Loi sur l’influence : bonnes nouvelles, points de vigilance et bonnes pratiques à l’attention des agences d’influence.

Par Clémentine Normand Levy, Avocat.

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Explorer : # loi sur l'influence # relations agence/influenceur # responsabilité contractuelle # conflits d'intérêts

Ce que vous allez lire ici :

La loi « Influence » qui encadre l'influence commerciale et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux fête sa première année. Un récent arrêt de la Cour d'appel de Paris a confirmé que les influenceurs ne sont pas des salariés, à condition qu'il n'y ait pas de lien de subordination avec l'agence. La commission de l'agence n'est pas plafonnée et l'agence est responsable des influenceurs. Des mesures doivent être prises pour prévenir les conflits d'intérêts et inclure les mentions obligatoires dans les contrats de représentation exclusive, ainsi que certaines clauses recommandées.
Description rédigée par l'IA du Village

Statut de l’influenceur, plafonnement des commissions, responsabilité solidaire de l’agence, prévention des conflits d’intérêt, clauses obligatoires et clauses recommandées : on fait le point !

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La loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et encadrer les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux dite « influence » fête sa première année.

Déjà modifiée par la loi n°2024-364 du 22 avril 2024, cette loi avait déjà permis de donner une définition légale aux influenceurs et aux agents d’influenceur. Une décision récente de la Cour d’appel de Paris vient confirmer la qualification des relations entre l’influenceur et son agence.

Bonne nouvelle : l’influenceur n’est pas un salarié.

Sujet majeur d’inquiétude dans la relation agence/influenceur, un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 23 février 2024 est venu confirmer que l’influenceur n’était pas un salarié, ni mannequin, ni artiste-interprète malgré le caractère exclusif du mandat le liant à l’agence.

Il faut pour cela bien sûr que l’absence de lien de subordination entre l’influenceur et l’agence soit caractérisée notamment par le fait que l’influenceur est le créateur de ses propres contenus, qu’il dispose d’une certaine liberté de création (l’existence d’un brief n’étant pas suffisante pour le priver de sa liberté), notamment dans le choix de la mise en scène et qu’il n’interprète pas un texte ou un rôle prédéfini ou encore qu’il soit libre de refuser la participation à une campagne.

Cette affirmation de la Cour d’appel vient sécuriser de manière claire les rapports entre l’agence et l’influenceur puisqu’elle confirme l’absence de présomption de salariat et laisse les parties libres de choisir la nature du contrat les liant. Attention toutefois aux cas où l’agence ou l’annonceur sont eux-mêmes producteurs du contenu.

Dans cette hypothèse, il est probable que l’influenceur ne soit plus créateur de ses contenus, que sa liberté soit limitée et qu’il interprète un texte ou un rôle prédéfini.

Si l’une de ces conditions est remplie, alors le statut de l’influenceur devra être reconsidéré et sa relation contractuelle avec l’agence pourra relever d’un lien de subordination qui justifierait la conclusion d’un contrat de travail de mannequin ou d’artiste interprète selon le cas.

Rappelons toutefois que cette analyse ne s’applique qu’aux influenceurs âgés de plus de 16 ans : les contenus créés ou incarnés par des enfants de moins de 16 ans étant régis par la loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne.

Autre bonne nouvelle : la commission de l’agence n’est pas plafonnée.

Bien que la cour n’ait pas expressément jugé ce point, on peut relever dans l’arrêt susmentionné que la commission de 30% figurant dans le contrat de représentation exclusive liant l’influenceur à son agence n’a pas été considéré comme excessif par les juges.

Au regard du rejet de la qualification d’artiste interprète, on peut donc affirmer que l’agence n’est pas soumise au plafonnement de la commission d’agent à 10% ou 15% prévue à Article D7121-7 du Code du travail.

Point de vigilance : l’agence est responsable de l’influenceur.

L’article 8 III de la loi sur l’influence dispose :

« L’annonceur, son mandataire le cas échéant, et la personne exerçant l’activité définie à l’article 1er et, le cas échéant, l’activité définie à l’article 7 sont solidairement responsables des dommages causés aux tiers dans l’exécution du contrat d’influence commerciale qui les lie ».

Si aucune interprétation n’a encore été posée par la jurisprudence sur ce sujet, on peut aisément déduire de l’objectif de la loi sur l’influence qu’une interprétation maximaliste sera donnée à la solidarité énoncée par cet article.

Chaque partie au contrat d’influence serait responsable du dommage causé par l’exécution du contrat même en l’absence de faute leur incombant directement. Cette obligation induit à l’égard de chaque partie un devoir de contrôle de l’autre pour éviter que sa responsabilité ne soit engagée.

Ces obligations ont évidemment pour but de protéger les tiers, en particulier les consommateurs, afin qu’ils puissent se retourner vers la partie auprès de laquelle elle pourra le plus facilement obtenir réparation d’un préjudice qui résulterait, par exemple d’une campagne d’influence trompeuse, au vu du lieu d’établissement ou de la solvabilité des parties notamment.

En conséquence, toutes les parties au contrat devront prévoir des clauses de garanties les unes envers les autres les garantissant des conséquences relatives au manquement de l’autre partie dans l’exécution de ses obligations et plus généralement de tout préjudice subi par les tiers du fait de la campagne.

