I/ Sur la nature civile ou commerciale de la location saisonnière.
L’activité de location de meublé de tourisme n’est juridiquement pas par nature commerciale mais de nature civile.
Pour rappel, la Cour d’Appel de Chambéry du 5 juillet 2022, a notamment jugé qu’il convient de cumuler trois des quatre critères prévus par l’article 261 D du Code général des impôts pour que l’activité de loueur en meublé professionnel.
Suite à un pourvoi contre l’arrêt de la Cour d’appel de Chambéry du 5 juillet 2022, la Cour de cassation a statué le 25 janvier 2024 :
« Ayant souverainement relevé que l’activité exercée par la société MSC dans l’immeuble n’était accompagnée d’aucune prestation de services accessoires ou seulement de prestations mineures ne revêtant pas le caractère d’un service para-hôtelier, la cour d’appel en a exactement déduit que cette activité n’était pas de nature commerciale ». [1].
Cette position a été notamment reprise par la cour d’appel de Douai le 30 mai 2024 qui indique notamment dans sa décision :
« En l’absence de prestations de nature hôtelière ou para-hôtelière telles que la fourniture du petit déjeuner et le nettoyage régulier des locaux pendant la location, l’activité exercée par Mme [V], simple location d’un logement meublé, fût-elle de courte durée, ne peut être considérée comme étant de nature commerciale, étant ajouté que le régime fiscal applicable aux revenus perçus dans le cadre d’une telle location est inopérant pour emporter cette qualification. Le moyen tiré par l’intimé de l’interdiction des activités commerciales par le règlement de copropriété est donc inopérant pour caractériser l’existence d’un trouble manifestement illicite ». [2].
II/ Sur la compatibilité de la location saisonnière avec une clause bourgeoise simple et l’unanimité nécessaire pour voter une interdiction en assemblée générale de copropriétaires.
Bien souvent, se pose la question de la compatibilité de l’exercice d’une activité de location de meublé de tourisme dans un immeuble où le règlement de copropriété interdit les activités commerciales et/ou mentionne une clause d’habitation bourgeoise dite « simple ».
Les copropriétés/syndics se fondent souvent sur une telle clause d’habitation bourgeoise pour indiquer que l’activité de location de meublé touristique est interdite en ce cas.
Aux termes d’un jugement en date du 23 août 2024, le Tribunal Judiciaire de Nice a jugé :
« Il résulte de ces éléments que le règlement de copropriété n’interdit pas l’exercice de professions libérales, ce que relève également le syndicat des copropriétaires, et n’a donc pas uniquement une destination d’habitation, la clause d’habitation bourgeoise n’étant pas exclusive.
Il s’ensuit que le règlement de copropriété autorise l’occupation des locaux à usage de professions libérales de sorte qu’interdire des locations de courte durée institue une restriction aux droits des copropriétaires qui n’est pas justifiée par la destination bourgeoise de l’immeuble.
La location saisonnière pratiquée par M. [N] [I] ne correspond pas à l’exercice d’un hôtel meublé puisqu’il n’est pas démontré qu’il cumulerait trois des quatre critères prévus par l’article 261 D du Code général des impôts (ménage quotidien, petit-déjeuner, fourniture de linge de maison et réception, même non personnalisée, de la clientèle), et, par voie de conséquence, qu’il exercerait l’activité de loueur en meublé professionnel.
Eu égard à la nature civile de l’activité de location saisonnière, la destination bourgeoise, quand bien même elle serait exclusive ce qui n’est pas le cas en l’espèce, ne suffit pas à l’interdire en l’absence de clauses restreignant, conformément à cette destination, les conditions de jouissance des parties privatives.
Il n’est pas non plus démontré que les occupants de la location saisonnière pratiquée par M. [N] [I] auraient nuit à la tranquillité et à la bonne tenue de l’immeuble, la seule circonstance du vote à la majorité de la résolution litigieuse ne pouvant permettre, à elle seule, une telle démonstration.
La location meublée n’est en outre pas interdite par le règlement de copropriété, et, à l’exception de la restriction liée aux personnes auxquelles la location est consentie (personnes de bonne vie et mœurs), aucune restriction particulière n’est mentionnée. L’assemblée générale ne peut dès lors, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, telles qu’elles résultent du règlement de copropriété ».
Ledit jugement est intéressant en ce qu’il rappelle notamment les deux points suivants :
- Eu égard à la nature civile de l’activité de location saisonnière, la destination bourgeoise ne suffit pas à interdire ladite activité,
- Dans la mesure où la location meublée n’est pas interdite par le règlement de copropriété, et, à l’exception de la restriction liée aux personnes auxquelles la location est consentie (personnes de bonne vie et mœurs), l’assemblée générale ne peut voter d’autres restrictions (en l’espèce, interdiction des locations saisonnières inférieures ou égales à 15 jours), qu’à l’unanimité des voix des copropriétaires.
Dans un jugement obtenu par mon cabinet et rendu le 17 février 2025, le Tribunal Judiciaire de Nice confirme sa jurisprudence :
- Une activité de location meublée de courte durée qui n’est accompagnée d’aucune prestation de services accessoires ou seulement de prestations mineures ne revêtant pas le caractère d’un service para-hôtelier, n’est pas une activité de nature commerciale,
- Dès lors qu’il n’est pas établi que des copropriétaires se livrent dans l’immeuble à des activités de location meublée de courte durée accompagnée de prestation accessoire de service para-hôtelier et que le règlement de copropriété autorise expressément la location en meublée d’appartement entier, la location saisonnière de courte durée « telle que Airbnb » apparaît compatible avec la destination fixée par le règlement de copropriété,
- Il s’ensuit que la résolution de l’assemblée générale, en décidant d’une modification du règlement de copropriété qui n’a pas été adoptée à la majorité requise par la loi (en l’espèce l’unanimité), impose une restriction aux droits des copropriétaires sur leurs lots sans être justifiée par la destination de l’immeuble, de sorte que le Tribunal prononce la nullité de ladite résolution.
III/ Incidence de la loi Le Meur concernant le vote sur l’interdiction de la location meublée de courte durée.
Il est précisé que désormais et depuis la loi dite Le Meur du 19 novembre 2024, les nouvelles règles applicables en copropriété sont les suivantes.
Le nouvel article 26d de la loi du 10 juillet 1965 définit les conditions dans lesquelles une copropriété peut interdire les meublés touristiques :
« La modification du règlement de copropriété qui concerne l’interdiction de location des lots à usage d’habitation autres que ceux constituant une résidence principale, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, en meublés de tourisme au sens du I de l’article L324-1-1 du Code du tourisme. La modification prévue au d du présent article ne peut être décidée que dans les copropriétés dont le règlement interdit toute activité commerciale dans les lots qui ne sont pas spécifiquement à destination commerciale ».
La passerelle de l’article 26-1 peut permettre le vote à la majorité de l’article 25.
L’interdiction ne peut concerner que les lots constituant des résidences secondaires.
Elles peuvent être louées en meublé de tourisme dans la limite de 120 jours par an, pouvant être réduits à 90 jours (article L324-1-1 du Code du tourisme).
L’immeuble doit déjà comporter une clause d’habitation bourgeoise, « interdisant les activités commerciales dans les lots à usage d’habitation ».