Commande publique : identification et traitement des offres anormalement basses.

Par Yohan Romero-Breuil, Avocat.

2178 lectures 1re Parution: Modifié: 4.67  /5

Explorer : # offre anormalement basse # détection # analyse des offres # demande de justificatif

Ce que vous allez lire ici :

La commande publique nécessite l'identification et le traitement des offres anormalement basses (OAB). L'OAB est définie comme une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et compromet l'exécution du marché. Plusieurs étapes sont nécessaires pour détecter une OAB.
Description rédigée par l'IA du Village

S’il n’existe aucune méthode type pour détecter et traiter les offres anormalement basses, je vous propose ici un bref aperçu de la procédure et quelques astuces pour détecter les offres anormalement basses (OAB), notamment une détection en 3 étapes avec une méthode innovante ! Pour les fondamentaux et plus de détails, je vous renvoie à l’excellente fiche de la Direction des Affaires Juridiques sur le sujet !

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Contour de l’offre anormalement basse.

Le Code de la commande publique (CCP) donne sa propre définition de l’offre anormalement basse (OAB) qu’il définit donc comme une offre :

dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché (Article L2152-5).

L’OAB n’est donc en aucun cas un prix bas. Pour qu’il y ait OAB, encore faut-il que ce prix, fut-il « haut » ou « bas », soit « sous-évalué » :

« qu’en se fondant ainsi, pour estimer que l’offre de l’attributaire était anormalement basse, sur le seul écart de prix avec l’offre concurrente, sans rechercher si le prix en cause était en lui-même manifestement sous-évalué et, ainsi, susceptible de compromettre la bonne exécution du marché, le juge des référés a commis une erreur de droit » (Conseil d’État, 29/05/2013, 366606).

L’OAB est donc dépendante des conditions d’exécution du marché ; plus les exigences de l’acheteur sont importantes, plus le prix devrait être conséquent pour supporter ces exigences.

Et parce qu’elle met en péril l’exécution du marché et la concurrence, une telle offre doit être rejetée. L’acheteur commet ainsi une faute à ne pas le faire… (les juridictions se limitent à un contrôle manifeste de l’erreur d’appréciation. En soit, il faudra que l’acheteur commette une erreur grossière pour être sanctionné).

Détection et traitement de l’offre anormalement basse.

Trois étapes sont nécessaires :

  • Phase de détection de l’OAB
  • Phase formelle de demande de justificatif
  • Phase d’analyse des éléments justificatifs.

Détection de l’offre anormalement basse.

Première étape, le CCP précise que l’acheteur met en œuvre tous moyens lui permettant de détecter les offres anormalement basses. En effet, s’il existe des offres anormalement basses, il existe aussi des anormalement hautes, il convient donc de procéder en plusieurs phases et mêler différentes analyses pour détecter une OAB.

Pour ce faire, nous vous proposons une analyse en 3 étapes, avec 3 niveaux de vigilance différents :

1. Une analyse par rapport à la moyenne des offres.

Ici, il s’agit simplement de comparer chaque offre à la moyenne de toutes les offres reçues. A ce stade, nous pouvons considérer (sans que ce chiffre ne soit engageant) qu’une offre inférieure de plus de 20% par rapport à la moyenne des offres est suspecte et permet de passer à une étape d’analyse supérieure.

2. Une analyse par rapport à la moyenne des offres, excluant les offres les plus onéreuses.

Dans l’étape précédente, nous prenions toutes les offres pour effectuer la moyenne. Toutefois, si certaines offres sont trop onéreuses, elles viennent fausser la moyenne, et, par extension, creusent l’écart avec les offres les plus basses. Aussi, pour ne pas fausser l’analyse, la moyenne calculée devrait exclure les offres que l’on peut qualifier « d’anormalement haute ». Ce faisant, cette deuxième étape pourrait consister à reprendre le même raisonnement que précédemment, mais en excluant les offres supérieures de 20% à la moyenne. Ensuite, une fois ces offres « anormalement hautes » écartées, on peut de nouveau comparer le prix de chaque offre par rapport à cette nouvelle moyenne. Et, une nouvelle fois, les offres inférieures de plus de 20% à cette nouvelle moyenne peuvent être considérées comme suspecte.

3. Une analyse par rapport à la moyenne des prix pondérés par les notes techniques.

Enfin, il convient de prendre en compte, dans le prix proposé, les choix techniques opérés par l’entreprise pour satisfaire aux exigences du cahier des charges. Pour ce faire, on va ici pondérer le prix des offres par les notes techniques données sur les autres critères.

