de l’Industrie, décidait alors de confier à Jean-Claude Volot une médiation des relations interentreprises et de la sous-traitance (et en 2012 Pierre Pelouzet remplaçait Jean-Claude Volot à la tête de l’autorité avec des pouvoirs accrus).

I - La responsabilité sociétale des entreprises et la médiation.

Aussitôt, le médiateur, pointait dans un rapport « les trop nombreuses pratiques abusives répertoriées », qui devaient logiquement « nous conduire à nous interroger sur les textes qui sont censées nous en prémunir ».

Le fameux rapport « Volot » proposait ainsi un état des lieux du cadre réglementaire et législatif applicable aux relations interentreprises et à la sous-traitance dans le secteur industriel, dans un contexte global de dégradation de ces relations.

Le rapport de décembre 2010 ne dénombrait pas moins de 35 mauvaises pratiques dont certaines étaient et restent encore très préjudiciables aux industriels

Sur la base de ses observations, le médiateur émettait plusieurs recommandations comme de veiller à la bonne application du dispositif pour interdire la plupart des mauvaises pratiques, tout en créant un nouvel « état d’esprit » favorable à l’industrie et en développant les « bonnes pratiques » au sein des branches professionnelles et des filières.

Il convient de relever que la plupart des abus dénoncés dans le rapport « Volot » tombent sous le coup de l’article 1104 du Code civil qui précise que « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi » et que « cette disposition est d’ordre public » et/ou du 2° de l’article L442-6, I du Code de commerce dont la notion de « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties », qui a pour vocation d’appréhender l’ensemble des pratiques abusives pouvant survenir lors d’une négociation commerciale, couvre a fortiori le domaine de la sous-traitance.

Mais le courant « soft law » entend également conférer quelque force obligatoire aux usages et aux chartes de « bonnes pratiques », tout en donnant de l’épaisseur au fait de la médiation.

II - Le médiateur des entreprises : Primum non nocere (D’abord ne pas nuire).

En présence de pratique abusive d’un donneur d’ordre, les entreprises sous-traitantes font régulièrement appel à leur syndicat professionnel, en charge de la défense des « Usages » comme les conditions générales professionnelles, et pour certaines d’entre-elles saisissent désormais le médiateur des entreprises pour répondre à ces exigences parfois illégales.

Ce dernier a vocation à favoriser une relation partenariale authentique et durable entre donneurs d’ordre et sous-traitants, au sein de filières structurées et décloisonnées.

Il s’agit d’une stricte fonction de médiation, visant à examiner précisément la situation des entreprises concernées et à proposer des solutions adaptées. Ainsi, l’intervention du médiateur peut revêtir deux formes. Le médiateur assure une « médiation collective » dès lors que plusieurs demandes convergentes lui sont adressées.

Il a pour première mission d’assurer le traitement et le suivi des demandes reçues et de les regrouper. Lorsque ces signalements convergent suffisamment, il se tourne, sans citer ses sources, vers le donneur d’ordres ou le sous-traitant concerné pour lui demander d’améliorer ses pratiques.

Le médiateur met en œuvre une « médiation individuelle » dès lors que l’entreprise qui le saisit en exprime la demande, pour rechercher dans la concertation une solution rapide.

La médiation affiche 3 objectifs principaux : « réhumaniser » la relation entre clients et fournisseurs/sous-traitants ; favoriser la conscience de responsabilité de filière pour les grandes entreprises ; insister sur la nécessité des PME d’assurer leur indépendance stratégique.

La médiation emplit donc à la fois une mission « curative » - à travers des médiations individuelles, collectives ou de branche - et une mission « préventive » destinée à faire évoluer les comportements sur le long terme, notamment grâce à la charte réactualisée en octobre 2021 des « Relations fournisseurs et achats responsables » (RFAR) et au label.

La charte a pour but d’inciter les entreprises à adopter des pratiques d’achats responsables vis-à-vis de leurs fournisseurs et sous-traitants. Elle est aujourd’hui pilotée par le médiateur des entreprises et le CNA (Conseil National des Achats).

Par le biais de ses 10 dix engagements pour des achats responsables, la charte participe ainsi à de la construction d’une relation équilibrée et durable, dans la connaissance et le respect des droits et devoirs respectifs de chaque partie.

Elle permet, d’une part, aux donneurs d’ordres signataires de faire savoir et officialiser leur volonté de s’inscrire dans une relation partenariale « gagnant-gagnant » avec leurs sous-traitants et plus généralement leurs fournisseurs et elle exige, d’autre part, la nomination d’un « correspondant PME » au sein de l’entreprise signataire, qui interviendra en tant que médiateur interne pour faciliter le règlement des éventuels litiges fournisseurs.

Quant au label « Relations fournisseurs et achats responsables » (RFAR) qui a remplacé le label « Relations fournisseurs responsables » (RFR) créé en 2012, il distingue les entreprises ou entités publiques françaises ayant fait la preuve de relations durables et équilibrées avec leurs fournisseurs.

Le label s’inscrit dans le prolongement de la démarche engagée depuis 2010 par le médiateur des entreprises et le CNA, au travers de la charte RFAR.

Ainsi, la soft law joue un rôle non négligeable, notamment via les usages et la charte de bonnes pratiques, auxquels elle cherche à donner force obligatoire !

La soft law ou « droit souple » est en effet une catégorie de règles qui fait l’objet d’une reconnaissance juridique et pratique croissante.

Ces normes de conduite se caractérisent par le fait qu’elles ne sont pas obligatoires, ainsi leur violation n’est pas susceptible d’entraîner une sanction de nature juridique.

Elles produisent toutefois des effets car, même non obligatoires, elles ont vocation à être réceptionnées et appliquées par leurs destinataires, soit parce qu’elles suscitent leur adhésion, soit parce que leur non-respect est susceptible d’entraîner une sanction d’ordre économique et non juridique.

Ces règles qui peuvent être conçues soit par des entités privées - c’est le cas pour les chartes ou les usages - ou par des entités publiques semblent constituer un complément opportun à la réglementation publique. En effet, elles vont au-delà de cette réglementation en imposant des règles de conduite non prévues par les textes nationaux ou européens en vue d’un meilleur encadrement des relations commerciales.

Elles sont au-delà bien réceptionnées car elles s’appuient sur des leviers autres que la sanction étatique et se révèlent parfois tout aussi efficaces dans un contexte mondialisé. Néanmoins, elles doivent rester « des compléments » des règlementations publiques et non pas devenir des substituts de la règle obligatoire car elles répondent parfois à des objectifs autres que le bon encadrement des relations commerciales.

Thierry Charles
Directeur des Affaires Publiques & Compliance (Polyvia)
Docteur en Droit - Membre du Cercle Montesquieu

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