Les parties communes à usage exclusif.

Par Jean-Philippe Mariani, Avocat et Bruno Lehnisch, Juriste.

8620 lectures 1re Parution: Modifié: 9 commentaires 3.75  /5

Explorer : # parties communes à usage exclusif # copropriété # travaux # droit à la vie privée

Omniprésentes en copropriété, les parties communes à usage exclusif suscitent de nombreux litiges.
Force est de constater que leur caractère hybride, à mi-chemin entre le privé et le collectif, contribue à nourrir des interrogations.
Comment une partie commune d’un immeuble, qui, par définition, appartient indivisément à tous les copropriétaires peut-elle, en même temps, être un espace privé pour l’un d’entre eux ?

-

Les points importants à retenir

1. Les parties communes à jouissance privative ont été définies par la loi, dite ELAN, du 30 octobre 2019, comme des « parties communes affectées à l’usage et à l’utilité exclusifs d’un lot ». On peut donc parler indifféremment d’une partie commune à jouissance privative ou à jouissance exclusive : les deux notions sont synonymes.
Présentes dans nombre de résidences (jardins, cours, balcons, toit-terrasses…), les PCJP sont accessibles soit par des parties privatives (appartements), soit par des parties communes (escalier, palier…).

2. En copropriété, un espace extérieur n’est pas toujours une partie commune.
L’article 3 de la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété précise que les espaces extérieurs au lot privatif, tels que des jardins, cours, toits-terrasses…, sont réputés parties communes « dans le silence ou la contradiction des titres ». Autrement dit, un tel espace est simplement présumé être une partie commune mais cette présomption peut être contredite par une clause contraire du règlement de copropriété.
Un récent arrêt de la Cour de cassation a rappelé le caractère supplétif des règles de l’article 3 de la loi de 1965 [1]. Dans cet arrêt, la Cour de cassation valide l’analyse de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, laquelle avait déduit de la lecture du règlement de copropriété que des balcons étaient des parties privatives et non des parties communes à usage privatif.

3. Les parties communes à jouissance privative sont protégées par le droit à la vie privée et par le principe d’inviolabilité du domicile. Le ministère de la Justice l’a récemment confirmé en réponse au Sénateur Yves Détraigne (réponse publiée dans le JO Sénat du 27/08/2020).

4. Il n’est pas possible, en principe, de s’opposer à des travaux sur des parties communes à jouissance privative (PCJP).
Il arrive fréquemment en copropriété qu’il soit indispensable d’effectuer des investigations ou des travaux d’entretien ou réparations sur ces espaces. Ainsi, il s’avère souvent nécessaire d’intervenir sur le toit-terrasse d’un immeuble pour diverses réparations (conduits de cheminée, vanne de purge de la colonne d’eau…). De même, les jardins et cours en copropriété, qui se trouvent souvent au-dessus du parking de la résidence, peuvent nécessiter des travaux d’étanchéité.
Un copropriétaire ne peut pas, en principe, s’opposer à ces travaux sur ses PCJP.
L’article 9 de la loi du 10 juillet 1965, qui régit la copropriété, dispose en effet qu’un « copropriétaire ne peut faire obstacle à l’exécution, même sur ses parties privatives, de travaux d’intérêt collectif ».

En cas de résistance du copropriétaire, ni le syndic ni une entreprise mandatée par lui ne pourront pénétrer de force dans cet espace, sauf à commettre une violation de domicile. Il lui appartiendra de saisir le juge, le cas échéant en référé en cas d’urgence, aux fins de pénétrer dans une PCJP. En effet, seul le juge, gardien du droit à la vie privée en application de l’article 66 de la Constitution, peut délivrer une telle autorisation d’accès dans un espace privé.

5. Je peux librement aménager une partie commune à jouissance privative
La loi du 10 juillet 1965 précise, en son article 25b, que « tous les travaux affectant les parties communes » sont soumis à l’autorisation de la copropriété. Il en résulte que, dans une PCJP, des aménagements amovibles (plantes, décorations, mobilier de jardin)… sont possibles sans autorisation de la copropriété.
En outre, certains menus travaux sont également possibles sans autorisation. En effet, par « affecter les parties communes », il faut comprendre affecter soit la solidité des parties communes, soit leur intégrité ou consistance matérielle, soit les modalités de leur usage. En conséquence, sont dispensées d’autorisation les installations amovibles ou faciles à supprimer, autrement dit des menus travaux qui peuvent être retirés sans dégrader les parties communes ou moyennant de petites réparations.

