La consécration du pacte commissoire en droit OHADA, une simplification de la réalisation de l’hypothèque.

Par Karamoko Diamion Kaba.

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La garantie hypothécaire est une forme importante de sûreté aussi dans un souci de simplification de la réalisation de l’hypothèque, le législateur OHADA a consacré le pacte commissoire. L'article examine donc le pacte commissoire, un mode de réalisation simplifié de l'hypothèque lorsqu'il y a défaillance du débiteur. Les conditions de validité d'un tel pacte ainsi que sa procédure de mise en œuvre sont également abordées.
Description rédigée par l'IA du Village

L’accès au crédit étant un enjeu essentiel du développement des sociétés, l’aménagement des conditions d’accès au crédit et de la réalisation des garanties qui permettent d’y accéder s’inscrit dans les objectifs de l’OHADA (Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires) qui encourage la création d’entreprise et l’investissement pour un développement socio-économique de ses Etats-membres. C’est pour répondre à ce besoin que le législateur communautaire a consacré le pacte commissoire.

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Introduction

La garantie hypothécaire étant l’une des suretés les plus importantes, la simplification de sa réalisation l’est davantage lorsque la créance pour la garantie de laquelle elle a été accordée n’a pas été payée dans le délai convenu entre le constituant et le créancier hypothécaire.
C’est ce besoin de simplification de la réalisation de l’hypothèque qui a, sans doute, poussé le législateur OHADA a aménagé à côté des modes de réalisations forcées de la garantie hypothécaire, un mode de réalisation conventionnelle, simple et rapide à travers le pacte commissoire dont il sera question dans le présent article.

Le pacte commissoire, peut être défini comme une convention conclue entre le constituant et le créancier lors de la constitution de l’hypothèque, ou postérieurement par voie d’avenant, aux termes de laquelle le créancier, en cas de défaillance du débiteur, deviendra propriétaire de l’immeuble hypothéqué.
L’institution de ce mode de réalisation simplifié de l’hypothèque en Droit OHADA est une évolution significative. Car si la constitution d’une garantie est la clé de voute de la confiance qui permet de faciliter l’octroi d’importants crédits dans une économie entre les différents acteurs, la simplification de la réalisation de cette garantie est l’aboutissement de la solution à la double nécessité de célérité et de sécurité juridique dans les différentes transactions.
Dès lors, il y a lieu de s’interroger sur les conditions de validité du pacte commissoire et sa procédure de mise en œuvre.

Pour ce faire, nous traiterons d’abord les conditions de validité du pacte commissoire (I), avant de nous intéresser à sa mise en œuvre (II).

I) Les conditions de validité du pacte commissoire.

La validité du pacte commissoire dépend d’une part de la qualité de la personne du constituant (A) et d’autre part de la nature de l’immeuble hypothéqué (B).

A) Les conditions liées à la personne du constituant.

Seules les personnes morales (a) et les personnes physiques immatriculées (b) peuvent conclure une convention d’hypothèque incluant un pacte commissoire.

a) Les personnes morales.

Pour valablement conclure une convention d’hypothèque incluant un pacte commissoire, le législateur communautaire OHADA à travers l’article 199 AUS exige que le constituant soit une personne morale. Cependant, le rédacteur de l’acte uniforme n’a pas précisé la nature ou la forme des personnes morales concernées. Ainsi, en vertu du principe « Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus » qui signifie qu’il n’y pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas, il s’ensuit que ce sont toutes les personnes morales sans aucune distinction.
Outre les personnes morales, les personnes physiques immatriculées sont celles qui sont autorisées à constituer une hypothèque incluant un pacte commissoire.

b) Les personnes physiques immatriculées.

Pour qu’une personne physique puisse valablement conclure la convention d’hypothèque incluant le pacte commissoire, l’article 199 AUS exige qu’elle soit immatriculée au RCCM. 
Or, conformément aux dispositions de l’article 35-1 AUDCG, l’immatriculation au RCCM n’est prévue pour les personnes physiques que lorsqu’elles sont commerçantes. Le commerçant est, aux termes de l’article 2 de l’AUDCG, celui qui fait de l’accomplissement des actes de commerce par nature sa profession habituelle.
Donc seules les personnes physiques commerçantes immatriculées au RCCM peuvent être parties au pacte commissoire. Les autres personnes physiques sont exclues de son champ d’application. Le législateur, par ce choix, met ces personnes physiques à l’écart, pour les protéger des conséquences d’une clause pouvant entrainer la sortie simplifiée de leur immeuble de leur patrimoine. Aussi, faut-il rappeler que l’objectif affiché du législateur est la facilitation de l’accès au crédit par les personnes physiques commerçantes.
Également, il est utile de faire une précision sur le cas de l’entreprenant.
Défini à l’article 30 de l’AUDCG comme : « un entrepreneur individuel, personne physique qui, sur simple déclaration prévue dans le présent Acte uniforme, exerce une activité professionnelle, civile, commerciale, artisanale ou agricole », il est aussi exclu du champ du pacte commissoire. Car aux termes de l’article 34-1 du l’AUDCG, il est enregistré au RCCM par simple déclaration et non par l’immatriculation.

