Droit des marques : la marque notoire entre la convention de Paris et la loi marocaine.

Par Othmane Kharrouba, Avocat.

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Explorer : # marque notoire # protection des marques # propriété industrielle # confusion des consommateurs

La marque notoire est traditionnellement définie comme celle connue d’une très large fraction du public et qui, évoque immédiatement le produit ou le service auquel elle s’applique.... Le principe de la marque notoire a été développé pour limiter les pratiques de parasitisme de marque. Le caractère notoire d’une marque est décidé sur les territoires concernés par les différentes autorités en charge de l’application du droit des marques.

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Les marques de produits et de services notoires bénéficient dans la plupart des pays d’une protection contre les signes qui sont considérés comme constituant une reproduction, une imitation ou une traduction de la marque, à condition qu’ils soient susceptibles de créer une confusion dans l’esprit du secteur concerné du public. Dans de nombreux pays elles sont aussi, sous certaines conditions, protégées contre des produits et services qui ne sont pas similaires.

Il convient de noter que, bien qu’il n’y ait pas de définition précise adoptée d’un commun accord de ce qui constitue une « marque notoire », la notoriété est telle que l’on admet de droit sa protection pour toutes les classes de produits, même si elle n’a pas été systématiquement déposée auprès de l’organisme officiel chargé de l’enregistrement. Exemples : Coca-Cola, Lacoste, Yahoo. Le caractère notoire d’une marque ne fait pas échec au principe de spécialité.

Une marque notoire est une marque dont la notoriété lui permet de bénéficier d’une protection spécifique dans le domaine de la propriété industrielle et du droit des marques. Ainsi une marque considérée comme notoire peut être protégée dans son domaine d’activité même si elle n’a pas été déposée sur un territoire donné elle bénéficie également à certaines conditions d’une protection spécifique dans les classes de produits pour lesquelles elle n’a pas opéré de dépôt.

La marque notoire est traditionnellement définie comme celle connue d’une très large fraction du public et qui, outre le fait qu’elle évoque immédiatement le produit ou le service auquel elle s’applique. Le principe de la marque notoire a été développé pour limiter les pratiques de parasitisme de marque. Le caractère notoire d’une marque est décidé sur les territoires concernés par les différentes autorités en charge de l’application du droit des marques.

La protection des marques notoires au Maroc est promue et encouragé par l’OMPI (office marocain de la propriété industrielle).

L’importance s’est confirmée aujourd’hui en raison de l’essor économique et industriel du mode contemporain. IL en découle clairement, que la marque notoire est une tendance législative et doctrinale pour assurer une protection plus accrue de la marque.

En effet, bien que la présente étude se préoccupe d’analyser en général, les différents aspects de la protection de la marque notoire par la propriété industrielle, mais elle attache une attention particulière aux problèmes de la marque notoire au Maroc.

La question de protection de la marque notoire au Maroc, est extrêmement influencée par les grandes différences touchant à la distribution des revenus, par le degré d’éducation et l’étendue de l’information et des connaissances des consommateurs, ainsi que par d’autres considérations d’ordre social, politique et économique.

La problématique ainsi de la présente recherche, peut être déterminée à travers la question suivante :

- comment la propriété intellectuelle pourrait parvenir à assurer la protection de la marque notoire ?

Cependant, il faut signaler à propos que l’analyse de cette question nous incite à se demander tout d’abord, si ladite législation est-elle suffisante en elle même ou nécessite-t-elle d’être renforcée par la contribution d’autres législations ? Et ensuite, sur l’interaction entre la protection de la maque notoire et cette branche de droit, et enfin sur les aspects de cette discipline qui servent la marque notoire sans pour autant limiter l’extension des monopoles acquis et sans fausser le jeu de la liberté de la concurrence ?

La notion de la « marque notoire » est fort imprécise. L’article 6 bis de la convention de Paris n’en donne aucune définition qui pourrait servir de référence, laissant aux administrations compétentes des pays concernés, toute latitude d’appréciation.

