Fonds d'investissement : les "hedge funds" à la lumière de la directive AIFM, une réelle absence de risque systémique ? Par Romain Feydel, Avocat.

Fonds d’investissement : les "hedge funds" à la lumière de la directive AIFM, une réelle absence de risque systémique ?

Par Romain Feydel, Avocat.

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À l’heure où l’inflation met à mal l’économie européenne, de nombreuses entreprises sont à la recherche d’un nouveau souffle financier. Des regards de plus en plus nombreux se tournent vers les fonds d’investissement alternatifs (FIA) et plus particulièrement les Hedge funds. Leur capacité d’investissement pourrait présenter des avantages certains pour contrer l’illiquidité de certains marchés. Mais les questions autour du réel pouvoir économique de tels véhicules d’investissement sont de nouveau au cœur du débat. Les observateurs s’interrogent quant à savoir avec certitude si ce type de fonds d’investissement souvent pointé du doigt par le passé lors des différentes crises financières systémiques ne présente plus aucun danger. Au sein de l’Union européenne, l’entrée en vigueur de la directive AIFM joue un rôle prépondérant dans la maitrise du risque spéculatif. Malgré cela, les interrogations persistent.

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01. « Donnez-moi un levier et un point fixe, et je soulèverai le monde » disait en son temps le scientifique grec Archimède [1]. Si cette phrase fut prononcée par l’un des plus grands mathématiciens de l’Antiquité lors de ses travaux réalisés durant le troisième siècle avant la naissance de Jesus Christ, force est de constater qu’elle est toujours d’actualité dans l’esprit des acteurs économiques du vingt-et-unième siècle désireux de constituer (ou gérer) un hedge fund. En effet, l’une des cractéristiques principales de ce type de fonds d’investissement est le recours par ses gestionnaires à un très fort effet de levier. Leur objectif est de maximiser leurs profits, attirant ainsi de nombreuses critiques de la part des observateurs au regard des risques financiers générés.

02. La doctrine n’a effectivement jamais épargné les hedge funds. Ils se retrouvent régulièrement décriés et montrés du doigt dès lors qu’une crise financière systémique apparaît [2].
Ce fût le cas avec la crise des subprimes de 2008. Leur rôle a été mis en cause pour avoir contribué à alimenter la bulle spéculative des crédits immobiliers américains à l’origine du dérèglement des marchés financiers internationaux. Comme nous le verrons plus en détail, les législateurs tant américains qu’européens ont ensuite décidé d’agir afin de réglementer au plus prés les hedge funds. En Europe, c’est la directive Alternative Investment Fund Manager (AIFM) qui aura pour mission de fournir un cadre réglementaire aux gestionnaires de hedge funds, lesquels revêtent l’appelation de fonds d’investissement alternatifs (FIA) depuis 2011 [3].

Cependant, certains observateurs reconnaissent également leur vertu économique. Selon eux, les hedge funds permettent d’améliorer la liquidité des marchés financiers en investissant dans certaines classes d’actifs dans lesquels aucun autre fonds ne souhaite se risquer. Mais en tout état de cause, jamais de tels véhicules d’investissement n’ont autant déchainé les passions. Les hedge funds sont les seules entités juridiques à pouvoir se vanter d’être l’objet même d’une bande dessinée très en verve comptant déjà plusieurs tomes [4]. Plus encore, et malgré l’ensemble des publications à caractère académique et scientifique leur étant consacrées, les hedge funds restent largement méconnus du grand public. De ce fait, ils font l’objet d’une très large méfiance. L’immatriculation d’une grande partie d’entre eux dans des paradis fiscaux imbriquant un caractère offshore de leurs stratégies d’investissement contribue grandement à entretenir un véritable mythe à leur égard [5].

03. Le premier hedge fund fut constitué en 1949 par l’australien Albert Wislow Jones [6]. Ce fonds d’investissement avait pour stratégie financière de réduire drastiquement le risque lié à la détention de titres en procédant à la vente à découvert d’autres titres [7]. Le recours à ce mécanisme d’ingénierie financière permettait alors au hedge fund de limiter son exposition au risque du marché, en restant toutefois exposé à celui lié à la qualité des titres sélectionnés pour mener les ventes à découvert [8]. A cela s’additionnait un large recours à l’effet de levier pour accroître le rendement financier des investissements spéculatifs réalisés. Le hedge fund de Jones était un fond dit fermé car ses statuts prévoyaient un nombre limité de porteurs de parts. Ce premier hedge fund fut l’auteur de performances financières inédites sur les dix premières années de son existence.

Par la suite, d’autres entrepreneurs financiers constituèrent à leur tour leur propre hedge fund. A l’aube des années 60, on n’en comptait pas moins de 140 à travers le monde entier pour un montant total des actifs gérés d’environ 2 milliards de dollars [9]. Dans les années 70, les principaux gestionnaires de hedge funds allaient recourir à l’effet de levier. Mais face à une prise de risque déraisonnée, les mauvais résultats ont poussé les gestionnaires à mettre en œuvre de nouvelles stratégies financières. L’arrivée des tous premiers ordinateurs ont largement favorisé l’adoption de nouvelles stratégies d’investissement [10]. Celles-ci fondent encore l’actuel panel de stratégies financières spéculatives utilisées [11].

La crise touchant le Système Monétaire Européen (SME) en 1992 inquiéta les marchés et a favorisé des attaques spéculatives de la part de gérants de hedge funds [12]. Une grande méfiance vis-à-vis de ces fonds d’investissement va alors se développer. La crise financière asiatique de 1997 y contribua-t-elle aussi. Mais au début des années 2000, les stratégies spéculatives repartent à la hausse avec l’éclatement de la bulle internet en 2003. Les taux d’intérêts relativement bas à cette époque favorisent le recours à l’effet de levier [13]. La crise des subprimes en 2008 va générer une prise de conscience collective. De sérieuses mesures de régulation à l’égard des hedge funds sont prises tant en Europe qu’aux Etats-Unis. Cela se traduit en 2011 par la directive AIFM au sein de l’Union européenne [14]. Les Etats-Unis agissent eux aussi en 2010 en adoptant le Dodd-Frank Act.

Comme la directive AIFM, le Dodd-Franck Act instaure un ensemble de mesures destinées à réguler de près les marchés financiers et éviter le retour d’une spéculation déraisonnée [15]. Actuellement, l’industrie des hedge funds reprend une place omniprésente sur les marchés financiers européens. Mais ce retour en force n’a pu être réalisable pour les gestionnaires de ce type de fonds, qu’en composant avec les différentes réglementations en vigueur.

