L’obligation de sécurité des organisateurs d’activités sportives à l’égard des participants.

Par Julie Manissier, Avocate.

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Explorer : # obligation de sécurité # responsabilité civile # activités sportives # participants

Le retour des beaux jours va immanquablement marquer une recrudescence d’activités de loisirs organisées à destination des adultes et des enfants, et tout particulièrement d’activités sportives, tant en salle (natation, squash, etc.), qu’en extérieur (randonnées pédestres ou à cheval, sports d’équipe, saut à l’élastique, surf, parapente, etc.)

Dès lors que ces activités sont organisées par un groupement sportif, un professionnel, un centre de loisirs ou une municipalité, ceux-ci sont tenus d’assurer un certain degré de sécurité aux participants et au public.

Quel est le degré de sécurité, auxquels sont tenus les structures et professionnels, qui participent à l’organisation d’activités sportives, à l’égard des participants d’une part, et du Public d’autre part ?

Dans quelles conditions leur responsabilité peut-elle être engagée par les participants lorsque survient un accident au cours des activités sportives organisées ?

La réponse à ces questions dépend de la nature de l’obligation de sécurité, qui évolue en fonction du type d’activité concerné, et de ses bénéficiaires.

-

I – La substance de l’obligation de sécurité des organisateurs sportifs.

Que leur responsabilité prenne sa source dans un contrat (à l’égard des participants ; des spectateurs munis d’un billet) ou dans un fait dommageable (ex. : à l’égard d’un riverain, d’un spectateur « gratuit »), les structures qui organisent une activité sportive, sont tenues de faire toutes diligences utiles, pour que cette activité se déroule sans incident dommageable à l’égard des participants et du Public.

Ainsi, une association sportive est tenue d’une obligation contractuelle de sécurité, de prudence et de diligence envers les sportifs exerçant une activité dans ses locaux et sur les installations mises à leur disposition, même lorsque ceux-ci pratiquent librement cette activité [1].

Il en sera de mêmes des professionnels qui participent en tout ou partie, à l’organisation d’activités sportives comme, par exemple :

  • les moniteurs sportifs qui dirigent et encadrent ces activités [2] ;
  • les exploitants d’équipements sportifs comme, par exemple, les loueurs de canoës-kayaks [3] ou les exploitants d’un circuit de motocross [4] ;
  • les exploitants d’équipements de transport permettant les activités sportives tels que les télésièges, à l’égard des usagers [5].

Bien entendu, les organisateurs sportifs ne sont tenus à une obligation de sécurité que dans la limite de leur obligation contractuelle principale.

Ainsi, un professeur de judo ne peut être tenu responsable d’un accident de trampoline survenu en-dehors de l’entraînement dirigé [6].

Quant aux groupements sportifs, même amateurs, ceux-ci sont également civilement responsables des dommages causés par leurs adhérents, que ce soit :

  • lors d’un entraînement [7] ;
  • au cours d’une compétition [8] ;
  • après la fin d’une compétition, dès lors que le dommage est causé dans l’enceinte sportive [9].

Le « dommage » susceptible d’engager la responsabilité des organisateurs d’activités sportives ne survient pas nécessairement par accident, mais peut également résulter de faits de violence volontaires.

Par exemple, un club sportif est responsable de la faute, constitutive d’une violation des règles du sport, commise par ses adhérents qui ont tabassé un joueur de l’équipe adverse/ l’arbitre à l’issue d’un match.

À noter, que lorsque les activités sportives organisées sont pratiquées par des personnes présentant une vulnérabilité accrue, du fait notamment de leur jeune âge (ou au contraire de leur âge très avancé), de leur situation physique et/ou de leur amateurisme, les Cours et tribunaux font également peser sur les organisateurs sportifs, une obligation particulière de surveillance [10].

II - La nature de l’obligation de sécurité des organisateurs d’activités sportives en cas de dommage subi par un participant.

Les organisateurs d’activités sportives et leurs prestataires sont tenus, selon les circonstances, la nature et la dangerosité du sport, d’une obligation de sécurité de moyen, (1.), de moyen renforcé (2.) ou de résultat (3.).