La doctrine de surcroît, n’a pu aboutir à une définition unanime de ce concept, et ce, en raison de la spécificité et la diversité des facteurs dont il dépend, notamment : l’ancienneté de la marque, l’idée de qualité, l’intensité de la publicité, l’identification de l’entreprise.

Par ailleurs, on admet généralement que ce qui distingue une marque notoire d’une marque ordinaire, c’est son pouvoir attractif. Cette caractéristique doit s’apprécier par référence au grand public notamment du consommateur. En conséquence, on pourra parler de marque notoire chaque fois que dans un lieu et à un moment donné, la quasi-totalité des consommateurs intéressés connaissent cette marque.

Cependant, ne paraît-il pas paradoxal d’accorder une protection à une marque sur la base d’une réputation, sans avoir accompli aucune formalité de dépôt et éventuellement d’enregistrement ? Egalement, est ce qu’une telle protection ne pourrait pas contredire les dispositions de l’article 143 de la loi 17/97 qui exige à priori l’accomplissement d’un dépôt valable auprès de l’organisme chargé de la protection de la propriété industrielle et ce, conformément aux dispositions de l’article 152 de ladite loi ?

Dans un souci de protection du consommateur contre le risque de confusion, l’article 137 de la loi 17/97 sur la propriété industrielle marocaine, qui a repris les mêmes termes de l’article L714-4 Code de la propriété intellectuelle française, déclare à ce propos, illicite et ne peut être adopté comme marque, un signe portant atteinte à des droits antérieurs et notamment à une marque enregistrée ou notoirement connue au sens de l’article 6 de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle.

D’autant plus, certes constituant une exception aux principes de la territorialité de la marque, de dépôt et aux dispositions de l’article 140 de la loi 17/97 qui n’accorde de protection qu’en cas d’enregistrement, ce genre de marque, appelée également « marque de haute renommée », de « haute réputation », ou « de grande notoriété », devrait avoir à une protection d’autant plus étendue que sa notoriété est grande et ne peut faire l’objet d’aucune reproduction ou imitation, même non servile, et ce, en vue d’éviter toute confusion dans l’esprit du public ou pouvant influencer abusivement son choix.

Autrement dit, si une telle marque est utilisée par un tiers non autorisé, il se peut que le consommateur croît à tort que les produits ou services pour lesquels elle est ainsi utilisée, proviennent de son titulaire ou ont un rapport commercial étroit avec celui-ci. Le consommateur pourrait également compter sur un certain degré de qualité que la marque notoire représente comme à l’accoutumée.

Reste à préciser avec exactitude ce qu’on entend par « marque notoire » et quels sont les critères la qualifiant ainsi. Devant le silence du législateur, ce sont le consommateur, la clientèle et le grand public qui en fixent la valeur.

En tout cas, une marque notoire est tout simplement celle qui vient à l’esprit dès qu’on pense au produit ou au service qu’elle représente. (Par exemple lorsqu’on dit Coca-cola on pense automatiquement à des boissons gazeuses).

Certes, la doctrine dominante n’a pas pu parvenir à une définition unanime de la notion de notoriété, mais suppose-t-elle que ce genre de marque est connu dans un large public. Cette connaissance pouvait résulter de raisons variées (ancienneté, publicité, association de la marque et du nom du produit, qualité de celui-ci).

Malheureusement cette catégorie de marque se trouve parfois utilisée par des personnes non autorisées, ce qui pourra engendrer de sérieux préjudices, notamment lorsque le consommateur moyen n’arrive pas à faire la distinction entre les produits authentiques et leurs imitations ou lorsque le marché est trop restreint pour justifier les dépens et frais de procédure qu’aurait à engager le titulaire de la marque.

Quoi qu’il en soit, l’usurpation de la marque notoirement connue, peut prendre plusieurs formes, notamment celles les plus courantes consistant d’une part, en une utilisation non autorisée pour des produits ou services identiques ou similaires (I) et d’autre part, en une utilisation non autorisée pour des produits ou services différents (II). La protection du consommateur, en revanche, varie en l’espèce d’un cas à l’autre.

