Vente immobilière : points de vigilance en cas de recours à l’emprunt.

Par Alexandra Manchès, Avocat.

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Bon nombre de ventes immobilières sont conclues sous condition suspensive de financement au bénéfice de l’acquéreur. Mais bien souvent, que ce soit les acquéreurs ou les vendeurs, les parties à la vente ne connaissent pas suffisamment bien leurs droits, ce qui peut, en cas d’absence d’octroi du prêt sollicité par l’acquéreur, conduire à des situations conflictuelles et sources de contentieux qui peuvent toutefois être évitées.

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Quelle est la protection de l’acquéreur prévue par le législateur ?

Le législateur a prévu un mécanisme de protection dans l’intérêt exclusif de l’acquéreur, ressortant notamment des dispositions de l’article L313-41 du Code de consommation [1].

Ce mécanisme consiste à n’exiger de l’acquéreur qu’il soit uniquement en mesure de prouver qu’il a bien déposé une (ou plusieurs en fonction de ce qui est prévu dans l’avant-contrat) demande de prêt conforme aux prescriptions de la promesse ou du compromis de vente [2].

L’acquéreur ne voit peser sur lui aucune « obligation de résultat » et il ne doit pas impérativement obtenir le prêt de la banque.

Quelles sont les obligations de l’acquéreur en tant que demandeur à l’emprunt pour financer son acquisition ?

S’il n’est pas exigé de l’acquéreur qu’il obtienne impérativement son prêt, il doit cependant être en mesure de produire les justificatifs attestant qu’il a bien déposé une (ou plusieurs) demande de prêt correspondant aux caractéristiques du prêt indiquées dans l’avant-contrat [3].

S’il avait pu être jugé que ces demandes doivent être déposées dans un certain délai [4], ne pouvant être néanmoins inférieur à un mois [5], il n’est finalement plus exigé aujourd’hui, et depuis un arrêt de la Cour de cassation de 2014 [6] d’imposer un délai pour déposer les demandes de prêt.

L’acquéreur doit toutefois garder en tête qu’il reste contraint par les délais prévus dans la promesse ou le compromis pour signer l’acte de vente définitif qui constitue en pratique, un délai butoir qui s’il venait à être dépassé par la négligence de l’acquéreur ou le délai pris pour déposer les demandes de prêt, pourrait conduire à regarder ce dernier comme fautif et responsable de la défaillance de la condition suspensive de financement.

La ou les demande(s) de prêt devront donc être déposées dans un délai raisonnable.

Les justificatifs relatifs aux demandes de prêt effectivement sollicitées seront à fournir au notaire rédacteur de l’acte à première demande puisqu’il est d’usage de prévoir dans les avant-contrats, une obligation d’information et de diligence pesant sur l’acquéreur à propos des demandes de prêt sollicitées.

Ils pourront également être sollicités, surtout s’ils n’ont pas été envoyés ou demandés en cours d’exécution de la promesse, par le vendeur si aucun prêt ne venait à être accordé.

Le vendeur adressera alors une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception à l’acquéreur pour qu’il lui transmette les justificatifs correspondants.

A défaut de les transmettre ou de rapporter la preuve que les demandes de prêt correspondent à ce qui était prévu dans l’avant-contrat, l’acquéreur pourrait être regardé comme fautif et responsable de la défaillance de la condition suspensive.

En pareil cas, l’acquéreur serait contraint de devoir payer le montant versé et prévu dans l’avant-contrat au titre de l’indemnité d’immobilisation (10% du prix de vente selon l’usage, souvent négociée à la baisse dans beaucoup de ventes) au vendeur. Dans le cas contraire, cette somme serait immédiatement reversée par le vendeur à l’acquéreur comme le prévoit d’ailleurs, l’article L313-41 précité.

Quand l’acquéreur est-il regardé comme fautif et responsable de la défaillance de la condition suspensive d’obtention d’un prêt ?

Afin de ne pas être regardé comme fautif et de se voir imposer le règlement de la somme prévue au titre de l’indemnité d’immobilisation voire à d’éventuels dommages-intérêts si le vendeur venait à en faire la demande, l’acquéreur devra particulièrement veiller à déposer une demande de prêt respectant les caractéristiques prévues dans la promesse ou le compromis de vente [7].

Ce sont généralement le montant, le taux et la durée du prêt qui correspondent à ces caractéristiques, sachant que d’autres peuvent être précisées, il conviendra alors de se rapporter au compromis ou à la promesse.

Si une seule caractéristique venait à faire défaut, la responsabilité de l’acquéreur pourrait se voir engagée comme s’agissant du montant du prêt inférieur à ce qui était prévu à l’avant-contrat et qui peut conduire à fausser l’appréciation de la banque sur le projet en supposant un apport beaucoup plus conséquent de l’acquéreur [8].

