Les sûretés immobilières à l'aune du système foncier au Sénégal. Par Taty Moumbele, Clerc de notaire.

Les sûretés immobilières à l’aune du système foncier au Sénégal.

Par Taty Moumbele, Clerc de notaire.

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Explorer : # sûretés immobilières # hypothèque # régime foncier # garanties bancaires

La sûreté est un mécanisme ayant pour objet de prémunir le créancier contre l’inexécution de ses obligations par son débiteur. Elle vise à garantir le créancier du paiement de sa créance, à le faire échapper au concours des autres créanciers et à le protéger contre l’insolvabilité de son débiteur.
L’objet de cet article est de présenter, au regard du régime foncier sénégalais, quels sont les mécanismes qui garantissent un créancier contre l’insolvabilité de son débiteur ?

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La notion de sûreté est définie à l’article premier de l’Acte Uniforme OHADA sur le droit des sûretés (ci-après "AUS") comme : « l’affectation au bénéfice d’un créancier d’un bien, d’un ensemble de biens ou d’un patrimoine afin de garantir l’exécution d’une obligation ou d’un ensemble d’obligations, quelle que soit la nature juridique de celles-ci et notamment qu’elles soient présentes ou futures, déterminées ou déterminables, conditionnelles ou inconditionnelles, et que leur montant soit fixe ou fluctuant ».

On distingue plusieurs types de sûretés : les sûretés légales, les sûretés judiciaires et les sûretés conventionnelles ou encore entre les sûretés réelles et les sûretés personnelles. L’AUS ne comporte pas une véritable classification des sûretés, mais il réglemente les principales sûretés que l’on peut regrouper suivant qu’il s’agit des sûretés réelles ou des sûretés personnelles.

Notre article se focalisera essentiellement sur la présentation des sûretés réelles immobilières compte tenu de leur importance capitale dans l’octroi des crédits bancaires.

Les sûretés immobilières sont intrinsèquement liées à la réglementation foncière. Ces sûretés sont des garanties qui offrent à leur bénéficiaire le droit de saisir un immeuble affecté en garantie et de le vendre, ou de se le faire attribuer au cas où l’emprunteur ne s’acquitterait pas de sa dette.

L’immeuble affecté en garantie est donc soumis aux règles qui régissent le régime foncier du pays dans lequel il est situé.

Ainsi, au regard du régime foncier sénégalais, quels sont les mécanismes qui garantissent un créancier contre l’insolvabilité de son débiteur ?

Pour mieux appréhender ces mécanismes de protection des créanciers, il convient d’examiner, d’une part, les sûretés portant sur les immeubles immatriculés (I) et d’autre part, les garanties portant sur les immeubles non immatriculés (II).

I. Les sûretés portant sur les immeubles immatriculés.

Un immeuble immatriculé est un bien dont la propriété est établie par son inscription au livre foncier. L’immatriculation fait naitre sur l’immeuble un droit réel susceptible notamment d’hypothèque ou d’autres formes de transaction.

Les immeubles immatriculés constituent notamment la seule catégorie d’immeubles pouvant faire l’objet d’une hypothèque. L’article 192 de l’AU dispose que :

« sauf disposition contraire, seuls les immeubles présents et immatriculés peuvent faire l’objet d’une hypothèque ».

L’hypothèque est une sûreté immobilière qui porte sur un immeuble ou généralement sur un droit immobilier et qui confère à son titulaire un droit de suite et un droit de préférence.

Elle est une protection particulièrement solide permettant de garantir le recouvrement d’une créance en cas de défaillance de son débiteur. C’est pourquoi elle est fortement appréciée par les banques et autres établissements de crédit.
Se présentant comme une sûreté de premier choix, l’hypothèque est la garantie immobilière par excellence (A). Par ailleurs, la loi portant régime de la propriété foncière au Sénégal consacre une autre forme de garantie pouvant être inscrite aux livres fonciers, à savoir les privilèges (B).

Ces privilèges sur les immeubles sont spéciaux, car le droit communautaire les classe parmi les sûretés mobilières. Cependant, leur mise en œuvre permet, dans certains cas, de les poursuivre sur les immeubles.

A. L’hypothèque : la sûreté immobilière par excellence.

L’hypothèque est la seule sûreté immobilière instituée par le législateur ohada [1]. Elle est définie à l’article 190 de l’AUS comme :

« l’affectation d’un immeuble déterminé ou déterminable appartenant au constituant en garantie d’une ou de plusieurs créances, présentes ou futures à condition qu’elles soient déterminées ou déterminables ».