I. Utilisation non autorisée d’une marque notoire pour des produits ou services identiques ou similaires.

Pour parvenir à préserver le consommateur contre le risque de confusion, le législateur a réservé aux marques notoires une protection sans autre condition. Cela signifie que la notoriété influe sur la marque en lui conférant un statut de droit antérieur, indépendamment de tout enregistrement.

A. Article 6 bis de la convention de Paris 1883.

Dans ce sens, l’article 6 bis de la Convention d’Union de Paris de 1883 relative à la propriété industrielle, incite les Etats adhérents à refuser ou à invalider l’enregistrement et à prohiber l’usage d’une marque de fabrique ou de commerce qui constitue la reproduction ou la traduction de nature à créer une confusion dans l’esprit du consommateur, d’une marque que l’autorité compétente du pays de l’enregistrement ou de l’usage estimera y être notoirement connue comme étant déjà une marque appartenant à une personne ressortissant d’un pays bénéficiaire de ladite convention et utilisée pour des produits identiques ou similaires.

La loi marocaine 17/97 relative à la propriété industrielle, semble à l’instar de l’article L711-4 al. a) Code de la propriété intellectuelle française et de l’alinéa 2 de l’article 4 de la directive européenne de 1988 relative à la marque communautaire, favorable pour ce principe de droit antérieur de la marque notoire.

B. Article 137 de la loi 17.97 marocaine.

Selon l’article 137 de la loi 17/97 : « Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment à une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle ».

Il résulte de ces dispositions, que le titulaire de la marque notoire est protégé au Maroc même en l’absence de tout enregistrement, ce qui permet au consommateur d’être à l’abri de toute confusion qui pourrait être due d’un éventuel enregistrement postérieur.

De surcroît, la notoriété influe également sur la marque en accentuant le risque de confusion, ce qui permet de préserver le consommateur contre la tromperie.

Dans ce sens, il est admis en jurisprudence française qu’une marque « qui jouit dans le public d’une réputation de qualité importante et incontestable a droit à une protection d’autant plus étendue que sa notoriété est grande ». La notoriété a donc pour conséquence une « appréciation plus large de la notion de similarité » et peu, même, « justifier une extension de sa protection au-delà des services énumérés lors de son dépôt ».

En effet, « il est nécessaire d’étendre la protection d’une marque notoirement connue aux objets similaires de ceux pour lesquels elle a été déposée, qu’il y ait imitation servile ou seulement imitation frauduleuse ou illicite, dès lors que les acheteurs peuvent croire que les produits présentés, bien que différents de ceux qui leurs sont vendus d’ordinaire sous cette marque, émanent de la même entreprise ».

Cependant, reste-t-il à déterminer ce qu’il faut entendre par « produits identiques ou similaires » aux fins de l’article 6bis si, une marque est de nature à prêter à confusion avec une autre notoirement connue et, si une marque de fabrique ou de commerce est une marque notoirement connue. Toutefois, le facteur décisif pour démontrer que l’utilisation non autorisée de la marque notoire risque de créer une confusion, demeure principalement l’impression générale faite sur le consommateur d’attention moyenne.

De même, la qualification d’une marque comme étant notoirement connue, dépend dans une large mesure, d’une part de l’image et de la réputation de cette marque dans le marché, et d’autre part dans le groupe de consommateurs intéressés.

D’autant plus, ce n’est pas tant la caractéristique intrinsèque, mais plutôt le pouvoir attractif de différenciation d’une marque - assistant le consommateur dans ses choix parmi une multitude de produits offerts - qui lui donne la qualité d’être de haute renommée et notoirement connue.

C’est dire que la raison essentielle d’instaurer la protection d’une marque notoirement connue, demeure sa réputation et son image et non pas son utilisation, lesquelles doivent être telle que le fait de permettre à une personne non autorisée d’utiliser la marque risque d’induire en erreur ou de tromper le consommateur.

De surcroît, la marque notoire peut également intervenir dans une autre hypothèse : lorsqu’une entreprise autre que le titulaire de droit sur une marque notoire utilise cette marque pour des produits entièrement différents de ceux pour lesquels ce titulaire l’utilise.

