Introduction
Après 1924, Paris s’apprête une nouvelle fois, cent ans plus tard à accueillir les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) en 2024. Malgré l’absence de flamme olympique et de dispositif fiscal spécifique existant pour les médaillés olympiques de l’époque, les JO de 1924 avaient pourtant marqué un tournant par la naissance de plusieurs traditions notables qui n’ont depuis jamais disparu : création du village olympique, levée des drapeaux lors de la cérémonie de clôture ou encore la première couverture radiophonique de l’histoire des JO. Dans un contexte totalement différent, les JOP Paris 2024 viennent officieusement de démarrer le 8 mai 2024 à Marseille avec l’arrivée de la Flamme Olympique et soulève d’ores et déjà dans son sillage, les nombreux défis auxquels la France et ses sportifs devront faire face.
D’un point de vue fiscal, les JOP Paris 2024 s’inscrivent dans la lignée des précédents JO marqués par l’absence d’un statut spécifique d’exonération pour les futurs médaillés olympiques.
Pourtant, jusqu’aux JO 2008 de Pékin, la France appliquait une fiscalité avantageuse en exonérant systématiquement les primes versées aux athlètes français médaillés aux Jeux Olympiques et Paralympiques et ce, depuis 1992 pour les Jeux Olympiques et à compter de 1996 pour les Jeux Paralympiques [1] .
De ce fait, aucun sportif français médaillé des JO n’était jusqu’alors imposé sur les primes perçues, ce qui représentait un manque à gagner pour l’État. Ce n’est qu’à compter des JO 2010 à Vancouver que se substitue au dispositif d’exonération fiscale un principe d’imposition à l’impôt sur le revenu (IR) des primes olympiques, via un système d’imposition étalée sur une période de 6 ans réduite à 4 ans à compter des JO 2020.
Malgré l’entrée en vigueur de ce dispositif facultatif d’étalement, des mesures ponctuelles d’exonération des primes olympiques avaient malgré tout été retenues ponctuellement pour les JO de Rio en 2016 et ceux de PyongChang en 2018.
Dans le cadre des JO de Paris, on peut regretter que le législateur n’ait pas, malgré la hausse des primes olympiques, entendu instaurer à nouveau un principe d’exonération fiscale des revenus directement assurés aux médaillés olympiques.
Ces derniers seront donc soumis à l’impôt en France selon deux modalités distinctes :
- soit en vertu du régime de droit commun applicable aux sportifs professionnels,
- soit, selon un dispositif fiscal spécifique inhérent aux Jeux olympiques.
Dans ce contexte de cohabitation entre les règles fiscales de droit commun et les différents dispositifs propres aux sportifs olympiques, le traitement fiscal des primes versées au cours des JOP 2024 aux sportifs olympiques génèrera certes une imposition de ces revenus, mais permettra également aux bénéficiaires d’envisager une réelle optimisation de ces coûts fiscaux par l’application de plusieurs dispositifs dérogatoires.
I. JO 2024 : Primes versées aux sportifs médaillés olympiques.
Lors des précédents JO à Tokyo (2021) ou Pékin (2022), les primes versées par l’État aux athlètes français médaillés s’élevaient à 65 000€ pour une médaille d’or, 25 000€ pour une médaille d’argent et 15 000€ pour une médaille de bronze.
Pour les JO et Paralympiques Paris 2024, les sportifs et guides français percevront de l’État les primes revalorisées selon la médaille obtenue [2] comme suit :
- 80 000€ (médaille d’or) ;
- 40 000€ (médaille d’argent) et,
- 20 000€ (médaille de bronze).
Les fédérations sportives délégataires auprès desquelles sont licenciés les sportifs et guides percevront également une rétribution pour récompenser l’encadrement de l’équipe de France dans la discipline concernée.
Pour les athlètes participant à des épreuves olympiques en équipe, le montant de la prime est divisé par le nombre d’athlètes et/ou guides récompensés également pour les épreuves d’équipes paralympiques [3].