Si l’offre obtient une note technique basse, son bas prix sera cohérent. A l’inverse, une note dont le prix est bas mais dont les notes techniques sont hautes sera suspecte [1].

Ainsi, si au terme de cette 3ᵉ analyse, une offre apparait suspecte parce que son prix n’est pas cohérent avec les notes techniques, il conviendra de lui demander des justificatifs.

La demande de justificatif.

Deuxième étape, lorsqu’une offre lui semble anormalement basse, l’acheteur doit exiger « que l’opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre ».

Sur la base des analyses qui précèdent, l’acheteur serait tenu de mettre en œuvre la suite de la procédure et demander à la société F de justifier son prix. Cette demande de justification devant apprécier la globalité de l’offre et non une seule partie du prix (Conseil d’Etat, 13/03/20219, 425191).

Le courrier de demande de justificatifs, laissant un délai fixé à l’entreprise pour répondre, devra permettre de justifier tout ou partie du prix proposé. L’acheteur n’est pas tenu d’orienter les justifications à apporter. Il lui est toutefois loisible de le faire.

Ainsi, il peut être demandé à la société de distinguer au sein de son prix et pour chaque prestation attendue :

  • Le prix de la fourniture, avec les justificatifs associés
    • Ici, il s’agit de pouvoir justifier le bas coût de chaque fourniture
  • Le prix de la main d’œuvre, avec les qualifications, taux horaires et nombre d’heures
    • ici, on pourrait détecter un temps passé sous-estimé, des taux horaires sous-estimés ou des qualifications sous-payées ou sous-dimensionnées par rapport aux prestations attendues
  • Le montant des frais généraux pour l’ensemble de la prestation
    • Ici, il s’agit simplement de faire sortir du prix initial les frais généraux et la marge de tout le prix chiffré afin de ne garder que des prix « secs ».

L’analyse des justificatifs.

Troisième étape, l’acheteur vérifie les justifications fournies en regardant, notamment :

le prix ou les coûts proposés dans son offre lorsque celle-ci semble anormalement basse eu égard aux travaux, fournitures ou services, y compris pour la part du marché qu’il envisage de sous-traiter (Article R2152-3).

Et, in fine, « l’acheteur rejette l’offre comme anormalement basse » dans deux cas :

1° Lorsque les éléments fournis par le soumissionnaire ne justifient pas de manière satisfaisante le bas niveau du prix ou des coûts proposés ;
2° Lorsqu’il établit que celle-ci est anormalement basse parce qu’elle contrevient en matière de droit de l’environnement, de droit social et de droit du travail aux obligations imposées par le droit français, y compris la ou les conventions collectives applicables, par le droit de l’Union européenne ou par les stipulations des accords ou traités internationaux mentionnées dans un avis qui figure en annexe du présent code
(Article R2152-4).

Ainsi, pour cette troisième et dernière étape, l’acheteur devra analyser les réponses reçues. Et l’absence de réponse de la société emporte rejet de son offre (Conseil d’État, 30/03/2017, 406224).

De même, des justifications éparses, générales et sans preuves justifient aussi le rejet de l’offre (Cour administrative d’appel de Paris, 06/05/2014, 11PA01533 ou Conseil d’État, 7ème chambre, 14/03/2023, 465456) ; ainsi une entreprise ne peut simplement invoquer son expérience et sa qualité de titulaire sortant pour justifier son prix (Conseil d’État, 15/10/2014, 378434).

Pour les autres cas dans lesquels le titulaire fournit des justificatifs, il appartiendra à l’acheteur, éventuellement aidé d’un professionnel, de juger du caractère probant des éléments avancés… Une histoire tout aussi complexe à mettre en œuvre  !

Dans tous les cas, il conviendra de consigner l’ensemble de la procédure d’OAB au sein du rapport d’analyse des offres pour vous prémunir d’un éventuel contentieux.

Yohan Romero-Breuil
Avocat
Barreau d’Amiens
Gartner Avocats Associés
www.gartner-avocats.fr

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Notes de l'article:

[1Pour une vision complète de la formule employée Voir l’article du Moniteur https://www.lemoniteur.fr/article/offres-anormalement-basses-une-methode-de-detection-fondee-sur-des-prix-ponderes.807584

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