Les inventions de salariés.

Par Dalila Madjid, Avocat.

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Selon l’INPI, "90 % des inventions brevetées sont le fait d’inventeurs salariés. Afin de favoriser la reconnaissance des salariés qui réalisent des inventions, la loi du 26 novembre 1990 a rendu obligatoire le versement d’une rétribution supplémentaire". L’enquête réalisée par l’INPI en 2008 avait montré que le versement d’une rémunération supplémentaire aux salariés inventeurs pose parfois des difficultés de mise en œuvre. Il ressort d’une étude menée par l’INPI, que la rémunération des inventions de salariés, prend dans 60 % des entreprises, la forme d’une prime forfaitaire seule, et 40 % des cas, cette prime est combinée avec une rétribution liée à l’exploitation de l’invention.

-

Le régime juridique des inventions des salariés est posé par les dispositions de l’article L.611-17 du Code de la propriété intellectuelle, qui distingue deux catégories d’inventions : les inventions de mission et les inventions hors mission. Une troisième catégorie est également à envisager, correspondant aux inventions hors mission et non attribuables à l’employeur.

1- Les inventions faites par le salarié dans l’exécution d’un contrat de travail ou une mission confiée par l’employeur.

Il s’agit des inventions dites de mission.

Aux termes de l’article L. 611-17 du Code de la propriété intellectuelle :

"Les inventions faites par le salarié dans l’exécution soit d’un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d’études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l’employeur (...).

Le salarié auteur d’une invention en informe son employeur qui en accuse réception selon des modalités et des délais fixés par voie réglementaire.

Les modalités d’application du présent article seront fixées par décret en Conseil d’État ».

- Attention aux termes du contrat de travail : Si la mission du salarié porte sur une invention, son contrat de travail doit expressément le mentionner. Autrement dit, il est recommandé d’insérer une clause sur les missions inventives du salarié.

L’invention faite par le salarié dans l’exécution du contrat de travail comportant une mission inventive appartient à l’employeur. Tel est le principe rappelé clairement, dans un attendu de principe, par la chambre sociale le 21 septembre 2011 (n°09-69.927).

En effet, sur le fondement de l’article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle, "pour que l’invention soit attribuée à l’employeur qui en récoltera les fruits, encore faut-il au préalable que ce dernier ait prévu, dans le contrat de travail, que son salarié devait accomplir une mission inventive.

Précision qui, en l’espèce, avait été omise. Omission que le salarié licencié pour faute grave contestait. Celui-ci reprochait à son employeur d’avoir déposé, sans l’en informer, un brevet d’invention en rapport direct avec son activité dans le but de l’exercer à titre personnel, manquant ainsi à son obligation de loyauté. Les juges du fond ont considéré le licenciement sans cause réelle et sérieuse sans avoir pris la précaution de vérifier les termes du contrat de travail, ce qui leur valut une cassation pour défaut de base légale."

Le salarié et l’employeur doivent se communiquer tous renseignements utiles sur l’invention en cause.

- L’obligation de déclaration du salarié :

Le salarié est soumis à une obligation de déclarer les inventions qu’il a réalisées, conformément aux dispositions de l’article L. 611-7 alinéa 3 du Code de la propriété intellectuelle.

Cette obligation de déclaration est rappelée à l’article R. 611-1 du Code de la propriété intellectuelle :

"Le salarié auteur d’une invention en fait immédiatement la déclaration à l’employeur. En cas de pluralité d’inventeurs, une déclaration conjointe peut être faite par tous les inventeurs ou par certains d’entre eux seulement".

L’obligation de déclaration vise toute invention réalisée par un salarié ou un agent public [1]. Toutefois, cette obligation ne concerne que les seules inventions brevetables. En pratique, en cas de doute sur la brevetabilité, le salarié a tout intérêt à déclarer pour échapper à tout reproche sur le plan de l’exécution des obligations nées du contrat de travail.