Autre point de vigilance : la prévention des conflits d’intérêts.

L’Article 7 II de la loi sur l’influence dispose :

« Les personnes exerçant l’activité définie au I du présent article prennent toutes les mesures nécessaires pour garantir la défense des intérêts des personnes qu’ils représentent, pour éviter les situations de conflits d’intérêts et pour garantir la conformité de leur activité à la présente loi ».

Lorsque l’agence d’influenceur propose une campagne à un annonceur à laquelle participe des influenceurs qu’elle représente, il existe un risque de conflit d’intérêt.

Il convient donc de se référer à l’article 1161 du Code civil relatif à la double représentation des parties à un contrat.

« En matière de représentation des personnes physiques, un représentant ne peut agir pour le compte de plusieurs parties au contrat en opposition d’intérêts ni contracter pour son propre compte avec le représenté.
En ces cas, l’acte accompli est nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne l’ait autorisé ou ratifié
 ».

Ainsi, le second alinéa permet il de prévenir la nullité du contrat signé entre l’agence et l’annonceur et entre l’agence et l’influenceur par l’autorisation expresse recueillie auprès des personnes représentées.

En pratique, il conviendra donc de formuler clairement la situation de double représentation dans le contrat et de favoriser la signature d’un même document par tous les intéressés.

De plus, la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques dite « Loi Sapin » non seulement une transparence accrue vis-à-vis de cette situation mais également, en vertu de ses articles 20 à 23, que l’agence n’opère que pour le compte de l’annonceur et qu’il ne soit rémunéré que par son mandant.

Aussi, si l’on considère que l’influenceur fournit un espace publicitaire, la Loi Sapin prohibe ainsi le fait de percevoir une rémunération de sa part et donc interdit à l’agence de percevoir sa commission sur la rémunération versée à l’influenceur.

Cette interprétation n’a toutefois pas été corroborée par la jurisprudence et nous parait extensive en particulier pour les contenus qui ne font pas l’objet de « sponsorisation » c’est-à-dire qu’ils ne font pas l’objet d’une mise en avant payante par la plateforme sur laquelle il est publié.

Bonnes pratiques : les mentions obligatoires du contrat de représentation exclusive et les clauses conseillées.

Les mentions obligatoires du contrat d’influence s’imposent à partir du moment où le montant du contrat excède un seuil qui n’a pas encore été défini par décret en conseil d’Etat. En conséquence, ces dispositions ne sont pas encore applicables.

Toutefois, dans la mesure où le contrat qui ne comporterait pas ces mentions serait passible de nullité, il convient d’anticiper au mieux les obligations légales et les suggestions que la pratique permet de conseiller.

L’article 8 I de la loi sur l’influence prévoit que le contrat d’influence doit comporter, a minima, les mentions suivantes :

« 1° Les informations relatives à l’identité des parties, à leurs coordonnées postales et électroniques ainsi qu’à leur pays de résidence fiscale ;
Au vu de la responsabilité solidaire des parties, la fourniture d’une attestation de résidence fiscale est préconisée.
2° La nature des missions confiées ;
3° S’agissant de la contrepartie perçue par la personne exerçant l’activité définie à l’article 1er, la rémunération en numéraire ou les modalités de sa détermination, le cas échéant la valeur de l’avantage en nature ainsi que les conditions et les modalités de son attribution ;
Une attention particulière devra être portée quant à la valorisation des avantages en nature qui sont considérés comme des revenus soumis à l’impôt afin d’éviter les risques de redressement fiscal.
4° Les droits et les obligations qui incombent aux parties, le cas échéant, notamment en termes de droits de propriété intellectuelle ;
5° La soumission du contrat au droit français, notamment au Code de la consommation, au Code de la propriété intellectuelle et à la présente loi, lorsque ledit contrat a pour objet ou pour effet de mettre en œuvre une activité d’influence commerciale par voie électronique visant notamment un public établi sur le territoire français
 ».

Attention donc aux demandes des annonceurs étrangers qui souhaitent assujettir le contrat à la loi de leur pays d’établissement.

La pratique du contrat d’influence suggère également d’insérer les clauses suivantes :

  • la définition du champ de l’exclusivité
  • la qualification de la nature de la relation excluant le lien de subordination
  • la levée du conflit d’intérêt le cas échant
  • la liste de produits ou services interdits conformément aux articles 3 et 4 de la Loi sur l’influence
  • les garanties de chaque partie vis-à-vis de l’exécution de ses obligations notamment sur les contenus livrés par l’influenceur, l’absence d’exclusivité préexistante…)
  • les coordonnées du représentant local de l’influenceur résident à l’étranger
  • les obligations d’assurance et l’obligation de fournir des certificats correspondants
  • les modalités de validation des briefs
  • la durée du mandat et la « sunset clause » (période pendant laquelle l’agence continuera de percevoir des commissions sur les contrats qu’elle a conclu pendant la durée du mandat)
  • la non-concurrence et le non-débauchage
    La jurisprudence et les décrets d’application permettront d’affiner ces analyses.

Article écrit avec la collaboration de Julien Maalouf.

Clémentine Normand Levy
Avocat à la Cour
Barreau de Paris
https://normand-levy.com

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