La jurisprudence vis-à-vis de la marque notoire semble afficher une certaine rigueur, et ce, dans le but de préserver les droits des titulaires de monopoles et protéger les consommateurs.

En effet, le Tribunal commercial de Casablanca a rendu plusieurs décisions ad hoc. Il a jugé que tant l’usage de la marque notoire, que le dépôt ultérieur entrepris en méconnaissance du dépôt international, constituent un acte de concurrence déloyale, dès lors qu’il pourrait induire le consommateur en erreur sur la personne du fabricant ou l’origine du produit.

Le Tribunal de commerce de Rabat, à l’instar du Tribunal de commerce de Tanger, optent de leur côté, des opinions en harmonie avec celles du Tribunal de Casablanca, en considérant que le dépôt ultérieur d’une marque notoire déposée à l’échelon international constitue une concurrence déloyale en raison du risque d’induire le consommateur en erreur, abstraction faite que la contrefaçon a eu lieu en utilisant une faible ressemblance au niveau de l’écriture dès lors que le dépôt international entraîne la protection de la marque notoire dans tous les pays ayant ratifié la convention de Paris notamment le Maroc.

Il en découle une forte vocation à ne tolérer aucun acte de nature à prêter à confusion et acculant le consommateur à des tromperies altérant ses décisions d’achats.

L’utilisation de la marque notoire suscitant l’intervention du législateur, ne concerne pas exclusivement les produits et services similaires, mais s’étend également aux produits et services différents, ce qui manifeste une tendance accrue d’assurer une protection aussi bien du titulaire de la marque qu’au consommateur d’attention moyenne.

II. Utilisation non autorisée d’une marque notoire pour des produits ou services différents.

A. Article 6 bis de la convention de Paris.

Par dérogation au principe de spécialité des marques, et certes non couverte par l’article 6 bis de la Convention de Paris et par conséquent légitimement autorisée, l’utilisation non autorisée d’une marque notoire pour des produits et services différents peut être source de sérieux préjudices pour le titulaire de monopole et de confusion pour le consommateur.

En effet, l’emploi d’une marque notoire pour des produits ou services qui ne sont pas similaires à ceux qu’elle couvre, risque d’induire le consommateur en erreur, ce qui engagera en conséquence la responsabilité civile de son auteur s’il est de nature à causer un préjudice à son propriétaire.

Par ailleurs, il arrive parfois que des consommateurs moyens puissent être induits en erreur, même si, une marque notoire est utilisée par une autre entreprise, pour des produits entièrement différents de ceux pour lesquels le propriétaire l’utilise.

A titre d’exemple, si la marque a fait l’objet dans plusieurs pays et pendant une longue période, d’une intense publicité, et si la qualité des produits ou de services authentiquement muni de la marque ont poussé le consommateur à associer dans son esprit cette marque à une certaine provenance ou à une certaine constante du niveau de qualité plutôt qu’un type déterminé de produits ou services, l’usage non autorisé de la marque devant ce cas de figure, indépendamment du facteur de similitude, risque d’induire le consommateur en erreur, tant sur l’origine des produits que sur leur qualité. C’est la raison pour laquelle les consommateurs ont besoin d’être protégés contre ce risque d’erreur.

B. Article 143 de la loi 17.97 marocaine.

Au Maroc, le fondement de cette protection réside dans les dispositions de la loi 17/97 qui se réfère à l’article 6 bis de la Convention d’union de Paris, lequel invite les pays adhérents à assurer une protection, et ce, indépendamment de la similitude des produits ou des services en cause.

De surcroît, et même dans l’hypothèse où l’usage non permis d’une marque notoire pour des produits différents ne provoque aucune éventuelle confusion, il peut, en revanche, entraîner un avilissement du titre, et ce, par l’amoindrissement de l’originalité, du caractère distinctif et de la renommée de la marque en question. La protection contre ces pratiques est évidemment dans l’intérêt du propriétaire du titre.

Cependant, le consommateur a aussi avantage à ce que cet avilissement ne réduise pas la valeur de l’information apportée par la marque notoire à laquelle il a confiance.

