Les autorisations administratives d’exercer des activités privées de sécurité.

Par Laurent Rabbé, Avocat.

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Explorer : # activités privées de sécurité # agrément administratif # autorisation d'exercice # carte professionnelle

Le mercredi 18 octobre 2017, le Président de la République, Emmanuel Macron, a présenté devant les forces de sécurité intérieure son projet de police de la sécurité au quotidien auquel il a indiqué sa volonté d’associer les entreprises de sécurité privées.
Alors que ce marché est en forte croissance du fait d’un contexte sécuritaire qui n’a pas à être rappelé, les autorités administratives qui en connaissent se montrent toujours plus sourcilleuses dans leurs contrôles.
Toutes circonstances qui créent un accroissement sensible de ce contentieux de niche. Ceci justifie de faire le point sur le régime d’autorisation administrative en matière d’exercice d’activités privées de sécurité à la lumière de la jurisprudence la plus récente.

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Les activités privées de sécurité

Les activités privées de sécurité, et leur exercice, sont définies et encadrées par le titre 1er du Livre VI du Code de la sécurité intérieure

Les activités privées de sécurité sont les prestations de services par des personnes privées, physiques ou morales, ayant pour objet :
- La surveillance humaine
- La surveillance par des systèmes électroniques de sécurité
- Le gardiennage de meubles ou d’immeubles
- La sécurité des personnes de trouvant dans ces immeubles
- Le transport et la surveillance de bijoux représentant une valeur supérieure à 100.000 €
- Le transport de fonds (sauf exception)
- Le transport de métaux précieux
- La protection de l’intégrité physique des personnes
- La protection de navires battant pavillon français.

L’exercice de ces activités exclut l’exercice de toute autre activité (sauf éventuellement accessoire comme le transport de biens, objets ou valeurs).

Surtout, l’exercice par une personne privée, physique ou morale, d’une activité de sécurité privée nécessite surtout l’obtention d’un agrément (pour les exploitants individuels ou les dirigeants de société), d’une autorisation d’exercice (pour les établissements) ou d’une carte professionnelle qui sont délivrées par l’administration.

Il existe ainsi plusieurs types d’autorisations administratives d’exercice d’une activité privée de sécurité qui se complètent parfois.

L’agrément pour l’exercice d’une activité de sécurité privée

La personne qui souhaite exercer à titre individuel une activité privée de sécurité, diriger, gérer ou être l’associé d’une personne morale exerçant une telle activité doit être titulaire d’un agrément administratif spécifique.

Parmi les conditions pour bénéficier de cet agrément, il faut :
- Être de nationalité française, d’un état-membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen
- Ne pas avoir de condamnation correctionnelle ou criminelle sur son bulletin n°2 du casier judiciaire, ou dans un document étranger équivalent, pour des motifs incompatibles avec l’exercice des fonctions
- Ne pas avoir fait l’objet d’un arrêté d’expulsion non abrogé ou d’une interdiction du territoire français non entièrement exécutée
- Ne pas exercer l’activité d’agent de recherches privées ou une autre activité incompatible par nature avec l’activité de sécurité privée
- Justifier d’une aptitude professionnelle et, en cas d’utilisation d’un chien, de l’obtention d’une qualification professionnelle

L’agrément est délivré après une enquête administrative de la part des agents des commissions d’agrément et de contrôle territorialement compétentes.

Au niveau local, ce sont les commissions locales ou interrégionales d’agrément et de contrôle (CLAC ou CIAC).

Au niveau national, il s’agit du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS).

Les agents qui sont conduit à consulter les fichiers gérés par les services de police et de gendarmerie nationale dans le cadre de ces enquêtes doivent être spécialement habilités pour le faire (CAA Douai, 13 juillet 2017, n°16DA01646 : annulation d’un refus de renouvellement d’agrément en raison de l’absence d’habilitation de l’agent qui a procédé à l’instruction de la demande ; CAA Paris, 18 avril 2017, n°15PA03437 : idem).