1. L’obligation de sécurité de moyen des organisateurs sportifs à l’égard de leurs adhérents et des participants actifs.

En principe, un club sportif et ses moniteurs ne sont tenus que d’une obligation de moyens, en ce qui concerne la sécurité de leurs adhérents dans la pratique de leur sport [11].

A l’égard des participants aux activités sportives, l’obligation de sécurité des organisateurs de ces activités est de moyens, chaque fois que ceux-ci ont un rôle actif dans ces activités [12].

Un tel rôle actif existe, lorsque les participants restent suffisamment libres de leurs mouvements ou de leurs actes pour prendre les initiatives nécessaires à leur propre sécurité, ou participent directement à l’activité.

Par exemple, n’est tenu que d’une obligation de moyens à l’égard des participants en raison du rôle actif de ces derniers :

  • l’exploitant d’une station de skis [13] ;
  • le loueur de canoës-kayaks [14] ;
  • l’organisateur de combats de sumo [15].

A noter, que l’obligation de sécurité pesant sur les organisateurs sportifs est toujours de moyen dans le cadre d’activités présentant des risques, dès lors que ces activités ne présentent pas de difficultés particulières ou un caractère anormal de dangerosité, et ne dépassent pas les capacités physiques et les compétences des participants [16].

L’existence d’une obligation de sécurité de moyen signifie, que la responsabilité des organisateurs concernés, ne peut être engagée qu’en cas de faute prouvée, imputable à ces derniers, ou (i) à l’égard des clubs sportifs, à leurs adhérents, et (ii) à l’égard des organisateurs de compétitions sportives, aux joueurs.

La charge de la preuve pèse sur la personne qui allègue l’existence d’une faute.

A noter, que pour que la faute commise par un joueur lors de compétitions sportives soit génératrice de responsabilité, elle doit constituer un véritable manquement aux règles du jeu ou de la loyauté sportive [17].

2. L’obligation de sécurité de moyen renforcé des organisateurs d’activités portant sur un sport présentant une particulière dangerosité.

Lorsqu’une activité sportive porte sur un sport présentant une dangerosité particulièrement importante, l’obligation de sécurité pesant sur son organisateur et sur les entraîneurs, est une obligation de moyen renforcé, ce qui signifie qu’en cas de dommage, ceux-ci sont présumés fautifs, et ne peuvent échapper à leur responsabilité qu’en démontrant leur absence de faute.

Il n’existe, à ce jour, pas de liste exhaustive des sports considérés comme « dangereux », bien que certains auteurs aient proposé d’en établir une, en se basant sur des statistiques d’accidentologie, si tant est qu’il en existe des précises et fiables.

Cette qualification est donc déterminée au cas par cas par les Cours et Tribunaux, et ne correspond pas toujours aux listes des sports les plus dangereux susceptibles d’être publiées dans les magazines sportifs.

Par exemple, le Kayak et l’équitation, qui sont classés parmi les 10 sports les plus dangereux en 2023 par le magazine sportif en ligne Metro Sport [18], ne sont pas considérés comme intrinsèquement dangereux par les Cours et Tribunaux.

Il en va différemment, notamment, de la lutte et du planeur, qui sont considérés comme dangereux [19].

À noter, que le caractère dangereux d’une activité sportive, peut être intrinsèque au sport concerné, et/ou résulter de certaines circonstances qui la rendent dangereuse.

3. L’obligation de sécurité de résultat des organisateurs d’activités sportive, à l’égard des participants passifs.

La Jurisprudence fait peser une obligation de sécurité de résultat sur les organisateurs d’activités sportives à l’égard des participants et des spectateurs, dès lors que ces derniers n’ont plus la possibilité de prendre les initiatives nécessaires pour assurer leur propre sécurité, et sont alors contraints de s’en remettre totalement aux organisateurs.

Dans ce cas, les organisateurs sont responsables, du simple fait de la survenance d’un dommage, sans qu’il soit nécessaire d’étudier leur comportement.

Ils peuvent s’exonérer de leur responsabilité, en cas de force majeure.

Toutefois, l’obligation de sécurité de résultat est limitée à la période d’exécution de la prestation principale [20].