04. Désormais, si les hedge funds investissant sur les marchés financiers de l’Union européenne sont juridiquement encadrés, il n’en reste pas moins que leur réputation fait d’eux de véritables objets de fantasmes les plus divers. Leur rôle dans les différentes crises financières systémiques font de nouveau redouter le pire. Dès lors, bon nombre d’observateurs se questionnent afin de savoir si la régulation des hedge funds issue de la directive européenne AIFM reste suffisante pour éviter un nouvel effondrement du système bancaire international. Le législateur européen, tout comme la Commission européenne semble adopter une position similaire, hésitant face à la nécessité d’accentuer cet encadrement juridique des hedge funds et son impérative articulation avec l’attractivité financière du marché commun [16].

05. Dès lors, si en 2024 les hedge funds poursuivent leur évolution sur les marchés financiers européens en s’adaptant aux règles issues de la directive AIFM, c’est tout d’abord parce qu’ils sont devenus une notion juridique au caractère équivoque, capable de s’adapter aux exigences de régulation actuellement en vigueur (I). Cet encadrement juridique favorise alors la fonction économique à la fois spéculative et incontournable de ces fonds ; mais il permet aussi de combattre les comportements financiers déraisonnée ainsi que le risque systémique en découlant (II).

I – Les hedge funds, notion juridique équivoque contribuant à la stabilité systémique.

06. La directive AIFM n’étant pas arrivée à poser une définition précise des hedge funds, la doctrine à donc agi de manière large pour identifier la majeure partie d’entre eux et les soumettre ainsi aux régles de régulation en vigueur (A). La caractérisation des hedge funds a mis à jour une multitude de modèles, nécessitant alors de leur attribuer un régime juridique protéiforme pour éviter le retour d’une spéculation financière outrancière (B).

A. Définition doctrinale large.

07. Au regard des textes en vigueur, la doctrine juridique et financière qualifie ainsi les hedge funds de fonds d’investissement alternatifs (A.1), tout en leur attribuant une catégorisation distincte des fonds de capital investissement (A.2).

A.1. Qualification de FIA.

08. Les hedge funds font très souvent l’objet d’un amalgame avec les fonds de capital investissement. Certes, ils empruntent souvent les même structures juridiques [17] ou encore les mêmes bailleurs de fonds, mais leurs stratégies financières respectives diffèrent grandement [18]. La doctrine caractérise les hedge funds comme des organisations privées dans lesquelles le gestionnaire dispose d’une participation personnelle dans le fonds. Celui-ci reste libre d’opérer activement sur une variété de marchés, de recourir à des stratégies d’investissement avec des positions variables longues et courtes, différents degrés de leviers, de vente à découvert ou encore de produits dérivés [19]. Les hedge funds sont aussi des fonds dans lesquels seuls des porteurs de parts avertis sont admis en nombre restreint, contrairement à un OPCVM qui est destiné au public [20].

L’ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013 a ́posé une distinction juridique entre les Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières (OPCVM) et les Fonds d’Investissement Alternatifs (FIA), lesquels forment à eux deux la catégorie des Organismes de Placement Collectif (OPC) [21], sans toutefois apporter des précisions sur les hedge funds. Le code monétaire et financier se contente de définir les FIA comme étant des fonds qui lèvent des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs dans le but de les investir, cela dans l’intérêt de ces investisseurs, et conformément à une politique d’investissement que ce type de fonds ou leurs gestionnaires définissent [22] et qui, bien entendu ne sont pas des OPCVM [23]. Il s’agit donc d’une définition en partie négative et très vaste. Seuls les OPCVM sont définis précisément comme étant des organismes dont l’objet exclusif est le placement collectif en valeurs mobilières ou dans d’autres actifs financiers liquides de capitaux recueillis auprès du public [24]. Leur fonctionnement est soumis au principe de la répartition des risques et leurs parts sont, à la demande des porteurs, rachetées ou remboursées, directement ou indirectement, à charge des actifs de ce type de fonds [25].

Au regard de la définition négative d’un FIA posée par les textes, le hedge fund est donc l’un des leurs [26]. Ceci d’autant plus qu’il répond aux larges exigences posées par l’article L. 214-24, I, 1° du code monétaire et financier [27]. Il est une catégorie de FIA à part entière et se trouve donc soumis à la directive AIFM et à sa transposition en droit interne. En revanche, les hedge funds ne sont pas des fonds relevant des articles 8 et 9 du règlement Sustainable Finance Disclosure (SFDR) [28]. Seul l’article 6 de ce règlement les concerne en ce que leurs stratégies financières ne peuvent être assimilées à de l’investissement durable au sens du texte [29].

Si la définition doctrinale large permet de classer le hedge fund comme étant un FIA à part entière, cela ne lui empêche pas de lui octroyer une place a part face aux fonds de capital investissement.

A.2. Catégorisation spécifique.

09. Les hedge funds présentent certaines spécificités propres les différenciant des FIA de capital-investissement. Le hedge fund intervient sur les matières premières, les produits financiers dérivés ou encore sur les actions d’entreprises cotées en bourse [30]. Il spécule ainsi à très court terme. Au contraire, le FIA de capital investissement préfère investir dans des entreprises non-cotées, délaissant aussi les instruments financiers complexes à hauts risques même s’il recourt, de manière bien plus modérée, à l’effet de levier. Il spécule quant à lui sur l’évolution à moyen ou long terme sur la valeur des titres acquis. Il n’hésite pas à mettre en œuvre une véritable stratégie industrielle, notamment en capital-retournement. En pratique, le FIA de capital-investissement évolue sur le secteur du private equity (entreprises non-cotées) tandis que le hedge fund intervient sur celui du public equity (entreprises côtées). De plus, le FIA de capital investissement rémunère son équipe de gestion via des parts de carried interest, lesquelles génèrent un intéressement uniquement lors de la cession des titres de participation, soit entre 5 et 8 ans après leur acquisition par le fonds. Le hedge fund, quant à lui, rémunère son équipe de gestion mensuellement ou trimestriellement au regard de la performance financière réalisée par le fonds.

En pratique, la plupart des hedge funds français et même européens sont des « autres FIA ». Ce type de fonds bénéficie d’un régime juridique bien moins contraignant que les FIA par nature. L’ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013 [31], transposant la directive AIFM en droit français est venue créer deux types de FIA : ceux définis par le code monétaire et financier, on parle de FIA par nature, ce sont des fonds régulés ; et les autres FIA ou FIA par objet, lesquels ne sont pas régis par le code précité. Ce sont des fonds non régulés. Toutefois, comme nous le verrons ci-après, leurs gestionnaires sont soumis aux mêmes règles prudentielles que ceux des FIA définis par le code monétaire et financier.

Les spécificités propres au hedge fund ne l’empêchent pas pour autant d’être soumis à un régime légal protéiforme afin de préserver le risque systémique.

B. Régime juridique protéiforme.

10. Les hedge funds bénéficient d’une définition doctrinale équivoque, leur valant de bénéficier d’un régime juridique protéïforme, lequel se caractérise par une organisation juridique efficiente (B.1.) ainsi que par un encadrement stricto sensu (B.2.).