Mais la problématique qui se pose avec acuité et qui mérite en conséquence de plus amples éclaircissements, réside dans les questions suivantes : pourquoi le législateur attache-t-il une attention particulière à ce type de marque, et ce, indépendamment de tout dépôt ou enregistrement effectué à l’Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale (O.M.P.I.C - Office marocain de la propriété industrielle), conformément aux prescriptions de l’article 143 de la loi 17/97 ? Et qu’en est-il également de la situation du consommateur devant des marques appartenant à un propriétaire mais prêtant à confusion ?

Selon le premier cas, l’on remarque que ce sont les effets de la notoriété ou de la renommée qui forment le fondement d’une telle protection.

En effet, la notoriété influe d’une part sur le statut de la marque par l’extension du principe de spécialité et de ce fait influence énormément, l’appréciation du risque de confusion, par l’interdiction de tirer indûment profit de son caractère notoire et enfin parce que la notoriété accentue largement le risque de confusion. Ceci justifie l’extension de la protection aux objets similaires de ceux pour lesquels la marque notoire a été déposée, qu’il y ait imitation servile ou uniquement imitation frauduleuse ou illicite, dès lors que le consommateur est amené à croire à tort que les produits offerts, bien que différents de ceux qui lui sont vendus d’ordinaire par le canal de cette marque, émanent d’une même entreprise. Et d’autre part, constitue-t-elle un droit antérieur empêchant l’adoption de toute marque lui portant atteinte et avilissant sa renommée.

Selon le second cas, en revanche, l’on remarque qu’il existe dans certaines hypothèses des entreprises qui ont acquis, pour commercialiser leurs produits tout en ralliant une masse importante de consommateurs, plusieurs marques dont la similitude risque de prêter à confusion et par conséquent induire en erreur le consommateur moyen. On appelle parfois ces marques « marques associées » ou « séries de marques » et leur acquisition peut être justifiée par une défaillance ou par une rareté de marques disponibles. Le recours à cette technique et d’entourer la marque principale de plusieurs marques « satellites » pour gagner une protection extrêmement large ou éventuellement conquérir le marché dans le cadre d’une stratégie commerciale fondée sur l’existence de toute une gamme de marques similaires pour une gamme de produits similaires, sinon le même produit. Quelque soit le motif des titulaires de droit, et quelle que soit la nature du procédé utilisé, ce qui compte pour le consommateur est l’impression générale qu’il retire de ces pratiques.

Il en découle que, si le titulaire des marques ne fournit aucun éclaircissement dans sa publicité, la protection du consommateur pourrait être mise en jeu car il risque d’être trompé sur plusieurs points. Une telle tromperie, contre laquelle le consommateur devrait être à l’abri, ne pourrait être évitée que par l’intervention du propriétaire pour fournir des détails et des explications de nature à éviter toute confusion. A défaut, de tels détails, le consommateur de perspicacité moyenne risque d’être induit en erreur.

Pour parer à cette situation précaire, une interdiction d’usage des marques s’impose.

La jurisprudence française, a eu l’occasion de statuer sur des cas d’adoption des marques notoires pour des produits ou services non similaires.

En effet, dans une affaire remontant au mois de septembre dernier, le Tribunal de grande instance de Paris, a jugé que l’adoption de la marque française Nu bella, qu’elle vise des produits différents ou similaires à la marque Nutella qui est connue de façon significative des consommateurs français, constitue une atteinte à la marque de renommée de la société Ferrero et engage la responsabilité civile de l’auteur de l’acte au visa de l’article L713-5 du Code de la propriété intellectuelle française.

La jurisprudence marocaine, de son côté, soucieuse de faire bénéficier le consommateur d’une protection de plus en plus large, a affiché une rigueur vis-à-vis de tout dépôt ultérieur au dépôt international dont bénéficier la marque notoire.

En effet, le Tribunal de commerce de Rabat, à l’instar de celui de commerce de Casablanca, ont refusé des dépôts ultérieurs de marques notoires en les considérant comme étant des actes de concurrence déloyale, et ce, même si les secondes marques ont été utilisées pour des produits différents. Les jugements susvisés considèrent que conformément à l’article 84 du Droit civil marocain constitue un acte de concurrence déloyale susceptible de détourner la clientèle au détriment du propriétaire, toute utilisation comparable à une marque commerciale appartenant initialement à un fabricant ou un producteur.

