Préambule.
Le Code de procédure civile indique que le juge ne peut donner à l’expert de justice la mission de concilier les parties [1]. Le Code de justice administrative permet cette possibilité [2], L’expert peut se voir confier une mission de médiation. Il peut également prendre l’initiative, avec l’accord des parties, d’une telle médiation. Si une médiation est engagée, il informe la juridiction de cette mesure. Sous réserve des exceptions prévues par l’article L213-2, l’expert remet son rapport d’expertise sans pouvoir faire état (sauf accord des parties) des échanges en médiation.
Pour la juridiction civile des experts sont fréquemment désignés dans des ordonnances mixtes expert/médiateur. Des questions se posent sur la pratique et la posture de l’expert et du médiateur.
Le contexte.
L’expert est désigné pour une mission d’expertise et le médiateur est désigné pour une mission de médiation ; deux professionnels ont une mission distincte dans la même ordonnance.
En pratique.
L’expert commence sa mission et convoque les parties à la première réunion, à la fin de celle-ci il fait suivre aux parties une note technique. Il suspend ensuite ses travaux pour laisser place au médiateur.
Le médiateur est destinataire de la note technique de l’expert, il convoque ensuite les parties pour une réunion gratuite d’information à la médiation. Si les parties acceptent la mesure de médiation, le médiateur informe le juge et commence ses réunions conformément au Code de procédure civile [3].
A la fin de sa mission, le médiateur informe le juge et l’expert du résultat de la médiation (Accord ou non-accord uniquement).
Si la médiation aboutit à un accord, la mission de l’expert devient caduque et l’expert dépose son rapport en l’état, constitué de sa première note technique. Si la médiation aboutit à un non-accord, l’expert reprend le cours de ses travaux d’expertise.
Analyse.
Un expert m’a posé récemment la question : "si la médiation n’aboutit pas et que je suis informé de la reprise de ma mission pouvez-vous me dire si je dois réaliser une nouvelle réunion d’expertise ?" Selon moi la réponse revient à l’expert qui doit évaluer si les éléments techniques qu’il a recueilli sont suffisants pour réaliser sa mission.
Dans la pratique, l’expert s’il le souhaite, peut convoquer plusieurs fois en réunion les parties et motiver sa demande pour le bon déroulement de sa mission. Après la réunion de médiation cette nouvelle réunion technique pourrait permettre aux parties et à leurs conseils d’informer l’expert de faits nouveaux utiles pour la rédaction de son rapport.
L’ordonnance mixte expert/médiateur présente d’ores et déjà un atout :"développer la médiation au côté de l’expertise".
Conclusion.
Les experts peuvent être concernés de deux façons par la médiation :
- En intervenant en qualité d’expert dans une procédure de médiation lorsque les parties ont besoin d’un avis technique pour progresser dans leur recherche d’une solution amiable ;
- En devenant médiateur - soit une pratique distincte de l’expertise - afin d’exercer la médiation judiciaire ou conventionnelle, après s’être formé à cette activité.
Le statut d’expert de justice et médiateur est recherché par les juridictions pour résoudre prioritairement des conflits techniques qui sollicitent à la fois la compétence technique de l’expert dans sa spécialité et l’aptitude à médier ou à négocier acquise par l’expert dans ses formations à la médiation, dans l’objectif d’aboutir à un accord transactionnel ou non mettant fin au conflit.
Il reste aux experts à se former à la médiation pour comprendre et connaître la mission du médiateur mais également pour devenir le médiateur qui pourrait être désigné par le juge, cette qualité de médiateur/expert présente une double compétence utile pour accompagner la mise en place d’un accord entre les parties.
Pour accompagner cette désignation une nouvelle compagnie nationale d’experts de justice médiateurs a été récemment créée et propose aux magistrats des médiateurs et experts inscrits sur les listes de cour d’appel [4].
Un guide de l’expert en médiation.
La commission médiation de la CNCEJ présente sur son site internet un guide de l’expert en médiation, celui-ci a été réalisé en 2023, cette approche expose des recommandations qui pourront être adaptées à chaque situation et dont l’un des objectifs est de veiller à la responsabilité de l’expert [5] [6].
En médiation de la consommation, le médiateur, s’il constate un non-accord, doit proposer une solution aux parties. La proposition de solution que le médiateur notifie aux parties en application de l’article R612-4 du Code de la consommation contient l’exposé des circonstances de fait, de droit et d’équité qui motivent cette proposition.
Dans le cas des litiges du bâtiment et de l’immobilier, l’une des propositions de solution du médiateur est de réaliser une expertise.
Cette mesure enjoint les parties à se positionner sur les enjeux techniques de leur litige et de favoriser la résolution de leur différend.
Discussion en cours :
Merci pour votre article mais en pratique on peut aussi commencer la mission de médiation en amont, notamment pour retravailler collectivement la mission de l’Expert. Il arrive même que certaines parties sortent de la procédure (levée de réserve, accord sur le solde ...).
Bien à vous