Un nouveau droit pour la personne nouvellement privée de liberté.

Par Fabrice Helewa, Avocat.

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Explorer : # droit à l'information # procédure pénale # droits des détenus # directive européenne

L’article 803-6 du Code de procédure pénale impose la remise d’un document écrit en plus de la notification orale des droits à toute personne privée de liberté, afin d’uniformiser les procédures pénales européennes.

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Rappel de l’exposé des motifs de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales (NOR : JUSX1330493L) :
« La directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales vise à établir les normes minimales devant être respectées par les États de l’Union européenne en ce qui concerne le droit des personnes suspectées ou poursuivies à être informées de leurs droits fondamentaux et à avoir accès aux pièces du dossier de la procédure.
La directive prévoit que les droits fondamentaux dont la personne doit être informée sont ceux prévus par le droit national, et qu’ils concernent notamment le droit au silence et le droit à l’assistance d’un avocat. Si la personne est privée de liberté, ses droits devront faire l’objet d’une déclaration écrite devant lui être remise. »

L’exposé des motifs poursuit :
« L’article 4 insère, conformément aux exigences de l’article 4 de la directive, une disposition transversale, prévue par le nouvel article 803-6, prévoyant l’obligation de remettre à toute personne suspectée ou poursuivie qui est privée de liberté une déclaration écrite récapitulant ses droits. Cette disposition s’appliquera ainsi non seulement aux personnes placées en garde à vue mais également à celles arrêtées à la suite d’un mandat national ou européen, ou à celles placées en détention provisoire. »

Le nouvel article 803-6 CPP issu de l’article 5 de la loi du 15 mai 2014 (art. 4 , I, 4° et art. 5, I) portant transposition de la directive 2012/13/UE du 22 mai 2012, entrée en vigueur le 2 juin 2014, dispose :
« toute personne (...) soumise à une mesure privative de liberté (...) se voit remettre, dès la notification de cette mesure, un document énonçant, dans des termes simles et accessibles et dans une langue qu’elle comprend, les droits suivants dont elle bénéficie au cours de la procédure en application du présent code (...) ».

Un document écrit dans une langue comprise du gardé à vue doit être remis à la personne. L’absence de remise (ou la remise alléguée mais sans preuve, ou encore la remise dans une langue qui n’est pas comprise) de ce document ne saurait être couverte par l’énonciation des droits lors du placement en garde à vue. Les droits sont d’ailleurs différents en ce qui concerne les droits de recours précisés dans la notice écrite, notamment :
« 9° Le droit de connaître les modalités de contestation de la légalité de l’arrestation, d’obtenir un réexamen de sa privation de liberté ou de demander sa mise en liberté. »

Cette notice ne saurait être considérée comme un doublon des droits énoncés lors du placement en garde à vue mais ouvre des droits nouveaux et différents. Il semble que les juridictions devraient obliger les services de police à donner ce document. Pour cela, seule l’annulation de la garde à vue est de nature à imposer le respect de cette obligation, sur le moyen tiré de la violation de l’article 803-6 CPP : le document précisant les droits dans une langue comprise du gardé à vue n’a pas été remis ou ne comporte pas les mentions prévues à l’article 803-6 CPP.

Ce que l’on peut observer dans la majorité des procédures, c’est que le parquet n’allègue d’aucune circonstance qui aurait rendu la remise de ce document impossible, ou sa rédaction impossible. L’absence de ce document à la procédure impose de considérer qu’il ne remplit pas les conditions exigées par l’article 803-6 CPP.