B.1. Organisation efficiente.

11. Les hedge funds empruntent certains éléments d’un FIA menant une stratégie de capital- investissement mais s’en éloignent sur d’autres points. En l’espèce, le hedge fund est constitué juridiquement sous forme de fonds commun de placement dénué de personnalité juridique, ou encore de société en commandite simple (disposant de la personnalité morale), plus connue à l’international sous l’appelation de limited partnership [32]. Un ensemble de prestataires de services entoure alors le fonds. Le gestionnaire est une société de gestion externe et indépendante constituée sous forme de société de capitaux, laquelle bénéficie d’un mandat de gestion par délégation [33]. Elle est basée onshore tandis que le fonds est immatriculé dans un paradis fiscal (offshore) [34]. Un dépositaire de fonds garde et conserve les actifs détenus par le hedge fund [35]. Le fonds utilise aussi les services d’une entreprise d’expertise comptable chargée de son audit, ce qui semble logique. Les services d’un administrateur externe sont également nécessaires. Celui-ci procède à la valorisation des actifs du fonds et gère les souscriptions et rachats de ses parts [36]. Le hedge fund utilise les services d’un prime broker [37], lequel est chargé de financer les opérations entreprises [38].

À cette organisation s’ajoutent les porteurs de parts qui peuvent être, selon les cas, des investisseurs professionnels (banques) ou avertis (anciens financiers fortunés). Parmi eux, il peut également y avoir un ou plusieurs fonds d’investissement ; dans ce cas précis on parlera alors d’un fonds de fonds puisque sa stratégie consiste à investir dans d’autres fonds d’investissement [39]. On peut également y trouver des family offices [40]. Lorsqu’un OPCVM souhaite devenir porteur de parts d’un hedge fund, et ainsi mener une stratégie de fonds de fonds, des règles strictes préfigurent. Il doit s’agir d’un OPCVM ARIA appartenant à la catégorie des OPCVM de fonds alternatifs dès lors qu’ils sont exposés à hauteur de 10 % ou plus en parts de FIA et donc de hedge funds [41]. Ces OPCVM sont des fonds agréés par l’Autorité des marchés financiers et donc étroitement réglementés [42].

L’organisation inédite des hedge funds trouve un écho favorable face à un encadrement juridique européen qui ne laisse aucune place à l’interprétation.

B.2. Encadrement stricto sensu.

12. En l’espèce, les hedge funds sont, pour la plupart d’entre eux, immatriculés dans des paradis fiscaux, lesquels présentent des règles très allégées, pour ne pas dire inexistantes en matière d’encadrement des fonds d’investissement [43]. A cela s’ajoute une fiscalité très attractive permettant aux porteurs de parts de maximiser leurs profits. Face à la difficulté d’encadrer de tels fonds, la directive AIFM permet de réglementer strictement l’activité des gestionnaires de FIA, dont les hedge funds, désireux d’investir dans des actifs de pays membres. Ainsi, sont intégralement soumis à la directive AIFM les gestionnaires qui gèrent, à travers un ou plusieurs FIA, plus de 100 millions d’euros en cas de recours à l’effet de levier [44]. En revanche, les gestionnaires de FIA sous les seuils susmentionnés ne sont soumis que partiellement à cette directive, mais peuvent opter pour son application intégrale pour bénéficier par exemple du mécanisme de passeport européen [45]. Ces règles s’appliquent aux gestionnaires de FIA par nature ou par objet (autres FIA) [46], sans distinction. En pratique, les gestionnaires de hedge funds franchissent largement ces seuils, et sont donc pleinement soumis aux obligations découlant de la directive AIFM lorsqu’ils souhaitent investir dans des actifs situés au sein de l’Union européenne. Les principales obligations concernent la gestion de la liquidité de leurs actifs, la délégation des fonctions de la société de gestion, l’investissement dans des positions de titrisation, les fonds propres réglementaires, le reporting (aux investisseurs et aux autorités compétentes) et la limitation du recours à l’effet de levier, ainsi que l’évaluation précise des actifs du fonds, la rémunération des gestionnaires et porteurs de parts et enfin la nomination d’un dépositaire pour chaque fonds géré [47]. Lorsque le hedge fund mène une stratégie de fonds de fonds, ces mêmes obligations s’imposent à son gestionnaire.

Les gestionnaires de hedge funds gèrent plusieurs types de FIA, dont certains sont immatriculés hors UE, les poussant donc à mener pour chacun de ces fonds, des stratégies d’investissement dans différents pays membres de l’Union européenne. Pour cela, la directive AIFM contraint le gestionnaire à obtenir un passeport européen permettant aux gestionnaires de FIA de gérer (« passeport gestion ») et de commercialiser auprès de clients professionnels (« passeport commercialisation ») des FIA dans tous les États membres de l’Union européenne et de l’Espace économique européen [48]. D’autres obligations sont donc encore à observer pour le gestionnaire de hedge funds, dont notamment l’obligation d’être immatriculé et enregistré comme tel dans un pays membre de l’union européenne [49].

Afin d’éviter toute prise de risque systémique inconsidérée, l’Autorité des marchés financiers a signé des accords bilatéraux avec des autorités de supervision étrangères. Ces accords prévoient des modalités d’échange d’information entre elle et l’autorité du pays tiers signataire et d’obtention des informations nécessaires à la supervision des hedge funds étrangers. L’existence d’accords de coopération entre l’Autorité des marchés financiers et ses homologues situés hors de l’Union européenne est une condition préalable pour la délégation par un gestionnaire français de la gestion de portefeuille ou de la gestion des risques d’un FIA à une entité domiciliée hors de l’Union européenne. Il en est de même pour la gestion par un gestionnaire français de FIA domiciliés et commercialisés hors de l’Union européenne, tout comme la commercialisation sans passeport dans l’Union européenne, par un gestionnaire français de FIA domiciliés hors de l’Union européenne et enfin la commercialisation sans passeport, dans l’Union européenne, par un gestionnaire de pays tiers de FIA domiciliés dans ou hors de l’Union européenne [50].

Par une définition juridique large des hedge funds, la réglementation et la surveillance du plus grand nombre d’entre eux au sein de l’Union européenne est ainsi permise. Leur fonction dans l’économie de marché ne s’en trouve que plus efficiente pour favoriser la stabilité systémique des marchés financiers européens.

II – Les hedge funds, fonction économique spéculative contribuant à la stabilité systémique.

13. Les règles issues de la directive AIFM obligent désormais les hedge funds à investir de manière plus réfléchie afin de respecter les règles prudentielles qui leur sont imposées. Leurs stratégies spéculatives demeurent complexes (A), mais leurs effets économiques désormais encadrés se montrent bien plus salvateurs pour l’économie de marché (B).