Ainsi, il a été jugé que l’autorisation de l’Assemblée générale n’était pas requise pour des travaux minimes :
- ne modifiant pas la substance et la destination de la partie commune à jouissance privative concernée [2],
- ou d’aspect discret par leurs formes et dimensions et fixés par un ancrage léger et superficiel [3].

En revanche, ces espaces demeurent des parties communes appartenant indivisément à tous les copropriétaires ; ils sont donc régis par la loi du 10 juillet 1965, laquelle soumet à l’autorisation de l’assemblée générale. Des travaux de construction, tels qu’une véranda ou une piscine, nécessiteront donc un accord de la copropriété. En effet, la jurisprudence considère que de tels travaux "affectent les parties communes".

Jean-Philippe Mariani, Avocat,
et Bruno Lehnisch, Juriste.

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

4 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

[1Cass. 3e civ., 7 janv. 2021, n° 19-19.459.

[2Civ. 3ème, 6 décembre 1965, Chambre civile 1, Bulletin n° 674.

[3Cass. 3e civ., 19 nov. 1997, n° 95-20.079, Bull. 1997 III N° 206 p. 139.

Commenter cet article

Discussions en cours :

  • par Fabienne A. , Le 12 novembre 2024 à 11:46

    Bonjour,
    J’ai une question relative au paragraphe III de la loi du 10 juillet 1965, qui prévoit l’indemnisation du copropriétaire subissant un trouble de jouissance grave, même temporaire, de son lot en raison de travaux de copropriété.
    Dans le cas où un chantier de ravalement prive un copropriétaire de sa terrasse durant plusieurs mois (échafaudage occupant la totalité du sol de la terrasse pour les besoins du ravalement des façades de l’immeuble situées sur cour), pensez-vous que le copropriétaire concerné puisse réclamer l’indemnité prévue par le texte ?
    Le fait que la terrasse soit une partie commune à jouissance exclusive fait-il obstacle au principe d’une telle indemnisation ?

  • par laborde2 , Le 3 décembre 2023 à 14:39

    Bonjour,
    J’ai lu mais ne retrouve l’article de la loi Elan fixant le pourcentage maximum de charges mis a charge du co-proprietaire utilisant une terrasse en attique à usage privatif.
    Il me semble que le maximum est de 25% pourriez vous me confirmer et me donner l’article de la loi Elan ?
    De meme les seuils des portes fenetres peuvent ils etre consides comme privatif lors d’un probleme d’etancheité ? (Infiltration constaté dans l’appartement en dessou sous la porte fenetre)
    Merci d’avance

  • par Rotaillo , Le 12 novembre 2022 à 23:25

    Concernant les petites copropriétés de moins de 5 copropriétaires comment se vote les travaux demandés par un des copropriétaires sur un terrain à usage exclusif travaux importants puisqu’il désirent construire plus de 20 mètres carrés

  • Votre article est incomplet ! quand la dite terrasse doit être refaite ,elle ne fait plus son rôle d’étanchéité , cette terrasse est dotée d’un plancher + dalles gravillonnées et ensuite on ne sait pas ! le règlement de copropriété stipule que les frais sont en partie pour le copropriétaire qui en a l’usage exclusif et l’autre partie à l’ensemble de la copropriété ! pouvez vous m’éclairer plus précisément . Merci

    • par Bruno LEHNISCH , Le 9 mars 2021 à 12:46

      Bonjour, notre article en effet n’aborde pas cette question. Mais on ne peut pas traiter tous les aspects du sujet en quelques lignes... En principe, la copropriété finance le gros œuvre et le copropriétaire le revêtement superficiel (plancher, bacs de terre, gravillon...). Nous pourrons consacrer un article à la prise en charge financière des frais de rénovation. La jurisprudence est abondante.