Ils considèrent également que le dépôt fait par la défenderesse, est susceptible d’induire le public en erreur ce qui forme un acte de concurrence déloyale. A cet effet, ils ont condamné la partie adverse à cesser d’utiliser les produits portant la marque notoire tout en ordonnant la radiation des dépôts y afférents.

Le Tribunal de commerce de Casablanca a eu également l’occasion de se prononcer sur un autre dossier similaire relatif à un litige opposant la marque notoire « Citroen », objet des dépôts internationaux n°379409 et 379408 du 31.3.1991, n° 252687 du 17.02.1982, n°196008 du 16.10.1996, n°379407 du 31.3.1991 à la marque « Citroen » objet du dépôt national n°70657 du 27.8.1999.

Le tribunal considère que cette marque notoire enregistrée sur le plan international, profite également de la protection légale dans tous les pays ayant ratifié la convention de Madrid y compris le Maroc. Et compte tenu que le dépôt ultérieur fait par la défenderesse constitue une violation des droits de la requérante et une concurrence déloyale qui pourrait induire le public en erreur, il ordonna sa radiation du registre des marques tenu par l’Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale (O.M.P.I.C).

Une telle rigueur semble justifiée car dans certaines publicités, c’est la marque qui joue le rôle principal, le produit dont il est fait la promotion ne jouant alors qu’un rôle accessoire. Il s’agit d’un choix de politique commerciale, que l’on peut aisément admettre et comprendre, notamment pour les marques notoires ou de haute renommée dont les produits qui en sont revêtus n’ont plus besoin d’être présentés au consommateur. En l’espèce, pour rallier une masse importante de consommateurs, le propriétaire de ce genre de marque va compter sur le potentiel de sa marque, ce qui est légitime puisque la marque est sa valeur économique, qu’il a pris longtemps le soin d’investir des sommes colossales pour la développer. C’est pourquoi un tel droit ne peut être octroyé à un tiers.

Partant de ce postulat, la jurisprudence semble élargir la protection du consommateur chaque fois qu’elle estime qu’il y a acte de concurrence déloyale en la forme d’ajouts ou de retranchements de certaines termes ou de lettres, en vue d’user d’une marque notoire en changeant légèrement son aspect extérieur pour éviter de tomber sous le coup de la loi relative à la protection de la propriété industrielle.

En effet, dans un jugement rendu par défaut et à curateur, le Tribunal de première instance de Casa-Anfa a ordonné la radiation du dépôt n°57225 et la cessation d’utiliser la marque « Caterpillar ». Il a considéré que malgré le fait que la défenderesse a changé l’aspect de la marque, il n’en demeure pas moins qu’elle a utilisé la formule « Cat » et « Caterpillar » qui font parties du nom commercial de la demanderesse légalement protégé sur le plan national et international ce qui viole les droits de la propriété appartenant à celle-ci et pourrait induire le public en erreur sur la personne du fabricant, étant donné qu’un tel comportement constitue des actes d’imitation, de contrefaçon et de concurrence déloyale.

Par ailleurs, dès lors que la marque notoire exerce un impact considérable sur le consommateur, la jurisprudence semble ne ménager aucun effort pour instaurer une position constante, laquelle consiste à prendre en compte le consommateur ordinaire et la distinction entre les deux marques qui devait être évidente.

Ainsi, le Tribunal de commerce de Rabat a rendu par défaut un jugement de radiation et de cessation d’utiliser les produits portant une marque contrefaite, au sujet du litige opposant la marque notoire « Bux buny » à la marque « Baby confort », objet du dépôt national n°56513 du 24.4.1995 qui consiste à considérer que le titulaire d’une marque qui a subi un dommage du fait de la contrefaçon et l’imitation de sa marque, a le droit de prendre toutes les mesures nécessaires pour limiter le préjudice résultant d’un dépôt ultérieur.

