[Maroc] Les nouveautés de la loi 95-17 sur l'arbitrage international. Par Sara Lamouadden, Professeur et Zahariri Mohamed, Etudiante.

[Maroc] Les nouveautés de la loi 95-17 sur l’arbitrage international.

Par Sara Lamouadden, Professeur et Zahariri Mohamed, Etudiante.

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Explorer : # arbitrage international # réforme judiciaire # investissement # procédure électronique

L’arbitrage se définit comme étant un mode alternatif de résolution de conflit. Le concept consiste pour les parties d’un contrat à établir une convention dite d’arbitrage ; celle-ci a pour effet de faire intervenir une troisième personne dite arbitre, afin qu’il puisse être en mesure de trancher si un litige en rapport avec le contrat venait à survenir. Lorsque l’arbitre est saisi pour trancher sur un litige mettant en cause les intérêts du commerce international, on parle d’arbitrage international.

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L’arbitrage en tant que mode alternatif de règlement de conflit est réputé comme étant rapide, confidentiel. Ce qui a pour effet d’être bénéfique aux investisseurs désireux d’éviter la léthargie de la justice étatique et la dénonciation de leur situation en audience publique. Conscient de ce fait, les Etats autorisent le recours à l’arbitrage voir la mise en place d’institutions spéciales d’arbitrage afin de s’en servir comme moyen d’attraction pour les investisseurs.

En accord le célèbre discours royal de 2009 ayant déclenché les réformes du système judiciaire au Maroc, le législateur marocain s’est également intéressé à la thématique des modes alternatifs de règlement de conflit comme environnement favorable à l’investissement. C’est à cet effet que la nouvelle loi 95-17, adoptée et promulguée le 13 juin 2022, une sorte de Code des modes alternatifs de règlement des conflits où les nouvelles dispositions sur l’arbitrage et sur la médiation conventionnelle sont désormais séparées du Code de procédure civile marocain.

Quels sont alors les apports accordés par la nouvelle loi à l’arbitrage international ?

La réponse à cette problématique nous amène à traiter l’arbitrage International au niveau de l’ancienne loi sur l’arbitrage et médiation conventionnelle (I) puis les apports de la loi 95-17 à l’Arbitrage International (II).

Section I. L’arbitrage international.

Paragraphe I - Disposition de l’ancienne loi 08-05 concernant l’arbitrage international.

Au regard de l’ancienne loi 08-05 relative à l’arbitrage et la médiation conventionnelle, l’arbitrage international est réputé comme étant l’arbitrage mettant en cause les intérêts du commerce international. La qualification de cette forme d’arbitrage comme étant internationale, elle est fondée sur des concepts comme la nationalité des différente des parties, la distinction entre leur siège social ou lieu de résidence et le lieu d’établissement des obligations relatives au contrat lié.

La dite loi avait à cet effet défini un cadre légal qui est l’article 327-40 auquel l’on faisait référence afin d’identifier l’arbitrage international, l’on cite :

  • Le lieu de la signature de la convention qui diffère du lieu d’établissement des parties ;
  • Le Tribunal arbitral désigné par la convention d’arbitrage où l’un des lieux désignés pour l’une des obligations substantielles de la convention diffère du lieu où les parties ont leur établissement ;
  • Lorsque les parties se sont convenues que l’objet de la convention d’arbitrage a des liens avec plusieurs pays.

En son article 327-44, l’ancienne loi 08-05 relative à l’arbitrage et la médiation conventionnelle dispose : « La convention d’arbitrage détermine librement les règles de droit que le tribunal arbitral devra appliquer au fond du litige. A défaut de choix par les parties des règles de droit applicables, le tribunal arbitral tranche le litige conformément à celles qu’il estime appropriées. Dans tous les cas, le tribunal arbitral tient compte des dispositions du contrat qui lie les parties et des coutumes et usages pertinents du commerce ».

A cet effet l’on retient, que la convention d’arbitrage établie par les parties contractantes a pour effet de mentionner les procédures à suivre pour le règlement au fond du litige. Dans les cas de figure où les parties ont omis de mentionner le droit applicable, le tribunal arbitral désigné par elle procède selon le règlement qu’ils estiment appropriés tout en prenant compte du contrat et des usages réguliers du commerce.