Dans un arrêt, la Cour de cassation a affirmé que "le salarié ne pouvait pas être privé du régime applicable aux inventions de mission, et en particulier de la rémunération supplémentaire, dès lors qu’il résultait des circonstances que l’employeur ne pouvait ignorer, même en l’absence d’information formelle par le salarié, la nature de l’invention pour laquelle il avait lui-même déposé une demande de brevet à son nom" [2].

L’article R. 611-9, alinéa 2, du Code de la propriété intellectuelle précise que :

"La déclaration prévue à l’article R. 611-1 peut résulter de la transmission par l’Institut national de la propriété industrielle à l’employeur, selon les modalités fixées par arrêté du ministre chargé de la propriété industrielle, du second exemplaire d’un pli adressé par le salarié à l’Institut pour y être conservé."

Il s’agit d’une enveloppe Soleau dont le second exemplaire est adressé à l’employeur.

Les articles R. 611-2 et R. 611-3 du Code de la propriété intellectuelle précisent en ces termes le contenu de cette déclaration

"La déclaration contient les informations, en la possession du salarié, suffisantes pour permettre à l’employeur d’apprécier le classement de l’invention dans l’une des catégories prévues aux paragraphes 1 et 2 de l’article L. 611-7.

Ces informations concernent :
- l’objet de l’invention ainsi que les applications envisagées ;
- les circonstances de sa réalisation, par exemple : instructions ou directives reçues, expériences ou travaux de l’entreprise utilisés, collaborations obtenues ;
- le classement de l’invention tel qu’il apparaît au salarié.

Lorsque le classement implique l’ouverture au profit de l’employeur du droit d’attribution, la déclaration est accompagnée d’une description de l’invention.

Cette description expose :
1- le problème que s’est posé le salarié compte tenu éventuellement de l’état de la technique antérieure ;
2- la solution qu’il lui a apportée ;
3- au moins un exemple de réalisation accompagné éventuellement de dessins
".

2- Les inventions hors mission attribuables à l’employeur.

Aux termes de l’alinéa 2 l’article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle :

"Toutes les autres inventions appartiennent au salarié. Toutefois, lorsqu’une invention est faite par un salarié soit dans le cours de l’exécution de ses fonctions, soit dans le domaine des activités de l’entreprise, soit par la connaissance ou l’utilisation des techniques ou de moyens spécifiques à l’entreprise ou de données procurées par elle, l’employeur a le droit, dans des conditions et délais fixés par décret en Conseil d’État, de se faire attribuer la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet protégeant l’invention de son salarié (…)."

Aux termes de l’article R. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle, le délai ouvert à l’employeur pour exercer son droit d’attribution relatif à une invention hors mission attribuable est de quatre mois à compter de la réception de la déclaration d’invention.

La Commission nationale des inventions de salariés (CNIS) a, à plusieurs reprises, considéré que le simple fait pour l’employeur de déposer une demande de brevet constituait l’exercice du droit d’attribution et la jurisprudence a confirmé cette solution [3].

La Cour d’appel de Paris a jugé que l’employeur qui a exercé son droit d’attribution ne saurait invoquer ultérieurement la nullité du brevet pour échapper au paiement du juste prix [4].

3- Les inventions hors mission et non attribuables à l’employeur.

Ce sont toutes les autres inventions. Elles appartiennent au salarié, et l’employeur n’a aucun droit de regard, dés lors que les inventions n’ont pas été réalisées au cours de l’exécution des fonctions du salarié, ou dans le domaine des activités de l’entreprise, et sans la connaissance ou l’utilisation de techniques ou moyens spécifiques de l’entreprise.

4- Les inventions par le salarié : droit à une rémunération supplémentaire.

Le salarié, auteur d’une invention, bénéficie d’une rémunération supplémentaire dans les conditions déterminées par les conventions collectives, accords d’entreprise ou le contrat de travail, pour les inventions faites dans l’exécution, soit de son contrat de travail, soit d’études qui lui sont explicitement confiées.