L’agrément peut encore être refusé au demandeur si l’enquête administrative conclut que son comportement ou ses agissements sont contraires à l’honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l’État et sont incompatibles avec l’exercice des fonctions visées.

Après délivrance, l’agrément peut être retiré ou suspendu (en cas d’urgence) tant par le président de la commission locale ou interrégionale d’agrément et de contrôle ainsi que par le représentant de l’État dans le département (Préfet) lorsque le bénéficiaire ne satisfait plus aux conditions pour en bénéficier ou en cas de nécessité tenant à l’ordre public.

L’autorisation d’exercer une activité de sécurité privée

Les exploitants individuels et les personnes morales qui souhaitent exercer une activité privée de sécurité doivent demander une autorisation d’exercice. Celle-ci se cumule donc avec l’agrément précité.

Une autorisation d’exercice doit être demandée pour l’établissement principal et pour chaque établissement secondaire.

L’autorisation d’exercer peut être retirée notamment si son bénéficiaire ne satisfait plus aux conditions pour en bénéficier ou s’il ne remplit plus les conditions pour bénéficier de l’agrément, si celui-ci lui est retiré ou en cas de trouble à l’ordre public (CAA Douai, 13 juillet 2017, n°16DA01646 : annulation d’un refus de renouvellement d’autorisation fondée sur le refus de renouvellement, lui-même illégal, de l’agrément du gérant de la société et d’un trouble à l’ordre public infondé).

L’autorisation d’exercer peut également être suspendue.

La carte professionnelle

Les personnes qui souhaitent être employées ou affectées par une entreprise exerçant une activité privée de sécurité doivent bénéficier d’une autorisation d’exercice qui se matérialise par la délivrance d’une carte professionnelle.

Parmi les conditions pour recevoir la carte professionnelle, il faut :
- Ne pas avoir de condamnation correctionnelle ou criminelle sur son bulletin n°2 du casier judiciaire, ou dans un document étranger équivalent, pour des motifs incompatibles avec l’exercice des fonctions
- Ne pas avoir fait l’objet d’un arrêté d’expulsion non abrogé ou d’une interdiction du territoire français non entièrement exécutée
- Être de nationalité française ou disposer d’un titre de séjour permettant d’exercer une activité en France
- Justifier de son aptitude professionnelle et d’une qualification en cas d’utilisation d’un chien.

La légalité de la décision attaquée est appréciée à la date de la décision (et non pas à la date à laquelle le juge statue).

Le cas échéant, il est ainsi préférable d’initier les procédures visant à l’effacement du B2 le plus tôt possible (CAA Marseille, 21 avril 2017, n°16MA02418 : le refus était fondé sur une condamnation inscrite au B2. Cette mention a été effacée par un arrêt postérieur à la décision du CNAPS. La Cour refuse d’annuler la décision contestée considérant qu’elle était bien-fondée à la date à laquelle elle a été prononcée).

La délivrance de la carte professionnelle intervient après une enquête administrative de la part des agents des commissions d’agrément et de contrôle territorialement compétentes (CLAC ou CIAC).
Ces commissions peuvent refuser de délivrer la carte professionnelle si l’enquête conclut que le comportement du demandeur ou ses agissements sont contraires à l’honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l’État et sont incompatibles avec l’exercice des fonctions susmentionnées.

La circonstance suivant laquelle ces faits n’ont pas donné lieu à une inscription au B2 n’exclut pas ainsi qu’ils fondent un refus (CAA Douai, 7 février 2017, n°15DA01273).

En ce sens, des faits graves et réitérés, même s’ils n’ont pas encore donné lieu à condamnation peuvent justifier un refus de délivrance de carte professionnelle (CAA Marseille, 16 mars 2017, n°16MA0219 : s’agissant d’un demandeur qui avait été condamné une première fois pour violences sur conjoint, ne figurant pas sur le B2, et mis en cause à la date de la demande pour des faits similaires).

