Marchés publics et conditions générales de vente (CGV) du titulaire.

Par Yohan Romero-Breuil, Avocat.

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Explorer : # conditions générales de vente # marchés publics # contrat administratif # résiliation unilatérale

Ce que vous allez lire ici :

Les conditions générales de vente (CGV) sont essentielles dans les relations commerciales. Dans les marchés publics, si les CGV sont acceptées tacitement, l'acheteur public doit les appliquer. Toutefois, il est possible pour l'acheteur de se protéger en insérant une clause de non-applicabilité des CGV dans le contrat.
Description rédigée par l'IA du Village

Plantons le décor : En pleine exécution d’un marché public que vous venez de notifier, votre titulaire vient vous voir avec une demande de révision de prix exceptionnelle. Vous refusez. Il sort ses CGV. Vous souhaitez résilier. Il sort ses CGV (Bis repetita)…
Qui de lui ou vous a raison ? Les CGV d’une entreprise sont-elles opposables à l’acheteur public ? Si oui, dans quelles mesures ?

-

L’utilité des conditions générales de vente.

Les conditions générales de vente (CGV) sont la base des « négociations commerciales » selon le Code de commerce (Articles L441-1 et suivants du Code de commerce). Obligatoires dans les relations entre professionnels et particuliers, elles peuvent l’être dans les relations entre professionnels dès lors que l’autre partie en fait la demande.

Dans le cadre des marchés publics, il n’est donc pas rare de voir un titulaire référencer ses CGV au sein de son offre, qu’il s’agisse d’une procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence ou d’une procédure adaptée/formalisée.

La question : peut-il opposer ses CGV à l’acheteur public ?

L’applicabilité des CGV dans le cadre des marchés publics.

Nous le savons, et de manière assez claire, des CGV tacitement acceptées engagent l’acheteur public et le tiennent en tant qu’élément contractuel si les CGV ont été inclues dans le champ du contrat (CAA Nancy, 1re ch. - formation à 3, 2 avr. 2015, n° 14NC01916) :

« 7. […] En conséquence, les résiliations des contrats prononcées par la société Grenke Location, qui entraient dans le cadre de l’article 12 des conditions générales des contrats, étaient régulières. Par suite, c’est à bon droit que les premiers juges ont appliqué ces stipulations pour statuer sur les conclusions de la société Grenke Location ».

Ainsi, l’acheteur qui les accepte tacitement doit les appliquer ! Le plus souvent elles se trouvent annexées à l’offre du titulaire… offre que l’acheteur public référence dans les conditions contractuelles…

Pis encore est le cas où l’acheteur public, choisissant l’efficacité, signe directement le contrat proposé par le titulaire…. Ici, c’est une acceptation expresse !

Comment s’en prémunir ?

La gestion des conditions générales de vente.

Deux cas de figure sont à distinguer :

  • Celui où l’acheteur a lancé une consultation et a rédigé ses propres pièces,
  • Celui où il signe directement les documents du titulaire.

Dans le second cas, les CGV sont totalement applicables il conviendra d’en voir les limites. Dans le premier, il faudra distinguer : deux options s’offrent à l’acheteur dans le cadre d’une consultation pour se sécuriser :

En premier lieu, il peut insérer un article « priorité contractuelle » soigneusement rédigé afin de reléguer l’offre du titulaire et ses CGV au dernier rang.

Pas de panique, si vous avez référencé un CCAG, un tel article existe déjà pour vous :

« 4.1. Ordre de priorité :
En cas de contradiction entre les stipulations des pièces contractuelles du marché, elles prévalent dans l’ordre de priorité suivant :
- l’acte d’engagement et ses éventuelles annexes financières ;
- le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ou tout autre document qui en tient lieu et ses éventuelles annexes ;
- le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) ou tout autre document qui en tient lieu et ses éventuelles annexes ;
- le présent cahier des clauses administratives générales (CCAG) ;
- le cahier des clauses techniques générales (CCTG) applicable aux prestations objet du marché, si celui-ci s’y réfère ;
- l’offre technique du titulaire ;
- les actes spéciaux de sous-traitance et leurs éventuels actes modificatifs, postérieurs à la notification du marché
 ».

Bien que cela soit utile et protecteur, une telle pratique conduit à vérifier péniblement article par article de chaque document pour en vérifier l’applicabilité, outre les tensions que cela peut générer. De même, il se peut qu’une clause des CGV soit applicable…

Pour ces raisons, nous lui préférons la seconde option.

En second lieu, l’acheteur public peut insérer directement une clause de non-applicabilité des CGV au sein de son contrat pour se protéger :

« Les conditions générales ou particulières du titulaire, hormis celles issues de dispositions légales impératives, sont inopposables à l’acheteur quelle qu’en soit la forme ».