L’hypothèque est une sûreté immobilière sans dépossession du constituant, elle offre au créancier la faculté, en cas de défaillance de son débiteur, soit de faire vendre l’immeuble en quelque main qu’il se trouve [2], pour être payé, soit de se le faire attribuer.

Elle est très utilisée pour plusieurs raisons. En effet, elle présente l’avantage d’être indivisible et spéciale.

Le caractère indivisible de l’hypothèque est prévu par l’article 193 de l’AUS qui dispose :

« L’hypothèque est indivisible par nature et subsiste totalement sur les immeubles affectés jusqu’à complet paiement et malgré la survenance d’une succession ».

La spécialité de l’hypothèque s’apprécie quant à l’assiette de la sûreté et quant à la créance garantie. La spécialité quant à l’assiette découle d’abord de l’article 190 de l’acte uniforme qui dispose que :

« l’hypothèque est l’affectation d’un immeuble déterminé ou déterminable appartenant au constituant, à la garantie d’une créance ».

Ce texte est complété par l’article 192 qui prévoit que :

« seuls les immeubles présents peuvent faire l’objet d’hypothèque ».

Ainsi, le contrat d’hypothèque doit préciser les immeubles ou parties d’immeuble sur lesquelles s’exercent les droits du créancier.

L’hypothèque présente en outre d’autres avantages pour les parties au contrat.

D’abord, le constituant y trouve avantage, car, étant une garantie sans dépossession, le constituant conserve l’utilité et la maîtrise totale de l’immeuble. La seule limite à sa liberté est d’éviter de diminuer la valeur de l’immeuble. L’absence de dépossession a pour avantage qu’il peut obtenir plusieurs crédits dans la limite de la valeur totale du bien.

Ensuite, les tiers et les autres créanciers trouvent également avantage à l’hypothèque puisqu’ils en sont informés par la publicité qui en est faite.

Enfin, le classement entre les créanciers hypothécaires est simple, dans la mesure où il repose sur l’ancienneté par rapport à la date d’inscription.

Les droits susceptibles d’hypothèque sont notamment les droits réels immobiliers régulièrement inscrits conformément à l’article 192 de l’acte uniforme portant droit des sûretés qui dispose :

« Peuvent faire l’objet d’hypothèque (…) les droits réels immobiliers régulièrement inscrits selon les règles de l’État partie ».

Au Sénégal, les droits réels immobiliers susceptibles d’inscription aux livres fonciers sont énumérés à l’article 19 de la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière comme suit :

  • La propriété des biens immeubles ;
  • L’usufruit des mêmes biens ;
  • Les droits d’usage et d’habitation ;
  • L’emphytéose ;
  • Le droit de superficie ;
  • Les servitudes et services fonciers ;
  • Les privilèges et hypothèques.

L’hypothèque peut être conventionnelle, légale ou judiciaire. Toutefois, le régime de droit commun est celui de l’hypothèque conventionnelle [3]. La spécificité des hypothèques, légale ou judiciaire, ne porte que sur les points qui dérogent au régime de droit commun.

B. Les privilèges : une sûreté spéciale.

La lecture du point 7 de l’article 19 de la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la propriété foncière nous enseigne que les privilèges sont des droits réels immobiliers susceptibles d’inscription au livre foncier.

Le privilège peut être défini comme un droit que la loi donne au créancier, en fonction de la qualité de la créance, d’être préféré aux autres créanciers. Les privilèges immobiliers sont des droits réels qui emportent droit de préférence sur un immeuble.

L’acte uniforme distingue deux types de privilèges : les privilèges généraux qui portent sur l’ensemble de l’actif mobilier et immobilier du débiteur et les privilèges spéciaux qui sont essentiellement mobiliers et portent sur un meuble déterminé de l’actif du débiteur.

Dans cette présentation, nous ne retiendrons que les privilèges dits « généraux ».

Aux termes de l’article 179 de l’acte uniforme portant droit des sûretés, les privilèges généraux confèrent un droit de préférence exercé par leur titulaire suivant les procédures de distribution prévues par les articles 225 et 226 de l’acte uniforme.

Les privilèges généraux ont pour assiette l’ensemble du patrimoine du débiteur, c’est-à-dire tous ses biens meubles et immeubles. Ils sont indivisibles en ce sens qu’ils s’exercent sur tout élément d’actif pour la totalité de la somme qu’ils garantissent. Leur mise en œuvre est toutefois soumise à la règle de la subsidiarité en ce que l’exécution sera poursuivie d’abord sur les meubles du débiteur et c’est en cas d’insuffisance du prix reçu que l’exécution sera poursuivie sur les immeubles.
Les privilèges ne sont pas directement attachés à l’immeuble comme les hypothèques, ils sont cependant liés à la créance née de la vente de l’immeuble. Il s’agit alors des privilèges du vendeur ou du préteur.