A. Stratégies spéculatives complexes.

14. La particularité des hedge funds face à des fonds d’investissement alternatifs traditionnels se caractérise essentiellement par des stratégies financières complexes. Toutefois, si de nombreux gestionnaires de hedge funds optent pour des stratégies d’investissement à forts rendements (A.1.), face aux risques encourus, certains d’entre eux choisissent désormais des stratégies aux rendements financiers bien plus modérés (A.2.).

A.1. Stratégies à forts rendements.

15. En termes d’actifs, les gestionnaires réalisent de manière récurrente des opérations financières tirant profit de différences de cours injustifiées [51]. Ce type d’investissement se fait sur des produits financiers présentant un lien étroit. On parle d’opérations d’arbitrages statistiques, lesquelles peuvent consister, notamment, à acquérir une action sous-évaluée pour la revendre, et faire de même simultanément avec une action dont la valeur est surévaluée [52]. L’objectif, très risqué, est de réaliser dans les deux cas une forte marge financière. Mais les hedge funds réalisent aussi des opérations plus traditionnelles. La prise de risques financiers reste toutefois très élevée. Ils vont ainsi mener des opérations d’achat/vente au comptant de titres financiers, de l’achat sur marge, du prêt de titres financiers afin de réaliser des opérations de vente à découvert, ou utiliser des produits financiers structurés [53]. Les hedge funds recourent également à des opérations financières à très fort effet de levier, lesquelles leur permettent d’investir des sommes supérieures à celles dont elles disposent [54]. Leurs gestionnaires n’hésitent pas à réaliser également du trading sur les marchés financiers, recherchant ainsi de très rapides opportunités de forts profits. Il s’agit alors d’une activité d’active trading [55].

Pour réaliser de tels investissements et générer de très forts rendements financiers, les hedge funds et leurs gestionnaires vont recourir à des instruments financiers à la fois traditionnels et commun à d’autres fonds d’investissement mais également à des instruments bien plus complexes. Cela va donc passer par de l’investissement dans différentes formes d’obligations dont les obligations convertibles, mais aussi dans des actions de sociétés cotées, des produits dérivés composés principalement de contrats à terme, de swaps ou encore d’options diverses. Ces produits dérivés sont principalement issus de crédits bancaires, d’électricité. Ils proviennent aussi de dérivés climatiques ou de catastrophes naturelles, lesquels constituent une forme inédite de titrisation. Cette liste d’instruments financiers n’est en rien exhaustive. Les gestionnaires de hedge funds ne cessent d’innover afin de se démarquer de la concurrence.

Ces divers actifs cibles et instruments financiers répondent à des stratégies d’investissement établies et mises en œuvre par les gestionnaires du fonds. Chaque hedge fund mène de manière discrétionnaire et simultanée, plusieurs stratégies sur différents marchés afin de minimiser leur prise de risque. Ces stratégies s’étalent à court ou long terme, mais leur caractère fortement spéculatif ne fait aucun doute. Elles sont en évolution permanente et peuvent difficilement, là encore, faire l’objet d’une liste exhaustive. Plusieurs grandes catégories de stratégies se dégagent toutefois. Les stratégies de valeurs relatives regroupent les stratégies d’investissement liées à différentes typologies d’arbitrage ; les stratégies événementielles reposant sur la vie de l’entreprise cotée en bourse avec les différentes opérations capitalistiques envisageables au regard de l’état de santé de la société (opérations de croissance externe ou rachat d’entreprises cotées en difficulté). Les hedge funds mènent aussi des stratégies opportunistes et spéculatives vis-à-vis de données macro- économiques : les stratégies directionnelles.

Malgré cela, les stratégies d’investissement des hedge funds doivent respecter les régles posées par la directive AIFM et sa transposition en droit interne. Si la plupart des hedge funds relèvent de la catégorie des « autres FIA » [56], lorsque la valeur globale de leur actif est supérieure à 100 millions d’euros en utilisant l’effet de levier (présentant potentiellement un risque systémique) [57], leurs gestionnaires sont pleinement soumis aux dispositions de la directive AIFM et aux règles de bonne conduite en découlant [58]. Cela se traduit par des obligations liées à la sauvegarde des intérêts des investisseurs, aux outils et procédures internes mises en œuvre concernant la gestion du risque inhérente à la liquidité des actifs détenus en portefeuille [59]. Les sociétés de gestion en charge de hedge funds font également face à une exigence de fonds propres à hauteur de 0,02 % de la valeur de leur portefeuille sous gestion, avec un capital social minimum de 125 000 euros [60]. Plus encore, le gestionnaire de hedge funds est tenu de déléguer les fonctions de dépositaire et valorisateur à une personne tierce, externe à la société de gestion de portefeuille en charge de gérer le hedge fund [61]. Des obligations liées à la transparence de la gestion des hedge funds sont également exigées envers le régulateur et les investisseurs [62]. Il s’agit notamment pour le gestionnaire de produire annuellement un rapport de gestion, une description précise de la stratégie financière mise en œuvre pour chaque fonds géré, et encore de chaque type d’actifs détenus par chaque fonds avec leur risque d’illiquidité potentiellel [63]. Concernant l’effet de levier, la directive AIFM permet à l’’autorité régulatrice de limiter le niveau utilisé par le gestionnaire de hedge funds [64]. En cas de risque systémique potentiel, l’autorité peut même restreindre, de manière temporaire, l’activité de la société de gestion sur un marché financier spécifique. L’ensemble de ces obligations s’articulent avec celles prévues par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers [65].

Ces règles spécifiques sont également prévues pour les hedge funds menant une activité de fonds de fonds [66], tout comme ceux étant compartimentés [67]. La mission du courtier principal, ou prime broker, est également encadrée [68].

Dorénavant, les gestionnaires de hedge funds ne peuvent plus exploiter certains cycles économiques délicats afin de spéculer de manière déraisonnée. Grâce à la directive AIFM, leurs investissements sont devenus bien plus salvateurs. L’Autorité européenne des marchés financiers joue un rôle non négligeable de superviseur et coordinateur [69], poussant certains gestionnaires à opter pour des stratégies bien moins risquées et plus transparentes.

A.2. Stratégies à rendements modérés.

16. Les gestionnaires de hedge funds évoluant sur le marché commun doivent désormais composer leurs stratégies financières avec l’encadrement juridique découlant de la directive AIFM et de sa transposition en droit interne. Certains porteurs de parts de ce type de fonds souhaitent désormais investir dans des organismes dédiés offrant une liquidité certaine et à très court terme de leurs titres ainsi qu’une plus grande transparence sur leurs stratégies et pratiques vis-à-vis des autorités régulatrices. Certes, les forts rendements financiers sont toujours autant recherchés, mais les investisseurs acceptent des taux plus faibles pour s’assurer une prise de risque moindre. De telles exigences émanent directement des effets systémiques générés par la crise des subprimes de 2008. La responsabilité de certains hedge funds avait largement était mise en cause.