Le ministère de la Justice a pourtant édité une circulaire particulièrement claire (Circulaire du 23 mai 2014 de présentation des dispositions de procédure pénale applicables le 2 juin 2014 de la loi portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales NOR : JUSD1412016C : BOMJ n°2014-05 du 30 mai 2014 – JUSD1412016C – Page 7/81) :

« (...)2.1.2. Remise d’une déclaration des droits aux personnes gardées à vue
L’article 4 de la directive exigeant la remise à toute personne suspectée ou poursuivie qui est privée de liberté d’une déclaration écrite de ses droits, une telle déclaration devra être remise aux personnes gardées à vue (majeures ou mineures) en application des dispositions combinées du dernier alinéa de l’article 63-1, et des dispositions générales et transversales du nouvel article 803-6 résultant de l’article 5 de la loi (...).
Le contenu de cette déclaration des droits reprend pour l’essentiel les droits devant être notifiés verbalement à la personne gardée à vue en application de l’article 63-1.
Conformément au dernier alinéa de l’article 63-1, ce document devra être remis à la personne lors de la notification de sa garde à vue.
Même si la loi ne l’exige pas, il est souhaitable que la remise de la déclaration des droits à la personne fasse l’objet d’une mention dans le procès-verbal de notification des droits.
Si la personne gardée à vue refuse de prendre ce document, ce refus devra être expressément acté en procédure. Si postérieurement à son refus, elle souhaite finalement le détenir, il lui sera alors remis, cette remise étant également actée13.
Le premier alinéa de l’article 63-1, qui prévoyait que la notification des droits pourrait se faire à l’aide de formulaires écrits, renvoie désormais au formulaire constituant la déclaration des droits.
Cette déclaration des droits doit également être remise en cas de retenue douanière, l’article 323-6 du code des douanes ayant été modifié à cette fin par l’article 12 de la loi, et de retenue d’un mineur de 10 à 13 ans, le deuxième alinéa du I de l’article 4 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante ayant été modifié à cette fin par l’article 5 de la loi.
Comme l’indique l’avant-dernier alinéa de l’article 803-6, la personne sera autorisée à conserver ce document pendant toute la durée de sa garde à vue.
Les modèles de cette déclaration des droits devant être remise à une personne placée en garde à vue (ou en retenue s’agissant d’un mineur de 10 à 13 ans) figurent en annexe de la présente circulaire.
Des modèles en langues étrangères seront prochainement disponibles sur les sites intranet de la DACG et internet du ministère de la justice, comme c’était le cas pour les précédents formulaires de garde à vue, et de nouvelles traductions pourront si nécessaire être réalisées ultérieurement.
Le dernier alinéa de l’article 803-6 prévoit toutefois que si le document n’est pas disponible dans une langue comprise par la personne, celle-ci devra être informée oralement de ses droits dans une langue qu’elle comprend, donc avec l’aide d’un interprète, et que l’information donnée sera mentionnée sur un procès-verbal : toutefois, cette obligation résulte déjà des dispositions de l’article 63-1 et elle ne modifie donc en rien les pratiques existantes.
Dans un tel cas, il est prévu qu’une version du document dans une langue qu’elle comprend sera ensuite remise à la personne sans retard. Bien évidemment, cette obligation n’a de sens que si la version de la déclaration des droits peut être obtenue dans le temps de la garde à vue. Si un tel document n’est pas disponible, ce qui devra être mentionné dans le procès-verbal, la notification orale des droits suffira.
(...)
Afin de transposer les articles 4 et 517 de la directive B, l’article 5 de la loi a inséré dans le code de procédure pénale un article 803-6 ainsi rédigé :
Art. 803-6. – Toute personne suspectée ou poursuivie soumise à une mesure privative de liberté en application d’une disposition du présent code se voit remettre, lors de la notification de cette mesure, un document énonçant, dans des termes simples et accessibles et dans une langue qu’elle comprend, les droits suivants dont elle bénéficie au cours de la procédure en application du présent (...)
Ces dispositions présentent un caractère général et transversal, et elles s’appliqueront non seulement aux personnes gardées à vue (cf supra 2.1.2), mais également aux personnes :
– placées en détention provisoire au cours d’une instruction (la déclaration doit être remise à l’issue du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention) ;
– placées en détention provisoire après avoir été arrêtées sur mandat d’arrêt après l’ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement ;
– placées en détention provisoire par le tribunal correctionnel saisi selon la procédure de comparution immédiate lorsque l’affaire est renvoyée à une audience ultérieure avec maintien en détention (la déclaration doit être remise par le greffe et mentionnée aux notes d’audience) ;
– incarcérées par le magistrat délégué par le premier président à la suite d’un mandat d’arrêt européen.
En revanche, aucune déclaration des droits ne doit être remise à une personne faisant l’objet d’un mandat de dépôt après avoir été condamnée par une juridiction, même si la condamnation n’est pas encore définitive, cette hypothèse ne relevant pas en effet du champ de la directive B.18
Il convient de préciser que les informations figurant dans la déclaration des droits doivent faire référence, comme l’indique le premier alinéa de l’article 803-6, aux droits énumérés par cet article, mais dans la seule mesure où il s’agit des droits dont la personne « bénéficie au cours de la procédure en application » du code de procédure pénale. L’étendue de ces droits, et donc leur énoncé dans la déclaration, varient selon les situations (par exemple l’accès au dossier est limité au cours de la garde à vue, alors qu’il est total, sauf exception, au cours de l’instruction ; de même la durée de la privation de liberté comme les modalités de contestation de celle-ci varient selon les cas ; en cas de mandat d’arrêt européen, la personne sera informée de son droit de consentir ou non à sa remise, puisque cela limitera la durée de sa privation de liberté).
Des formulaires de déclaration des droits correspondant aux différentes hypothèses possibles figurent en annexe, et des versions en langues étrangères seront disponibles sur les sites intranet de la DACG et internet du ministère de la Justice. »

