Toute personne a le droit de se défendre elle-même ou d’être assisté d’un défenseur de son choix. L’avocat a vocation à intervenir dans tous les domaines de la vie civile, économique et sociale. Il fournit à ses clients toute prestation de conseil et d’assistance ayant pour objet, à titre principal ou accessoire, la mise en œuvre des règles ou principes juridiques, la rédaction d’actes, la négociation et le suivi des relations contractuelles.
En contrepartie de sa prestation, l’avocat est rémunéré par son client, par chèque, virement ou en espèces. Seul l’emploi des espèces revêt un caractère obligatoire, l’avocat ne peut pas les refuser. Cependant, pour des raisons de surveillance et de protection des flux financiers, le montant ne doit pas être supérieur à 1 000 euros par prestation totale.
La transgression de cette règle est sanctionnée d’une contravention, mais en cas de dissimulation des espèces reçues, plusieurs infractions pénales peuvent être retenues à l’encontre du défenseur.
L’emploi des espèces est strictement réglementé. La description de la procédure de paiement des honoraires de l’avocat permet d’en dégager les conséquences juridiques en cas de violation de la règlementation.
I. La procédure de règlement des honoraires de l’avocat.
La connaissance de la procédure de règlement des honoraires des avocats nécessite de connaitre la nature de l’activité de cet auxiliaire de justice pour en déterminer la mise en œuvre du paiement.
1.1. La nature de l’activité de l’avocat.
L’avocat est un professionnel autorisé à fournir des conseils et assistance juridique relatifs au respect de la loi et de la protection des droits de ses clients. Son travail se distingue en deux éléments principaux, la représentation légale et le conseil juridique.
Parmi les principaux domaines figurent le droit civil, pénal, sociétaire, commercial, international, administratif, le droit de l’environnement, de la famille et du travail. Les secteurs d’intervention sont donc très vastes, et selon ses compétences spécifiques un avocat peut intervenir en :
- Assistance juridique de particuliers, notamment dans des contentieux civils ou pénaux, la protection des droits, de l’individu, d’entreprises ou d’organismes publics, en matière de testaments et documents de successions, d’achat et de vente de propriété immobilières, de difficultés familiales (Divorce, garde des enfants, pension alimentaire) ;
- Conseil juridique pour les entreprises, notamment en matière de contrats d’entreprise, rachats et fusions, liquidations, protection de la propriété industrielle, questions relevant du droit du travail, du droit syndical et de la prévoyance.
La loi ne définit pas la nature de la prestation de services, mais le Code civil retient l’appellation de « contrat de louage », le contrat de prestation de services est un document juridique qui définit les responsabilités et les obligations entre une entreprise et un prestataire de services. Il décrit les services que le prestataire doit fournir à l’entreprise et en fixe les modalités de paiement. « Le louage d’ouvrage est un contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre, moyennant un prix convenu entre elles ».
L’article 6.2 du Règlement Intérieur National des avocats stipule que l’avocat est le mandataire naturel de son client, tant en matière de conseil, de rédaction d’actes, que de contentieux. Il peut exercer ses missions pour le compte de personnes physiques ou morales agissant sous forme ou pour le compte de fonds fiduciaires ou de tout instrument de gestion d’un patrimoine d’affectation. Lorsqu’il assiste ou représente ses clients en justice, devant un arbitre, un médiateur, une administration ou un délégataire du service public, l’avocat n’a pas à justifier d’un mandat écrit, sous réserve des exceptions prévues par la loi ou le règlement. Dans les autres cas, il doit justifier d’un mandat écrit sauf dans les cas où la loi ou le règlement en présume l’existence.
L’avocat s’assure au préalable de la licéité de l’opération pour laquelle il lui est donné mandat. Il respecte strictement l’objet du mandat et veille à obtenir du mandant une extension de ses pouvoirs si les circonstances l’exigent. S’il se trouve dans l’impossibilité d’accomplir le mandat qui lui est confié, il doit en aviser sans délai le mandant.
1.2. La mise en œuvre du règlement des honoraires.
Selon le Règlement Intérieur National des avocats, les honoraires sont fixés selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci. L’avocat chargé d’un dossier peut demander des honoraires à son client même si ce dossier lui est retiré avant sa conclusion, dans la mesure du travail accompli. Les honoraires sont payés dans les conditions prévues par la loi et les règlements.
Dès le début de la relation, une convention d’honoraires d’avocat est établie, signée par les parties quel que soit la nature de l’activité. Ce document fixe les conditions de rémunération, notamment la détermination des honoraires et l’information du client.
Les honoraires sont fixés en accord avec le client. La conclusion d’une convention d’honoraires est obligatoire, ce qui permet au client de connaitre dès le début de la relation le montant et les conditions d’intervention de l’auxiliaire de justice. En cas d’interruption anticipée de la mission, le client est tenu de verser les honoraires dus.