Depuis la transposition de la directive AIFM, certains gestionnaires de hedge funds ont revu leurs stratégies financières. La crise financière ayant fait perdre une grande confiance des investisseurs dans les hedge funds côtés en bourse, désormais, les gestionnaires n’hésitent plus à soumettre certains de leurs fonds sous gestion à la directive UCITS [70]. Ces hedge funds deviennent des OPCVM, et donc par la même occasion des fonds étroitement régulés contrairement à des FIA par objet. A la différence de ce que propose un hedge fund constitué sous forme de FIA, un hedge fund soumis à la directive UCITS fournit à ses porteurs de parts une liquidité quotidienne et/ou hebdommadaire de ses parts [71] Un FIA propose quant à lui une liquidité mensuelle et/ou trimestrielle, exposant ses investisseurs à un risque d’illiquidité de leurs parts en cas de mauvais résultats du fonds [72]. La directive UCITS impose une limite plus étroite du recours à l’effet de levier avec 200 % pour un OPCVM traditionnel [73]. L’investissement dans les matières premières est lui aussi encadré puisqu’il ne doit pas dépasser la limite de 10 % de l’actif du hedge fund constitué sous forme d’OPCVM [74]. Si les porteurs de parts de tels fonds bénéficient d’une forte liquidité de leurs titres à très court terme ainsi que d’une transparence accrue du hedge fund et de son fonctionnement, force est de constater qu’en échange certaines stratégies financières menées par un FIA ne sont pas transposables à un OPCVM. En conséquence, les taux de rendement des investissements sont moindres que ceux générés par un hedge fund constitué sous forme de FIA par objet.

Une autre stratégie émerge depuis quelques années déjà, se rapprochant de celle consistant à soumettre un hedge fund à la directive UCITS. Il s’agit de la stratégie dite de « réplication » menée par des fonds indiciels [75]. Celle-ci consiste pour des fonds négociés en bourse (Exchange traded fund) [76], dits ETF, à suivre l’évolution d’un indice boursier, à la hausse comme à la baisse [77]. Ces fonds agissent sur indices de stratégie, qui reproduisent la performance d’indices intégrant des stratégies d’investissement plus sophistiquées [78]. D’autres ETF agissent via un fort recours à l’effet de levier, multipliant, à la hausse comme à la baisse, les tendances de l’indice suivi [79]. Ces fonds ETF proposent aux investisseurs de se substituer aux hedge funds en leur offrant une plus grande transparence ainsi qu’un fonctionnement moins couteux sans pour autant renier sur les taux de rendements offerts [80]. Il s’agit donc d’un organisme de placement collectif bien plus sécurisé que le hedge fund. En pratique, l’ETF propose de répliquer à un indice de hedge fund en investissant dans des classes d’actifs similaires ou plus traditionnelles [81]. Les rendements s’approchent ainsi de ceux générés par le hedge fund pris en modèle de réplication. Néanmoins, les risques systémiques potentiels ont été encadrés en Europe par la Directive UCITS ainsi que par les orientations de l’ESMA sur les OPCVM et autres fonds cotés, qui s’appliquent à l’ensemble des ETF européens structurés au format UCITS. La directive AIFM fait de même avec les ETF constitués sous forme de FIA cotés en bourse.

Cet encadrement des hedge funds et de leurs concurrents participe à rendre les marchés financiers européens bien plus stables. Le risque systémique est donc écarté grâce à des effets économiques salvateurs.

B. Effets économiques salvateurs.

17. Les effet économiques salvateurs permis par l’entrée en vigueur de la directive AIFM et de sa transposition en droit interne favorisent la liquidité des marchés financiers européens (B.1.) sans pour autant que la prise de risques financiers inhérente soit incontrôlable (B.2.).

B.1. Liquidité des marchés.

18. Les hedge funds sont partie intégrante du shadow banking [82] au même titre que l’ensemble des fonds d’investissement alternatifs (FIA). Or, malgré cette appartenance à un système de financement de l’économie souvent décrié du fait de son caractère bien plus attractif mais également opaque face à celui plus étroitement réglementé du système bancaire traditionnel, force est de constater que les effets économiques générés se montrent des plus salvateurs. En pratique, les hedge funds, à la différence des fonds de capital investissement, investissent dans des classes d’actifs très peu liquides. Or, avec de telles stratégies, les gestionnaires de hedge funds participent grandement à rendre liquides ces actifs. Toutefois, la liquidité de certains actifs financiers ne doit pas permettre à certains acteurs économiques peu scrupuleux, de manipuler les marchés en leur faveur [83]. La commission des sanctions propre à l’AMF veille au grain. Comme le rappelle expressément l’Autorité des marchés financiers, un actif financier est qualifié de liquide uniquement lorsqu’il peut être acheté et/ou vendu rapidement sur les marchés financiers, et sans pour autant que cela ait un impact majeur sur sa valeur [84]. Dès lors, en investissant dans des actifs dénués de toute liquidité, c’est à dire quasiment invendables sur les marchés financiers, les hedge funds jouent un rôle non négligeable dans le financement de l’économie de marché. Pour certains, les hedge funds sont « d’utilité sociale » [85]. Certes, ce sont de puissants spéculateurs, qui prennent des risques financiers sur les marchés sur lesquels ils interviennent, mais ils rendent liquides des actifs dont personne ne veut. Ils évitent ainsi à certains cours boursiers de s’effondrer. Les hedge funds sont des rouages essentiels de l’économie de marché tant européenne que mondiale, et contribuent à éloigner un risque systémique entourant certains actifs illiquides.

Le risque systémique, rappelons-le ici, renvoie à un effondrement du système financier tout entier. En l’espèce, ce type de risque se manifeste comme étant une situation dans laquelle le système interbancaire est entièrement paralysé [86]. Cela est dû au fait que les banques détiennent en très grand nombre des actifs devenus illiquides. La faillite de ces banques est alors inévitable car elles sont incapables de faire face à leur passif exigible avec leurs actifs disponibles puisque ces derniers, du fait de leur illiquidité sur les marchés, voient leur valeur s’effondrer. Certes, les hedge funds ont joué un rôle certain dans la crise des subprimes en 2008 en se rendant coupables, au fil des ans, d’une prise de risques bien trop importante et souvent même inconsidérée [87]. Mais désormais cette période est révolue. La réglementation européenne et internationale est bien plus adaptée à l’encadrement de la spéculation financière, écartant au maximum le risque systémique lié.

La directive AIFM et le Dodd-Frank Act ont réformé en profondeur le système financier international, diminuant ainsi la prise de risque des hedge funds et leur attribuant désormais une fonction bien plus salvatrice de l’économie de marché mondiale.

B.2. Risques amoindris.

