Les HF sont actuellement dans le collimateur du législateur américain [1] et la justice américaine se focalise sur ces fonds. L’heure est venue de mettre fin aux comportements abusifs des gérants des fonds spéculatifs qui pour atteindre des performances conséquentes ont recours à des pratiques plus ou moins légales. Les autorités fédérales (SEC) parlent d’une opération « mains propres » et entamèrent ce processus par l’affaire retentissante « Galleon » et l’arrestation du milliardaire Raj Rajartnam qui a déclenché l’arrestation de plus de 22 personnes. Un vent de panique souffle sur les « partners » des hedge funds et on parle ainsi d’une certaine rançon du succès. La justice américaine accuse ces fonds d’user d’informations privilégiées pour orienter les investissements sur des produits qu’ils savent à l’avance prolixes et d’êtres aidés des cabinets de lobbying. Ainsi le fonds du milliardaire Steven Cohen (SAC Capital Advisors) est accusé de telles pratiques depuis que son fonds a été cité lors de l’affaire Galleon.
Cet enchainement d’arrestations et de citations à comparaitre montre la détermination de la justice et du législateur à mettre fin à la distorsion de concurrence dont profitent les HF au détriment des fonds d’investissements classiques soumis à un cadre réglementaire bien plus stricte.
Que sont réellement ces fonds alternatifs ? Quels sont leur modes de fonctionnement et comment peuvent-ils enregistrer de telles performances ?
La vocation principale des HF consistent à générer de la performance parallèlement à celle des marchés.
Le premier fond a été créé en 1949 par Jones aux Etats-Unis. Le mécanisme alors en place consistait à investir dans des titres sous-évalués mais également à vendre des titres à découvert sous évalués. Ces fonds étaient considérés comme « couverts » car censés ne générer que des bénéfices.
Les HF deviennent de plus en plus présents dans les années 60 au travers de gestion emblématique comme celle du Quantum Fund par George Soros et du Tiger Fund par Julian Robertson. Ces deux fonds enregistraient ainsi des performances de plus de 30 % par an.
La faillite du Long Term Capital Managment (LTCM) de 1998 freina l’envolée de ce type d’investissement. Il faudra alors attendre 2003 pour observer un regain d’investissement dans les fonds alternatifs du fait de la baisse d’activité sur les marchés. Toutefois, la crise de 2008 entraina la faillite de nombreux fonds. A titre d’illustrations sur les 11 000 fonds répertoriés en 2007 il n’en restait plus que 7 500 en 2009.
Les cinq plus gros hedge funds sont :
- Brigewater Associates : 38,6 milliards de dollars d’actifs
- JP Morgan AM : 32,9 milliards de dollars d’actifs
- Paulson & Co fondé par John Paulson : 29 milliards de dollars d’actifs
- D.E. Shaw & Co fondé par David Shaw : 28,6 milliards de dollars d’actifs
- Brevan Howard AM : 26,4 milliards de dollars d’actifs
- Boussard & Gavaudan
Autres hedge funds : Soros Fund Management, Man Group, Och-Ziff Capital Mgmt. Group, BlackRock (BGI), Farallon Capital, Baupost Group, Goldman Sachs AM, BlueCrest Capital Mgmt., Canyon Partners, Landsdowne Partners, Renaissance Technologies, Fortress Investment Group, Moore Capital Mgmt., Viking Global Investors, Citadel Investment Group, SAC Capital Advisors, GLG Partners, Tudor Investment Corp.
- LES CARACTERISTIQUES DES HEDGES FUNDS :
De prime abord, il convient de remarquer que ces fonds alternatifs sont caractérisés par un effet de levier important. Ainsi la rentabilité de ce type d’investissement peut donc être particulièrement élevée mais en contrepartie le risque qui s’y rattache est par conséquent augmenté.
Comment peut-on créer un levier ? La méthode la plus connue est de solliciter un prêt bancaire ou bien encore de vendre des actifs à découvert. Le recours à des produits dérivés peut également conduire à un créer un levier. C’est donc par le biais de montage financier complexe qu’un levier important peut s’opérer et par voie de conséquence entrainer un profit élevé.
Il n’en reste pas moins que l’effet de levier demeure fonction de la politique d’investissement du fond. Le levier sera donc plus ou moins élevé selon les produits dans lesquels le fond se spécialise. Ex : fonds exploitant les inefficiences du marché.
En second lieu, les HF se caractérisent par une liquidité réduite. Contrairement aux marchés financiers sur lesquels la valeur des titres se calcule quotidiennement celle des parts des fonds est actualisée irrégulièrement. En ce sens, l’évaluation d’un produit peut être journalière mais également s’effectuer de manière plus dispersée jusqu’à une limite de 2 ans.