Tout dépend de ce qui est prévu dans la promesse ou le compromis puisque a contrario il a pu être jugé que si un montant maximal du prêt avait été indiqué dans l’avant-contrat, l’acquéreur n’est pas fautif en sollicitant un prix à un montant inférieur [9].

L’avant-contrat précisera le nombre de demandes de prêt à déposer par l’acquéreur.

Recommandations pour l’acquéreur et le vendeur.

En définitive, pour l’acquéreur, il est important de vérifier, avant la signature d’une promesse ou d’un compromis de vente qu’il a bien compris quelles étaient ses obligations dans le cadre de la demande d’un prêt notamment s’agissant du montant de l’opération, le taux applicable ou encore s’il devait déposer une ou plusieurs demandes auprès des banques.

Si l’acquéreur n’a pas conscience qu’il doit déposer minimum deux demandes de prêt et qu’il n’en dépose qu’une qui n’est pas concluante, il sera contraint d’y laisser son indemnité d’immobilisation qui parfois peut se chiffrer à quelques dizaines de milliers d’euros en fonction du prix de l’acquisition.

Il est préférable d’avoir vu en amont avec son courtier, sa banque ou plusieurs banques le montage envisagé pour être certains d’avoir anticipé tous les frais afférents à l’acquisition et afin de s’assurer que ce qui est prévu dans l’avant-contrat correspond à ce qui était envisagé par la banque dans la demande de prêt.

Le montant du prêt et le taux applicable sont en particulier, deux caractéristiques qui doivent attirer l’attention de l’acquéreur car en fonction des banques, du projet et de la conjoncture économique, ces deux variables peuvent remettre en cause l’obtention effective du prêt et mettre l’acquéreur en porte-à-faux vis-à-vis du vendeur.

Le taux doit être également un point de vigilance pour le vendeur, sachant qu’il peut être fixé parfois arbitrairement, sans tenir compte du contexte de l’évolution du marché immobilier et devenir un obstacle à la concrétisation de la vente qui pourra jouer à la faveur de l’acquéreur [10].

Pour les deux parties au contrat de vente immobilière, il conviendra dès lors, d’apporter une attention toute particulière à la rédaction de l’avant-contrat (promesse ou compromis) qui précisera les caractéristiques du montage financier et les obligations pesant sur l’acquéreur.

Ces points sont malheureusement trop souvent délaissés dans la négociation ou la relecture de l’avant-contrat alors qu’ils sont des éléments substantiels pouvant protéger les deux parties des aléas liés à l’obtention de financement et éviter de futurs contentieux.

En tant qu’acquéreurs ou vendeurs, n’hésitez pas à vous rapprocher des professionnels (agents immobiliers, notaires, avocats, courtiers, banquiers) qui vous accompagnent dans vos projets pour vous éclairer sur l’ensemble de vos droits.

Maître Alexandra Manchès
Barreau de Paris
amanches chez cabinet-amavocat.com
Profil Linkedin : https://www.linkedin.com/in/alexandra-manch%C3%A8s-2772a949/

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Notes de l'article:

[1Ces dispositions sont d’ordre public ce qui signifie qu’elles ne peuvent pas être remises en cause même par des stipulations contractuelles contraires sauf à regarder ces dernières comme nulles et non avenues.

[2V. par exemple : Civ. 1ère, 13 novembre 1997, Defrénois 1998, art. 36753, n° 30 ; Civ. 1ère, 9 février 1999, n° 97-10.195 ; Civ. 3ème, 30 janvier 2008, n° 06-21.117.

[3Civ. 1ère, 7 mai 2002, Bull. civ. I, n° 124 ; Civ. 3ème, 21 janvier 2016, n° 14-23.178.

[4Civ. 1ère, 19 juin 1990, n° 88-16.196.

[5Civ. 3ème, 6 juillet 2005, n° 04-13.381.

[6Civ. 3ème, 12 février 2014, n° 12-27.182.

[7Civ. 3ème, 30 janvier 2008, préc. ; Civ. 3ème, 11 janvier 2005, n° 03-17.898 ; Civ. 1ère, 22 juin 2017, n° 16-16.672.

[8Civ. 3ème, 24 novembre 2016, n° 13-21.029.

[9Civ. 3ème, 14 décembre 2022, n° 21-24.539 : c’est bien parce que le montant du prêt était encadré par un plafond que la Haute juridiction a considéré que l’acquéreur n’était pas fautif en étant en dessous de ce plafond.

[10Si par exemple, le taux fixé dans la promesse est trop bas par rapport à l’augmentation des taux comme dans la conjoncture actuelle, il est peu probable que l’acquéreur obtienne une offre de prêt à un tel taux, ce qui pourra lui permettre d’obtenir une porte de sortie pour refuser une offre de prêt à un taux supérieur à ce qui est prévu dans la promesse.

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