Paragraphe II - Domaine d’application de la sentence arbitrale dans l’ancienne loi 08-05.

L’article 327-46 de l’ancienne loi 08-05 relative à l’arbitrage et médiation conventionnelle dispose :

« Les sentences arbitrales internationales sont reconnues au Maroc si leur existence est établie par celui qui s’en prévaut et si cette reconnaissance n’est pas contraire à l’ordre public national ou international .Sous les mêmes conditions, elles sont déclarées reconnues et exécutoires au Maroc par le président de la juridiction commerciale dans le ressort de laquelle elles ont été rendues, ou par le président de la juridiction commerciale du lieu d’exécution si le siège de l’arbitrage est situé à l’étranger ».

Au regard de l’article précité l’on déduit que les sentences arbitrales établies à l’étranger lorsqu’elles ne s’opposent pas à l’ordre public national ou international sont reconnues au Maroc à condition bien sûr d’avoir fait l’objet d’exequatur par le président de la juridiction commerciale dans le ressort duquel elles ont été rendues.

Cette reconnaissance des sentences arbitrales internationales est due par ailleurs, à la signature par le Maroc de la convention de New-York de 1958. Celle-ci a pour effet pour les Etats signataires d’admettre la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères.

Section II- Apport de la loi 95-17 à l’arbitrage international.

Paragraphe I - Actualisation des missions des arbitres.

La nouvelle loi 95-17 relative à l’arbitrage et la médiation conventionnelle est promulguée par le Dahir n° 1-22-34 du 24 mai 2022. L’on y retrouve les dispositions en rapport avec l’arbitrage international au sein de son titre premier, chapitre 3 au moyen des articles 71 à 85.

La nouvelle loi n’a pas omis de préciser que ses dispositions se veulent être conformes aux conventions internationales ratifiées.

De prime abord, elle s’est chargée de définir l’arbitrage international comme étant celui qui met en cause les intérêts du commerce International, jusque-là on ne remarque pas de différence, comparé à l’ancienne loi.

C’est au regard de l’article 72 que des modifications sont notifiées concernant à titre d’illustration, les conditions requises pour mentionner la notion d’arbitrage international. En effet les conditions pré-requises par l’article 327-40 ont été supprimées au profit d’une seule caractéristique qui est l’établissement à l’étranger, du siège, de l’une des parties au contrat.

L’on cite notamment d’autres changements au regard de l’article 73. En effet celui-ci mentionne que lorsque un différend ressort de la convention d’arbitrage notamment en son règlement, la partie la plus diligente est appelé à saisir le président du tribunal de Commerce de Casablanca, alors qu’au regard de l’ancienne loi il était question de saisir celui de Rabat.

La convention d’arbitrage établie au préalable par les parties est l’élément déclencheur de la procédure arbitrale. C’est à cet effet que ladite convention peut soit directement soit via un règlement, mentionner les procédures à suivre.

L’un des principaux apports que l’on soulève au regard de la nouvelle loi 95-17 siège en son article 74 qui autorise le Tribunal arbitral à décider de la procédure à suivre de manière automatique dans le silence de la convention lorsque l’ancienne loi ne le lui permettait d’agir qu’en cas de besoin. Il s’agit là d’une actualisation des missions des arbitres.

En son article 75, la nouvelle loi mentionne le respect dans tous les cas des droits de défense des parties qui ont par ailleurs la liberté de déterminer le droit applicable qu’ils estiment approprié pour le règlement de leurs différends. Liberté qui s’avère être fondamentale pour éviter les conflits de loi qui peuvent découler de la convention et qui engage la responsabilité des contractants venant de deux états différents concernant le droit applicable pour le règlement de leurs litiges.

Le Maroc s’avère être l’un des premiers Etats signataire de la convention de New York de 1958 qui admet la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères. Cependant au regard de l’article 77 dédié à l’exequatur, l’on constate que le législateur marocain exige tout de même l’approbation de la sentence arbitrale par le président du tribunal de commerce ou le chef de division au sein du tribunal de première instance, au moyen de l’exéquatur lorsque la sentence arbitrale est prononcée au Maroc.

Dans les cas de figure ou la sentence arbitrale a été prononcée à l’étranger, la sentence arbitrale est prononcée par le président du tribunal de première instance.

