Pour mémoire, le premier alinéa de l’article L227-16 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 18 septembre 2000, prévoit :
« Dans les conditions qu’ils déterminent, les statuts peuvent prévoir qu’un associé peut être tenu de céder ses actions ».
Le second alinéa de l’article L227-19 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi de simplification du droit des sociétés du 19 juillet 2019 (dite loi SOIHILI) prévoit que :
« Les clauses statutaires mentionnées aux articles L227-14 et L227-16 ne peuvent être adoptées ou modifiées que par une décision prise collectivement par les associés dans les conditions et formes prévues par les statuts ».
Dans cette affaire dont a été saisie le Conseil Constitutionnel le 13 octobre 2022 par la Cour de Cassation (Chambre commerciale, arrêt n°699 du 12 octobre 2022), le requérant reproche aux dispositions du Code de Commerce ci-dessus de permettre qu’un associé soit tenu de céder ses actions en application d’une clause statutaire d’exclusion à laquelle il n’aurait pas consenti.
Selon lui, la privation de propriété qui en résulterait pour l’associé exclu ne serait pas justifiée par une nécessité publique légalement constatée, en méconnaissance des exigences de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.
Toujours selon lui, en tout état de cause, ces dispositions porteraient une atteinte disproportionnée au droit de propriété de l’associé, garanti par l’article 2 de la Déclaration de 1789.
Dans sa décision du 9 décembre 2022 ( n°2022-1029 QPC du 9 décembre 2022) et après avoir précisé que la propriété figure au nombre des droits de l’homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789, le Conseil Constitutionnel a tenu a rappelé que :
En premier lieu, les dispositions de l’article L227-16 et L227-19 du Code de commerce ont pour objet de permettre à une société par actions simplifiée d’exclure un associé en application d’une clause statutaire.
En deuxième lieu, en permettant à une société par actions simplifiée de contraindre un associé à céder ses actions, le législateur a entendu garantir la cohésion de son actionnariat et assurer ainsi la poursuite de son activité.
Il précise qu’il ressort des travaux préparatoires de la loi du 19 juillet 2019 que, en prévoyant que l’adoption ou la modification d’une clause d’exclusion puisse être décidée sans recueillir l’unanimité des associés, il a également entendu éviter les situations de blocage pouvant résulter de l’opposition de l’associé concerné à une telle clause. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d’intérêt général.
En troisième lieu, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de Cassation que la décision d’exclure un associé ne peut être prise qu’à la suite d’une procédure prévue par les statuts. elle doit reposer sur un motif, stipulé par ces statuts, conforme à l’intérêt social et à l’ordre public, et ne pas être abusive.
En quatrième lieu : l’exclusion de l’associé donne lieu au rachat de ses actions à un prix de cession fixé, selon l’article L227-18 du Code de commerce, en application de modalités prévues par les statuts de la société, ou, à défaut, soit par un accord entre les parties, soit par un expert désigné dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du Code civil.
Pour conclure qu’en tout état de cause, la décision d’exclusion peut être contestée par l’associé devant le juge, auquel il revient alors de s’assurer de la réalité et de la gravité du motif retenu. L’associé pouvant également contester le prix de cession de ses actions.
Par cette décision, le Conseil Constitutionnel tranche le débat sur la question de la validité des clauses statutaires d’exclusion dans les sociétés par action simplifiées.