19. Le principal objectif de la directive AIFM est de mettre en place une coopération entre les différentes autorités de régulation et de surveillance des marchés financiers propres à chaque Etat membre afin d’éloigner tout risque systémique. Dans certains cas énumérés précédemment, la directive UCITS vient renforcer cette prévention du risque systémique. Dorénavant, face à cet ensemble de mesures, le risque systémique engendré par des hedge funds immatriculés de manière offshore, plus précisément dans des paradis fiscaux et juridiques, trouve une sérieuse limite au sein de l’Union européenne. A cela s’ajoutent certaines obligations d’information institutionnelles supplémentaires imposées aux gestionnaires de hedge funds par l’article 6 (1) du règlement Sustainable Finance Disclosure (SFDR) [88]. Ces derniers sont tenus de fournir au sein de la documentation précontractuelle destinée aux investisseurs, une information sur la prise en compte des risques en matière de durabilité et leur impact éventuel sur la rentabilité du produit. Depuis le 30 décembre 2022, en application de l’article 7(1) du règlement dit SFDR, les gestionnaires de hedge funds qui publient des informations institutionnelles sur les incidences négatives dans leur décision d’investissement, doivent désormais indiquer dans les informations précontractuelles si leurs produits prennent en compte les principales incidences négatives et la manière dont ils le font.

Aux Etats-Unis, le Dodd-Franck Act porte des règles de surveillance très proches de celles de la directive AIFM [89]. Celui-ci est une loi votée le 21 juillet 2010. Il expose les gestionnaires de hedge funds disposant d’actifs supérieurs à 150 millions de dollars à des obligations d’information annuelles auprès de l’organisme de contrôle des marchés financiers américain, la Securities and Exchange Commission (SEC) [90]. Ces informations se rapprochent de très près de celles imposées aux gérants de FIA évoluant au sein de l’Union européenne. Elles portent sur la structuration juridique et financière du fonds, sur la nature de ses porteurs de parts, sur les stratégies financières mises en œuvre, ou encore sur le niveau de recours à l’effet de levier et à la vente de titres à découvert [91]. Les gestionnaires de hedge funds dont les actifs atteignent et/ou dépassent les 1,5 milliards de dollars doivent communiquer ces informations trimestriellement, écartant ainsi le risque systémique. La teneur des informations se veut encore plus détaillée [92]. Doivent notamment être communiqués la liquidité des titres de chaque hedge fund géré, les sources de financement de l’effet de levier utilisé ou encore le montant investi dans des produits financiers dérivés [93]. De plus, la règle Volcker, qui est une loi modificative du Dodd-Frank Act portée par l’amendement Merkley-Levin, interdit aux établissements bancaires d’investir les dépôts de leurs clients pour leur propre compte ainsi que d’investir plus de 3 % de leurs capitaux propres dans des hedge funds ou des fonds de capital investissement [94]. Là encore, l’objectif est de limiter la prise de risque des banques américaines afin d’éviter tout nouvel effondrement du système financier traditionnel.

A cela, viennent s’ajouter les évolutions portées par la directive européenne dite MIFID 2 et son entrée en vigueur le 3 janvier 2018 [95]. Le texte prévoit des obligations de transparence et de communication accrues envers les autorités régulatrices de chaque Etat membre [96]. Cela concerne les obligations, les produits financiers structurés, les quotas d’émissions de CO2 ou encore les instruments dérivés. D’étroites dérogations peuvent être accordées mais elles restent très limitées. La directive MIFID 2 contraint également les acteurs des marchés financiers à négocier les actions sur une plate-forme dédiée [97]. L’exécution de gré à gré des actions est dès lors limitée aux transactions non systématiques et peu fréquentes ou encore aux seules transactions exécutées entre professionnels des marchés financiers [98]. Les produits dérivés soumis à l’obligation de compensation centrale et qui sont jugés suffisamment liquides par l’autorité régulatrice européenne, l’ESMA, doivent eux aussi être négociés sur des plates-formes dédiées [99]. Mais les apports de la directive MIFID 2 ne s’arrêtent pas là. Afin d’encadrer un peu plus l’activité des hedge funds, le texte présente des dispositions spécifiques aux produits dérivés fondés sur des matières premières [100]. Par ce biais, les gestionnaires de hedge funds détenant des positions sur ce type de dérivés sont soumis à une obligation de déclaration ainsi qu’à des limites d’investissement [101].

Cet ensemble normatif international semble être le prix à payer par les hedge funds et leurs gestionnaires afin d’éviter la résurgence d’un nouveau risque systémique d’ordre mondial.

Romain Feydel,
Docteur en droit privé
Avocat au barreau de Clermont-Ferrand
Membre du CREOP
https://feydelavocat.fr/

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Notes de l'article:

[1Archimède, Tome 2, Des spirales. De l’équilibre des figures planes. L’Arénaire. La Quadrature de la parabole ; éd. et tr. Charles Mugler. Paris : les Belles Lettres, 1971 (Collection des Universités de France), p. 111.

[2Th GRANIER (dir.), Les fonds d’investissement, Lamy, 2013 ; F.-D. POITRINAL et G. GRUNDELER, Le capital- investissement – Guide juridique et fiscal, RB éd., 2020, n° 50, p. 106

[3I. RIASSETTO et M. STORCK, Les organismes de placement collectif – Tome 2 Les fonds d’investissement alternatifs, Pratique des affaires, Joly éditions, 13 déc. 2022, n° 002 ; Th. BONNEAU, P. PAILLER, A.-C. ROUAUD, A. TEHRANI, R. VABRES, Droit financier, Domat droit privé, LGDJ, 4ème éd., 05 sept. 2023, n° 1378.

[4Voir en ce sens : P. HENAFF, Ph. SABBAH, T. ROULOT, Hedge fund, Tomes 1 à 7, Le Lombard, 2014.

[5F. JOVANOVIC, Finance offshore et paradis fiscaux – Légal ou illégal, Presses de l’Université du Québec, pp.Retour ligne automatique
149 et s.

[6M. DELL’ERBA,The regulation of hedge funds : definition and governance,Thèse, A. PIETRANCOSTA et C.-F. GIAMPAOLINO (dir.), 2015, Université Paris 1, n° 76, p. 81.

[7C. KHAROUBI, Hedge Funds – Une analyse critique, Les essentiels de la banque et de la finance, RB éd., 2016, pp. 24-25.

[8G. MONARCHA et J. TEÏLETCHE, Les hedge funds, Repères - économie, La Découverte éd., 2013, pp. 18- 19.

[9G.-M. HENRY, Qu’est-ce qu’un hedge fund ? éd. Eyrolles, 2008, pp. 49-52.

[10G. MONARCHA et J. TEÏLETCHE, Les hedge funds, Repères - économie, La Découverte éd., 2013, pp. 18-19.

[11V. Infra., n° II -A.1.