L’avocat est tenu d’établir une facture pour toutes ses prestations, toute intervention professionnelle fait obligatoirement l’objet d’une facturation. Il est tenu de la délivrer dès la réalisation de la prestation de services, le client est tenu de la réclamer.
La facture mentionne la date à laquelle le règlement doit intervenir. Le délai de règlement des sommes dues ne peut dépasser trente jours après l’exécution de la prestation demandée. Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours, après la date d’émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu’il ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier. En cas de facture périodique le délai convenu entre les parties ne peut dépasser quarante-cinq jours après la date d’émission de la facture. En cas de retard, l’avocat peut exiger des intérêts de pénalités exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi qu’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date.
Tout manquement aux règles de facturation est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 375 000 euros. En cas de récidive elle peut être portée à 750 000 euros.
L’avocat a l’obligation de tenir une comptabilité. Tous les mouvements sont enregistrés chronologiquement (achats, ventes, emprunt...). Il peut tenir lui-même sa comptabilité ou la confier à un professionnel, un expert-comptable inscrit au tableau de l’ordre. Les livres sont tenus électroniquement en utilisant un logiciel informatique ou manuellement, sans blanc ni altération.
L’avocat est tenu d’établir annuellement les documents suivants :
- Un bilan présentant les éléments d’actifs (Ensemble des droits et des biens possédés) ;
- Un compte de résultat rassemblant les produits (ventes, intérêts de capitaux placés, etc.) et charges (achats, salaires, impôts, etc.) ;
- Un rapport de gestion exposant la situation de la société durant l’exercice écoulé, son évolution prévisible, les événements importants survenus ;
- Une annexe commentant et complétant le bilan et le compte de résultat.
L’avocat doit conserver ses documents comptables et les pièces justificatives au moins 10 ans. La conservation des documents est nécessaire en cas de contrôle de l’administration fiscale ou de litige. Le défaut de conservation expose à une amende de 10 000 euros. En cas d’omission volontaire dans la facturation (Ecritures inexactes ou fictives), le responsable encourt une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 500 000 euros d’amende.
Il ne faut pas confondre la conservation des documents comptables avec celle des documents rédigés dans le cadre de l’activité professionnelle. En effet, l’article 2225 du Code civil dispose que :
« L’action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission ».
La responsabilité professionnelle des avocats se prescrit donc par cinq ans.
II. L’encadrement juridique du règlement des honoraires des avocats.
L’analyse de l’encadrement juridique du règlement des honoraires en espèces de la prestation de l’avocat permet d’en dégager les conséquences en l’absence de respect de la règlementation relative à la restriction des espèces.
2.1. La limite de l’emploi des espèces.
Le règlement du client pour la prestation réalisée par l’avocat peut intervenir par tout mode de paiement, virement, chèque ou espèces. Cette dernière catégorie est soumise à une stricte réglementation. Le paiement en espèces est un mode de règlement qui consiste à utiliser des billets de banque et des pièces de monnaie pour effectuer un achat ou régler une dette.
Lorsqu’un client souhaite payer en espèces, constitués de pièces de monnaie ou de billets de banque ayant cours légal, l’avocat ne peut pas s’y opposer, sauf si le montant dépasse le plafond de 1 000 euros prévu par la règlementation. En effet, le refus l’exposerait à une amende de 2ᵉ classe.
L’espèce est l’un des moyens de paiement le plus ancien et le plus direct, il ne nécessite pas d’intermédiaire bancaire, contrairement aux paiements par carte ou par chèque. Le règlement en espèces présente les caractéristiques suivantes :
- L’immédiateté, le transfert de fonds entre le débiteur et le créancier est instantané ;
- L’anonymat, les transactions en espèces ne laissent pas de trace numérique dans le système bancaire ;
- L’universalité, l’argent liquide est généralement accepté par tous les professionnels et commerçants ;
- La disponibilité immédiate des fonds pour le bénéficiaire.
Les autorités financières, notamment l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) en contrôlent l’utilisation dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et la fraude fiscale.
Lorsque le client à son domicile fiscal sur le territoire de la République française ou agit pour les besoins d’une activité professionnelle, le paiement en espèces est limité à 1 000 euros. Cette disposition n’est pas applicable aux paiements réalisés par des personnes qui sont incapables de s’obliger par chèque ou par un autre moyen de paiement, ainsi que par celles qui n’ont pas de compte de dépôt. En cas de paiement fractionné pour une même prestation, le montant de 1 000 euros est global pour l’ensemble de celle-ci. Il n’est pas applicable à chaque facture émise. En pratique, l’avocat exige une provision à la signature de la convention d’honoraires, puis un paiement au fur et à mesure des actes réalisés.