    • par Pommard , Le 30 juin 2021 à 21:09

      Merci Cher Maître.
      Les travaux de construction privés sur PCJP affectant de manière permanente la PCJP supérieure dont un sujet fréquent en Copropriété, source de conflits.
      Ex. un vote pour la fixation d’un store-banne sur le plafond du toit-terrasse supérieur, non interdite par le Règlement de Copropriété.
      Si ces travaux privés sont exclus à priori de votre point 4 (‘travaux d’intérêt collectif’), peut-on imaginer qu’ils rentrent dans le cadre des travaux de construction affectant les parties communes, pouvant être autorisés par vote en AG ? - votre point 5 - dans la mesure même où, comme vous le rappelez en point 3, les caractères privés et inviolables des PCJP ont été soulignés récemment ?
      Les travaux de construction de votre point 5) ne seraient-ils pas à scinder ainsi :
      - ceux n’affectant que la PCJP du demandeur, relevant d’un vote en AG (art. 25) ;
      - ceux affectant la PCJP du demandeur et surtout la PCJP supérieure, ne pouvant relever selon moi d’un vote en AG que si le copropriétaire affecté (PCJP supérieure) donne son accord préalablement ?
      Les droits d’aménagement permanent soumis à autorisation d’un demandeur ayant une PCJP, se prévalant de son droit indivise sur une autre PCJP, ne sont-ils pas limités par les principes même qui régissent sa propre PCJP : le caractère privé et inviolable ?
      Le droit de jouissance exclusive d’un demandeur aurait ainsi la limite du droit de jouissance exclusive du copropriétaire de la PCJP supérieure, sans qu’il puisse se prévaloir de ses droits indivise sur parties communes pour légitimer une inscription au vote en AG sans accord du copropriétaire affecté.
      Le Syndic ne pourrait ainsi inscrire la demande en AG qu’après accord du copropriétaire affecté. Sinon, le vote le jour de l’AG ne serait-il pas remis en cause par l’opposition de ce copropriétaire lors du vote - vote invalidé- ou mieux : par un refus exprimé avant le vote ?
      Soit : un demandeur ayant une PCJP, se prévalant de son droit à jouissance exclusive pour faire inscrire au vote en AG des travaux de construction privés, se verrait limiter dans ses élans par le même droit de jouissante exclusive de son voisin du dessus : son droit indivise sur partie commune d’une autre PCJP serait subordonné à un accord du copropriétaire affecté en sa PCJP (droit privatif). Puis, si accord du copropriétaire affecté, une inscription du projet pour vote en AG serait demandée : vote selon l’Article 26 à l’unanimité selon moi (travaux permanents à emprise).
      Un parcours du combattant pour le demandeur, sans compter une éventuelle demande d’urbanisme (mais c’est un autre sujet).

    • par Togashi Françoise , Le 17 février 2022 à 21:26

      un mur porteur dans un appartement est-il une partie commune à usage exclusil ou à usage commun puisqu’il soutient l’immeuble ? S’il faut retenir "l’usage exclusif" celà implique-t-il que le copropriétaire doit payer la réparation de fissures structurelles ?
      Merci pour votre réponse

    • par Jean-Philippe MARIANI , Le 18 février 2022 à 10:19

      Cher Monsieur,

      Un mur porteur est une partie commune par nature et ne peut jamais être considéré comme une partie à usage exclusif puisque, ainsi que vous le soulignez, il participe à la structure de l’immeuble.

      Sa réparation incombe donc au syndic, en charges communes générales ou par bâtiment s’il existe une clef de ce type.

      Bien cordialement.

    • Bonjour Maître,
      Un des copropriétaires affirme qu’il a un droit de jouissances exclusive du jardin qui donne sur ma terrasse et d’où j’ai un accès directe, cela n’a jamais était voté en assemblée et le syndic fait le sourd il n’a jamais justifier cette décision comment peut-on le contester et récupérer cette partie commune pour tout les copropriétaires.
      Merci

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 320 membres, 27838 articles, 127 254 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Voici le Palmarès Choiseul "Futur du droit" : Les 40 qui font le futur du droit.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs