Loi anti-squat : lourdes sanctions et renforcement de la protection des propriétaires.

Par Rachel Nakache, Avocat.

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Explorer : # squat # sanctions # protection des propriétaires # rapports locatifs

La nouvelle loi du 27 juillet 2023 dite « anti-squat » réduit de la procédure d’expulsion du locataire et sanctionne par de lourdes amendes les squatteurs et les locataires qui ne quittent pas le logement alors qu’une décision de justice ordonnant leur expulsion a été prononcée à leur encontre. Les squatteurs risquent également des peines de prison.

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C’est au cours de l’été 2023 que la loi n°2023-668 du 27 juillet 2023 dite « anti-squat » ou « Loi Kasbarian » fût adoptée par le législateur français. Elle est entrée en vigueur dès le 29 juillet 2023.

Elle tend à apporter une meilleure protection du propriétaire d’un bien immobilier quel qu’il soit et que ce soit à l’encontre d’un squatteur ou d’un locataire défaillant. Elle tend également à durcir les sanctions contre ces derniers.

Il faut en effet distinguer ces deux types de personnes pour déterminer le régime juridique et la procédure qui lui est applicable :

  • Le squatteur est celui qui s’introduit dans un local « à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contraintes ». Il ne dispose donc pas de bail et a forcé son entrée dans les lieux,
  • Le locataire défaillant est celui qui méconnait ses obligations contractuelles au titre du bail signé avec le propriétaire et qui, notamment, ne respecte pas sa 1ère obligation locative, à savoir payer son loyer.

La loi Kasbarian visant à protéger les logements contre l’occupation illicite est divisée en 3 chapitres :

  • Le 1er afin de « Mieux réprimer le squat »,
  • Le 2nd afin de « Sécuriser les rapports locatifs »,
  • Le 3ème afin de « Renforcer l’accompagnement des locataires en difficulté ».

Nous étudierons les deux premiers chapitres.

I- Sur la répression du squat et de l’occupation illicite.

a- La création de 2 nouveaux délits.

La loi du 27 juillet 2023 enrichit le Code pénal de deux nouveaux délits.

Le premier délit est celui du squat en tant que tel, étant « l’introduction frauduleuse d’un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel ».

Il y a donc un élargissement du champ d’application de la notion de squat qui était alors limité aux seuls biens constituant un domicile.

Définit au nouvel article 315-1 du Code pénal, le squat est le fait pour une personne, de s’introduire dans ce type de local

« à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte, hors les cas où la loi le permet ».

Il est intéressant de constater que le législateur décortique l’action du squat en 2 étapes :

  • La 1ère est de s’introduire par des manœuvres,
  • La 2nde est de se maintenir dans le local.

Or, chacune d’elle est réprimée de façon distincte d’une peine de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

Autrement dit, la personne qui s’introduit dans un local de façon frauduleuse et qui s’y maintien, peu importe la durée - n’étant pas précisée par le législateur - risque, au total, 4 ans de prison et 60 000 euros d’amende.

Le second délit consiste pour une personne à se maintenir

« sans droit ni titre dans le local à usage d’habitation en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux depuis plus de 2 mois ».

Ce délit, encadré par le nouvel article 315-2 du Code pénal, concerne à la fois les squatteurs et les locataires qui se voient opposer une décision d’expulsion du bien mais se maintiennent malgré tout dans celui-ci.

Dans cette hypothèse, ces derniers pourront être sanctionnés par une amende de 7 500 euros, outre les sanctions financières et d’expulsion prononcées par le juge.

Il convient en effet de préciser que le squatteur ou le locataire défaillant seront condamnés à payer une indemnité d’occupation au propriétaire, soit l’équivalent d’un loyer, jusqu’à leur départ effectif du bien.

En revanche, cette amende ne pourra s’appliquer si le logement appartient à un bailleur social ou à une personne morale de droit public.

Elle ne s’appliquera pas non plus tant que le juge de l’exécution n’a pas encore statué sur la demande de délais pour quitter les lieux demandés par le locataire défaillant ou pendant la période de délais accordés.

Face à la menace de cette nouvelle amende, on peut supposer que le juge de l’exécution sera encore plus sollicité et l’on espère que les tribunaux sauront s’organiser pour absorber l’augmentation des procédures en demandes de délais pour quitter les lieux.

b- Le durcissement des sanctions contre l’occupation illicite d’un logement.

Pour parfaite information, il convient de préciser que « le domicile d’une personne » est défini au nouvel alinéa 3 de l’article 226-4 du Code pénal comme « tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant », que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non.

Concernant spécifiquement l’occupation illicite du domicile d’une personne, le législateur a fait l’effort d’augmenter considérablement les sanctions prévues jusqu’à présent.

En effet :

  • Le squat d’un domicile alors sanctionné à l’article 226-4 du Code pénal par une peine de 1 an de prison et 15 000 euros d’amende a été triplé. Désormais, cette infraction est réprimée par une peine de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende,
  • Faire de la propagande ou de la publicité en faveur du squat ou de l’occupation illicite d’un logement est désormais défini à l’article 226-4-2-1 du Code pénal et puni d’une amende de 3 750 euros,
  • Celui qui a permis qu’un tiers occupe illégalement le domicile d’autrui moyennant rétribution sera, lui aussi, puni plus sévèrement avec des peines triplées passant à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, en application de l’article 313-6-1 du Code pénal.

Il ressort de l’ensemble des modifications apportées par la loi du 27 juillet 2023 de nouvelles sanctions financières importantes lesquelles, on l’espère, auront pour effet de dissuader les squatteurs, les complices de locations illicites et les locataires défaillants de ne pas respecter la loi.