Pour les athlètes et guides bénéficiaires vivants à l’étranger, les primes versées seront automatiquement minorées d’un prélèvement fiscal à la source de 15% [4] afin de refléter en miroir la fiscalité applicable aux sportifs résidents en France.
La fiscalité des primes versées aux sportifs olympiques médaillés français déprendra en effet de leur lieu de résidence fiscale.
II. JO 2024 : Imposition des primes versées aux sportifs français médaillés.
Pendant les JO 2024, les sportifs français pourront, outre le régime fiscal de droit commun, bénéficier exceptionnellement d’un dispositif d’étalement fiscal spécifique aux JO mais, également d’un dispositif optionnel de lissage, ces deux derniers dispositifs pouvant, le cas échéant, utilement se cumuler.
1. Régime de droit commun : imposition des primes olympiques à l’impôt sur le revenu.
Sur le principe, les primes versées aux sportifs français médaillés pendant les JO Paris 2024 seront imposés au barème progressif de l’IR selon les règles de droit commun applicables aux traitements et salaires (après application de l’abattement de 10% de frais réels) en fonction du niveau de revenu, des tranches habituelles de l’impôt sur le revenu et du quotient familial du foyer fiscal du sportif, conformément aux dispositions de l’article 79 du Code général des impôts (CGI).
Ainsi, les primes olympiques assimilées à des salaires seront imposées au titre de l’impôt sur le revenu 2025 à raison des primes perçues par les athlètes olympiques français au cours de l’année 2024.
2. Un régime dérogatoire d’étalement fiscal sur quatre ans…
Lors des JO 2024, les sportifs français médaillés soumis au régime de droit commun pourront exceptionnellement opter pour un dispositif dérogatoire d’étalement sur quatre ans de l’imposition des primes olympiques perçues dans la catégorie des salaires (codifié à l’art. 163-0 A ter du CGI).
Ce dispositif concerne à la fois les primes versées par l’Etat (i) aux sportifs olympiques et paralympiques ayant obtenu une médaille, (ii) aux guides accompagnant les sportifs paralympiques ayant obtenu une médaille et (iii) par les fédérations sportives délégataires aux personnes ayant participé à l’encadrement de ces sportifs médaillés [5].
Au lieu de faire l’objet d’une imposition unique en 2024, l’étalement permet l’imposition des primes perçues par les athlètes olympiques français par parts égales sur l’année 2024 et les trois années suivantes, à savoir 2025, 2026 et 2027, soit sur une période globale de 4 ans.
Ainsi, un médaillé d’or qui percevrait une prime de 80 000 € en 2024 ne serait plus imposé sur cette somme globale au titre de ses salaires imposables de cette année-là, mais serait autorisé à ne rattacher à ses revenus imposables qu’un montant de 20 000€ annuel au titre de chacune des années couvertes par la période 2024 - 2027, lui permettant soit de réduire sa charge fiscale globale (selon sa tranche d’imposition annuelle), soit d’en lisser l’impact dans le temps.
En pratique, l’option pour ce dispositif devra être expressément formulée par écrit lors du dépôt de la déclaration des revenus de l’année au titre de laquelle le sportif a perçu lesdites primes, l’option étant irrévocable et les primes perçues devront alors forcément être étalées sur quatre années sans possibilité de suspendre les effets fiscaux y afférents [6].
3. … ou une imposition des primes sur le bénéfice moyen généré sur 3 ou 5 ans.
Les sportifs français médaillés des JO 2024 pourront également sur option être soumis au dispositif du « bénéfice moyen » qui autorise à ce que le montant des primes olympiques perçu par les sportifs français médailles soit soumis à l’impôt sur la base d’un revenu égal à la moyenne des revenus générés sur les 3 ou 5 dernières années (art. 84 A et 100 bis CGI), ce qui permet mécaniquement d’atténuer les effets de la progressivité de l’impôt sur le revenu.