[12H. SEMPE, « Hégémonie du deutsche mark et crise de l’Union européenne », LPA 16 nov. 1994, n° PA199413703.

[13D. PORACCHIA et L. MERLAND, « LBO(acquisition avec effet de levier) » Rép. sociétés, Dalloz,2005,n° 2.

[14A. LANDIER-JUGLAR et F. BOMPAIRE, Gestion collective – Gérant et dépositaire face à la maîtrise des risques, Marché financier, RB éd., 2014, p. 87.

[15A. COURET, H. LENABASQUE, M.-L. COQUELET, Th. GRANIER, Droit financier, 3e éd., Dalloz, Précis, 2019, n° 111, p. 62.

[16R. FEYDEL, Le refinancement d’entreprises en difficulté – Contribution à l’optimisation juridique du concept de capital-retournement, Thèse, M. BAYLE et T. LEOBON, (dir.), 2019, Université de Limoges, n° 194, p. 155.

[17Les FIA de capital investissement,les OPCVM et les hedge funds peuvent tous les trois être constitués sur la base de fonds communs de placement (FCP) ou encore de société d’investissement à capital variable (SICAV). En pratique, les FIA de capital investissement et les hedges funds préfèrent souvent opter pour des véhicules d’investissement plus homogènes juridiquement et fiscalement (différents types de sociétés en commandite ou limited partnership).

[18H. CAUSSE, Droit bancaire et financier, D. TRICOT (préf.), Droit privé et sciences criminelles, Mare & Martin, 25 févr. 2016, n° 214, pp. 111-112.

[19G.-M. HENRY, Qu’est-ce qu’un hedge fund ?, éd. Eyrolles, 2008, pp. 49-52.

[20T. BONNEAU et F. DRUMMOND, Droit des marchés financiers, 3e éd., 2010, Corpus droit privé, Economica, n° 126, p. 182.

[21Pour une définition comparative de l’OPC en droit luxembourgeois, v. notamment : C KREMER et I. LEBBE, Organismes de placement collectif et véhicules d’investissement apparentés en droit luxembourgeois, Larcier, 3ème éd., 2014, n° 1 et 3, pp. 23 et 24.

[22CMF., art. L. 214-24, I, 1°.

[23CMF., art. L. 214-24, I, 2°.

[24Directive 2009/65/ CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009, Ch. 1er, art. 1er, 2° a et b.

[25Ibid.

[26BDF, « Hedge funds », ABC de l’économie, nov. 2020.

[27R. FEYDEL, « Les fonds d’investissement alternatifs à la lumière de l’article L. 214-24 du Code monétaire et financier », LPA 5 janv. 2021, n° 157y0, p. 7.

[28Règlement (UE) 2019/2088 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers.

[29AMF, Règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans les services financiers : l’AMF propose une révision ciblée visant à l’insertion de critères minimaux environnementaux, communiqué de presse, 13 février 2023.

[30P. SAYER et M. DEBENTZMANN, Les 100 mots du capital-investissement, Que sais-je ?, puf, 2013,n°10, pp. 15-16.

[31Ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013 modifiant le cadre juridique de la gestion d’actifs.

[32C. LEGALOU et S. WESLEY, Droit anglais des affaires, Précis Domat - Droit privé, LGDJ, 2018, n° 261.

[33CMF. art. L. 214-24, VI.

[34F. JOVANOVIC, Finance offshore et paradis fiscaux – Légal ou illégal, Presses de l’Université du Québec, pp. 149 et s.

[35CMF. art. L. 214-24-8, I et II ; RGAMF, art. 323-23.

[36G.-M. HENRY, Qu’est-ce qu’un hedge fund ?, éd. Eyrolles, 2008, pp. 28-32.

[37CMF. art. L. 214-24, VII.

[38En pratique, le prime broker fournit des financements à court terme afin de permettre la mise en place de l’effet de levier (prêts à taux compétitifs), mais également des prêt d’actions afin de mener les opérations de vente à découvert, et assure le règlement des transactions réalisées par le gestionnaire au nom et pour le compte du hedge fund.

[39CMF. art. L. 214-24, IV.

[40J. MESTRE, H. LECUYER, J. HEINICH, Les pactes d’affaires, juill. 2021, Lextenso, n° 333 et s.

[41I. RIASSETTO et M. STORCK, Les organismes de placement collectif – Tome 2 Les fonds d’investissement alternatifs, Pratique des affaires, Joly éditions, 13 déc. 2022, n° 2971.

[42Il existe les OPCVM ARIA simples (effet de levier 2, c’est-à-dire qu’ils peuvent emprunter deux fois leur actif), les ARIA EL (effet de levier 4), et les OPCVM de fonds alternatifs. Leur caractéristique est qu’ils bénéficient de dérogations concernant les ratios, les mesures et les divisions des risques. Les OPCVM ARIA permettent à des professionnels ou à des particuliers d’accéder à la gestion alternative, et d’investir dans des FIA français ou étrangers dont des hedges funds.

[43J. SCHAFFNER, Droit fiscal international, Regards sur le droit luxembourgeois, Promoculture Larcier, 3ème éd., 2013, n° 681 et s., pp. 962 et s.

[44CMF. art. L. 214-24, II renvoyant à L. 532-9, IV.

[45RGAMF. art. 316-10 à 316-14.

[46AMF,L’AMF publie une étude sur les caractéristiques des fonds d’investissement alternatifs (FIA) gérés par des sociétés de gestion françaises : exposition, risque de liquidité et recours à l’effet de levier, communiqué de presse,23janv.2019,par lequel elle précise que les hedges funds ne représentent que 0,6% des FIA français, et sont pour la majeure partie d’entre eux des FIA par objet.

[47CMF. art. L. 532-9, I ; Instr. AMF n° 2008-03, Procédure d’agrément des sociétés de gestion de portefeuille, obligations d’information et passeport, mise à jour en janv. 2014 ; Instr. AMF n° 2014-01, Programme d’activité obligations des prestataires de services d’investissement et notification de passeport .

[48RGAMF, art. 316-10 à 316-14.

[49CMF. art. L. 532-9, II, 1°.

[50AMF, Directive AIFM : l’AMF publie les 34 accords bilatéraux signés avec des autorités non européennes supervisant les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs, communiqué de presse, 04 janv. 2016.

[51C. KHAROUBI, Hedge Funds – Une analyse critique, Les essentiels de la banque et de la finance, RB éd., 2016, p.41.

[52G.-M. HENRY, Qu’est-ce qu’un hedge fund ?, éd. Eyrolles, 2008, pp. 138-140.

[53Ibid.

[54D. NOUY, « La supervision indirecte des hedge funds », Revue de la stabilité financière, n° 10, avril 2007,p. 10.

[55ECB, « Growth of the Hedge Fund Industry : Financial Stability Issues », Financial Stability Review, Dec. 2004, p.124.