II- Sur la sécurisation des rapports locatifs.

La loi du 27 juillet 2023 est venue modifier l’article 24 de la loi n°89-465 du 6 juillet 1989 qui pose les grands principes liés aux rapports locatifs entre bailleur et locataire.

a. La stipulation obligatoire d’une clause résolutoire dans le contrat de bail.

Dans sa rédaction antérieure, l’article 24 de ladite loi prévoyait seulement la possibilité de stipuler une clause résolutoire dans le bail.

Ainsi :

  • Si le contrat de bail contenait une clause résolutoire, celle-ci produisait pleinement ses effets et le bail était automatiquement résilié après la délivrance d’un commandement de payer visant la clause résolutoire resté infructueux pendant 2 mois. Le juge n’avait qu’à constater l’acquisition de cette clause au profit du bailleur et en tirer les conséquences en condamnant le locataire défaillant aux loyers impayés et ordonner son expulsion,
  • Si le contrat de bail ne contenait pas de clause résolutoire, le bailleur devait demander au juge qu’il ordonne la résiliation judiciaire du bail. Celle-ci n’était pas automatique.

Désormais,

« tout contrat de bail d’habitation contient une clause résolutoire prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement ».

Ainsi, tous les propriétaires mettant leur bien en location à compter du 29 juillet 2023 doivent bénéficier de cette clause qui est obligatoirement stipulée dans le contrat de bail.

b. La réduction des délais de la procédure en acquisition de clause résolutoire.

Avant, il fallait attendre 2 mois après la délivrance d’un commandement de payer visant la clause résolutoire pour pouvoir saisir le juge. Ce délai permettait au locataire de régler sa dette locative ou de la contester en saisissant lui-même le tribunal.

Aujourd’hui, le délai a été réduit à 6 semaines.

Ainsi, lorsqu’un locataire ne règle pas son loyer, le bailleur ou son gestionnaire envoie une lettre de mise en demeure de payer en recommandé avec accusé de réception.

A défaut de paiement ou de réponse, ces derniers saisissent un huissier de justice pour faire délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire au locataire.

Si la dette locative représente deux fois le montant des loyers hors charges ou que le locataire est en situation d’impayé depuis deux mois consécutifs (impayé partiel ou total du loyer ou des charges), le commandement doit être signifié à la CCAPEX.

Il s’agit d’un organisme qui réalise des diagnostics sociaux et financiers du locataire afin de trouver des solutions financières et de relogement.

A l’issue d’un délai de 6 semaines, si le locataire n’a pas réglé sa dette locative ni saisi le tribunal pour contester le montant de sa dette, il reviendra au bailleur de saisir le juge pour constater que le bail est résilié (la clause résolutoire est acquise) et qu’il en tire toutes les conséquences : condamner le locataire au paiement de sa dette et ordonner son expulsion.

Si le bailleur est une personne morale autre qu’une SCI familiale, le délai pour saisir le tribunal reste de 2 mois à compter de la date de saisie de la CCAPEX.

L’assignation, une fois signifiée au locataire, doit être notifiée par l’huissier de justice à la Préfecture au moins 6 semaines avant la 1ère audience.

Il en ressort que :

  • avant la loi Kasbarian, il s’écoulait un délai de 4 mois entre la délivrance du commandement de payer et la 1ère audience,
  • depuis la loi Kasbarian, ce délai a été réduit à 3 mois pour les bailleurs personnes physiques et les SCI familiales et 3 mois et demi pour les bailleurs personnes morales.

Cette réduction est certes appréciée, il faudrait qu’elle soit suivie par la réduction de la durée de la procédure judiciaire qui peut durer parfois jusqu’à un an et demi. Cette situation n’est pas supportable pour un bailleur et d’autant plus un bailleur privé.

Des délais de paiement réduits et soumis à condition.

Devant le juge, le locataire défaillant peut solliciter des délais de paiement de sa dette locative pouvant aller jusqu’à 3 ans [1]. Cela n’a pas changé.

Toutefois, depuis le 29 juillet 2023, de tels délais ne pourront être accordés par le juge qu’à

« la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu’il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience ».

Deux conditions cumulatives sont donc requises pour l’obtention de délais de paiement. Il s’agit d’une nouveauté importante.

En effet, nombre de fois, je plaidais contre un locataire demandant des délais de paiement de sa dette locative alors qu’il n’avait pas repris le paiement de son loyer courant.

Lorsque le juge lui accordait des délais qu’il ne respectait finalement pas, cela ne faisait que retarder encore la procédure d’exécution de la décision de justice au détriment du bailleur.

Aujourd’hui, si le locataire n’a pas repris le paiement de son loyer courant, sa demande de délais sera rejetée par le juge.

c. Des délais pour quitter les lieux réduits.

Une fois la décision de justice obtenue condamnant l’occupant sans droit ni titre à payer sa dette et à une indemnité d’occupation jusqu’à son départ effectif et ordonnant son expulsion, ce dernier pouvait solliciter des délais pour quitter les lieux devant le juge de l’exécution.

Alors qu’ils étaient compris entre au minimum 3 mois et jusqu’à 3 ans, l’article 412-4 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit désormais que les délais pour quitter les lieux ne peuvent être inférieurs à 1 mois ni supérieurs à 1 an.

Le juge tiendra compte

« de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement ».

Les délais pour quitter les lieux ne seront en aucun cas accordés au squatteur et au locataire de mauvaise foi.

Rachel Nakache
Avocat au barreau de Paris

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Notes de l'article:

[1Article 24.V de la loi du 6 juillet 1989.

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