De la même manière il est moins aisé de se retirer d’un HF que d’un fonds traditionnel dans la mesure où les dates de retrait sont fixes (trimestrielles + préavis parfois exigé).
Ce manque de liquidité trouve une explication dans les produits que le HF gère. Le plus souvent le HF investit dans des produits qui ne font pas l’objet d’une évaluation quotidienne qui serait trop couteuse.
On peut d’ores et déjà mettre en avant le caractère opaque de ces fonds alternatifs. Il semble alors nécessaire de considérer le fait que ces HF disposent d’un cadre réglementaire peu contraignant. Malgré ce constat, un grand nombre de HF sont domiciliés sur des places off shore dans l’unique dessin d’échapper à ce cadre réglementaire pourtant peu contraignant. Ceci nous pousse à déplorer que l’information des investisseurs est alors mise à mal et dépend donc du bon vouloir des gérants des HF. Les fonds alternatifs localisés dans des places off shore ne sont donc pas soumis aux obligations particulièrement strictes des places européennes en matière d’information sur les risques de ce type d’investissement.
L’investisseur d’un HF spécule ainsi sur les anomalies qui peuvent apparaître sur les marchés. Le placement dans un HF est donc risqué et l’investisseur se doit d’être averti des risques qui y sont attachés.
L’opacité d’un HF est intrinsèque au type d’investissement qu’elle véhicule. La spéculation sur les anomalies ne peut être rendu transparente sinon elle mettrait à mal le profit envisageable. En somme, une culture de la discrétion est intrinsèque au fonctionnement des Hedges Fund.
Le mode de rémunération des gérants de HF est également propre à ces fonds. Celui-ci est particulièrement couteux car il dépend de la performance du fonds lui-même. Ainsi, l’intérêt et de faire coïncider l’intérêt de l’investisseur avec celui du gérant du HF et il est vrai que ce n’est pas toujours le cas sur les marchés financiers. Leur rémunération est ainsi fonction du profit réalisé. Cette condition peut tout de même les conduire à prendre un risque démesuré s’ils s’aperçoivent en fin d’année que leurs propres gains seront faibles. Pour ce faire des clauses contractuelles sont mises en œuvre comme celle du « hurdle rate » qui invite les gérant à constituer une rentabilité minimale.
Techniques spécifiques aux HF :
- Le marché du prêt/emprunt de titres.
Le prêt de titres ressort d’un contrat par lequel le prêteur livre des titres à l’emprunteur, à la charge pour ce dernier de les lui restituer à l’échéance du contrat ou sous un délai de préavis défini à l’avance.
Ce marché du prêt/emprunt voit intervenir en son sein des banques de marchés mais également les primes brokers qui interviennent à titre d’intermédiaires.
- Les outils des hedge funds :
La vente à découvert : il s’agit de vendre des titres que l’on ne détient pas encore, avec l’espoir de les acheter moins cher ultérieurement. Pour ce fait la technique du prêt/emprunt de titres est utilisée.
L’arbitrage : il s’agit d’exploiter les écarts de prix injustifiés, par exemple en achetant des obligations convertibles supposées sous-évaluées tout en vendant à découvert l’action sous-jacente.
La recherche d’un effet de levier : il s’agit d’emprunter du cash pour augmenter la taille effective du portefeuille.
Structure type d’un hedge fund :
Le plus souvent, un HF est constitué sous la forme entrepreneuriale. Il n’est pas rare que la constitution d’un fond soit le fait d’un ancien trader. Ce dernier devient alors « Partner » et détient des parts de la société de gestion. Ils sont associés au fonds et non simplement employés. Ils investissent ainsi une partie de leur fortune personnelle.
Les stratégies des hedge funds :
Le fonctionnement d’un hedge fund est fondé sur la recherche d’un profit minimal élevé.
Pour atteindre ces objectifs, les hedge funds utilisent diverses stratégies :
- la réalisation d’arbitrages, ce qui signifie tirer avantage d’imperfections du marché. Par exemple, cette stratégie peut consister à prendre simultanément des positions à la hausse sur certains actifs, à des positions à la baisse sur d’autres, en se fondant sur des analyses fondamentales, techniques ou statistiques.
- La stratégie macro opportuniste : cela consiste en une tentative de tirer profit des évolutions de l’économie globale, en particulier les évolutions de taux dues aux politiques économiques des gouvernements.
- Stratégie d’investissement sur les marchés émergents, stratégie assez risquée.
Les stratégies directionnelles.
Celles-ci ont pour objet de prendre position sur une évolution du marché ou d’un actif précis.