L’application de ce dispositif se révèle particulièrement avantageuse notamment dans l’hypothèse où le sportif a perçu de faibles revenus au cours des années précédentes en lui permettant au titre de l’année 2024 de n’être imposé non pas sur le revenu réel généré cette année-là et incluant les primes versées lors des JO 2024 mais, sur son revenu moyen calculé sur les 3 ou 5 dernières années et ainsi de bénéficier d’un revenu global imposable et d’un taux d’imposition plus favorables.
L’application de ce dispositif d’imposition sur la moyenne est toutefois déconseillée dans l’hypothèse où le sportif a perçu des revenus supérieurs au cours des années qui précèdent les JO 2024, au risque sinon de retenir un revenu imposable « moye » en 2024 plus important que s’il avait retenu le seul revenu issu de ses performances olympiques lors de JOP 2024.
En pratique, cette option facultative devra faire l’objet d’une option formelle auprès de l’administration fiscale qui devra être jointe à la déclaration des revenus du sportif olympique [7].
Enfin, et ce n’est pas neutre au plan fiscal, le dispositif d’étalement spécifique aux primes versées lors des JO Paris 2024 visé au point 2 ci-avant pourra être utilement cumulé avec le présent dispositif de lissage par la moyenne des revenus, toutes conditions d’application de ce dernier étant par ailleurs remplies [8] afin d’obtenir un cumul d’avantages fiscaux favorables.
À titre d’exemple, lors des JO Paris 2024, un athlète français célibataire est double médaillé d’or et perçoit donc deux primes de 80 000€, soit un montant total de 160 000€ au titre de l’année 2024 sans, par hypothèse, disposer d’autres revenus par ailleurs.
Sous le régime de droit commun, le sportif médaillé olympique sera imposé à hauteur des primes perçues, soit un montant total de 160 000€ soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu selon les règles de droit commun dans la catégorie des traitements et salaires au titre de l’année 2024.
En ce sens, l’impôt sur le revenu dû par le sportif au titre de ses revenus 2024 s’élèvera à environ 45 000€.En revanche, si le sportif médaillé opte à la fois pour le (i) dispositif d’étalement de ses deux primes olympiques sur 4 ans (soit 160 000€/4 = 40 000€) et le (ii) dispositif de lissage prévu à l’article 84 A du CGI sur la base du revenu moyen généré sur 5 ans, le montant de sa prime olympique de 160 000€ étalée sur 4 ans sera imposée à hauteur de 40 000€ de 2024 à 2027 (soit 36 000€ après l’abattement de 10% au titre des frais réels) et lissée sur la base du bénéfice moyen généré sur 5 ans (N à N-4).
Le revenu imposable du sportif médaillé sera calculé en 2024 et au titre des années suivantes (2025 à 2027) comme suit (en considérant par hypothèse le seul revenu issu des primes olympiques) :
- 2024 : 7 200€ (soit 1/5 36 000€)
- 2025 : 14 400€ (soit 1/5 36 000€ + 36 000€)
- 2026 : 21 600€ (soit 1/5 36 000€ + 36 000€ + 36 000€)
- 2027 : 28 800€ (soit 1/5 36 000€ + 36 000€ + 36 000€ + 36 000€)
En optant pour ces dispositifs, le sportif ne devra s’acquitter d’aucun impôt au titre de ses revenus de 2024 contrairement à l’impôt dû de 45 000€ en cas d’imposition des primes olympiques perçues selon le régime de droit commun.
En conséquence, en optant pour le cumul des deux dispositifs (dispositif d’étalement sur 4 ans et le dispositif de lissage), l’athlète médaillé olympique des JO 2024 ne sera pas imposé au titre de l’année 2024 sur le montant total de sa prime olympique s’élevant à 160 000€ mais uniquement à hauteur de 7 200€ (en retenant pour hypothèse de travail théorique que ledit athlète n’a perçu aucun revenu les années précédentes) puis de manière plus importante les années suivantes sans pour autant atteindre un niveau de revenu imposable comparable à celui qui aurait résulté de l’application des règles de droit commun.