Au Sénégal, dans le cadre de la vente d’un immeuble à construire, le privilège du vendeur ou celui du prêteur de deniers prend rang à la date de l’acte de vente si l’inscription est prise avant l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la constatation par acte authentique de l’achèvement de l’immeuble [4].

En outre, dans le cas où un associé d’une société civile constituée en vue de la vente d’immeubles n’a pas satisfait à ses obligations, ses droits [5] pourront, un mois après mise en demeure restée infructueuse, être mis en vente publique à la requête des représentants de la société par une décision de l’assemblée générale fixant la mise à prix. [6]

La vente a lieu pour le compte de l’associé défaillant et à ses risques. Les sommes provenant de la vente sont affectées par privilège au paiement des dettes de l’associé défaillant envers la société. Ce privilège l’emporte sur toutes les sûretés réelles conventionnelles grevant les droits sociaux du défaillant. [7]

De plus, lorsque les associés d’une société constituée en vue de l’attribution d’immeubles aux associés par fractions divises, lesquels, sont tenus de répondre aux appels de fonds nécessités par l’acquisition, la construction ou l’aménagement de l’immeuble social, ne parviennent pas à satisfaire à leurs obligations ; les droits sociaux appartenant à l’associé défaillant peuvent, être mis en vente publique. [8]

La vente aura lieu pour le compte et aux risques de l’associé défaillant, qui sera tenu, vis-à-vis de la société, des appels de fonds mis en recouvrement antérieurement à la vente.

Les sommes produites par l’adjudication seront affectées par privilège au paiement des sommes dont cet associé sera redevable à la société. Ce privilège l’emporte sur toutes les sûretés réelles conventionnelles grevant les droits sociaux du défaillant.

Le régime de ces privilèges est ambigu, car la loi sénégalaise ne détermine pas les modalités d’inscription de ces droits, créant alors certaines difficultés d’appréciation.

Certains privilèges sont à inscrire aux livres fonciers comme les privilèges du vendeur ou celui du prêteur de deniers dans la vente d’immeuble à construire. Certaines sont à inscrire au registre du commerce et du crédit mobilier, à l’instar des privilèges liés au recouvrement des sommes redevables à la société par associé défaillant dans une société constituée en vue de l’attribution d’immeubles aux associés par fractions divisées.

L’absence de textes clairs complexifie la compréhension de ces privilèges.

II. Les garanties portant sur les immeubles non immatriculés : les impenses.

Au Sénégal, les immeubles non immatriculés sont les fonds de terres et les terrains relevant du domaine national. Ils sont régis par la loi 64-46 du 7 juin 1964 et ses textes d’application et gérés par les collectivités locales (les communes et les départements).

Selon l’article premier de la loi relative au domaine national :

« Constituent de plein droit le domaine national, toutes les terres non classées dans le domaine public, non immatriculées et dont la propriété n’a pas été transcrite à la conservation des hypothèques à la date d’entrée en vigueur de la présente loi (…) ».

Les terres non immatriculées peuvent faire l’objet par les collectivités locales d’une affectation [9] et ne peuvent être vendues en l’état. L’article premier du décret 2022-2307 modifiant le décret nᵒ 72-1288 du 27 octobre 1972 relatif aux conditions d’affectation et de désaffectation des terres du domaine national prévoit : « L’affectation d’un terrain du domaine national confère un droit d’usage. Les terres affectées ne peuvent faire l’objet d’aucune forme de transaction ».

Toutefois, les impenses (les constructions de toute nature) édifiées sur ces terres peuvent faire l’objet de transactions immobilières. Ce principe est notamment consacré tant par la jurisprudence que par la doctrine. À ce titre, certaines institutions bancaires acceptent des impenses comme garantie à un prêt bancaire.

Par ailleurs, l’affectation des impenses en garantie, bien que courante, est une pratique non consacrée par la législation sénégalaise (A) et expose les créanciers bénéficiaires de telles garanties à des risques non négligeables (B).

A. L’affectation des impenses en garantie : une pratique non consacrée.

La possibilité de réaliser des transactions sur les impenses édifiées sur un terrain relevant du domaine national justifie les prises de garantie sur de telles impenses. Deux éléments militent alors en faveur de cette pratique : la saisissabilité et l’aliénabilité des impenses.

