Les nouvelles contraintes des intermédiaires en services financiers (CIF, démarcheurs bancaires et financiers, IOB, etc.), par Stéphane Michel, Avocat

Les nouvelles contraintes des intermédiaires en services financiers (CIF, démarcheurs bancaires et financiers, IOB, etc.), par Stéphane Michel, Avocat

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Certes, la loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière, dite loi « RBF », ne présente pas le caractère fascinant du « fourre-tout » législatif constitué par la proposition de loi dite de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, actuellement en cours de travaux parlementaires au Sénat, mais il n’empêche qu’elle aborde et affecte un nombre considérable de domaines du droit.

On lui reconnaitra principalement des vertus dans l’amélioration et/ou la création de pouvoirs et modalités de fonctionnement d’organismes telles que l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) ou l’Autorité de Contrôle Prudentielle (ACP).

A côté de cet aspect très «  institutionnel », la loi RBF affecte concrètement la vie des acteurs économiques, tels que les entreprises ou les professionnels des services financiers. Tel est le cas de son dispositif consacré aux « professionnels financiers » et qui tente d’harmoniser les nombreuses catégories d’intermédiaires financiers (article 36 de la loi RBF).

Le législateur est parti du principe que les formes et catégories d’intermédiaires financiers sont extrêmement (trop ?) diversifiés en France, ces derniers étant par conséquent soumis à des réglementations différentes (voire pour certains à l’absence totale de réglementation…) sur leurs activités, leur contrôle et la commercialisation des produits financiers, ce qui nuit à la lisibilité d’ensemble et à la compréhension de la réglementation qui leur est applicable.

Parmi les nombreux intermédiaires financiers, on relève en effet les « catégories » suivantes :

-  tout simplement, les agents généraux d’assurance, mandataires d’assurance, mandataires d’intermédiaires et courtiers en assurances,

-  bien évidemment, les conseillers en investissements financiers (CIF),

-  les « agents liés » mandatés par les prestataires de services d’investissement (PSI),

-  les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOB),

-  plus largement, l’ensemble des personnes qui se livrent à l’activité de démarchage bancaire et financier,

-  et enfin les conseillers en gestion de patrimoine indépendants.

1. Une immatriculation standardisée pour les intermédiaires en services financiers

Le principe d’une immatriculation sur un registre « unique » des « intermédiaires financiers » est imposé par le législateur, du moins en ce qui concerne les IOB, les CIF et les « agents liés », dans les mêmes conditions que pour les intermédiaires en assurance.

Ce nouveau registre « unique » est par ailleurs l’ « ancien » registre créé pour les besoins des intermédiaires en assurances, à l’article L. 512-1 du Code des assurances et tenu par l’Organisme pour le Registre des Intermédiaires en ASsurance (ORIAS).

L’article L. 546-2 du Code monétaire et financier prévoit les informations que doit fournir toute personne demandant son immatriculation. Les conditions d’immatriculation sont vérifiées par l’ORIAS chaque année au moment du renouvellement de l’immatriculation.

L’ORIAS vérifie le respect des exigences relatives aux professions d’intermédiaires financiers, comme l’honorabilité, la capacité professionnelle et la souscription d’une assurance responsabilité civile lorsqu’elle est nécessaire.

Afin d’éviter l’habituelle « surdité » à la française entre institutions administratives, la loi RBF prévoit des modalités d’échanges d’informations (qui, dans le meilleur des mondes, devraient aller de soi) entre l’ORIAS, l’ACP et l’AMF. A ce titre, chaque année, l’ORIAS devra par conséquent fournir à l’ACP la liste des IOB et des courtiers d’assurance et fournir à l’AMF la liste des CIF.

La loi RBF n’est toutefois pas allée jusqu’au terme de sa logique harmonisatrice, dans la mesure où les conseillers en gestion de patrimoine ne sont (pour l’instant ?) pas assujettis à cette obligation d’immatriculation au registre « unique » des intermédiaires financiers.