La détermination du rôle actif ou passif des participants est réalisée au cas par cas par les Juges du fond, et n’est pas aisée, d’autant plus que la Jurisprudence peut évoluer.

Ainsi, la Cour de cassation considère, depuis 1997, que l’organisateur de stages d’initiation au parapente est tenu d’une obligation de résultat [21], ce qui n’était pas le cas dans sa jurisprudence antérieure.

L’organisateur d’une activité de saut à l’élastique, est tenu d’une obligation de sécurité de résultat à l’égard de ses clients [22].

En outre, la marge d’initiative des participants à une activité pour assurer leur propre sécurité, est appréciée au vu, non seulement, des caractéristiques de ces activités et de leurs compétences particulières, mais également de leur âge.

Lorsque les participants sont de jeunes enfants, ou des personnes âgées, leur liberté de manœuvre est limitée : pour les premiers, par leur jeunesse, pour les seconds, par le poids des ans [23].

En tout état de cause, il est fondamental, pour les associations et professionnels sportifs, afin de limiter le risque d’engagement de leur responsabilité :

  • d’être particulièrement prudents et diligents dans la préparation, l’organisation et de la surveillance des activités et manifestations sportives encadrées ;
  • de s’assurer que tout est mis en œuvre pour éviter tout risque de dommage en lien avec ces activités, et de documenter les mesures prises à cet effet ;
  • en cas de réclamation faisant suite à un dommage subi par un client, de solliciter l’assistance d’un avocat le plus vite possible, pour défendre au mieux leurs intérêts.

Ils doivent également être adéquatement assurés, de même que les participants.

Julie Manissier, Avocate
Barreau de Paris
Cabinet Manissier Avocat https://www.manissieravocat.com/

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Notes de l'article:

[1Civ. 1re, 15 décembre 2011, n°10-25.740.

[2CA Paris, 25 mars 2019, RG n°17/08.940.

[3Civ. 2e, 23 novembre 2006, n°05-13.441.

[4Civ. 1re, 10 juin 1986, n°85-10.345.

[5Civ. 1re, 4 juillet 1995, n°92-19.461.

[6Civ. 1re, 22 mai 2007, n°n°05-13.689.

[7Civ. 2e, 21 octobre 2004, n°03-17.910.

[8Civ. 2e, 14 avril 2016, n°15-16.938.

[9Civ. 2e, 5 juillet 2018, n°17-19.957.

[10Civ. 1re, 25 novembre 2003, n°01-02.033 ; 1er décembre 1999, n°97-20.207 ; CA Paris, 20 décembre 1985, inédit.

[11Civ. 1re, 21 novembre 1995, n°94-11.294 ; 17 octobre 2000, n°98-17.915 ; 22 janvier 2009, n°07-21.843 ; 30 novembre 2016, n°15-25.249 ; 25 janvier 2017, n°16-11.953.

[12Civ. 1re, 18 juin 2014, n°13-14.843 ; 14 novembre 2011, n°10-20.809, 11 mars 2010, n°09-13.197 ; 22 janvier 2009, n°07-21.843.

[13Civ. 1re, 14 novembre 2011, n°10-20.809.

[14Civ. 2e, 23 novembre 2006, n°05-13.441.

[15Civ. 1re, 22 juin 1999, n°97-10.126.

[16Civ. 1re, 22 janvier 2009, n°07-21.843 ; CA Grenoble, 1er octobre 2007, JCP G 2007, n°3251 ; CA Poitiers, 20 juin 2014, JCP 201, II, n°49, obs. Monnet J.

[17Civ. 2e, 29 août 2019, n°18-19.700 ; CA Agen, 20 novembre 2002, n°2001/38.

[19Civ. 1re, 16 mai 2018, n°17-17.904 ; 16 octobre 2001, n°99-18.128.

[20Civ. 1re, 15 juillet 1999, n°97-16.136.

[21Civ. 1re 21 octobre 1997, 95-18.558.

[22Civ. 1re, 30 novembre 2016, n°15-25.249.

[23Civ. 1re, 27 janvier 1982, n°80-16 ; CA Paris, 20 décembre 1985 , inédit.

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