Au visa des articles L1234-9, L1232-3 et L1235-3-1 en leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, la Cour de cassation décide que ce choix est alternatif, c’est-à-dire que le salarié peut soit se prévaloir de la poursuite de son contrat de travail et solliciter sa réintégration, soit demander des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, mais il ne peut pas se prévaloir à la fois de la réintégration et de l’indemnisation.
I. Faits et procédure.
Un salarié mis à la disposition d’une entreprise utilisatrice en qualité de soudeur, puis de grenailleur, suivant vingt-cinq contrats de mission conclus entre les 22 mars 2016 et 15 septembre 2017, a saisi la juridiction prud’homale de demandes en requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée et au titre de l’exécution et de la rupture de ce contrat.
Par un arrêt rendu le 2 juin 2022, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence déboute le salarié de ses demandes d’indemnisation dirigées contre l’entreprise de travail temporaire au motif que le choix de la réintégration au sein de l’entreprise utilisatrice est exclusif d’une demande d’indemnisation de la nullité de la rupture à l’encontre du second employeur, s’agissant de deux modes de réparation du même préjudice né de la rupture illicite du contrat de travail.
C’est pourquoi, le salarié intérimaire se pourvoit en cassation sur le fondement des articles L1234-9, L1232-3 et L1235-3-1 en leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, selon lesquels, respectivement, « Le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte deux ans d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement », « lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu en méconnaissance des articles L1132-1, L1153-2, L1225-4 et L1225-5 et que le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu’il est dû, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L1234-9 », et enfin, « Lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L1251-5 à L1251-7, L1251-10 à L1251-12, L1251-30 et L1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission ».
II. Moyens.
En effet, le salarié intérimaire fait grief à l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 2 juin 2022, de le débouter de ses demandes en paiement d’indemnités pour licenciement nul, de licenciement, de préavis, outre congés payés afférents, et au titre de l’irrégularité de la procédure de licenciement.
En premier lieu, le salarié demandeur au pourvoi devant la Cour de cassation, considère que le travailleur temporaire est fondé à faire valoir ses droits afférents à un contrat à durée indéterminée tant à l’égard de l’entreprise utilisatrice qu’à l’égard de l’entreprise de travail temporaire lorsque celles-ci ne respectent pas les obligations légales qui leur sont propres.
A ce titre, en cas de nullité de la rupture, le salarié estime qu’il est fondé à opter à la fois, pour la réintégration à l’égard de l’entreprise utilisatrice, ainsi que pour l’indemnisation de la nullité du licenciement envers l’entreprise de travail temporaire, ce choix de la réintégration au sein de l’entreprise utilisatrice n’étant pas exclusif d’une demande d’indemnisation de la nullité de la rupture à l’encontre du second employeur.
En second lieu, dès lors que la réintégration au sein de l’entreprise utilisatrice est destinée à rétablir le contrat de travail, tandis que l’indemnité pour licenciement nul et les indemnités de rupture réclamées à l’entreprise de travail temporaire sont destinées à réparer le préjudice causé par la rupture, le salarié considère qu’il s’agit de deux préjudices distincts et non pas de deux modes de réparation du même préjudice.
III. Solution.
En cas de nullité de la rupture, le salarié intérimaire peut-il se prévaloir à la fois de la poursuite de son contrat de travail et solliciter sa réintégration à l’égard de l’entreprise utilisatrice, et également, demander des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, à l’encontre de l’entreprise de travail temporaire ?
La Cour de cassation répond par la négative au visa des articles L1234-9, L1232-3 et L1235-3-1 en leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, énoncés ci-dessus.
En effet, la Cour de cassation retient que si la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée à temps plein a été ordonnée tant envers l’entreprise utilisatrice qu’envers l’entreprise de travail temporaire, alors le droit d’option du salarié ne peut être exercé de manière concurrente dès lors qu’il sollicite la réintégration.
A cet égard, la Cour de cassation souligne que le choix du salarié de se prévaloir de la poursuite de son contrat de travail et solliciter sa réintégration est exclusif d’une demande d’indemnisation de la nullité de la rupture à l’encontre du second employeur délaissé car il s’agit là de deux modes de réparation du même préjudice né de la rupture illicite du contrat de travail.
En conséquence, la Cour de cassation décide que le salarié dont la rupture du contrat de travail est nulle, peut soit se prévaloir de la poursuite de son contrat de travail et solliciter sa réintégration, soit demander des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
De cette manière, le principe de la réparation intégrale du dommage selon lequel « il ne puisse y avoir pour la victime, ni perte ni profit » [1], est appliqué et consacré par la Cour de cassation, suivant une jurisprudence constante.
Le pourvoi formé par le salarié est donc rejeté.
Source.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 avril 2024, 22-21.818, Publié au bulletin.