2. Le renforcement du contrôle sur les conseillers en investissement financiers (CIF)

Pour être exhaustif, rappelons que le législateur a rassemblé dans la catégorie des CIF les personnes qui se livrent aux très nombreuses activités suivantes :

-  le « conseil » en investissement,

-  le « conseil » portant sur la fourniture de services d’investissement mentionnés à l’article L. 321-1 du Code monétaire et financier (réception et la transmission d’ordres pour le compte de tiers, exécution d’ordres pour le compte de tiers, négociation pour compte propre, gestion de portefeuille pour le compte de tiers, prise ferme, placement garanti et non garanti et exploitation d’un système multilatéral de négociation),

-  le « conseil » portant sur la réalisation d’opérations sur biens divers définis à l’article L. 550-1 du Code monétaire et financier (lequel vise l’activité de toute personne qui, directement ou indirectement, par voie de publicité ou de démarchage, propose à titre habituel à des tiers de souscrire des rentes viagères ou d’acquérir des droits sur des biens mobiliers ou immobiliers lorsque les acquéreurs n’en assurent pas eux-mêmes la gestion ou lorsque le contrat offre une faculté de reprise ou d’échange et la revalorisation du capital investi, de toute personne qui recueille des fonds à cette fin et de toute personne chargée de la gestion desdits biens).

-  la fourniture du service de réception et de transmission d’ordres pour le compte de tiers, dans les conditions et limites fixées par le Règlement Général de l’AMF,

-  l’exercice d’autres activités de « conseil » en gestion de patrimoine,

-  la rédaction de consultations juridiques ou d’actes sous seing privé pour autrui, dans les conditions extrêmement restreintes des articles 54, 55 et 60 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : on ne peut à cet égard que rappeler que l’activité de conseil juridique est soumise à des conditions restrictives, telles que la détention de certains diplômes, la couverture par une assurance souscrite personnellement ou collectivement et garantissant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle, l’existence d’une garantie financière, le respect du secret professionnel, l’absence de conflit d’intérêts, le caractère accessoire de cette activité pour certaines professions, etc.

Pratiquement, l’activité des CIF recouvre deux domaines essentiels, d’une part, le « conseil » en opérations de fusions et acquisitions, en valorisation d’entreprises, etc.) et, d’autre part, le « conseil » en « placements financiers ». Il est évident que la notion de « conseil » est le maître-mot, même si elle est souvent oubliée par les principaux concernés.

Il faut rappeler que les CIF sont d’ores et déjà soumis aux obligations légales suivantes définies aux articles L. 541-2 et suivants du Code monétaire et financier :

-  la souscription d’une assurance en responsabilité civile professionnelle : tout CIF doit en effet être en mesure de justifier à tout moment de l’existence d’un contrat d’assurance le couvrant contre les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile professionnelle, en cas de manquement à ses obligations professionnelles,

-  le respect de conditions d’honorabilité, de compétence ou d’expérience professionnelle,

-  l’encadrement des fonds reçus des clients,

-  et surtout l’obligation d’adhérer à une association représentative elle-même agréée par l’AMF.

Chaque association concernée doit avoir fait approuver par l’AMF les conditions de compétence et le code de bonne conduite auxquels sont soumis leurs membres, dont la loi (article L. 541-4 du Code monétaire et financier) fixe les grands axes.

Les associations agréées de CIF doivent en pratique exercer elles-mêmes un contrôle régulier, sur pièces et sur place, de l’activité de leurs adhérents et peuvent sanctionner leurs manquements.

La loi RBF est venue renforcer plus particulièrement le contrôle des CIF :

(i) pour mémoire, en prévoyant désormais que les CIF doivent être immatriculés sur le registre unique des intermédiaires financier tenu par l’ORIAS (voir ci-dessus) ;

(ii) en plaçant, sous la surveillance de l’AMF, les associations professionnelles de CIF agréées ;

(iii) en permettant à l’AMF de déléguer aux associations agréées de CIF l’exécution des contrôles et enquêtes sur ces professionnels : cette délégation a notamment pour effet de conférer à l’AMF une nouvelle faculté, celle de contrôler, et le cas échéant de sanctionner, les associations professionnelles de CIF qu’elle a agréées, et non plus seulement d’avoir, comme seule possibilité de sanction, que de retirer l’agrément des associations agréées de CIF.

3. L’encadrement du régime des intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOB)

a. Statut et définition des IOB

Pour mémoire, les IOB doivent désormais être également immatriculés sur le registre « unique » des intermédiaires financiers tenu par l’ORIAS (voir ci-dessus).