Tableau comparatif entre les HF et les fonds traditionnels :
Gestion alternative |
Gestion traditionnelle |
Objectif de performance absolue |
Performance dépendante de l’indice |
Faible lien avec les marchés de taux et d’actions |
Lien étroit avec les marchés de taux et d’action |
Effet levier |
Pas d’effet levier |
Investissements opportunistes parfois contraires aux règles du marché |
Investissement dépendant de l’indice de référence |
Faible cadre réglementaire (clientèle avertie) |
Cadre réglementaire contraignant |
Frais de gestion et de performance |
Frais de gestion uniquement |
Faible liquidité |
Liquidité quotidienne |
Faible transparence |
Forte transparence |
- LA REGULATION EUROPEENNE DES HEDGE FUNDS
La régulation des hedge funds un enjeux important :
Un enjeu essentiel réside dans la régulation de certaines formes d’entités financières, qui ont eu un impact majeur dans la crise économique, notamment les hedge funds et les fonds de capital d’investissements. Les fonds spéculatifs géraient encore 2.000 milliards de dollars dans le monde avant la crise financière, un montant tombé l’an dernier à 1.300 milliards. Il suffit de constater le schéma suivant pour comprendre leur évolution croissante et leur part de plus en plus importante dans l’économie.
Les eurodéputés avaient exigé des mesures à l’égard des fonds spéculatifs dès septembre 2008, juste après la faillite de Lehman Brothers, mais le dossier a nécessité des mois de négociations souvent houleuses, marquées notamment par des tensions entre Londres et Paris, mais aussi avec Washington. Les hedge funds font l’objet d’une attention croissante de la part des responsables de la politique monétaire, des intervenants de marché et du grand public en raison de leur croissance rapide et de leur poids significatif, de leur importance en tant que clients des banques et de l’incidence de leurs activités de négociation sur les marchés financiers mondiaux notamment pendant la crise asiatique de 1997 ainsi que la crise mondiale que nous venons de traverser. Dans ce cadre une directive a été votée par le Parlement européen, le 11 novembre 2010. Il convient de comprendre cette nouvelle législation qui va impacter les marchés financiers européens.
Les hedge funds représentant un risque systémique important :
Les hedge funds et plus généralement les fonds spéculatifs ont une méthode d’investissement dite « agressive ». C’est à dire, qu’ils investissent massivement sur les marchés, sur certains types de produits et notamment dans des produits extrêmement risqués en termes de placement. Leurs méthodes reposent sur un taux d’endettement très important, ils investissent quantitativement plus en terme financier, que les capitaux propres dont ils disposent. Pour financer ces investissements, il recourt massivement à l’emprunt. Or le but des fonds spéculatifs c’est de liquider les placements à un meilleur cours qu’ils n’ont été acquis. Toutefois, si le cours des placements s’effondre, comme cela a pu être le cas durant la crise financière de 2008, ils ne peuvent plus rembourser l’établissement bancaire auquel ils ont emprunté. C’est ici que le risque systémique apparaît, car la banque sera directement impactée, si l’ensemble de ses débiteurs sont défaillants. De plus, les banques ainsi que les compagnies d’assurances ont massivement investies dans les hedge funds comme le démontre les chiffres ci dessous datant de 2005. Ainsi, si le hedge fund est amené à disparaître du fait de ses difficultés financières, l’investissement engagé par ces compagnies sera définitivement perdu. Le risque financier se retrouve donc également à ce niveau.
La mis en place d’une régulation européenne des fonds spéculatifs et des fonds dits « alternatif » :
La législation entérinée concerne les fonds spéculatifs, mais aussi tous les fonds dits "alternatifs" (de capital-risque, de private equity...). Cet accord prévoit un renforcement de la protection accordée aux investisseurs européens et une meilleure défense des intérêts économiques de l’Union en renforçant la protection contre le risque systémique.
Tout d’abord, les gestionnaires européens de fonds européens, soumis aux nouveaux standards exigeants de l’Union européenne en matière de transparence et d’informations, pourront librement commercialiser leurs fonds à partir de 2013.
Ensuite, concernant les fonds dits offshore, le passeport ne pourra leur être octroyé qu’en 2015, après un avis de l’European Securities and Markets Authority (ESMA), portant sur les conditions de mise en œuvre de la directive et sur les conditions d’accès des fonds européens aux marchés étrangers. Ainsi, le bénéfice du passeport sera réservé aux fonds offshore relevant d’Etats signataires d’accords de coopération entre superviseurs, de coopération fiscale et en matière de lutte contre le blanchiment. L’ESMA sera par ailleurs chargée d’évaluer d’ici 2015 la réciprocité des règles d’accès des gérants et des fonds européens aux marchés des pays tiers.
La directive apparait sans aucun doute comme un progrès, puisqu’elle régule des fonds qui n’étaient auparavant presque pas encadrés.
« Les principaux éléments figurant dans cette directive AIFM (Alternative Investment Funds Managers) :
Les gérants de fonds sont sous le coup de la directive lorsque leur portefeuille est supérieur à 100 millions d’euros dans le cas des "hedge funds" et de 500 millions dans le cas des groupes de capital-investissement.