B) Les conditions liées à la nature de l’immeuble hypothéqué.

Tous les immeubles (b) sont compatibles au pacte commissoire à l’exclusion des immeubles à usage d’habitation (a).

a) L’exclusion des immeubles à usage d’habitation.

Le législateur OHADA exclut l’immeuble à usage d’habitation du champ d’application du pacte commissoire sans en préciser l’occupant.
Ainsi, l’on se demande si l’usage d’habitation à laquelle le législateur fait référence, est seulement valable pour le constituant ou les personnes occupant les lieux de son chef, ou pour toute autre personne.
L’article 199 alinéa 1 de l’AUS dispose que :

« A condition que le constituant soit une personne morale ou une personne physique dûment immatriculée au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier et que l’immeuble hypothéqué ne soit pas à usage d’habitation, il peut être convenu dans la convention d’hypothèque que le créancier deviendra propriétaire de l’immeuble hypothéqué ».

Il en ressort donc que seule la destination de l’immeuble compte. Peu importe qu’il soit occupé par le constituant, sa famille, ou une tierce personne. Si l’immeuble sert d’habitation à son occupant, il ne peut faire l’objet d’un pacte commissoire valable.

b) L’admission des autres immeubles.

L’exclusion de l’article 199 AUS ne concerne que les immeubles à usage d’habitation, par conséquent, tous les autres immeubles peuvent faire l’objet d’une convention d’hypothèque incluant le pacte commissoire.
Cependant, il n’est pas superfétatoire de préciser que les immeubles à usage professionnel sont ceux qui sont éligibles au pacte commissoire par excellence, car cette clause est instituée dans le but de faciliter les transactions entre professionnels.
Lorsque les conditions sus-évoquées sont remplies, et qu’à l’échéance le constituant n’exécute pas son obligation à l’égard du créancier hypothécaire, ce dernier procède à la mise en œuvre du pacte commissoire (II).

II) La mise en œuvre du pacte commissoire.

La mise en œuvre du pacte commissoire passe obligatoirement par une évaluation préalable (A) de l’immeuble hypothéqué par un expert avant son attribution (B) au créancier hypothécaire.

A) L’évaluation préalable de l’expert.

L’expert chargé de l’évaluation préalable de l’immeuble en vue de son attribution doit être désigné par les parties amiablement ou, en cas désaccord, judiciairement.

a/ La désignation de l’expert.

Aux termes de l’article 199 AUS :

« (...) l’immeuble doit être estimé par expert désigné amiablement ou judiciairement ».

Il ressort de cette disposition que l’expert immobilier qui sera chargé de l’estimation de la valeur de l’immeuble est désigné soit par les parties (amiable) soit par la voie judiciaire par le juge compétent.

Le recours amiable à l’expertise peut résulter d’une clause de la convention d’hypothèque qui prévoit cette possibilité. Dans ce cas, les parties se mettent d’accord seulement sur le recours à un expert sans obligation de procéder à une désignation conjointe d’un expert identifié. C’est ce qui ressort de l’arrêt de la Cour d’appel de Commerce d’Abidjan, 1ère Ch Arrêt No 105/2019 du 28 Mars 2019, lorsqu’elle statue qu’une clause libellée de la façon suivante :

« A cet effet, les parties décident de désigner un expert chargé d’estimer l’immeuble, signifie seulement que les parties décident de faire recours à un expert. Mais que cette clause ne signifiait pas que l’expertise doit être nécessairement sollicitée conjointement par les parties. Et qu’enfin cette expertise peut être valablement sollicitée par une seule partie ».

Il faut tout de même reconnaitre que la situation idéale est la désignation conjointe de l’expert par les parties pour éviter toute contestation du rapport d’expertise. Car il n’est pas exclu que l’autre partie n’ayant pas été associée à la désignation de l’expert, s’oppose au résultat du travail de ce dernier soit par soupçon de partialité en faveur de la partie qui l’a désigné ou simplement de mauvaise foi pour retarder la procédure d’attribution de l’immeuble au créancier.
Par ailleurs, lorsque les parties, pour une raison quelconque échoue à désigner amiablement un expert, le juge procède à cette désignation pour la suite de la procédure.

b/ La valeur juridique du rapport de l’expert.