Les inventions, faites par le salarié dans l’exécution soit d’un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d’études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l’employeur qui a l’obligation, en contrepartie, de verser au salarié une rémunération supplémentaire dont le mode de calcul est déterminé par les conventions collectives, accords d’entreprise et contrats de travail individuels.

Aucune disposition légale ou réglementaire n’impose que la rémunération supplémentaire due au salarié doive être fixée en fonction de son salaire.

Ainsi, les juges peuvent prendre en considération, pour fixer le montant de la rémunération, les circonstances de réalisation de l’invention et du profit retiré par l’entreprise.

Il convient, toutefois de préciser que si toutes les inventions faites par un salarié dans le cadre de son activité professionnelle peuvent donner lieu au versement d’un complément de rémunération par l’employeur, celui-ci devient obligatoire seulement lorsqu’il s’agit d’une invention de mission.

En effet, la loi du 26 novembre 1990 avait rendu obligatoire le principe d’une rémunération supplémentaire au profit du salarié auteur d’une invention de mission : "[...] les conditions dans lesquelles le salarié, auteur d’une telle invention (invention de mission) bénéficie d’une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les accords d’entreprise et les contrats individuels de travail (art. L. 611-7-1 du CPI). "

Ainsi, dans un arrêt dans la chambre sociale de la Cour de cassation, il a été jugé que : "les inventions ayant fait l’objet des dépôts étaient antérieurs à la conclusion du contrat de travail et correspondaient à l’apport en nature du gérant salarié au sein de la société, laquelle, en tant que propriétaire des inventions, avaient régularisé le dépôt des brevets. Les juges du fond en ont justement déduit que ces inventions n’entraient pas dans la catégorie des inventions de mission et n’ouvraient en conséquence pas droit à une rémunération supplémentaire pour le salarié" [5].

En somme, les conventions collectives sont généralement muettes sur la rémunération supplémentaire dévolue aux salariés inventeurs. Ainsi, afin d’éviter tout risque de contentieux, les employeurs auront tout intérêt à faire fixer par la voie conventionnelle ou contractuelle les modalités et le montant de la rémunération supplémentaire.

Dalila Madjid

Avocat au Barreau de Paris

e-mail : dalila.madjid chez avocat-dm.fr

blog : https://dalilamadjid.blog

site : http://www.avocat-dm.fr/

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Notes de l'article:

[1CA Paris, 12 mars 1997.

[2Cass. com., 18 déc. 2007.

[3TGI Paris, 10 déc. 1985 ;TGI Paris, 25 févr. 1986 ; CA Paris, 17 oct. 1989, TGI Marseille, 26 juin 1990.

[4CA Paris, 17 oct. 1989.

[5Soc. Soc. 2 juin 2010, FS-P+B, n°08-70.138.

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  • par domisoldo , Le 17 décembre 2022 à 17:02

    comment faire quand vous avez crée un innovation technologique
    que votre employeur s’est dit ne pas y être intéressé après avoir reçu une déclaration via le formalisme de l"INPI
    que deux ans après il développe le même projet
    que vous mettez du temps à comprendre pourquoi ( il dépensera par la suite au moins 10 millions d’euros pour ce projet)
    qu’ensuite vous l’attaquez au TGI
    puis en cour d’appel
    puis en cassation
    vous perdez à chaque fois pour le même motif :

    entre autre l’employeur y avait pensé avant vous ( mais pas de preuve) dixit la cour de Cass
    l’employeur ( grande entreprise) et son grand cabinet d’avocat international ont présenté un extrait de brevet américain qui fait croire que cette demande de brevet contenait les mêmes éléments que votre innovation alors que l’objet du brevet n’a rien à voir.
    Serait ce tromper la volonté du juge ?
    puis je agir en conséquence ? et si oui dans quel délais
    je ne l’i pas avant car je ne croyais pas que la cour d cassation entérinerait les décisions précédentes et notifierait un rejet total ( abus de confiance, parasitisme)

    MERCI DE VOTRE AIDE
    C’est toute ma vie

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