Cette circulaire, comme l’article 803-6 du Code de procédure pénale, sont lettres mortes sans annulation de la procédure.

En l’absence de remise du document et de copie de ce dernier à la procédure afin d’en examiner le contenu, la violation de ce droit fait grief en ce que l’énonciation claires de droits d’une personne privée de liberté est un élément fondamental du droit à un procès équitable et du respect du principe du contradictoire et de l’effectivité des droits de recours. La Cour de cassation semble avoir laissé une possibilité d’annulation d’une procédure sur ce fondement. Dans un arrêt récent, elle rejette le pourvoi contre un arrêt d’appel qui ne sanctionne pas une absence de remise de ce document par le JLD en cas de prolongation de la détention provisoire, au motif qu’il ne s’agit pas d’une situation nouvelle de privation de liberté ; a contrario, on peut penser qu’en cas de situation nouvelle de privation de liberté (c’est le cas lors du placement en garde à vue), l’absence de remise de ce document pourrait être sanctionné.

Cour de cassation - Chambre criminelle - Arrêt n° 6045 du 14 octobre 2014 (14-85.555 - ECLI:FR:CCASS:2014:CR06045)
extraits : « Attendu que, pour écarter l’exception de nullité de l’ordonnance entreprise tirée de ce que le juge des libertés et de la détention n’avait pas remis à la personne mise en examen, à l’issue du débat contradictoire, le document prévu par l’article 803-6 du Code de procédure pénale, l’arrêt retient que les dispositions de ce texte ont pour objet d’informer la personne mise en examen confrontée à une situation nouvelle de privation de liberté, ce qui n’est pas le cas de M. X..., détenu depuis quatre mois lors du renouvellement de son mandat de dépôt ;

Attendu qu’en relevant que l’article 803-6 du Code de procédure pénale ne prescrit pas la remise du document d’information qu’il prévoit lors de la prolongation de la détention provisoire, la cour d’appel a fait l’exacte application des textes visés au moyen ; qu’en tout état de cause, le défaut de remise, à la personne mise en examen, de ce document, après le prononcé de son placement en détention provisoire, est sans incidence sur la régularité de cette décision ».

Fabrice HELEWA, Avocat, Docteur en Droit.

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