A l’inverse, le juge a pu retenir que des faits anciens et isolés, au regard des efforts mis en œuvre par le demandeur pour s’amender, ne justifiaient pas un refus de renouvellement de carte professionnelle (CAA Lyon, 9 février 2017, n°16LY02957 : alors qu’en plus la CIAC avait en l’espèce retenu que le demandeur était mis en cause dans une affaires de violences alors qu’il était en réalité la victime).
La carte professionnelle peut être retirée lorsque son titulaire ne remplit plus les conditions pour en bénéficier ou en cas de non-respect des dispositions relatives à la protection des animaux.

L’autorisation préalable d’accès à une formation professionnelle en vue d’acquérir l’aptitude professionnelle à l’exercice d’une activité privée de sécurité

L’accès à une formation en vue d’acquérir l’aptitude professionnelle nécessite également la délivrance d’une autorisation préalable reprenant les conditions nécessaires pour obtenir une carte professionnelle (CAA Versailles, 9 mai 2017, 15VE01192 : annulation d’un refus d’autorisation préalable d’accès une formation. La CIAC avait retenu contre le demandeur le fait qu’il avait été condamné pour abus de confiance, alors que cette infraction était ponctuelle et qu’elle n’était pas inscrite au B2).

Le contrôle des activités privées de sécurité

Le contrôle des personnes exerçant une activité privée de sécurité est assuré par les agents de police ou de gendarmerie pour le compte du CNAPS et du représentant de l’Etat dans le département (Préfet).

Ils peuvent à ce titre se faire communiquer divers documents (registres et livres prévus par le Code des transports et le Code du transport) ainsi que visiter les locaux dans lesquels sont exercés des activités privées de sécurité.

Le manquement aux lois, règlements et obligations professionnelles et déontologiques applicables aux activités privées de sécurité peut donner lieu à des sanctions disciplinaires que sont l’avertissement, le blâme ou une interdiction d’exercice de l’activité privée de sécurité à titre temporaire pour une durée qui ne peut excéder cinq ans.

Les personnes morales et les personnes physiques non salariées peuvent également se voir infliger des pénalités financières pouvant aller en cas de récidive jusqu’à 5% chiffre d’affaires hors taxes réalisé au cours du dernier exercice clos calculé sur une période de douze mois (CAA Marseille, 13 octobre 2017, n°16MA02883 : la société s’est vue infligée une pénalité de 14.000 € en raison de plusieurs manquements aux règles applicables aux activités privées de sécurité).

Le contentieux des décisions des CLAC, des CIAC et du CNAPS

Les décisions des commissions locales ou interrégionales d’agrément et de contrôle (refus de première demande, refus de renouvellement, retrait) sont susceptibles d’un recours administratif préalable obligatoire devant le Conseil national des activités privées de sécurité dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision.

Les décisions du Conseil national des activités privées de sécurité sont quant à elles susceptibles d’un recours en excès de pouvoir en première instance devant le Tribunal administratif également dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision.

En outre, ces décisions peuvent éventuellement être suspendues, dans l’urgence, par le juge des référés du Tribunal administratif.

Pour conclure, l’attention des intéressés doit être attirée sur le fait que ce régime d’autorisations administratives pour l’exercice d’activités privées de sécurité ne doit pas être confondu avec d’autres régimes d’autorisation ou d’agrément, dont certains connaissent eux-même un contentieux croissant.

Peuvent être cités à ce titre les agréments pour exercer dans certains corps de la fonction publique (notamment police nationale), les agréments pour l’exercice d’une activité d’agent de sûreté aéroportuaire (qui s’ajoute à la carte professionnelle citée plus haut) ou encore les habilitations de sécurité (notamment l’habilitation confidentiel défense), ces exemples ne formant pas une liste exhaustive.

Maître Laurent Rabbé, Avocat au Barreau de Paris
http://www.rabbe.fr/avocat-administratif

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