La preuve du paiement en espèces repose sur la délivrance d’un reçu de paiement. L’emploi de ce document ne constitue pas une obligation. Il est toutefois conseillé de le systématiser pour chaque règlement en espèces, il peut servir de preuve écrite en cas de litige devant les tribunaux.
Le reçu de paiement indique son numéro, les informations et les coordonnées de l’émetteur du reçu, les informations concernant le payeur, la date du paiement, le montant total avec l’indication du nombre et de la valeur nominale des billets, le montant éventuel de la TVA. Il est signé par les parties, chacun recevant un exemplaire.
2.2. Les conséquences en cas de transgression.
Les conséquences de cette transgression peuvent être de deux ordres. Dans le premier cas, l’avocat reçoit des espèces dont le montant est supérieur à celui prévu par la règlementation et l’inscrit en comptabilité, il est alors passible d’une simple contravention de 2ᵉ classe. Dans le second cas, il reçoit des espèces et ne les inscrit pas en comptabilité, il peut alors être sanctionné pour travail dissimulé, fraude fiscale et blanchiment de capitaux.
La violation de cette règlementation sur l’utilisation des espèces est passible d’une amende dont le montant ne peut excéder 5% des sommes payées. Le débiteur et le créancier sont solidairement responsables du paiement de cette amende.
Le simple fait de dissimuler son activité, dans l’exercice à but lucratif d’une prestation de services, en se soustrayant intentionnellement à ses obligations en ne procédant pas aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale (URSSAF) ou à l’administration fiscale constitue un travail dissimulé.
Par ailleurs, le travail dissimulé est présumé, lorsque la prestation est accomplie à titre lucratif, avec recours à la publicité sous une forme quelconque en vue de la recherche de la clientèle ou lorsque leur fréquence ou leur importance est établie, ou encore lorsque la facturation est absente ou frauduleuse.
La commission de l’infraction de travail dissimulé est punie d’un emprisonnement de trois ans et d’une amende de 45 000 euros. Par ailleurs, les peines complémentaires d’exclusion des marchés publics pour une durée de cinq ans au plus, la confiscation des objets ayant servi directement ou indirectement à commettre l’infraction ou qui ont été utilisés à cette occasion, ainsi que de ceux qui en sont le produit et qui appartiennent au condamné, l’affichage du jugement, l’interdiction des droits civiques, civils et de famille peuvent être prononcées.
Les personnes morales reconnues pénalement responsables encourent une amende égale au quintuple de celle prévue pour les personnes physiques, ainsi qu’une interdiction portant sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.
Par ailleurs, sans préjudice de poursuite pour travail dissimulé, l’avocat pourrait se voir reprocher une fraude fiscale. En effet, il suffit de frauduleusement se soustraire ou tenté de se soustraire au paiement total ou partiel des impôts. Ce qui est le cas lorsque l’on ne déclare pas la totalité de ses revenus. Par ailleurs, cette infraction peut être aggravée en cas de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d’organismes établis à l’étranger, mais également par l’interposition de personnes physiques ou morales, par l’usage d’une fausse identité ou de faux documents ou encore par une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l’étranger ou l’établissement d’un acte fictif ou artificiel ou de l’interposition d’une entité fictive ou artificielle.
La fraude fiscale est passible, indépendamment des sanctions fiscales applicables, d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 500 000 euros, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction et en cas d’aggravation d’un emprisonnement de sept ans et une amende de 3 000 000 euros, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction, lorsque les faits ont été commis en bande organisée ou réalisés ou facilités par l’un des moyens décrits au paragraphe précédent.
Le travail dissimulé et la fraude fiscale constituant des infractions sous-jacentes au délit de blanchiment de capitaux, l’avocat pourrait également être poursuivi de ce chef. En effet le deuxième alinéa de l’article 324-1 du Code pénal dispose :
« Constitue également un blanchiment le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit ».
La Cour de cassation a jugé que l’auteur de l’infraction principale pouvait être poursuivi pour l’infraction de blanchiment de capitaux sur le fondement de l’alinéa 2 de l’article 324 du Code pénal.
Le blanchiment est puni de dix ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende lorsqu’il est commis en utilisant les facilités que procure l’exercice d’une activité professionnelle. Par ailleurs, il convient de rappeler que l’avocat est soumis aux obligations de vigilance relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Enfin, il est utile de préciser que toute contravention aux lois et règlements expose l’avocat qui en est l’auteur à des sanctions disciplinaires qui sont l’avertissement, le blâme, l’interdiction temporaire d’exercice, la radiation du tableau des avocats, ou le retrait de l’honorariat.
L’avocat, praticien du droit, ne peut évoquer la méconnaissance des dispositifs relatifs à la restriction des espèces. L’obligation d’accepter le paiement en espèces ne saurait justifier la dissimulation de revenus, d’autant qu’elle porte préjudice à l’ensemble de la société en raison de l’impact sur la minoration du budget général.