Cela étant dit, le statut des IOB est reformulé de manière à l’assimiler autant que possible sur les autres statuts d’intermédiaires financiers, en termes notamment d’exigences et de contrôle.

Dans ce cadre, le nouvel article L. 519-1 du Code monétaire et financier, reformulé par la loi RBF, définit l’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement comme « l’activité qui consiste à présenter, proposer ou aider à la conclusion des opérations de banque ou des services de paiement ou à effectuer tous travaux et conseils préparatoires à leur réalisation ».

A ce titre, peut être qualifié d’IOB « toute personne qui exerce, à titre habituel, contre une rémunération ou toute autre forme d’avantage économique, l’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement, sans se porter ducroire », c’est-à-dire sans se porter garant.

Cette dernière définition ne s’applique pas :

-  aux établissements de crédit,

-  aux établissements de paiement,

-  aux personnes physiques salariées d’un établissement de crédit ou d’un établissement de paiement,

-  aux établissements de crédit, aux établissements de paiement et aux personnes physiques salariées d’un établissement de crédit ou d’un établissement de paiement, intervenant en libre prestation de services,

-  aux personnes qui, pratiquant une activité d’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement, répondent à des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat,

-  aux personnes physiques salariées des personnes pratiquant une activité d’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement.

En termes de clarification de ce nouveau statut des IOB, il est prévu qu’un décret en Conseil d’Etat devra préciser les conditions d’application de ce statut et déterminer les catégories de personnes habilitées à exercer une activité d’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement.

Il devra également distinguer les personnes selon la nature des mandats en vertu desquels elles agissent et, notamment, si elles sont soumises ou pas à une obligation contractuelle de travailler exclusivement pour un établissement de crédit ou un établissement de paiement, et selon qu’elles sont en mesure ou pas de se fonder sur une analyse objective du marché.

b. Conditions d’honorabilité et de compétence professionnelle

Les IOB, personnes physiques, qui exercent en leur nom propre, et les personnes qui dirigent, gèrent ou administrent des IOB, personnes morales, et les personnes qui sont membres d’un de leurs organes de contrôle, disposent du pouvoir de signer, pour leur compte, ou sont directement responsables de l’activité d’intermédiation au sein de ces IOB devront remplir des conditions d’honorabilité et de compétence professionnelle fixées par décret en Conseil d’Etat qui tiendra compte notamment de la nature de l’activité exercée par ces personnes.

c. Mandat des IOB

En application de l’article L. 519-2 du Code monétaire et financier, l’IOB devra agir, en vertu d’un mandat, délivré par un ou plusieurs établissements de crédit ou de paiement.

Cependant, par dérogation et dans des conditions fixées par le décret en Conseil d’Etat, l’IOB pourra également agir en vertu d’un mandat délivré par un autre IOB ou par le client.

Le mandat en vertu duquel l’IOB agira devra mentionner la nature et les conditions des opérations qu’il est habilité à accomplir.

d. Assurance de responsabilité civile professionnelle

Lorsqu’il agit pour le compte d’un établissement de crédit, d’un établissement de paiement ou d’un autre intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement, notamment en application d’un mandat qui lui a été délivré, les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle de IOB sont couvertes par la personne pour le compte de laquelle il agit ou par laquelle il est mandaté.

Dans les autres cas, ce dernier doit souscrire un contrat d’assurance le couvrant contre les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile. Les IOB doivent être en mesure de justifier à tout moment leur situation au regard de cette obligation. Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application de cette obligation.

e. Règles de bonnes conduites vis-à-vis des clients

Les IOB sont tenus au respect de règles de bonne conduite fixées par décret en Conseil d’Etat en fonction de la nature de l’activité qu’ils exercent. Ces règles prévoient notamment les obligations à l’égard de leurs clients pour leur bonne information et le respect de leurs intérêts.

Selon l’article L. 519-4-2 du Code monétaire et financier, les IOB doivent, avant la conclusion d’une opération de banque ou d’un service de paiement, fournir à leurs clients des informations relatives notamment à leur identité, à leur immatriculation sur le fichier ainsi que, le cas échéant, à l’existence de liens financiers avec un ou plusieurs établissements de crédit ou de paiement.

