Nous avions déjà montré dans ces colonnes qu’en intégrant les MARD dans sa pratique professionnelle, l’avocat moderne pourrait modifier sa manière d’être, sa manière de travailler et développer une culture au service d’une justice plus horizontale et à l’écoute des besoins des justiciables (Voir l’article Les MARD : plus que des outils, une nouvelle culture pour les avocats).
Les juridictions se sont déjà engagées dans la promotion des MARD avec, en première ligne, Monsieur Fabrice Vert, Vice-président du Tribunal judiciaire de Paris et Vice-président de la section France du Groupement européen des magistrats pour la médiation (GEMME), qui relaie quotidiennement sur les réseaux sociaux les grandes avancées de l’amiable.
Portée par des universitaires, des magistrats, des avocats et des médiateurs, cette nouvelle culture de l’amiable, qui consiste à faire du justiciable le principal acteur du procès, est aujourd’hui au centre de la politique du ministère de la justice et des juridictions.
Dans les procédures avec représentation par avocat obligatoire, la Cour d’appel de Versailles invite désormais systématiquement les parties à indiquer au magistrat chargé de la mise en état si elles entendent recourir à une médiation ou à une procédure participative.
Les Tribunaux administratifs de Paris et Versailles expérimentent la médiation fléchée, c’est-à-dire orientée vers certains médiateurs référencés.
Au mois de janvier 2023, Monsieur Eric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la justice, annonçait, dans le cadre du plan d’action pour la justice, sa volonté de mettre en œuvre une politique ambitieuse et novatrice de l’amiable [1].
Le 26 mai 2023, il nommait 9 ambassadeurs de l’amiable : 3 magistrats (Madame Valérie Delnaud, Madame Béatrice Rivail et Monsieur Fabrice Vert), 3 avocats (Madame Carine Denoit-Benteux, Monsieur Hirbod Deghani Azar et Monsieur Romain Carayol) et 3 professeurs d’université (Madame Soraya Amrani-Mekki, Madame Nathalie Fricero et Madame Valérie Lasserre) dont la mission consiste notamment à faire connaître les outils de l’amiable et inciter les professionnels judiciaires à les utiliser [2].
Ces ambassadeurs de l’amiable se déplacent actuellement dans toutes les cours d’appel de France pour diffuser la nouvelle culture de l’amiable et favoriser sa mise en place par des actions concrètes telle, par exemple, que l’expérimentation en 2024 avec la Cour d’appel de Bordeaux d’une plateforme de mise en relation avec un conciliateur de justice ou un médiateur dans les contentieux pour lesquels la tentative de règlement amiable préalable est obligatoire.
Le 12 juin 2023 a été créé le Conseil national de la médiation, présidé par Madame Frédérique Agostini, conseillère à la Cour de cassation, qui a pour missions de rendre des avis, des propositions et des recommandations sur l’ensemble des domaines de la médiation, de contribuer à l’amélioration des pratiques de la médiation et d’harmoniser ces pratiques sur le territoire national [3].
Le 28 septembre 2023, lors de la Grande rentrée des avocats, la Chancellerie a annoncé lancer avec le Conseil national des Barreaux une campagne de communication commune destinée à encourager les justiciables à choisir la justice amiable. Cette campagne de communication devrait être ensuite relayée dans les points de justice, les maisons France service, les tribunaux et les cabinets d’avocat.
Outre la publicité faite à la justice amiable, la sensibilisation aux MARD passe par la formation initiale et continue. Les MARD devraient être enseignés dès les premières années dans les facultés de droit, afin de faire partie de la formation des juristes de demain. Le Conseil national des Barreaux réfléchit même à l’opportunité de créer une nouvelle mention de spécialisation relative aux MARD.
Des mesures concrètes ont aussi été prises pour inciter les avocats à engager leurs clients dans la voie amiable. Afin de renforcer l’attractivité économique pour les avocats de l’engagement dans cette voie, la loi de finance pour 2024 pourrait prévoir une revalorisation de l’aide juridictionnelle lorsque le litige se résout par un mode amiable.
Du côté des magistrats, leur engagement dans la politique de l’amiable sera désormais pris en compte dans leur évaluation.
Enfin, sur le rapport du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, le gouvernement a créé deux nouveaux outils, inspirés du modèle québécois, destinés à favoriser le règlement amiable des litiges devant le tribunal judiciaire : l’audience de règlement amiable (ARA) et la césure du procès.
Le décret n° 2023-686 du 29 juillet 2023 portant mesures favorisant le règlement amiable devant le tribunal judiciaire est aujourd’hui applicable aux procédures introduites depuis le 1ᵉʳ novembre 2023.
Le Code de procédure civile s’est ainsi enrichi des articles 774-1 et suivants, relatifs à l’audience de règlement amiable, et des articles 807-1 à 807-3, relatifs à la césure du procès.
La circulaire relative au décret du 29 juillet 2023 a été publiée le 17 octobre 2023.
L’arsenal procédural de l’amiable apparaît ainsi consolidé [4].
Avocat au Barreau de Paris, médiateur, président de la Fédération française des centres de médiation (FFCM) et ambassadeur de l’amiable, Monsieur Romain Carayol a récemment publié un article intitulé « Médiateur et déontologie » qui rappelle les principes fondateurs de la déontologie des médiateurs, principes qui devraient susciter l’intérêt des justiciables pour le recours à la médiation, voire leur engouement pour emprunter la voie de l’amiable plutôt que la voie judiciaire [5].
L’on ne peut que souhaiter une convergence des initiatives des acteurs du monde judiciaire pour bâtir la justice de demain, celle dans laquelle l’aspect émotionnel du conflit sera dépassé par l’appel à la raison et dans laquelle les justiciables seront remis au centre de leur affaire.
Discussion en cours :
Pour completer vos propos, il reste encore plusieurs pistes pour stimuler et accompagner l’ascension de la mediation. En particulier, une mesure visant a ne pas assujettir a la TVA les honoraires de mediation serait la bienvenue. Un signal fort pour les justiciables personnes physiques. Et une facilite pour la facturation des mediations en comediation, accomplies par un mediateur assujetti et un mediateur qui ne l’est pas.
Est-ce dans les tablettes du CNM ?
Pascale HEBACKER, avocat et mediateur