A la différence de l’ancienne loi, on a pu remarquer que la nouvelle loi s’est chargée de citer les deux cas de figure, sans oublier de mentionner que la reconnaissance ne peut être établie que lorsque la sentence arbitrale n’est pas contraire à l’ordre public national et international.

A condition de préserver le dit ordre, l’article 79 de la nouvelle loi prévoit d’ailleurs la possibilité d’intenter une action contre l’ordonnance qui refuse la reconnaissance de la sentence arbitrale même si le délai prévu de l’appel est dépassé.

A l’opposé, l’appel de l’ordonnance qui accorde la reconnaissance de l’exécution, au sens de l’article 80 n’est ouvert que dans des cas bien déterminés. Les dits cas ont d’ailleurs été calqués sur l’ancienne loi 08-05 en son article 327-49 qui considère l’appel de l’ordonnance qui accorde la reconnaissance ouverte lorsque :

  • Le tribunal arbitral a statué sans convention d’arbitrage, ou sur convention nulle ou après expiration du délai de l’arbitrage ;
  • Le Tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l’arbitre unique irrégulièrement désigné ;
  • Le Tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été conférée ;
  • Lorsque les droits de la défense n’ont pas été respectés ;
  • La reconnaissance ou l’exécution sont contraires à l’ordre public national ou international.

Cependant la nouvelle loi 95-17 en son article 81 précise que l’appel de la décision doit être formulé près de la cour d’appel de commerce alors que l’ancienne loi en son article 327-50 accorde la compétence à la cour d’appel territorialement compétente à raison du siège de la juridiction dont relève le président de la juridiction ayant accordé la reconnaissance.

Autre mention qui a été calquée sur l’ancienne loi et le fait que la cour se devra de statuer selon la procédure d’urgence.

L’article 82 de la nouvelle loi évoque la possibilité d’exercer un recours en annulation de la sentence arbitrale internationale dans les cas prévus par l’article 80, s’étant inspiré de l’article 327-49 précité. L’ordonnance qui accorde l’annulation n’est susceptible d’aucun recours. Elle est dressée par la Cour d’appel de commerce dans le ressort duquel est rendue la sentence.

Paragraphe II - L’usage des procèdes électroniques.

L’arbitrage comme mode alternatif de règlement de différend se veut de répondre au dysfonctionnement de la justice étatique. La nouvelle loi 95-17 s’inscrit dans le cadre des vastes réformes du droit des affaires au Maroc, étant donné qu’elle participe au bon déroulement des relations sociales économiques. Les investisseurs et commerçants ont un rôle à jouer dans la prospérité des flux monétaire d’un Etat.

C’est dans ce sens que les législateurs à travers le monde notamment le législateur marocain s’oblige à instaurer un cadre légal qui va leur faciliter la procédure pour la résolution des différends qui peuvent ressortir de leurs relations contractuelles souvent lentes et couteuses. Ce qui a pour effet d’attiser la confiance des investisseurs étrangers et internes désireux d’avoir une assurance supplémentaire à leur patrimoine.

Comme cadre légal se voulant faciliter les dites procédures, on cite les apports de la loi 95-17, qui admettent le recours à l’usage des procédés électroniques en matière de signature et de notification (art. 3, 35, 36, 51 et 89). A cet effet la loi tend vers la conclusion de la convention d’arbitrage, les échanges de mémoires ou la possibilité de rendre les sentences arbitrales par voie électronique, ainsi que la tenue de réunions et audiences par visioconférence.

A l’issue de cette étude, on peut retenir que la nouvelle loi 95-17 apporte des apports assez mémorables notamment concernant l’adaptation à cette ère de la technologie.

En admettant le recours au séminaire et moyens électroniques pour l’expédition de conclusions et la tenue des audiences.

En conséquence, le législateur marocain prend en compte les idéologies de la chambre commerciale internationale pour l’attraction des investisseurs et des développements de l’économie au moyen de l’arbitrage. L’on précise tout de même que le juge étatique conserve la compétence pour l’exequatur.

Professeur Dr. Sara Lamouadden, Droit Public et sciences politiques
et
Zahariri Mohamed, Etudiante, Universiapolis, Université Internationale d’Agadir, Master Arbitrage et Médiation

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