L’expert est un spécialiste qui utilise un ensemble de méthodes pour arriver à une conclusion sur la valeur de l’immeuble qu’il présentera dans un rapport.

L’on se demande alors qu’elle est la valeur juridique de ce rapport ? Ce rapport lie-t-il le juge ? En d’autres termes est-ce que le juge est obligé de suivre les conclusions de l’expert dans son rapport ? Ou est-ce que le juge peut rejeter les conclusions de ce rapport ?

Le juge ayant la mission de veiller au bon déroulement de la procédure et de trancher sur tous les points de contestation. Il n’est nullement lié par le rapport de l’expert. Il apprécie le rapport en fonction des éléments qui sont à sa disposition. Ainsi, s’il estime que l’estimation faite par l’expert ne reflète pas la valeur réelle de l’immeuble, il peut infirmer ce rapport et ordonner une deuxième expertise. Il a également la possibilité de confirmer les dires d’un expert en dépit de la contestation par l’autre partie. En ce moment, on dit qu’il a homologué le rapport d’expertise. Le juge homologue un rapport d’expertise quand il estime qu’il ne souffre d’aucune anomalie pouvant entrainer son annulation.
Une fois la mission de l’expert (l’estimation et le dépôt du rapport) terminée, la phase qui suit est celle de l’attribution de l’immeuble. C’est l’aboutissement de tout le processus entamé depuis la conclusion de la convention d’hypothèque incluant le pacte commissoire.

B) L’attribution de l’immeuble au créancier.

Le créancier hypothécaire, pour se faire attribuer l’immeuble, doit d’abord mettre le constituant en demeure (a), avant de procéder à la mutation (b).

a) La mise en demeure.

La mise en demeure est l’acte par lequel le débiteur est sommé de payer le créancier. C’est une dernière chance offerte au débiteur d’éviter l’humiliation publique liée à une exécution forcée pour cause de non-paiement de ses dettes.
Avant de procéder à la mise en demeure, le créancier doit s’assurer que sa créance répond aux conditions de certitude, de liquidité et d’exigibilité.
A la suite de la mise en demeure, le créancier doit attendre l’écoulement d’un délai de 30 jours. Si à l’expiration de ce délai, le débiteur ne s’exécute toujours pas, sa défaillance est alors établie et le créancier peut dès lors entamer le transfert de la propriété de l’immeuble hypothéqué à travers la mutation.

b) La mutation.

La mutation est l’aboutissement de la procédure de réalisation conventionnelle de l’hypothèque. C’est la procédure par laquelle la conservation foncière constate le transfert de la propriété de l’immeuble du débiteur(constituant) au créancier hypothécaire, en procédant à des inscriptions modificatives relatives au titre foncier conformément à la transaction qui est à la base dudit transfert.
Cette procédure étant totalement confiée à la conservation foncière (l’institution en charge de la propriété immobilière) dans l’État-partie, c’est auprès de cette institution que les formalités de mutation doivent être accomplies.

Le titre foncier étant le document qui constate et qui garantit la propriété d’une personne sur un immeuble, la mutation va permettre au créancier hypothécaire d’être reconnu dans les livres de la conservation foncière et sur la copie du titre foncier qui lui sera délivrée comme étant le titulaire des droits de propriété sur l’immeuble qui appartenait à son débiteur, sur lequel l’hypothèque a été consentie.

Afin que l’acte de mutation soit opposable à l’administration publique, il faut procéder à son enregistrement dans le mois de sa date.
L’article 521 du Code général des impôts dispose à cet effet que :

« doivent être enregistré dans le délai d’un mois de leur date, les actes, documents ou opérations juridiques : [...] 4. Les actes portant transmission de biens immeubles... ».

Ces opérations une fois terminées, l’immeuble dévient la propriété exclusive du créancier hypothécaire. Elle libère totalement le constituant à l’égard du créancier hypothécaire. Cependant, si la valeur de l’immeuble est supérieure à la créance du créancier hypothécaire, il se passe un changement de statut, le créancier hypothécaire va devenir le débiteur de son ex débiteur pour le montant du reliquat de la valeur de l’immeuble. Ainsi, le créancier hypothécaire devenu propriétaire de l’immeuble a l’obligation de procéder au versement de la somme du reliquat au constituant. Mais, s’il existe d’autres créanciers hypothécaires, le créancier doit faire consigner la somme de la différence entre les mains d’un séquestre. C’est ce qui ressort de l’alinéa 2 de l’article 200 de l’AUS.

Karamoko Diamion Kaba, Magistrat
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