La saisissabilité des impenses

L’intérêt d’une garantie immobilière est de permettre au créancier de saisir et de vendre le bien affecté en garantie, afin de recouvrer sa créance dans l’éventualité où l’emprunteur ne rembourse pas le prêt.

Cette fonction est pleinement remplie par la garantie prise sur des impenses. En effet, les articles 254-5 et 295 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (ci-après "AUPSRVE") prévoient que la procédure de saisie immobilière peut avoir pour objet les impenses réalisées par le débiteur sur un terrain dont il n’est pas propriétaire, mais qui lui a été affecté par une décision de l’autorité administrative.

L’article 295 dispose :

« Lorsque la saisie immobilière porte sur des impenses réalisées par le débiteur sur un terrain dont il n’est pas propriétaire, mais qui lui a été affecté par une décision d’une autorité administrative et que l’adjudication est devenue définitive, une expédition de la décision judiciaire ou du procès-verbal notarié d’adjudication est déposée auprès de cette autorité administrative aux fins de mention en marge de la décision d’affectation.

L’autorité administrative procède à la radiation de toutes les mentions opérées en marge de la décision d’affectation initiale et transfère l’affectation au profit de l’adjudicataire. Les créanciers n’ont plus d’actions que sur le prix ».

De plus, dans un arrêt du 16 mai 2013, la Cour commune de justice et d’arbitrage a affirmé que :

« le juge qui, pour rejeter la demande d’adjudication du créancier poursuivant, a énoncé que la saisie d’impenses immobilières ne peut être réalisée que si l’immeuble sur lequel elle est effectuée est immatriculé conformément aux dispositions de l’article 253 AUPSRVE et la vente ne peut avoir lieu qu’après la délivrance du titre foncier.

En statuant ainsi, le premier juge a violé les articles 254-5 et 295 AUPSRVE qui disposent que la procédure de saisie immobilière peut avoir pour objet les impenses réalisées par le débiteur sur un terrain dont il n’est pas propriétaire mais qui lui a été affecté par une décision de l’autorité administrative » [10].

Le second élément en faveur de la prise de garantie sur des impenses est sans doute la possibilité de les vendre.

L’aliénabilité des impenses.

Les impenses sont les dépenses (construction d’une clôture, d’une maison, etc.) faites sur un immeuble en vue de sa conservation ou de son amélioration, par une personne en ayant la jouissance sans en être propriétaire.

Ils sont la propriété exclusive de leur auteur ; à ce titre, ces derniers peuvent donc en jouir et en disposer de la manière la plus absolue, pourvu qu’ils n’en fassent pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements conformément à l’article 544 du Code Civil.

Puisque les impenses appartiennent à leur hauteur contrairement au terrain sur lequel elles sont édifiées (qui fait l’objet que d’un simple droit d’usage excluant toute forme de transaction), on peut donc en déduire que l’inaliénabilité des terres du domaine national ne s’étend pas aux impenses édifiées sur de tels terrains. En d’autres termes, si les terres du domaine national ne peuvent faire l’objet de transactions, il n’en est pas ainsi des impenses qui y sont réalisées.

Dans un arrêt de la Cour d’Appel de Dakar en date du 25 mai 2012, la cour a retenu que :

« si l’affectation des terres du domaine national interdit toute transaction financière sur celles-ci, (…) il est d’usage de vendre les impenses édifiées sur de tels terrains » [11].

Selon Maître Franck Zeitoun, les terres du domaine national ne peuvent pas être vendues en l’état. Cependant, pour les vendre, il faut justifier, dans les deux ans de l’affectation du terrain, la réalisation d’impenses, c’est-à-dire d’une mise en valeur [12].

En pratique, il est d’usage que les notaires interviennent sur de telles transactions en établissant des actes dits de « cession d’impenses ».

En somme, la saisissabilité et l’aliénabilité des impenses constituent une sécurité donnée aux créanciers bénéficiaires de telles garanties.
La conséquence de cette sécurité est de favoriser le développement de l’économie du pays en offrant la possibilité aux personnes affectataires des terres du domaine national d’obtenir des prêts immobiliers tout en fournissant des garanties suffisantes aux prêteurs. Ce qui constitue une alternative à la nécessité d’une sûreté réelle à l’obtention de prêts bancaires.

B. L’affectation des impenses en garantie : une pratique risquée.

L’affectation d’impense en garantie d’un prêt immobilier, bien qu’étant une pratique justifiée, présente un certain nombre de risques.

Le principal risque de cette pratique réside dans l’absence d’une législation nationale claire et précise sur les modalités de saisie et d’aliénation des impenses.