Il considère en outre, qu’en procédant à une comparaison entre la marque de la requérante telle qu’elle est déposée et celle de la défenderesse, il apparaît clairement qu’il y a une ressemblance entre les deux marques, susceptible de susciter la confusion dans l’esprit du consommateur, et que pour éviter celle-ci, la distinction entre les deux marques doit être évidente et ne doit nullement induire la personne ordinaire en erreur, autrement, ce serait une concurrence déloyale.

Il en déduit que de telle mesure qui consiste dans la radiation de tout dépôt ultérieur d’une marque notoire ou bénéficiant d’un dépôt international, attaque l’acte trompeur à la source pour éradiquer la marque contrefaite et permet par ailleurs d’éviter que le consommateur moyen ne soit induit en erreur sur l’origine réelle du produit.

Bibliographie.
Les Ouvrages
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Louis Vogel « droit de la concurrence déloyale », collection JurisBases, éd. Law lex 2007-2008. Page 31
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- Sandrine Roose-Grenier « les grands arrêts de la propriété intellectuelle », éd. Dalloz 2004.
- Sinout Halim Dousse « le rôle des pouvoirs publics en matière de brevets d’invention », éd. El Maârif d’Alexandrie, année 1983.
- Sophie Alma-Delettre « les grands arrêts de la propriété intellectuelle ». Ed. Dalloz 2004.
- Stéfani et Levasseur, « précis Dalloz de droit pénal général », 6°éd. 1972.

Thèses et mémoires
- Naim Sabik « Le rôle de la propriété industrielle dans la protection du consommateur »
- Thèse de Doctorat en Droit privé. Université jean moulin - Lyon II
- Mohammed El Masloumi « Les signes distinctifs et leur applicabilité, les appellations d’origine et le nom commercial comme modèle ». Thèse doctorat en droit privé. - Université Hassan II de droit. Année universitaire 1999-2000.
- Naim Sabik « Le droit pénal de la propriété industrielle, dessins et modèles, brevets d’invention, marques ». Mémoire DESS, faculté Hassan II des sciences juridiques économiques et sociales de Casablanca. Année universitaire 2001-2002.

Wibographie
- Tel quel Magazine (www.telquel-on line.com/220/maroc.
- www.maroc-debdo.press.ma/mhinternet/archives390/htm
- File :/f/l la publicité et le consommateur dans la communauté européenne.htm
- www.echos-judiciares.com

Dictionnaires
- Le nouveau Petit Robert de la langue française 2010, éd. Normandie Roto, impression s-a-s 61250 mans 2009.
- Le petit Larousse illustré 2010, éd. Larousse 2009.
- Le Grand dictionnaire Hachette, encyclopédique illustré, nouvelle édition mise à jour 1993, collection n°35, éd. N°1.

Rapports
- Les aspects de propriété industrielle dans la protection du consommateur. Rapport OMPI Wipo 1978.
- Le rôle de la propriété industrielle dans la protection du consommateur », rapport OMPI Genève 1982. p.22

Jugement.
- Tribunal de commerce de Rabat, jugement inédit n°635/2000/4 du 23.11.2000 dossier n°1443 opposant la marque « Seiko » objet du dépôt n°35461 du 19.10.1964 classe 14, n°32628 du 10.9.1982 classe 28, n°45942 du 08.01.1991 classe 9, n°49476 du 09.9.1992 classe 9 et n°70585 du 19.8.1999 classe 14 à la marque « Seiko » objet du dépôt n°57858 du 31.10.1995 classe 3.
- Tribunal de commerce de Casablanca, jugement inédit n°6094/2000 du 17.7.2000 dossier
n°4747/2000/4
- Voy. Également jugement inédit rendu par défaut sous n°7700/2000 en date du 24.10.2000 dossier n°3200/2000 au sujet de la marque notoire « Peugeot ».
- Tribunal de première instance Casa-Anfa, jugement inédit du 21.4.1998 dossier n°1317/1997.
- Tribunal de commerce de Rabat. Jugement inédit portant n°1602 en date du 19.12.2000 dossier n°1443/2000/2004.

Othmane Kharrouba
Avocat au barreau d’El Jadida - Maroc
Docteur en droit

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