[56AMF, « L’AMF publie une étude sur les caractéristiques des fonds d’investissement alternatifs (FIA) gérés par des sociétés de gestion françaises : exposition, risque de liquidité et recours à l’effet de levier », communiqué de presse, 23 janv. 2019.

[57CMF., art. L. 214-24, II, 4° renvoyant au IV de l’art. L. 532-9.

[58On parle alors d’agrément full. V. en ce sens : R.FEYDEL, « Les fonds d’investissement alternatifs à la lumière de l’article L. 214-24 du code monétaire et financier », LPA 5 janv. 2021, n° 157y0, p. 7.

[59RGAMF. art. 318-38 et s.

[60RGAMF. art. 312-3, I et II 1°.

[61CMF., art. L. 214-24,III,1° renvoyant aux art. L. 214-24-3 à L. 214-24-12 ; RGAMF. art. 323-23-A à 323-41.

[62CMF., art. L. 214-24-19,L. 214-24-20,L. 621-8-4 ; Règlement (UE) n° 2017/1129 du 14 juin 2017, art. 32 ; RGAMF. art. 319-26.

[63CMF.,art.L.214-24-13àL.214-24-18 ;et également leur participation et contrôle de sociétés cotées en bourse ou non : CMF., art. L. 214-24-21 à L. 214-24-23 ; RGAMF. Art. 318-38 et s.

[64CMF., art. L. 214-24-20, V et VI. Le code monétaire et financier prends même le soin de définir lui même l’effet de levier : CMF., art. L. 214-24-20,IV ; la SGP gère scrupuleusement l’effet de levier : RGAMF. art. 318-42.

[65CMF., art. L. 214-24, III,1°.

[66CMF., art. L. 214-24-20, IV

[67CMF., art. L. 214-24, IX renvoyant à L. 214-24-26..

[68CMF., art. L. 214-24, VII, L. 214-24-3 à L. 214-24-12 ; RGAMF. Art. 323-23 à 323-25.

[69CMF., art. L. 214-24-20, V.

[70La directive n° 2014/91/UE du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 modifiant la directive 2009/65/CE portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), pour ce qui est des fonctions de dépositaire, des politiques de rémunération et des sanctions, dite directive OPCVM V, a été publiée au JOUE le 28 août 2014. V. en ce sens : I. RIASSETTO, « Le nouveau régime applicable aux dépositaires issu de la directive OPCVM V », BJB mars 2015, n° 112e0, p. 113.

[71RGAMF. art. 411-20-1, al. 5, 2°.

[72AMF, Instr. DOC-2017-05.

[73Toutefois, les OPCVM à règles d’investissements allégées bénéficient de règles spécifiques : les OPCVM ARIA simples (effet de levier 2, c’est-à-dire qu’ils peuvent emprunter deux fois le montant de leur actif), les ARIA EL (effet de levier 4, qui peuvent emprunter jusqu’à 4 fois le montant de leur actif). Les fonds ARIA sont agréés par l’AMF, ce qui fait d’eux des fonds bien trop encadrés pour constituer un hedge fund.

[74G. MONARCHA et J. TEÏLETCHE, Les hedge funds, Repères, éd. La Découverte, 2013, pp. 80-81.

[75I. RIASSETTO, « Les OPCVM cotés (Exchange-Traded funds - ETFs) à la lumière de la position AMF n° 2013-06 », BJB mai 2013,n°JBB-2013-0090,p.235 ; AMF, communication 24 mars 2017,BJB mars 2017,n° 116u5, p. 93.

[76Les ETF sont constitués sous forme de FIA ou d’OPCVM, et sont, quoi qu’il en soit, cotés en bourse.

[77AMF, « Ce qu’il faut savoir sur les ETF (trackers) avant d’investir », 20 févr. 2023, p. 1.

[78C. KHAROUBI, Hedge Funds– Une analyse critique,Les essentiels de la banque et de la finance, RB éd., 2016, pp. 105-107.

[79AMF, « Ce qu’il faut savoir sur les ETF (trackers) avant d’investir », 20 févr. 2023, p. 2.

[80AMF, Les ETF : « Caractéristiques, état des lieux et analyse des risques – Le cas du marché français », Risques & Tendances, févr. 2017, pp. 3-5.

[81AMF, « Ce qu’il faut savoir sur les ETF (trackers) avant d’investir », 20 févr. 2023, p. 1.

[82H. BOUCHETA, « Shadow banking : menace ou opportunité ? », BJB avril 2016, n° 113g2, p. 171.

[83F. BARRIERE, « La liquidité prise en défaut, source de manipulation », BJB nov. 2023, n° BJB201n8, p. 11.

[84AMF, Placements, que savoir sur la liquidité ?, 12 août 2016, p. 1.

[85C. KHAROUBI, Hedge Funds–Une analyse critique,Les essentiels de la banque et de la finance,RB éd., 2016, pp. 115-116.

[86C. BEGUIN-FAYNEL, « Des risques catastrophiques aux risques planétaires ou systémiques : le particularisme des très grands risques », RGDA sept. 2023, n° RGA201n, p. 53.

[87H.-J.SIBONE, Le traitement des risques de défaillances bancaires,Thèse,P. RUBELLIN (dir.), Université de Poitiers, avril 2023, Lextenso, n° 280.

[88L’ensemble des produits financiers soumis au règlement SFDR sont définis à son article 2(12). Il s’agit des produits de retraite, des PEPP, des portefeuilles sous mandat de gestion et des contrats d’assurance-vie soumis au règlement PRIIPs, mais encore aux OPCVM et FIA (dont les hedge funds constitués comme tels). V. en ce sens : ACPR,« Un pas important pour la finance durable en Europe : les obligations de transparence créées par l’entrée en application du règlement SFDR », Revue de l’ACPR, avril 2021, p. 3.

[89Le Dodd-Frank Act est une loi-cadre américaine votée en 2010 à la suite de la crise bancaire et financière mondiale (2007-2008).

[90SEC, « SEC Issues Substituted Compliance Determination for France », Press release, July 26, 2021.

[91Dodd-Frank Act, Titre IV, Section 404.

[92Dodd-Frank Act, Titre IV, Section 408.

[93Dodd-Frank Act, Titre IV, Section 408.

[94Bank Holding Company Act of 1956, Section 13.

[95Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE.

[96Directive 2014/65/UE, Chapitre II, Section 3, art. 31 et 32.

[97Directive 2014/65/UE, Titre III, art. 44 à 56.

[98N. MOLONEY, Eu securities and financial markets regulation, 3rd éd., Oxford, 2016, IV.7, pp. 366 et s.

[99Directive 2014/65/UE, Préambule, § 4 et Titre III, art. 44 à 56.

[100Directive 2014/65/UE, Titre IV, art. 57.

[101Directive 2014/65/UE, Titre IV, art. 58.

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