La possibilité de saisir et vendre les impenses sus évoquées, résulte de la loi communautaire et de la jurisprudence.

Certains auteurs estiment que : « Le système sénégalais du livre foncier n’autorise des transactions que sur les immeubles immatriculés. La saisie des impenses sur les terres du domaine national se présente alors comme une fraude à la loi. (…) en l’état actuel du droit sénégalais, les articles 254-5 et 295 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE) ne retrouvent alors leur cohérence que relativement à des impenses réalisées sur les immeubles immatriculés » [13]

En raison de l’absence de base légale régissant cette pratique, la majorité des banques n’est pas favorable à l’octroi des prêts avec affectation d’impenses en garantie.

En outre, la pertinence d’une garantie immobilière réside notamment dans la possibilité de son inscription aux livres fonciers. En droit sénégalais, le conservateur est le gardien du livre foncier et les terres du domaine national ne relèvent pas de son champ d’intervention.

Ainsi, lorsqu’un créancier bénéficie d’une garantie portant sur les impenses, celui-ci se contente simplement de retenir l’original de l’acte administratif d’affection du terrain, sans pourtant inscrire sa garantie sur un quelconque registre officiel. Or ce procédé n’assure aucune sécurité, car un débiteur de mauvaise foi pourrait toutefois demander et obtenir auprès de l’autorité administrative l’ayant affecté le terrain, un duplicata de cet acte administratif. Ce dernier aura alors la possibilité de revendre ces impenses en violation du contrat de prêt et au détriment du créancier.

Les impenses ne constituent pas un droit réel, on s’interroge alors sur l’existence d’un droit de suite ou d’un droit de préférence sur une telle garantie.

En vue de pallier cette regrettable éventualité, une banque qui accepte d’accorder un prêt immobilier en vertu d’une affectation d’impense en garantie pourrait alors exiger du constituant qu’il constitue une société civile ou une entreprise individuelle et sollicite le prêt au nom de la personne morale créée, afin d’inscrire un privilège sur la créance née de cette opération au registre du commerce et du crédit immobilier.

Enfin, les terres du domaine national sont souvent au cœur de plusieurs conflits. Les fraudes liées à la délivrance des actes administratifs portant affectation des terres du domaine national engendrent de nombreux litiges. Ces fraudes se caractérisent notamment par la falsification des actes d’affectation de terres ou par l’attribution abusive des terres parfois effectuée dans des zones non dédiées à cet effet.

Taty Moumbele
Clerc de Notaire
Juriste en Droit notarial
Titulaire d’un Master II en Droit notarial et gestion du patrimoine obtenu à ISM Dakar-Sénégal

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Notes de l'article:

[1L’acte uniforme portant droit de sûretés ne consacre que l’hypothèque comme sûreté immobilière (articles 190 à 223).

[2Ce qui signifie l’existence d’un droit de suite.

[3L’article 191 de l’AUS dispose : « Sauf disposition contraire, les règles applicables aux hypothèques conventionnelles s’appliquent également aux hypothèques forcées ».

[4Article L 129 de la loi n°2009-23 du 08 Juillet 2009 du Code de la Construction (Partie législative).

[5Dans ce type de société, les droits sociaux représentent des fractions de l’immeuble. Vendre ces droits équivaut à vendre un immeuble.

[6Alinéa 2 de l’article L 65 de la loi n°2009-23 du 08 Juillet 2009 du Code de la Construction (Partie législative).

[7Alinéa 5 de l’article L 65 de la loi n°2009-23 du 08 Juillet 2009 du Code de la Construction (Partie législative).

[8Alinéa 2 de l’article L 65 de la loi n°2009-23 du 08 Juillet 2009 du Code de la Construction (Partie législative).

[9Cette affectation ne constitue qu’un droit d’usage.

[10Arrêt n° 047/2013, Pourvoi : n° 038/2010/PC du 08/04/2010, Affaire : Diamond Bank-Benin contre : Société Bramaf, Zakariyaou Sefou et Mamadou Younoussa Okanlahun.

[11Cour d’Appel de Dakar arrêt n°113 du 24/05/201. Bulletin des arrêts de la Cour d’Appel de Dakar rendus en matière Civile et Commerciale, Volume n°1, 2013.

[12Maître Franck Zeitoun, Le guide pratique de la copropriété au Sénégal, L’harmattan Sénégal, 2e édition, 2017, page 37.

[13Retour sur quelques incongruités du droit sénégalais à propos du système du livre foncier, de Cheikh Abdou Wakhab Ndiaye publié dans la revue « Droit et Ville » 2022/1 N° 93 page 405.

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