La nullité du forfait jours, un risque toujours d’actualité.

Par Olivier Javel, Avocat.

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Attention, la Cour de cassation par un arrêt du 16 octobre 2019 (destiné à être publié au bulletin et dans le rapport annuel de la Cour) rappelle les règles d’application de la loi dans le temps.
Dans la majorité des cas, si la convention collective n’a pas été modifiée depuis l’entrée en vigueur de la loi travail, l’employeur doit soumettre au salarié une nouvelle convention individuelle de forfait.

-

Le forfait en jours.

Le temps de travail est normalement calculé en heures, par exception et sous réserve du respect de certaines conditions, il est possible pour certaines catégories de salariés de bénéficier d’un temps de travail calculé en jours et non pas en heures.

Sur le papier le forfait en jours est avantageux :
- Pour l’employeur, puisqu’il n’est pas tenu aux paiements d’heures supplémentaires ;
- Pour le salarié puisqu’il peut organiser son temps de travail plus librement et qu’il bénéficie de temps de repos supplémentaires.

Bref rappel du contentieux entourant les clauses de forfait en jours.

Mais dès 2011 la Cour de cassation estime que le système ne protège pas suffisamment les salariés.

Selon la juridiction, certaines des conventions collectives qui devaient encadrer les forfaits, ne permettent pas un contrôle effectif de la charge de travail. En conséquence les clauses individuelles de forfaits sont déclarées nulles et les salariés qui ont travaillés plus de 35 heures par semaine peuvent réclamer, entre autres, le paiement d’heures supplémentaires.

Afin d’éviter que les clauses individuelles de forfait en jours soient annulées, de nombreuses conventions collectives ont été amendées. Les partenaires sociaux ont encadré plus strictement d’une part, la possibilité de recourir au système du forfait en jours et d’autre part, les conditions de contrôle de la charge de travail des salariés.

La loi travail et le forfait en jours.

Un des objectifs affichés de la loi travail du 8 août 2016 était de sécuriser le mécanisme du forfait en jours, et il faut bien admettre que l’objectif a été atteint.

La loi travail est venue consacrer les apports des arrêts de la Cour de cassation et au travers de deux mécanismes elle a permis et permet toujours de garantir la validité des conventions de forfait.

- La loi indique aux partenaires sociaux quelles sont les mentions obligatoires que doit contenir un accord collectif pour permettre l’adoption d’une clause de forfait en jours. De plus, et afin de réduire au maximum le formalisme, l’article 12 de la loi travail dispose expressément qu’en cas de modification de l’accord collectif « pour être mis en conformité avec l’article L. 3121- 64 du Code du travail, (…), l’exécution de la convention individuelle de forfait annuel en heures ou en jours se poursuit sans qu’il y ait lieu de requérir l’accord du salarié ». En d’autres termes, nul besoin de requérir de nouveau l’accord du salarié lorsque la convention collective est modifiée. Les partes au contrat de travail sont toujours liées par la convention individuelle de forfait.

- La loi ne s’est pas arrêtée là puisqu’elle a également permis aux employeurs de combler les lacunes des accords collectifs. Une convention individuelle de forfait bien rédigée permet ainsi d’éviter de tomber sous le coup d’une nullité.

L’arrêt du 16 octobre 2019.

Un salarié soumis à une clause de forfait en jours soumise à la convention collective des hôtels, cafés, restaurants sollicitait la nullité de sa clause de forfait en jours au motif qu’au moment de la signature de son contrat de travail, la convention collective n’était pas suffisamment protectrice de ses droits.

La Cour d’appel a fait droit à sa demande.

L’employeur a formé un pourvoi et soutenait que la convention collective avait été amendée et qu’un nouvel accord collectif en vigueur à partir du 1er avril 2016 s’était substitué au texte initial.

Pour l’employeur les nouvelles stipulations conventionnelles étaient suffisamment protectrices des droits du salarié et ce dernier ne pouvait donc pas solliciter la nullité de sa clause de forfait.

La Cour de cassation rejette le pourvoi, « à défaut d’avoir soumis au salarié une nouvelle convention de forfait en jours », « l’employeur ne pouvait se prévaloir » des nouvelles dispositions de la convention collective des hôtels, cafés, restaurants. En effet la loi travail a été publié le 8 aout 2016, quelques mois après la modification de la convention collective des hôtels, cafés, restaurants.

En d’autres termes, puisque la convention collective des hôtels, cafés et restaurant a été modifiée avant que la loi travail entre en vigueur, il fallait que le salarié signe une nouvelle convention individuelle de forfait, puisque celle contenue dans son contrat de travail était nulle. La loi travail, et la modification de la convention collective ne pouvaient pas avoir pour effet de couvrir la nullité.

Dans le cas où une clause de forfait en jours individuelle a été signée, avant l’entrée en vigueur de la loi travail, en application d’un accord collectif non suffisamment protecteur, plusieurs situations sont envisageables :
- Dans le cas où l’accord collectif a été amendé avant l’entrée en vigueur de la loi travail, et même si la modification rend l’accord conforme à la loi, les parties doivent signer une nouvelle convention individuelle ;
- Dans le cas où l’accord collectif a été amendé après l’entrée en vigueur de la loi travail et si la modification rend l’accord conforme à la loi, alors les parties n’ont pas l’obligation de signer une nouvelle convention individuelle.

Les employeurs doivent vérifier à quelle date l’accord collectif qui leur est applicable est entré en vigueur et le cas échéant actualiser et refaire signer les clauses individuelles de forfait en jours aux salariés concernés. A défaut, ils s’exposent voir les salariés réclamer la nullité des clauses de forfait et à des demandes de rappel de salaire.

Olivier Javel, Avocat
olivier.javel@1792avocats.com
http://www.1792avocats.com

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