En pareil cas, le titulaire ne pourra élever aucune contestation. Ses CGV ne seront pas applicables.

Reste que dans bien des cas, l’acheteur public signe des contrats fournis par le titulaire lui-même…

Les limites des conditions générales de vente.

Si vous avez signé un contrat type du titulaire, sans fournir vos propres documents contractuels, ou alors que par le jeu des priorités contractuelles les CGV s’appliquent en totalité, vous vous trouvez dans le cas où les seules dispositions contractuelles sont les CGV…

Quelles sont alors les principales limites à ces CGV ?

Dans tous les cas, il faut revenir à l’idée que , malgré le mode de passation et le support contractuel (contrat type du titulaire ou acte d’engagement avec CCAP), ce contrat reste une prestation fournie, en contrepartie d’un prix, pour répondre au besoin d’un acheteur public ; C’est un marché public au sens du Code de la commande publique (Article L1111-1 du Code de la commande publique).

Ce faisant, et c’est ce que beaucoup de titulaires oublient : il s’agit d’un contrat administratif (Article L6 du Code de la commande publique)

Un régime particulier s’applique donc. En voici deux exemples :

1- Pouvoir de résiliation unilatérale pour motif d’intérêt général au profit de l’acheteur public.

S’agissant d’un contrat administratif, l’acheteur public dispose toujours d’un pouvoir de résiliation unilatérale pour motif d’intérêt général, indépendamment des clauses (Article L6 du Code de la commande publique).

Ainsi, indépendamment des CGV, l’acheteur public peut résilier le contrat.

Reste que, une telle faculté implique des conséquences sur les indemnités de résiliation…

2- Interdiction des libéralités.

Nous l’avons vu, l’acheteur public peut résilier de manière unilatérale. Une telle faculté emporte un droit à indemnisation pour le titulaire. Et, s’agissant du montant, s’il est encadré par les CGV, il faudra le limiter au titre de l’interdiction des libéralités.

De manière concrète, cela signifie que l’acheteur public ne peut payer plus que ce qu’il ne doit. Ainsi, en cas de recours à la faculté de résiliation pour motif d’intérêt général, si les CGV peuvent encadrer le montant à verser par l’acheteur, ce montant ne saurait être déraisonnable (CAA Versailles, 5ᵉ ch., 25 juill. 2019, n° 18VE02499-18VE04117-18VE03809 [1]) :
17. En second lieu, l’indemnité due au titre de la résiliation des contrats en cause doit également inclure une indemnité représentative du profit que la société CM-CIC leasing aurait été en droit d’attendre si le marché n’avait pas été résilié. Il résulte de l’instruction que le profit global attendu par la société CM-CIC leasing, s’agissant du contrat n° K26361901 qu’elle évalue en soustrayant du montant des loyers dus sur toute la durée prévue du contrat, soit 124.863,41 euros, la somme qu’elle indique avoir engagée, soit 95.680 euros, s’élève à 29.183,41 euros, soit un bénéfice de 1.389 euros par trimestre. Dès lors que dix trimestres restaient à échoir à la date du 16 janvier 2015, la somme due au titre de la perte de bénéfices espérés en application du contrat K26361901 s’élève à la somme de 13.890 euros. S’agissant du contrat K60804901, le profit global espéré en appliquant la même méthode de calcul s’élevant à 674 euros par trimestre, le droit à indemnité au titre du manque à gagner pour ce contrat s’élève à 6.740 euros. Dès lors qu’ainsi qu’il a été dit au point 11, il n’y a pas lieu de faire application de la clause d’indemnisation en cas de résiliation, les sommes de 13.890 euros et de 6.740 euros, soit un total de 20.630 euros, n’ont pas à être assorties de la pénalité contractuelle de retard ou des intérêts au taux contractuel. 18. Il résulte de tout ce qui précède que le collège Jean Bullant est seulement fondé à demander que la somme de 75.350 euros augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 16 janvier 2015, qui a été mise à sa charge par l’article 3 du jugement soit ramenée à la somme de 49.726,75 euros.

Si les CGV ne prévoient rien, il faudra tout de même penser à prévoir une indemnisation à hauteur « du bénéfice net attendu » (une attestation d’un commissaire aux comptes détaillant la marge bénéficiaire nette sera suffisant) + des dépenses certaines engagées pour l’exécution du marché.

Loin d’être étrangère à la commande publique, les CGV peuvent y trouver application, sans pour autant que cela soit à n’importe quel prix !

Yohan Romero-Breuil
Avocat
Barreau d’Amiens
Gartner Avocats Associés
www.gartner-avocats.fr

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