Ces gérants devront s’enregistrer auprès de superviseurs nationaux et recevoir une autorisation pour opérer et commercialiser leurs produits dans l’UE. Ils auront ensuite des obligations de transparence vis-à-vis de ces superviseurs.
Le recours à l’effet de levier sera encadré par les superviseurs nationaux et la future autorité européenne des marchés (ESMA), mais ce sont les gérants eux-mêmes qui fixeront une limite à cet effet de levier.
Les rémunérations des gérants seront également encadrées et au moins 40% de leurs rémunérations variables devront être différées dans le temps, pour une période de 3 à 5 ans.
Les gérants, qu’ils soient européens ou de pays tiers, obtiendront une licence paneuropéenne - "passeport européen" - pour vendre ces fonds sur l’ensemble du territoire des Vingt-Sept, sans avoir à solliciter des autorisations pays par pays comme c’est le cas aujourd’hui.
Ce nouveau système n’entrera cependant pas en vigueur immédiatement et une phase de transition en trois étapes a été décidée. Le passeport sera disponible pour les gérants européens dès 2013.
Les gérants de pays tiers y auront accès à partir de 2015 puis, à partir de 2018 disparaîtra le système actuel de "placement privé" par lequel un gérant doit demander une autorisation dans chaque pays dans lequel il veut vendre un fonds.
L’ESMA sera par ailleurs chargée d’évaluer d’ici 2015 la réciprocité des règles d’accès des gérants et des fonds européens aux marchés des pays tiers.
Concernant les groupes de capital-investissement, des règles ont été introduites rendant plus difficiles le "dépeçage" d’une entreprise. »
Enfin, une clause détaillée de révision de la directive a été insérée afin que le texte soit revu d’ici 2017.
une disposition clé pour lutter contre les paradis fiscaux : les fonds spéculatifs situés dans des pays qui n’assurent pas un échange effectif d’informations notamment fiscales ne pourront plus être commercialisés dans l’Union européenne. Un enjeu majeur quand on sait que 80 % des fonds spéculatifs sont situés dans des paradis fiscaux.
Source investir.com
Une directive critiquable :
Toutefois, la directive est critiquable car la régulation européenne se trouve fortement amoindrit par deux éléments. Tout d’abord, le texte final limite le champ de la directive à la commercialisation dite « active » des fonds car rien n’empêchera un investisseur européen (une banque, une compagnie d’assurance, un fonds de pension…) d’acheter des parts de fonds situés hors de l’Union européenne et qui n’auraient pas obtenu le passeport européen pour non-respect des critères de la directive.
Ensuite, de même, la directive ne se donne pas les moyens de contrôler véritablement le levier d’endettement utilisé par les gestionnaires de fonds. Or, c’est bien ce levier qui est à l’origine du risque systémique porté par les fonds spéculatifs. D’où une capacité d’action sur les marchés largement supérieure aux capitaux réellement réunis et un risque, en cas de problème financier, de non remboursement de la dette qui se répercute sur le système bancaire. En vertu de la directive, les gestionnaires de fonds ont maintenant l’obligation de définir un levier d’endettement maximum. C’est un progrès. Cette information est transmise aux autorités nationales du pays européen où le gestionnaire de fonds est enregistré. Mais rien dans la directive n’oblige l’autorité de contrôle nationale à agir lorsque le levier est excessif. Résultat : au lieu d’assurer un cadre régulateur commun, la directive organise potentiellement la concurrence par le bas des autorités nationales. Rien n’empêchera donc les gestionnaires de choisir leur pays d’enregistrement au regard de la bienveillance des autorités nationales sur ce critère-clé.
Enfin, les différences d’interprétation et de normes entre les Etats risquent de poser de grosses difficultés. Notamment avec le Royaume Unis, qui ne reconnaît notamment pas les Iles Jersey comme des territoires non coopératifs. Dès lors, un Hedge fund localisé dans ce territoire pourra obtenir l’agrément par la place londonienne et ensuite investir au travers de ses actifs sur l’ensemble du territoire européen
Ainsi, la directive même si elle apparaît comme un progrès reste toutefois critiquable. Il faudra attendre la transposition au sein de l’ensemble des pays européens pour tirer les conclusions de cette normalisation. La régulation des hedge fund, ce n’est qu’un élément du chantier de la régulation, qui a pour objectif d’être moins orienté vers le court terme et la rentabilité immédiate. Le système doit jouer de nouveau son rôle indispensable de financement de l’entreprenariat, de financement de ceux qui prennent des risques pour créer de la valeur, de la croissance et des emplois et non les spéculateurs.
Master 2 Droit pénal financier Cergy-Pontoise
http://www.m2dpf.fr
[1] Les Echos (article du 23 novembre 2010).