Ils doivent enfin indiquer à leurs clients s’ils sont soumis à une obligation contractuelle de travailler exclusivement avec un ou plusieurs établissements de crédit ou de paiement, et ils doivent l’informer que les noms de ces établissements peuvent leur être communiqués, à leur demande.

4. L’encadrement du démarchage bancaire et financier

a. Domaine du démarchage bancaire et financier

Il n’existe pas, à proprement parler de statut du démarcheur bancaire et financier, le démarchage bancaire et financier constituant plus largement une activité elle-même définie, en vertu de l’article L. 341-1 du Code monétaire et financier, comme toute prise de contact non sollicitée, par quelque moyen que ce soit, avec une personne physique ou une personne morale déterminée, en vue d’obtenir, de sa part, un accord sur :

-  la réalisation d’une opération sur les titres financiers (titres de capital émis par les sociétés par actions, titres de créance, à l’exclusion des effets de commerce et des bons de caisse et parts ou actions d’organismes de placement collectif) et les contrats financiers ou « instruments financiers à terme » ;

-  la réalisation d’une opération de banque ou d’une opération connexe ;

-  la fourniture d’un service d’investissement ou d’un service ;

-  la réalisation d’une opération sur biens divers mentionnée à l’article L. 550-1 du Code monétaire et financier (lequel vise l’activité de toute personne qui, directement ou indirectement, par voie de publicité ou de démarchage, propose à titre habituel à des tiers de souscrire des rentes viagères ou d’acquérir des droits sur des biens mobiliers ou immobiliers lorsque les acquéreurs n’en assurent pas eux-mêmes la gestion ou lorsque le contrat offre une faculté de reprise ou d’échange et la revalorisation du capital investi, de toute personne qui recueille des fonds à cette fin et de toute personne chargée de la gestion desdits biens) ;

-  la fourniture d’une prestation de conseil en investissement ;

-  la fourniture d’un service de paiement ;

-  le fait de se rendre physiquement au domicile des personnes, sur leur lieu de travail ou dans les lieux non destinés à la commercialisation de produits, instruments et services financiers, en vue des mêmes fins.

b. Clarification des personnes autorisées à exercer une activité de démarchage bancaire et financier

Selon l’article L. 341-3 du Code monétaire et financier, modifié par la loi RBF, ne peuvent recourir ou se livrer à l’activité de démarchage bancaire ou financier que :

-  les établissements de crédit et de paiement, les entreprises d’investissement et les entreprises d’assurance, les sociétés de capital-risque, les sociétés de gestion d’organismes de placement, ainsi que les établissements et entreprises équivalents agréés dans un autre Etat membre de l’Union européenne et habilités à intervenir sur le territoire français,

-  les entreprises, dans le cadre des dispositifs de l’intéressement, de la participation et de l’épargne salariale (autrement dit les « dividende du travail ») qu’elles proposent à leurs salariés ou à leurs salariés de leurs groupes, ainsi que les personnes morales qu’elles mandatent pour proposer un de ces dispositifs conclus par l’entreprise,

-  les CIF,

-  les IOB,

-  les « agents liés » mandatés par un PSI.

Il ressort de cette nouvelle formulation de l’article L. 341-3 du Code monétaire et financier que :

(i) Les IOB et les « agents liés » ont été ajoutés à la liste des personnes autorisées à recourir ou se livrer à l’activité de démarchage bancaire ou financier,

(ii) La dérogation qui permettait aux démarcheurs de fournir des services d’investissement, sans disposer du statut de CIF est supprimée.

Il en ressort que les démarcheurs bancaires et financiers seront désormais identifiés soit en tant qu’intermédiaires financiers immatriculés (CIF, IOB, agents liés), soit indirectement en tant que mandataire d’un établissement agréé ou d’un intermédiaire lui-même immatriculé.

c. Restriction de l’activité du démarcheur au seul démarchage bancaire et financier effectué pour le compte de son mandant et dans la limite des services et produits pour lesquels celui-ci est agréé

Selon l’article L. 341-4 du Code monétaire et financier, le démarcheur ne peut exercer une activité de démarchage bancaire et financier uniquement pour le compte de son mandant et dans la limite des services, opérations et produits pour lesquels celui-ci est agréé.

Stéphane Michel, Avocat au Barreau de Paris

stephane.michel chez michel-avocats.com

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