En synthèse, les sportifs français médaillés pourront soit (i) être soumis à l’impôt sur le revenu selon les règles de droit commun (1.1) ou pourront au choix, opter pour le dispositif des JO 2024 d’étalement sur 4 ans des primes perçues ou enfin pour le dispositif de lissage des revenus sur 3 ou 5 ans (1.2) voire, opter pour la combinaison de ces deux dispositifs tel qu’illustré par l’exemple ci-avant.
III. JO 2024 : Imposition des primes versées aux sportifs étrangers médaillés.
En principe, les rémunérations des prestations sportives fournies en France sont imposables en tant que revenus de source française, suivant la législation fiscale française (articles 182 B et 197 A du CGI).
Les rémunérations des sportifs non-résidents sont soumis à une retenue à la source [9] et sont imposables en principe dans les mêmes conditions que les revenus des personnes domiciliées en France, avec toutefois l’application d’un taux minimum d’imposition afin de tenir compte du fait que le barème progressif de l’impôt sur le revenu ne s’applique dans ce cas que sur un revenu partiel (revenu de source française) et non pas sur un revenu global comme pour les contribuables domiciliés fiscalement en France.
Les revenus sportifs imposables en France qui seront perçus par des sportifs français, mais non-résidents fiscaux de France (au sens de l’article 4B du CGI et le cas échéant des conventions fiscales internationales) sont ainsi soumis à une retenue à la source en France non libératoire de l’impôt sur le revenu au taux de 15% (75 % en cas de versements dans un État ou territoires non coopératif [10]) prélevée directement par le débiteur de la rémunération.
Dans le cadre des Jeux Olympiques de 2024, il convient de distinguer deux situations selon que l’on soit en présence d’une convention fiscale internationale conclue entre la France et l’État du sportif concerné (1) ou non (2).
Généralement, les conventions fiscales internationales conclues par la France prévoient que les revenus salariaux sont imposables dans le pays dans lequel l’activité est exercée.
Lorsque le revenu reçu est imposable en France en application du droit interne et de la convention fiscale internationale applicable, le revenu correspondant versé au sportif au titre de ses performances est soumis à une retenue à la source non libératoire d’impôt sur le revenu au taux de 15 % (75 % en présence d’États ou territoires non coopératifs).
En application des dispositions de l’article 29, III de la loi 2022-1726 du 30 décembre 2022, les résidents des États n’ayant pas conclu de convention fiscale avec la France visant à éliminer les situations de double imposition qui participent aux Jeux olympiques ou paralympiques de Paris de 2024 ou à l’organisation de ces Jeux peuvent toutefois bénéficier du dégrèvement de l’impôt étranger afférent aux revenus perçus dans le cadre de cette compétition sportive internationale en France.
La mesure, à caractère exceptionnel, n’est pas codifiée et s’applique au titre de l’imposition des revenus perçus au cours des années 2023 à 2025 dans le cadre de la participation aux JO par voie de réclamation présentée au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la mise en recouvrement/paiement de l’impôt.
Ainsi, le montant du dégrèvement sera égal à l’impôt effectivement acquitté à l’étranger au titre de ces revenus olympique dans la limite de l’impôt sur le revenu français correspondant à ces seuls revenus.
Selon les travaux parlementaires, un dispositif d’exonération spécifique aux non-résidents non couverts par une convention fiscale internationale aurait en effet été juridiquement plus fragile au regard du principe d’égalité devant la loi fiscale, dès lors que les participants aux JO auraient dans ce cas été traités différemment selon qu’ils sont résidents d’un État tiers ayant, ou pas, conclu une convention fiscale avec la France [11].